Avec Amélie, nous avons découvert l'histoire de Boucle d'Or et les Trois Ours. A cette occasion nous avons peint de beaux ours pour décorer notre classe, nous avons aussi travaillé sur les tailles petit, moyen et grand. Mais nous avons surtout eu envie de boire nous aussi une bonne soupe !Ne connaissant pas l'adresse des Trois Ours, nous avons décidé de la faire nous même. Nous avons découvert une autre histoire, très amusante, celle de Cornebidouille ! C'est une sorcière qui vient voir un petit garçon car il ne veut pas manger sa soupe. Suite à cela nous avons appris la chanson la soupe de la sorcière de Michel Briant Pour faire notre soupe nous nous sommes demandés ce qu'il y avait dans les soupes. Nous avons donc appris à différencier et à trier les fruits et les légumes. Nous les avons aussi triés par couleurs. Nous avons également découvert les noms de légumes que nous ne connaissions nous avons décidé de faire une soupe verte et une soupe orange nous avons enfilé nos tabliers et nos toques, nous nous sommes armés de nos couteaux et de nos épluches légumes et c'était parti pour une belle matinée en cuisine ! Amélie s'est occupée de la cuisson et nous avons pu déguster nos soupes l'après midi. Miam, Miam !!
MichelBriant La Sorcière : Poj Peeters Leuven Be. Tableau des 30 derniers jours. Une fiche d'activités pour le cycle 2 un florilège d'albums et de petits romans sur les sorcières et les sorciers. Personnaliser le visuel de votre carte si vous le souhaitez. Clip officiel, version karaoké la soupe de la sorcière, chantée par michel
Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 630 on 630Number of pages 630Full noticeTitle Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-MaritimesAuthor Société des lettres, sciences et arts Alpes-Maritimes. Auteur du textePublisher NicePublication date 1887Relationship textType printed serialLanguage frenchLanguage FrenchFormat Nombre total de vues 11477Description 1887Description 1887 T11.Description Collection numérique Fonds régional Provence-Alpes-Côte d'AzurRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k5688674hSource Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-268384Provenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 17/01/2011The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 100%.ANNALES DE LA SOCIETE LETTRES, SCIENCES & ARTS des ALPES-MARITIMES DECLAREE ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE par décret du 25 août 1879 Tome XI NICE IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE MALVANO-MIGNON Rue Giolfredo, 62 et cliez tous les libraires PARIS H. CHAMPION LIBRAIRE-ÉDITEUR CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ 15, Quai Malaquais 1887 SOCIETE DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS DES ALPES-MARITIMES Tous droits réservés ANNALES DE LA SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES & ARTS des ALPES-MARITIM ES DÉCLARÉE ÉTABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE par décret du 25 août 1879 Tome XI NICE IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE MALVANO-MIGNON Rue Giolfredo. 62 et chez tous les libraires PARIS H. CHAMPION LIBRATRE-ÉDITEUR CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ 15, Quai Malaquais 1837 AVIS TRÈS IMPORTANT La Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes laisse aux auteurs des mémoires qu'elle publie toute la responsabilité des opinions qui y sont émises. LA NEMAIDA O SIA LOU TRIONF DAI SACRESTAN POEME NIÇARD DE JOSEPH ROSALINDE RANCHER Nouvelle édition, avec traduction française en regard, notes grammaticales, philologiques et historiques, biographie de l'auteur et Clef authentique des personnages du poème, d'après une liste autographe de Rancher, PAR SARDOU AVERTISSEMENT La première édition de la Nemaïda 1 est de 1823, les exemplaires en sont aujourd'hui à peu près introuvables. Une seconde édition, parue plus de vingt après la mort de l'auteur, a eu pour singulier effet de rendre beaucoup plus désirable l'acquisition, déjà fort problématique, de la première. Par ces motifs et d'autres encore que nous indiquerons ci-après, on a pensé qu'il convenait de publier une troisième édition, mais dans des conditions tout à fait nouvelles. L'édition de 1823, faite par Rancher lui-même, donne le texte orthographié à l'italienne et accompagné seulement de deux notes relatives à MM. de Cessole, ses protecteurs, mais précédé d'une préface où il nous apprend quelle fut l'occasion qui fit naître dans son esprit le projet de son oeuvre, et comment, suivant ses propres expressions, une dispute éphémère entre les marguilliers et les sacristains d'une église offrit pour base d'un poème la pointe d'une aiguille. » Le sujet est en effet des plus simples, et l'auteur, si nous l'en croyons, n'eut pas d'autre but, en composant sa Nemaïda, que celui de détruire un préjugé défavorable au dialecte niçois. Les noms des personnages ont été pris à l'aventure, les caractères sont les fruits de son imagination. 1. Ainsi nommée de Nem héros du poème. 6 AVERTISSEMENT Il n'y a, ajoute-t-il, point d'allusions, point de person nalités, point de caricatures dans mon poème ; et ce serait à tort qu'on voudrait y trouver des applications, quand le sujet est purement idéal. » Mais le public ne fut point dupe de cette précaution oratoire. Les masques étaient si transparents, on reconnut si bien autour de soi les types des caractères dépeints, que le vrai nom de chacun des personnages vint de lui-même à la bouche de tous les lecteurs du nouveau poème on y vit ce que l'humeur satirique de l'auteur y avait mis, et le succès de la Nemaïda. fut complet. Bien qu'il ait perdu aujourd'hui tout son à-propos, ce poème est encore digne d'une attention sérieuse. Sans parler des qualités purement littéraires que de bons juges se plaisent à y reconnaître, il a le double mérite, en premier lieu, de nous offrir un excellent spécimen d'une langue populaire, incorrecte dans bien des cas, par conscience d'auteur qui tient à être exact 1, mais souple, harmonieuse, douce ou rude au besoin, brutale même, et à l'occasion quelque peu salée 2 ; secondement, de mettre sous nos yeux divers tableaux des moeurs d'une époque touchant à la nôtre, et qui semblent appartenir à des temps beaucoup plus éloignés. En effet, depuis le jour où Rancher donna au public sa Nernaïda, il s'est produit à Nice de tels changements de toute nature, que pour les Niçois vivant aujourd'hui, sauf 1. Aussi devra-t-on se garder de le rendre responsable des nombreux accrocs faits à la grammaire dans le cours de son poème. Il aurait pu certes ne pas s'exposer à encourir un pareil reproche ; mais il connaissait trop bien ses concitoyens pour ne pas être certain que cette exactitude a reproduire fidèlement la langue du pays avec tous ses défauts, qui à leurs yeux n'en étaient pas, mais constituaient au contraire un caractère distinctif, serait une garantie infaillible du succès de son oeuvre. Il prévoyait d'ailleurs, et avec raison, que toute tentative de réforme, au double point de vue de la syntaxe et de l'orthographe de cette langue, n'aurait aucune chance d'être favorablement accueillie à une époque où les Niçois, naturellement indolents, s'intéressaient encore moins qu'aujourd'hui à un travail sérieux ayant pour but le perfectionnement de leur idiome. 2. Le provençal, comme le latin, dans les mots brave l'honnêteté. AVERTISSEMENT 7 quelques-uns d'un âge très avancé, ce poème n'est plus qu'une oeuvre vieille de plusieurs siècles, essentiellement niçoise par la forme, c'est-à-dire par la langue, mais presque aussi étrangère, par le fond, que si l'action se fût déroulée jadis sur d'autres rives que celles du Paillon. C'est là un fait que nous avons pu constater plus d'une fois ; et nous avons acquis la certitude qu'un très grand nombre de passages de la Nemaîda, étaient lettre close pour bien des Niçois de la génération actuelle, fort instruits d'ailleurs. Lés allusions que cette oeuvre renferme sont perdues pour eux, divers détails curieux ou piquants leur échappent, les plaisants pseudonymes dont l'auteur a affublé ses personnages ne leur disent absolument rien, la plupart des lieux servant de scène aux faits racontés leur sont tout à fait inconnus combien d'entre eux, par exemple, pourraient-ils dire où se trouvaient les Prés de Cognet, la Fous, l'Arenaire, la Peloua, ? où étaient situés les Montets, le Pontet, la Porte neuve? ce que c'était que l'Homme de bois sur les bastions, etc., etc. Il nous a donc paru qu'un commentaire suffisamment explicatif du texte était de première nécessité; et pour que ce travail eût le plus de valeur possible, nous avons souvent consulté quelques vieux contemporains de Rancher, que nous savions être en mesure de nous fournir des renseignements parfaitement exacts. Nous avons joint à ce commentaire la Clef des personnages qui prennent part à l'action, Clef pour la première fois livrée au public par la presse, et la seule authentique, puisqu'elle nous vient de Rancher lui-même ; enfin, nous avons fait tout ce qu'il était possible de faire pour rendre à l'oeuvre du poète la plus grande partie de l'intérêt qu'elle tirait surtout de circonstances particulières au milieu desquelles il l'avait produite. 8 AVERTISSEMENT Nous devons bon nombre de ces renseignements à nos deux amis MM. Jules Teysseire, membre de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes, et Bottero, archiviste de la Ville, vieux Niçois qui, l'un et l'autre, ont connu particulièrement l'auteur de la Nemaïda. Nous sommes heureux de leur témoigner ici publiquement notre vive reconnaissance. L'oeuvre poétique de Rancher dut subir, dans sa forme écrite, l'orthographe italienne. Nous disons subir, car le niçois n'est pas un patois italien, et l'auteur savait cela mieux que personne ; mais il fut obligé de se conformer à un mauvais usage établi depuis longtemps, et il a plus d'une fois donné à entendre qu'il aurait bien voulu pouvoir faire autrement. Rancher, en effet, dans tout ce qui a trait à la langue niçoise, considère cet idiome comme tout à fait distinct de l'italien et tirant directement son origine de la vieille langue d'oc, illustrée par les Troubadours. Rappelons ce qu'il dit, à ce sujet, dès le début de sa préface Si les langues française et italienne, dérivées de la langue romance, dont le caractère paraît encore vivant dans les dialectes niçard et provençal, ont pris un essor qui les fait distinguer parmi les langues vivantes, il n'y a pas de raison pour croire que celle qui les enfanta ne puisse prendre à son tour un aspect imposant et un caractère. distinctif. » Que peut bien avoir entendu Rancher par cette langue romance dont le caractère paraît encore vivant dans le niçois et le provençal, si ce n'est la vieille langue d'oc elle-même ? A ses yeux, donc, le niçois est un dialecte moderne de cette langue, et il est ici dans le vrai ; mais il cesse d'y être lorsqu'il fait dériver le français et l'italien de cette même langue romance qui, née de la corruption du AVERTISSEMENT 9 . latin et par cette raison appelée aussi latin rustique, aurait été une langue commune à tous les pays ayant fait partie de l'empire romain, et serait devenue la mère de toutes les langues néo-latines parlées aujourd'hui. L'erreur de notre poète fut celle du savant Raynouard, son contemporain; mais à l'époque où ils écrivaient l'un et l'autre, les études philologiques n'avaient pas encore fait de bien grands progrès. La vérité est 1° que le français, l'italien, l'espagnol, le portugais et la langue d'oc sont des langues soeurs, également filles du latin, mais qu'elles se sont formées séparément, chacune d'elles subissant en particulier des altérations plus ou moins grandes, selon les temps et les lieux ; 2° que la langue d'oc n'a pas eu d'autre avantage que celui d'être l'aînée de ces filles, c'est-à-dire d'avoir eu une grammaire et une littérature avant les autres. Voir Littré, Histoire de la langue française. Introduction. Plus d'une fois encore Rancher constate le caractère romano-provençal de l'idiome niçois et son existence propre comme langue différente aussi bien de l'italien que du français. Voici les premières lignes d'un Aperçu sur l'orthographe du patois niçard, qu'il avait cru devoir mettre à la suite de sa Nemaïda 1. La ressemblance du patois niçard avec le provençal, leurs rapports avec la langue romance, formée des débris du latin, et la priorité de date des Troubadours sur les premiers poètes de toutes les langues vivantes, attestent l'antiquité et l'origine du langage vulgaire dont se servent les habitants du comté de Nice. » Plus loin se manifeste de nouveau son opinion touchant l'origine de l'idiome niçois, à propos d'une question assez importante au point de vue de la linguistique, et que nous I. Voir à la fin du poème les Notes détachées. 10 AVERTISSEMENT appellerions volontiers la question des deux u l'u gaulois et l'u latin. On sait en effet que le niçois, de même que les autres dialectes de la langue d'oc et que la langue française, a ces deux sortes d'u le premier qui se prononce comme dans cette phrase tu l'as vu, et qui est inconnu à l'italien ; l'autre, l'u latin, qui se prononce ou, et que nous représentons dans notre langue écrite par ce groupe de deux voyelles, mais que les Italiens figurent simplement par un u. Or, voici ce que dit Rancher au sujet de la fausse diphtongue ou voyelle composée ou ayant la valeur de l'u latin et italien. Il fait d'abord remarquer que l'u latin existait déjà sous la forme ou dans les poésies des Troubadours du treizième siècle et les écrits du quatorzième et du quinzième siècle ; puis il ajoute L'ou était si bien en usage à Nice, que nous savons qu'il y avait l'église de San Recoubre Recuperato en italien, ou Recouvré en français 1 . Cette diphtongue n'est donc point empruntée à la langue française. On doit la croire indigène, ou, si l'on veut, une corruption du latin 8. » La question entrevue par Rancher est assez importante, avons-nous dit en effet, l'existence simultanée des deux sortes d'u dans l'idiome niçois, tandis que l'italien n'a que l'u latin, suffirait pour démontrer que cet idiome n'est ni un patois, ni un dialecte de la langue de si, mais qu'il fait partie du groupe des langues que parlent aujourd'hui les descendants des Gaulois 3. Ainsi, pour Rancher en 1823, comme de nos jours pour 1. Nic. Civ., pag. 183, an. 1248 et seq. 2. Il n'y a point là corruption d'un signe graphique, mais simplement combinaison de signes pour figurer la même émission de voix que les Italiens, la voyelle u nous servant à figurer un son tout à fait différent. 3. On peut à cette preuve ajouter celle du z, qui en niçard a toujours eu la prononciation provençale et française, bien différente de l'italienne. AVERTISSEMENT 11 tout linguiste français, allemand, italien même, l'idiome niçois est un dialecte moderne de la vieille langue d'oc. Certainement ce dialecte présente mais seulement en des points tout à fait secondaires 1 quelques légères différences avec d'autres idiomes dérivés comme lui de la langue des Troubadours ; mais ces différences n'ont pas plus de valeur que celles que l'on peut signaler entre le grassois, par exemple, et le marseillais ; ou entre le marseillais et l'avignonnais. Tous ces idiomes, y compris le niçois, sont du provençal ; tous constituent ce qu'on est convenu d'appeler le dialecte provençal, pour le distinguer du languedocien, et tous ne sont, en réalité, que des sous-dialectes de la même langue. La conformité du niçois avec les autres idiomes de cette langue, dès leur commune origine, existait aussi dans l'écriture l'orthographe était la même et ne ressemblait aucunement à celle de la langue italienne. Nous avons deux ouvrages d'auteurs niçois, imprimés l'un en 1492, l'autre en 1562, où cette orthographe est tout à fait celle des autres dialectes provençaux ; et nul doute que si le comté de Nice n'eût pas été détaché du comté de Provence en 1388, on aurait continué à écrire le niçois comme on l'avait toujours écrit jusque là, et comme on l'écrivit encore durant tout le quinzième et le seizième siècle ; mais, vers le commencement du dix-septième, les Niçois, cédant enfin à l'influence toujours croissante de l'italien, devenu langue officielle sous le gouvernement des ducs de Savoie, crurent devoir substituer à l'orthographe naturelle de leur propre idiome, celle d'une langue réellement étrangère. Les modifications dans le système orthographique 1. Voir Notes détachées. 12 AVERTISSEMENT portèrent principalement sur la valeur phonétique des lettres g, j, et des groupes ch, gli. De tout temps, en Provence comme dans le Languedoc, les lettres g, j ont été figuratives de la chuintante douce dgé gelà, gémi, giba ou gibo ; jamai, Jesu, jouine, jugà. Pour rendre au g précédant les voyelles e, i, le sou. dur qu'il a devant les trois autres voyelles a, o, u, le provençal fit comme le français il plaça un u immédiatement après le g guerra ou guerro, faguet, guidà, guignoun. Lorsque les Niçois abandonnèrent l'orthographe de leurs pères, ils remplacèrent l'ancienne notation gu par la notation purement italienne gh, et les mots que nous venons de citer s'écrivirent ainsi gherra, faghet, ghidà, ghignoun. D'autre part, le j perdit sa qualité de consonne et devint le j italien, c'est-à-dire une véritable voyelle, un i long. Il fallut forcément le remplacer par un g ou par le gi italien, dans tous les mots où il figurait primitivement, tels que jamai, jardin, Jesu, jou, jouine, jugà ; on écrivit donc giamai, giardin, Gesu, giou, giouine, giugà. Rancher constate qu'à Nice le ch, signe de la chuintante forte, se prononçait autrefois à peu près, dit-il, comme dans le français fâché, ainsi que le font encore aujourd'hui les Provençaux et les Languedociens », mais que, dans la suite, on remplaça le ch par les notations italiennes ce, ci, et l'on donna au ch la valeur de la lettre q, comme le font les Italiens. De sorte que, au lieu de charrà, chef, chifrà, pichoun, pounchut, on écrivit ciarrà, cef, cifrà, picioun, pounciut ; et che, cherela, acheta, achi, au lieu de que, querela, aquela, aqui, comme écrivaient les anciens Niçois. Il était impossible, cependant, de remplacer par les notations italiennes ce, ci, le ch sonnant tché à la fin des mots, tels que ceux-ci par exemple dich, fach, liech, AVERTISSEMENT 13 nuech ; on trancha la difficulté par l'emploi du c avec cédille, et l'on écrivit diç, faç, lieç, nueç; ce qui fit que l'on eut deux manières différentes de figurer la même articulation, singularité difficilement acceptable par de vrais grammairiens. Cette bizarrerie aurait dû faire comprendre que le système orthographique de la langue italienne était absolument contraire au génie de l'idiome niçois, dialecte de la langue d'oc, et qu'il fallait lui laisser son orthographe naturelle. Ce n'est pas tout ces fâcheuses innovations eurent encore pour effet d'obliger forcément à l'emploi d'un grand nombre de formes les plus hétéroclites, telles que siel, sent, chinze, chestioun, formes ridicules qui ne viennent ni du latin coelum, centum, quindecim, questio ; ni de la vieille langue d'oc ; ni même de l'italien cielo, cento, quindici, questione, où se voient toujours le c et le q étymologiques. On emprunta aussi à l'italien la notation gli pour figurer le son mouillé que le français donne aux deux ll dans un assez grand nombre de mots fille, famille, Marseille , et que la vieille langue d'oc représentait le plus souvent par le groupe lh filha, familha, Marsilha ; on écrivit donc figlia, famiglia, Marsiglia. Mais cette innovation ne fut pas plus heureuse que les autres ; car il se trouve encore aujourd'hui, dans le niçard, des cas où le gl suivi d'un i s'est absolument refusé à figurer le son mouillé, et en conséquence a gardé toute sa valeur primitive, par exemple le mot glissa, en français glisser, et ses dérivés glissada, glissaire 1. 1. Aujourd'hui les félibres provençaux ont simplement supprimé la lettre l de l'ancienne notation lh, et ils écrivent fiha, famiha, Marsiha, ou fiho, famiho, Marsiho ; en outre, ils considèrent comme tout à fait inutile l'emploi de la lettre h après les diphtongues ai, ei, ui, oui, qui ont par elles-mêmes un son demi-mouillé travaià, muraia ou muraio, abeia ou abeio, buien, granouia ou granouio. Tout cela est parfaitement raisonnable. 14 AVERTISSEMENT Telles sont les modifications qui, dans l'écriture, enlevèrent à l'idiome niçois, non son caractère, mais sa physionomie de dialecte romano-provençal, et qui n'ont pu tromper, sur sa parenté avec d'autres langues, que des personnes fort ignorantes en linguistique et habituées à ne juger que sur l'apparence. Maintenant, nous le demandons à toute personne de bonne foi puisque la langue vulgaire qui se parle à Nice et dans le comté de ce nom est un dialecte de la langue d'oc, est-il raisonnable de continuer à la présenter, quand on l'écrit, sous des formes qui déguisent sa vraie nature et sont l'unique cause que bien des gens étrangers à l'étude comparative des langues dérivées du latin, la qualifient dédaigneusement de méchant patois italien ? Ne vaudrait-il pas mieux lui rendre celles qui la font immédiatement reconnaître comme l'un des modernes rameaux de la plus ancienne langue néo-latine ? La réponse ne nous paraît pas douteuse il faut cesser d'appliquer à l'idiome niçois l'orthographe italienne ; il faut l'écrire avec sa propre orthographe. La proposition a été faite plus d'une fois et peu après l'annexion, par le savant niçois François Todon 1 de revenir au système orthographique qui, ainsi que l'a fort bien reconnu l'un des meilleurs poètes niçois 2, fut celui des Troubadours et de nos pères, avant l'année 1600; 1. François Todon, ancien capitaine de frégate, ancien répétiteur à l'Ecole navale de Gênes. Retiré du service, il rentra à Nice, sa patrie, fixa sa demeure au faubourg de Sainte-Hélène, employa les dernières années de sa vie à l'étude des langues et à la culture de son jardin, et mourut en 1866, à l'âge de soixante-six ans. Il a laissé de nombreuses et très intéressantes notes sur le grand dictionnaire provençal d'Honnorat ; l'une de ces notes, datée de 1863, nous fait connaître en quelques mots son projet de réforme orthographique de l'idiome niçois, réforme trop radicale et par conséquent beaucoup moins pratique que la nôtre ; car son système n'est rien moins qu'un retour pur et simple à la vieille orthographe des Troubadours, sans tenir compte des modifications que le temps a introduites dans la prononciation. 2. Feu Eugène Emanuel. Nous devons y revenir », a-t-il dit dans une déclaration écrite de sa main, et que nous possédons. AVERTISSEMENT 15 mais, jusqu'à présent, c'est en vain qu'on a fait valoir l'importance et l'utilité de cette réforme les Niçois continuent à déprécier leur propre langue par la manière dont ils l'écrivent, et, de plus, à donner ainsi des preuves irrécusables de leur peu de connaissances en linguistique et en grammaire générale. O sainte routine ! Toutefois, ne désespérons pas de l'avenir la raison finit toujours par avoir raison, a dit Voltaire. C'est pourquoi, ayant accepté la mission de préparer une édition nouvelle du poème de Rancher, nous avons fait ce que bien certainement aurait fait de nos jours l'auteur lui-même, ce qu'avait déjà fait avant nous notre éminent poète Frédéric Mistral, qui, dans son grand Dictionnaire Lou Trésor dàu Felibrige, a souvent cité des vers de la Nemaïda nous avons rejeté l'orthographe italienne et repris celle qui appartient à l'idiome dans lequel ce poème a été composé. Cette nouvelle édition, d'ailleurs, n'est pas uniquement destinée aux compatriotes de l'auteur; elle est faite plus particulièrement en vue des gens d'étude, quelle que soit leur nationalité, qui s'intéressent aux travaux de linguistique et de philologie ; et c'est pour cela que nous l'avons accompagnée d'une traduction serrant le texte de très près, ainsi que de nombreuses notes explicatives, afin que le lecteur puisse bien saisir, non seulement le sens général de la phrase, mais aussi la vraie signification de chaque mot 1. A ces personnes, nous n'avons rien à dire de plus que ce qu'elles ont pu lire dans le présent Avertissement ; quant aux Niçois qui, n'ayant pas de parti pris, sont disposés à nous entendre, nous leur rappellerons 1. Une traduction de ce genre offre certainement plus de difficultés qu'une traduction libre et n'a rien de bien littéraire c'est pourtant la seule qu'il convienne d'adopter lorsqu'il s'agit, comme dans le cas présent, de faire un travail ayant principalement pour but de pouvoir servir à l'étude d'une langue. 16 AVERTISSEMENT ici quelques considérations importantes sur lesquelles nous avons déjà appelé leur attention 1, et nous terminerons par un avis très succinct et très clair sur la manière de lire leur propre idiome, orthographié comme il l'était jadis, et comme la raison veut qu'il le soit aujourd'hui. Il faut que l'idiome niçois et sa littérature prennent part, désormais, à la renaissance littéraire de la vieille langue d'oc ; il faut qu'ils soient reconnus et admis par la grande famille qui, sous le nom de Félibrige, unit d'un lien fraternel les poètes de tout pays éclairé par le soleil du Midi provençaux, languedociens, gascons, limousins, dauphinois, catalans même. La voie ouverte par Rancher est aujourd'hui suivie avec succès par plus d'un poète niçois, digne de s'asseoir au banquet où sont conviés les félibres de toutes les régions illustrées jadis par les Troubadours ; mais ils doivent y paraître en qualité de frères et non d'étrangers ; et pour cela, il est absolument nécessaire que la langue de leurs chants ait repris son caractère primitif, sa physionomie naturelle, celle qui constate sa noble origine et qui la fera reconnaître comme une soeur par tous les dialectes méridionaux. Alors, mais seulement alors, la muse niçoise sortira de l'isolement où elle s'est trouvée réduite elle franchira les étroites limites qui l'emprisonnent encore ; elle fera enfin entendre sa voix dans le concert, si retentissant aujourd'hui, où les dignes héritiers des anciens Troubadours font résonner les sons harmonieux de la belle vieille langue d'oc, reparaissant dans tout l'éclat d'une nouvelle et brillante jeunesse. » 2. Exposé d'un système rationnel d'orthographe niçoise. Introduction. AVERTISSEMENT 17 AVIS AU LECTEUR sur la manière de prononcer certaines lettres C et CH. — La consonne c suivie d'une des voyelles e, i doit se prononcer, en niçard, comme dans le mot français ceci, et non à la manière italienne. Le groupe ch représente l'articulation chuintante forte tché, exemple charrà, pichoun, pounchut. On ne devra donc pas lui donner la valeur du ch italien, qui est toujours dans cette langue l'équivalent de la lettre q. G et J. — Ces deux consonnes figurent la chuintante douce dgé ou djé, exemples gelà, gémi, giba ; jamai, Jesu, jouine, jugà. Le j n'a pas d'autre fonction ; il n'a jamais la valeur de l'i long des Italiens. Ou et ou. — Nous avons dit précédemment que ou est une voyelle composée équivalente à l'u latin et italien, et qui se prononce absolument comme l'on français bijou, courage ; quant à ou, c'est une vraie diphtongue sonnant oou, exemples vou, il veut ; pou, il peut ; cou, il faut ; dou jou, du jour. Oi et oi. — Oi est, de même que ou, une voyelle composée que l'on doit prononcer comme dans les mots français moi, quoi, bois, soir, espoir ; mais oi est, aussi bien que ou, une diphtongue faisant entendre à la fois l'o et l'i, comme dans l'italien poi, noi, voi, etc., et comme les Français prononcent certains noms étrangers, tels que Voïvode, Tolstoï nom propre russe . BIOGRAPHIE DE RANCHER JOSEPH-ROSALINDE RANCHER naquit à Nice, dans une maison de la place Vieille, le 20 juillet 1785, et non en 1784, comme l'a dit M. Toselli 1. Il fut le septième de quatorze enfants une de ses soeurs, née longtemps après lui, et que nous avons pu consulter, nous a dit que le futur auteur de la Nemaïda vint au monde deux mois avant terme. Il était si petit, a-t-elle ajouté, que son premier berceau fut un caissetin à bonbons, et si faible, qu'on le crut mort peu après sa naissance. Il faillit même être enterré et ne dut la vie qu'à un léger soupir qu'il poussa au moment où l'on s'apprêtait à le porter en terre dans son petit cercueil entièrement ouvert et parsemé de fleurs, selon le pieux et touchant usage de ce temps-là. » Le père de Rancher était Français et habitait SaintJeannet, petite commune sur la rive droite du Var, canton de Vence, arrondissement de Grasse, département du Var avant l'annexion de Nice à la France, en 1860 ; reçu chirurgien, il vint jeune encore se fixer à Nice, qui, quelques années après, fut réunie à la première République française 1792. 1. Biographie Niçoise. Voici la teneur de son acte de baptême, copié par nous sur les registres de l'église Sainte-Réparate. — 1785. Die vicesima prima julii, Rosalindus Josephus, films domini Josephi Rancher et dominae Theresiae Lioni jugalium Rancher, heri natus, baptisatus est à reverendissimo domino Josepho Sauvaigo, presbytero curae assistente ; patrinis Adrianus Rancher et domina Theresia Rancher, ejus uxor. » BIOGRAPHIE DE RANCHER 19 Une Ecole secondaire de médecine ayant été fondée dans cette ville, M. Rancher père y fut nommé professeur de chirurgie. Son fils avait montré de bonne heure une intelligence remarquable. Après les premières études élémentaires de l'enfant, faites à Nice, M. Rancher le présenta, à l'âge de douze ans, au collège de Marseille on raconte que le jeune Rancher, admis dans ce collège à la suite d'un brillant examen, adressa à ses examinateurs un remerciement en vers, qui fit bien augurer de son avenir littéraire. Ses études terminées, il fut envoyé à Arezzo, en Toscane, auprès d'une de ses soeurs, qui lui procura un emploi dans l'administration des contributions directes ; la Toscane était alors, comme tout le nord de l'Italie, sous la domination française. D'Arezzo, où quelques vers de sa composition l'avaient fait recevoir membre de l'Académie de Pétrarque, notre jeune bureaucrate passa à la direction de Florence, puis à celle d'Alassio, petite ville de la Rivière de Gênes ; et la chute de l'empire français, en 1814, lui ayant fait perdre son emploi, il revint à Nice, qui, cette même année, avait été rendue au roi de Sardaigne. Rentré dans sa famille, Rancher eut l'idée de suivre la carrière du barreau et se mit à l'étude du droit ; mais le gouverneur de la ville, M. le comte de Saluées 1, qui avait su apprécier le savoir et le mérite de l'homme, le fit renoncer à son dessein et l'attacha a sa personne, en qualité de secrétaire particulier. Peu de temps après, par la haute protection du comte de Cessole, président du Sénat de Nice, Rancher obtint l'emploi de sous-secrétaire au Tribunal de commerce, fonctions qu'il remplit jusqu'à sa mort 11 juillet 1843 . 1. Gouverneur de Nice en 1820 jusqu'en 1822. 20 BIOGRAPHIE DE RANCHER Le pauvre scribe se délassait de son fastidieux travail de bureau par un entretien constant avec les muses. Il lut et relut les chefs-d'oeuvre littéraires de tous les temps et de tous les pays, et se plut à rimer, soit en français, soit en niçard, de petites pièces fugitives, ainsi que des chansons, dont parfois il composait lui-même les airs ; car il était bon musicien, jouait bien du violon et fut longtemps chargé de faire la partie d'alto à l'orchestre du Théâtre italien. Ses premiers essais poétiques avaient été bien accueillis de ses concitoyens, et plus particulièrement ses chansons niçardes, devenues bientôt populaires. Cet idiome niçois, sa langue maternelle, ce prétendu patois, auquel il devait ses meilleurs succès, attira toute son attention ; et il fit alors ce qu'aucun Niçois n'avait eu l'idée de faire avant lui il se demanda ce que pouvait bien être, ce qu'était en réalité ce langage qui persistait à être exclusivement usité chez les populations de Nice et de tout le comté, malgré la pression exercée durant plusieurs siècles par la langue officielle d'un gouvernement italien ; et guidé par les travaux de Raynouard, avec lequel il se mit en correspondance, il étudia l'idiome niçois dans ses origines et dans ses rapports avec les autres langues néo-latines. Ayant remonté ainsi jusqu'à la brillante époque des Troubadours, il n'eut pas de peine à reconnaître que la langue vulgaire parlée à Nice de Provence, comme disait toujours et avec raison la chancellerie des ducs de Savoie, était tout simplement un dialecte moderne de la vieille langue d'oc, dite aussi langue provençale ou limousine. Dès ce moment, le niçard lui apparut comme une vraie langue, ayant, de même que toute autre langue, des qualités suffisantes pour donner naissance à une littérature digne de ce nom. Combattu sur ce point par des personnes d'un talent qu'il était le premier à reconnaître, mais qui BIOGRAPHIE DE RANCHER 21 n'avaient pas fait les mêmes études que lui sur l'objet de leurs discussions; et mis enfin en demeure de prouver son dire par des faits, il composa sa Nemaïda. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit dans notre Avertissement touchant ce poème, et sur ce qu'il en a dit lui-même dans sa préface ; nous ferons seulement remarquer que, en raison de ses études sur la langue d'oc et les divers dialectes modernes de cette langue, aussi bien que par la composition de sa Nemaïda, conséquence heureuse de ces études, Rancher mérite d'être considéré comme l'un des plus dignes précurseurs des premiers félibres d'Avignon, ces favoris de la muse provençale, qui ont créé une nouvelle littérature dans le midi de la France. La publication de la Nemaïda mit le sceau à la réputation de notre poète ; mais elle fut pour lui une source de désagréments et d'ennuis tous ceux qui se crurent atteints par sa verve railleuse furent longtemps à le lui pardonner. Il s'en est plaint amèrement dans un autre poème en huit chants, intitulé La Mouostra raubada La Montre volée . Cette oeuvre, encore inédite, est en la possession de M. Malausséna, ainsi que plusieurs autres de moindre importance, composées par Rancher à diverses époques de sa vie. Il publia, en 1826, un Guide des Etrangers à Nice, accompagné d'un plan de la ville et de ses environs dressé par lui. La même année, le roi Charles-Félix et la reine Marie-Christine vinrent à Nice ; ils furent accueillis par des fêtes superbes et accablés de compliments en italien, en niçard et même en français. Rancher, employé de la Ville, ne pouvait se dispenser de faire le sien il le fit en cette dernière langue ; son compliment parut imprimé par ordre, en 1826, ainsi que tous les autres. Le roi Charles-Félix revint à Nice avec la reine, trois ans 22 BIOGRAPHIE DE RANCHER après. C'est alors et non en 1826, comme l'a dit que Rancher fit jouer un à-propos dont voici le titre exact Les Bergers des Alpes-Maritimes, vaudeville en un acte, représenté devant LL. MM. le roi Charles-Félix et la reine Marie-Christine, au Théâtre royal de Nice, le 26 décembre 1829. Paroles de M. Joseph-Rosalinde Rancher de Nice, écrivain au Suprême Magistrat du Consulat, musique de Messieurs Philippe Oddi et Caïetan Sicard. Nice, 1829. De l'imprimerie de la Société typographique. Avec permission. » — Le titre Les Bergers des Alpes-Maritimes est reproduit avant la scène première, avec ce sous-titre Fête champêtre. La pièce est en français ; il y a un jeune paysan niçois, nommé Rigaud, qui parle le patois des paysans de Molière Jarnigué, ste fille-là, all'est pire qu'une biche... alle fuit toujours, et plus je faisons pour plaire à ste cruelle, et moins je touchons ce coeur de roche. » Cette oeuvre, toute de circonstance et faite sans doute sur commande, est un simple intermède sans action dramatique. Le bailli d'un village de la montagne rassemble les bergers et les bergères de son canton pour célébrer la présence à Nice du roi et de la reine ; tout ce monde témoigne l'immense bonheur que lui cause ce grand événement on chante les vertus de Leurs Majestés, on se trémousse, on danse ; et, dans l'excès de sa joie, M. le bailli consent enfin au mariage de sa nièce Cloris avec son amoureux le berger Tircis, qu'elle voulait absolument avoir pour mari. — C'est tout. Une pareille élucubration ne méritait vraiment pas les honneurs de l'impression ; mais peut-être fut-elle livrée au typographe par ordre de l'autorité supérieure. Quoi qu'il en soit, Rancher fut singulièrement récompensé de sa peine et du zèle qu'il avait montré en cette occurrence. BIOGRAPHIE DE RANCHER 23 Voici comment, à ce que rapporte M. Toselli en son style infiniment peu châtié Au moment où les villageois en choeur devaient rendre hommage à LL. MM., Rancher fit entrer en scène son neveu, enfant de neuf ans, habillé aussi en villageois, qui joua un petit concert sur le violon, qui amusa assez LL. MM. — Le gouverneur de la ville, qui n'avait pas été prévenu de cette partie du programme, en fut furieux, et le lendemain il fit mettre Nino Rancher 1 en. prison; il est vrai qu'il n'y resta que deux heures;, car ses amis intervinrent aussitôt et le firent sortir ; mais le soir il s'obstina à ne pas aller au théâtre, et peu s'en fallut que la représentation, où devaient encore assister LL. MM., ne manquât par sa faute. — Il fit à cette occasion, contre ce gouverneur, une chanson très satirique et burlesque tout à la fois, qui devint très populaire à Nice. » Le gouverneur qui donna, ce jour-là, une si belle preuve de sa sottise, s'appelait le comte de Faverges. Des personnes qui l'ont bien connu m'ont assuré qu'on le voyait ivre les trois quarts du temps. Aux oeuvres de Rancher que nous avons citées précédemment, il faut ajouter un recueil de romances avec musique, la plupart inédites ; un volume de fables en niçard, dont six ont été publiées, l'une par nous à la fin de notre Exposé d'un système rationnel d'orthographe niçoise, cette même fable et les cinq autres dans le journal la France Méridionale de juillet et août 1882, et enfin une pièce de 114 vers intitulée l'Estocafic à la branlada, qu'il fit imprimer en 1838, cinq ans avant sa mort. La première des six fables dont nous venons de parler a pour titre Lou Grihet e lou Lapin le Criquet et le Lapin; 1. Ce mot de Nino était un diminutif de son nom qu'on lui donnait en famille, et ses connaissances l'employaient comme terme d'amitié. » Toselli. 24 BIOGRAPHIE DE RANCHER elle est fort jolie et révèle chez l'auteur un vrai talent de fabuliste. On a donné le nom de Rancher à une des rues de la ville c'est bien, mais on pourrait faire plus et mieux encore. Parmi les diverses compositions de notre poète qui reposent toujours inédites dans les cartons de quelques personnes, il en est certainement plusieurs d'une valeur réelle. Il serait à désirer que leurs possesseurs les missent à la disposition d'une Commission nommée par la Ville pour choisir celles qui seraient reconnues dignes d'être offertes au public. Ce serait là un hommage bien dû à la mémoire d'un écrivain niçois qui, le premier, a rendu à l'idiome de son pays, dédaigneusement qualifié de patois par des ignorants, son caractère de langue littéraire, qu'il avait perdu depuis Raymond Féraud, Blacas, Bertrand du Puget, Guillaume Boyer et autres célèbres troubadours de l'ancien comté de Nice. PREFACE DE L'AUTEUR Des hommes recommandables par leurs lumières ont pensé que les dialectes dont se servent les populations de diverses provinces ne sont pas susceptibles de la souplesse et de l'énergie que l'on trouve dans les chefs-d'oeuvre des langues adoptées en Europe. Je rends hommage à leur doctrine, mais je ne puis partager leur opinion à l'égard de notre idiome. Si en prose comme en poésie l'Allemagne, l'Espagne, l'Angleterre, et surtout la France et l'Italie nous offrent des modèles en tout genre ; si les langues française et italienne, dérivées dé la langue romance, dont le caractère paraît encore vivantdans les dialectes niçard et provençal, ont pris un essor qui les fait distinguer parmi les langues vivantes, il n'y a pas de raison pour croire que celle qui les enfanta ne puisse prendre à son tour un aspect imposant et un caractère distinctif. Les langues française et italienne sont des langues d'emprunt pour la plupart des provinces qui composent l'Italie et la France. L'idiome dont se servent presque toutes les familles, même les plus remarquables, dans le sein du ménage, n'a qu'une très faible ressemblance, avec la langue dont on doit faire usage ; et l'enfant qui commence à manifester sa pensée et qui va recevoir les premières impressions de morale et de religion, source de 26 PREFACE DE L AUTEUR sagesse et de vertu, trouve souvent au-delà de sa portée les écrits qui les lui retracent. En effet, combien de jeunes enfants récitent, sans en comprendre la morale, les belles fables du bon La Fontaine, tandis qu'ils en retireraient le plus grand fruit, si elles étaient écrites en langue vulgaire. Il n'est pas de langage qui, comme celui des nourrices, puisse mieux inculquer les objets qui doivent naître pour ainsi dire avec nos pensées aussi, l'Eglise, toujours infaillible dans ses principes et dans ses vérités évangéliques, a-t-elle choisi l'idiome du pays pour imprimer dans le coeur et l'esprit de la plus tendre jeunesse les dogmes sacrés de la Révélation 1. S'il est dans la chrétienté une époque marquée par la joie et le bonheur, c'est sans doute la naissance du Sauveur. C'est dans ce jour solennisé par tous les peuples chrétiens, que le pâtre, dans ses noëls, chante les bienfaits du Rédempteur ; il n'emprunte point un langage qu'il est hors d'état de comprendre ; chaumières, villages, capitales, tout retentit des accents que fait entendre le langage du coeur c'est partout le dialecte du lieu qui exprime les sentiments d'amour, de vénération et de reconnaissance. Tels sont les motifs qui m'ont engagé à donner une faible esquisse d'un dialecte qui, mal à propos peut-être, fut négligé pour faire place aux langues qui se sont généralisées en Europe. Après avoir publié quelques pièces fugitives en niçard et reconnu, par l'accueil favorable qu'elles ont généralement I. On remarquera l'insistance avec laquelle Rancher affirme, dans ce paragraphe et le suivant, l'orthodoxie de ses sentiments religieux. La précaution n'était pas inutile à une époque où le clergé était tout-puissant dans les Etats du roi de Sardaigne, et pour un poème où l'auteur met en scène et ridiculise quelque peu des gens d'église. Le lecteur reconnaîtra de lui-même, dans cette partie de la préface, certaines phrases qui semblent bien avoir été dictées à Rancher par les censeurs ecclésiastiques, sans la permission desquels rien alors ne pouvait s'imprimer à Nice SARDOU. PREFACE DE L AUTEUR 27 reçu dans les différentes classes de la société, que mes concitoyens n'étaient pas insensibles aux grâces de cet idiome, j'ai cédé aux vives instances de quelques personnes non moins recommandables par leurs talents que par ces rares qualités qui constituent l'homme de bien, pour composer un poème héroï-comique dans notre dialecte j'ai cru devoir adopter de préférence ce genre de poésie pour détruire la prévention erronée de ceux qui ont pensé que ce dialecte n'était pas propre à peindre d'une manière convenable les grands sentiments et les fortes passions. Si j'ai mal réussi, je désire que d'autres qui, comme moi, auront le coeur pénétré du plus ardent amour de la patrie, prouvent, d'une manière plus solide, ce que mon intime conviction me met en droit d'avancer. Un sujet fut demandé, les circonstances le présentèrent. Une dispute éphémère entre les marguilliers et les sacristains d'une église, une dispute fondée sur un rien, sans consistance et sans suite, offrit pour base d'un poème la pointe d'une aiguille ; il fallut la prendre, et l'imagination se chargea des frais de la bâtisse. Pour introduire des acteurs on chercha des noms à l'aventure ; il fallut donner des caractères et créer une action. Point d'allusions, point de personnalités, point de caricatures dans mon poème ; et ce serait à tort qu'on voudrait y trouver des applications, quand le sujet est purement idéal. Il me suffit de faire ici cette protestation, dictée par la sincérité même, pour que les personnes sensées, honnêtes et éclairées prennent ma défense, si parfois l'envie et la méchanceté voulaient m'atteindre. L'un des chefs-d'oeuvre de l'Horace français, élevé sur les mêmes fondements et avec des matériaux semblables, n'éveilla l'humeur d'aucune personne raisonnable. 28 PREFACE DE L AUTEUR L'unique but que je me suis proposé, c'est de donner à mes compatriotes une production nationale où l'on puisse reconnaître nos moeurs, nos habitudes et les localités du pays. Dans la peinture des moeurs, je suis descendu à la classe populaire, pour prendre le ton convenable à un poème burlesque. Pour caractériser les personnages du poème, je n'ai consulté que mon coeur, et j'ai eu soin surtout de ne pas oublier, dans la peinture des localités, celle de Cimiés, si remarquable par son aménité, ses antiques monuments et les nobles souvenirs qu'elle rappelle. Si j'ai réussi dans l'essai que j'offre au public, mes concitoyens me sauront gré, peut-être, d'avoir composé ce poème. Si j'ai succombé dans mon entreprise, je ne dois point m'alarmer ; car le fleuve du Léthé, que la prose et les vers grossissent tous les jours, pourra encore, sans danger, rouler les miens dans son onde et les plonger dans un éternel oubli. RANCHER. NOTE IMPORTANTE RELATIVE AUX ÉPIGRAPHES DE XA PREMIÈRE ÉDITION REMARQUE. — La page du titre est ornée des deux épigraphes suivantes, ainsi disposées Un trait comique, une vive saillie, Marqués au coin de l'aimable folie, Consolent mieux qu'une froide oraison, Que prêche en vain l'ennuyeuse raison.. Venons au fait; honni qui mal y pense. GRESSET. Nec quisquam est illustrium Poetarum, qui non aliquid operibus suis stilo remissiore proeluserit. Quid? quod hoec serum erat continere .... STATIUS. — Les vers de Gresset sont tirés du Lutrin vivant vers 18 à 21 et v. 26; l'épigraphe empruntée à Stace est un fragment incomplet de l'épître dédicatoire adressée à Stella, qui est placée en tête du premier livre des Silves. On peut traduire ainsi ce fragment Et il n'est,pas un poète célèbre qui n'ait préludé à ses ouvrages en laissant parfois errer sa plume à l'abandon. D'ailleurs il était trop tard pour retenir ces choses. » Les épigraphes latines que Rancher a mises en tête de chacun des chants de son poème ne portent pas d'autre indication que celle du nom des auteurs auxquels il les a empruntées, et cette indication n'est pas toujours exacte. Nous avons cité l'ouvrage et le lieu d'où chaque épigraphe a été tirée; nous avons fait les rectifications nécessaires relativement aux noms d'auteurs ; les épigraphes du 3me et du 4me chant, attribuées à tort à Stace, ont chacune exigé une note particulière; et enfin, pour les deux derniers chants, nous avons rétabli en note le vrai texte, altéré par Rancher probablement parce qu'il l'avait cité de mémoire. LA NEMAÏDA CANT PREMIER Non Helicona gravi pulsat chelys enthea plectro Alios poscunt mea carmina coetus. STATIUS, Sylv. lib. I. V. v. 1 et 5. ARGUMEN Introducioun au poëma. — Idea dai 1 principal poëta epico. — Evocacioun de la Musa. — Lou Pegase dau 2 poëta. — Oumage au Proutetour de l'ouvrage. — Pintura dau ciel de Niça. — Amour de Lubin e Courina. — Revei de l'Envidia siéu pourtret, siéu lamenta. — Souona tres furia au siéu secours la Discordia, la Calonnia e lIpoucrisia ; li fa un discours ; chanjon de figura e s'en van. — Eloge d'un aë. Ben de gen mi diran Que sota vanità ! Emb'ai 3 siéu cant, aquéu si cres de n'encantà. Perqué n'a fach toui rire en assemblant doui rima, Pensa de l'Elicoun estre soubre la cima, 5 E qu'un poëma enfin naisse coum' un boulet. » Siéu fouol, aco si pou ; ma noun siéu lou soulet. Laugié sera e matin s'ougne li papillota ; Fieuferre nuech e jou vieste de mariota ; Boufet fa de proujet, e Marta, à cinquant'an, 10 Cres, emb'un pou 4 d'afart, de pareisse un' enfant. 1. C'est dei, forme du génitif pluriel qu'il faudrait et non dai, qui marque l'ablatif. Voir Grammaire de l'idiome niçois, alinéa 27-3°, et alin. 151 et 152. 2. Ici encore c'est dou, forme du génitif singulier, que le sens exige et non dau, qui marque l'ablatif. Voir Notes détachées. 3. Emb'ei serait préférable V. Grammaire, alin. 153. 4. Forme altérée de pau V. Grammaire, alin. 195. LA NEMAIDE CHANT PREMIER Je ne fais pas redire à l'Hélicon les graves accents d'une lyre inspirée Mes chants appellent d'autres assemblées. STACE, Sylv. liv. I. V. et 5. ARGUMENT Introduction au poème. — Mention 1 des principaux poètes épiques. — Invocation à la Muse. — Le Pégase du poète. — Hommage au Protecteur de l'ouvrage. — Peinture du ciel de Nice. — Amours de Lubin et Courine. — Réveil de l'Envie son portrait, sa plainte. — Elle appelle trois furies à son aide la Discorde, la Calomnie et l'Hypocrisie ; elle leur fait un discours ; elles changent de figure et s'en vont. — Eloge d'un âne. Bien des gens me diront Quelle sotte vanité ! Avec ses chants, celui-ci croit nous enchanter. Parce qu'il nous a fait tous rire en assemblant deux rimes 2, Il pense avoir atteint la cime de l'Hélicon 3 , 5 Et qu'un poème enfin croît comme un champignon. » Je suis fou, cela se peut ; mais je ne suis pas le seul. Laugié soir et matin oint ses papillotes ; Fieuferre nuit et jour habille des marionnettes 4 Boufet fait des projets, et Marthe, à cinquante ans, 10 Croit, au moyen d'un peu de fard, ne paraître qu'une enfant. 1. Littéralement Idée. 2. Sans doute en ayant rimé deux premières plaisanteries sur Nem, comme l'auteur nous l'apprend au 14me vers de son poème. 3. Littér. être sur la cime de l'Hélicon. 4. Ce personnage,bon bourgeois de Nice, avait un théâtre de marionnettes, qu'il se plaisait à faire mouvoir lui-même Voir à la fin du volume la Clef des personnages. 32 LA NEMAÏDA. — I Se soufrés tantu sot, soufres la miéu mania ; Lu miéu vers à la fin soun contra l'insoumnia Lou sujet es pichoun e noun vous blessa en ren ; E per la terça fes, vouoli parlà de Nem, 15 Nem es la miéu passioun, sens'éu noun pouodi vieure Nem mi douna l'élan, eu soulet mi fa 'scrieure ; Nem, dintre lou miéu 'sprit, es mai qu'Agamemnoun Quoura di si, es si ; quoura di noun, es noun. Per mi moustrà savent noun duerbi ren lu libre. 20 Paioun vau ben lou Zante e Magnan vau lou Tibre ; Niça vau Troia e Rouma, e trovi lou mouien De faire dau Castéu lou gran roc Tarpeien. Canten dounca de Nem li virtù ', lou courage ; Noun s'en di jamai proun soubre un tau persounage. 25 Noun farai coum'an fach de plus savent que iéu D'autre canton lu mouort e iéu canti lu viéu. Lou poëta dai Grec avia la testa plena D'Achil, d'Ajax, d'Ector e de la bela Elena ; Virgili nen parlet d'Enea e de Didoun, 30 Que si rimet lou cuou soubre lou fugairoun 2 ; Milton, nen piban toui per de gros Marcantoni, N'a vougut fà 'spavent embe lu siéu demoni ; Lou Tasso, plus devot, pensant de faire ben, N'anava fà 'stripà dintre Jerusalem ; 35 Enfin lou bouon Enri, per veire Gabriela, En sabateant 3 tant, li laisset li semela. . Qu duerme, an toujou dich, noun pou piha de pei Volter s'es pantaiat e n'a pescat de bei. Se pousquessi tamben, nourrit en la siéu 'scola, 40 Avé mousclà, broumech e lença, e cimairola ; E tout en fen la nona 4 achapà de durgan 5, Veirias Nem d'aussitôt, armât d'un gros dagan, Devenï lou terrour, l'espavent de la terra, Abatre lu facious, fenï touti li guerra, 1. Vertu vaudrait peut-être mieux. V. Grammaire, p. 153. Errata. 2. Littér. sur le potager de cuisine. 3. Sabateà, faire usage de ses savates, de sa chaussure, marcher, trotter. 4. Terme enfantin. Fà la nona, faire dodo. 5. Barbeau, cyprinus barbus Linné. LA NEMAIDE.— I 33 Si vous souffrez tant de sots, souffrez ma manie ; Mes vers au surplus sont remède contre l'insomnie Le sujet est petit et ne vous blesse en rien; Et pour la troisième fois, je veux parler de Nem. 15 Nem est ma passion, sans lui je ne puis vivre Nem me donne l'élan, lui seul me fait écrire ; Nem, dans mon esprit, est plus qu'Agamemnon Quand il dit oui, c'est oui; quand il dit non, c'est non. Pour me montrer savant je,n'ouvre point les livres. 20 Paillon vaut bien le Zante et Magnan l vaut le Tibre; Nice vaut Troie et Rome, et je trouve le moyen De faire du Château 8 le grand roc Tarpèien. Donc chantons de Nem les vertus, le courage ; On n'en dit jamais assez sur un tel personnage. 25 Je ne ferai pas comme ont fait de plus savants que moi D'autres chantent les morts et moi je chante les vivants. Le poète des Grecs avait la tête pleine D'Achille, d'Ajax, d'Hector et de la belle Hélène ; Virgile nous parla d'Énée et de Didon, 30 Qui se brûla le derrière sur un fourneau ; Milton, nous prenant tous pour de grands jobards 3, A voulu nous épouvanter avec ses démons; Le Tasse, plus' dévot, pensant bien faire, Allait nous faire éventrer dans Jérusalem ; 35 Enfin le bon Henri, pour voir Gabrielle 4, En trottant si souvent, y laissa les semelles. Qui dort, a-t-on toujours dit, ne peut prendre de poissons Voltaire s'est mis à songer et en a péché de beaux. Si je pouvais de même, nourri à son école, 40 Avoir hameçon, appât et ligne, et cimerole 5 ; Et tout en sommeillant attraper des barbeaux, Vous verriez aussitôt Nem, armé d'une grande dague, Devenir la terreur, l'épouvantail de la terre, Abattre les factions, finir toutes les guerres, 1. Le Paillon, le Magnan, cours d'eau qui arrosent Nice. 2. Le rocher entre la ville et le port, sur lequel se dressait le vieux château de défense. 3. Le texte porte Marcantoni, Marcantoine V. Notes détachées. 4. Allusion à la Henriade. 5. Partie de la canne à pêcher qui en forme le sommet, la cime. 34 LA NEMAÏDA. — I 45 Voulà coum'un uiau dau levant au miejou, E reglà l'Univers en maneou de vuech 1 jou. Ma d'estre tant vantat lou miéu Ero s'en lagna 2 ; E pi Nem aima trou li figa de li Sagna Noun vouoli que s'espose à de dangié trou gran, 50 E toui lu siéu malur noun devon passa l'an. Dounca t'envouquerai, ô Musa, miéu rangueta. Rende-mi l'esprit elar e la memoria neta ; Laissa lu Quatre-vent, cala de Montmoroun, E ven ti refrescà en l'aiga de Paioun. 55 Vene jusqu'à la Fous; soubre de gauraguada Veiras lu roussignou de la nouostra valada ; Entendras lu siéu cant et pourras, au tiéu tour, Coum'elu moudulà de vers remplit d'amour. Ma se mi vouos mena par de routa nouveli, 60 Di-lou mi vau lougà un aë de Cianeli 3 ; Sera lou miéu Pégase et mounti da cavau ; Au pen 4 dau tiéu coulat mi veiras ben o mau. Ma pi, se per malur, contra de iéu ti fâches, S'en un pas dificil perdes la vous, mi laches, 65 Noun vouoli contra tu pas faire lou mutin De la Buffa à gran pas aganti lou camin ; Aqui li trouverai l'esprit e la sagessa, Li virtù d'un béu couor e la vera noublessa, La candour, l'amitié, secours, proutecioun, 70 Mars, Minerva, Ternis e lou dot Apoloun. T'envoqui tu tamben, ô Magistrat integre Un tiéu soulet cou d'uès mi pourra rendre alégre. Preste 5-mi lou tiéu 'sprit, mena lu miéu pincèu Sensa tu ren de bouon, sensa tu ren de bèu. 75 Souta d'aquéu bèu ciel que fouora cadun vanta, E doun l'iver souven sembla un printems qu'encanta, 1. Forme altérée de uech V. Grammaire, p. 8. 2. Voy. Notes détachées, pour la vraie signification de ce mot. 3. Prononcez Tchianeli. C'est un nom propre italien. 4. Prononciation populaire et vicieuse du mot pe V. Grammaire, p. 23-3°. 5. La grammaire exige presta; car c'est, ainsi que mena dans le même vers, l'impératif à la seconde personne du singulier. LA NEMAIDE. — I 35 45 Voler comme un éclair du levant au midi, Et régler l'Univers en moins de huit jours. Mais d'être si vanté mon héros ne se soucie ; Et en outre Nem aime trop les figues des Sagnes 2 Je ne veux pas qu'il s'expose à de trop grands dangers, 50 Et tous ses malheurs ne doivent pas dépasser l'année 3. Donc je t'invoquerai, ô Muse, ma petite boiteuse 4. Rends-moi l'esprit lucide et la mémoire nette ; Quitte les Quatre-vents, descends du Montmôron 6, Et viens te rafraîchir dans l'eau du Paillon. 55 Viens jusqu'à la Fous 6 ; sur des charognes Tu verras les rossignols de notre vallée ; Tu entendras leurs chants et tu pourras, à ton tour, Moduler comme eux des vers pleins d'amour. Mais si tu veux me conduire par des routes nouvelles, 60 Dis-le moi je vais louer un âne de Cianeli Il sera mon Pégase et je monte à cheval ; Au pied de ta colline tu me verras bien ou mal. Mais puis, si par malheur, contre moi tu te fâches, Si en un pas difficile tu perds la; voix, tu me lâches, 65 Je ne veux pas contre toi faire le mutin De la Buffa 7 à grands pas je prends le chemin ; Là je trouverai l'esprit et la sagesse, Les vertus d'un bon coeur et la vraie noblesse, La candeur, l'amitié, secours, protection, 70 Mars, Minerve, Thémis et le docte Apollon. Je t'invoque aussi, toi, Magistrat intègre Un seul coup d'oeil de toi pourra me donner l'assurance 8. Prête-moi ton esprit, dirige mes pinceaux Sans toi rien de bon, sans toi rien de beau. 75 Sous ce beau ciel qu'au dehors chacun vante, Et dont l'hiver souvent semble un printemps, qui enchante, 1. N'y tient guère pu s'en moque. 2. Voyez Notes détachées. 3. Ses infortunes ne seront pas de longue durée. 4. Voy. Notes détachées. 5. Les Quatre-vents sur la crête du Montmoron ou Montboron. 6. Voy. Notes détachées. 7. Voy. Notes détachées. 8. Littér. me rendre allègre. 36 LA NEMAÏDA. — I A Niça, luec divin, jardin toujou fiourit, Doui calegnaire urous, l'un de l'autre chérit, Lubïn dau tendre couor, Courina la timïda, 80 Passavon, plen d'amour, lu moumen de la vida. Ren noun era plus bèu que de lu veire ensen A l'amour toui lu jou si brulava d'incen ; E semblava, aquéu dieu qu'es mounarca à Citera, D'un aveni ben dous li durbi la carriera. 85 Noun soun pas plus coustant, plus tendre, plus urous Que Courina e Lubin, doui pijoun amourous. En quauque sigue luec doun fouguesse Courina, Lu parent à Lubin faïon bouona mina L'envidavon toujou ; e même en carneval, 90 Si trouvavon ensen dintre lou mème bal. La contradansa aqui, lou vais e la sautusa Si balavon toujou sensa malicia e rusa ; E ben souven Lubin, ëmb'un siéu côu d'arquet, Ai rasclaire dau bal coupava lou sublet. 95 Lubin sounava ben, e la siéu calegniera, Loujada au premier plan, l'audia à la carriera ; E surtout aquéu jou qu'en ounour dau siéu noum, Touta fiha de ben fa li siéu devoucioun. Ma coum'au bounur nouostre un dieu toujou noun veia, 100 Dintre d'un four 'scoundut l'Envidia si reveia. Era à la glourietax e lou jou e la nueeh, E s'era fâcha aquï plus seca qu'un beseueeh. Lu siéu uès enfounçat, la siéu figura touorta Anounçon toui lu mau que lou siéu couor supouorta ; 105 Li siéu labra soun sequi, e jusqu'au siéu alen Sembla que dapertout semene de velen. • Embe touplen d'esfouors s'asseta, tant es maigra, E laissa enfin audi la siéu vous rauca e aigra E pourrai supourtà qu'un autre sigue urous ! 110 Que prove maugrà iéu lu moumen lu plus dous! E que lu miéu sujet, que prouteji e defendi, 1. Gloriette, chez les vieux écrivains français. Ce mot qu'on trouve aussi dans d'antres langues italien, espagnol, etc., signifie ici un réduit situé en arrière d'un four ou formant tribune au dessus et où l'on pétrit le pain. LA NEMAIDE. — I 37 A Nice, lieu divin, jardin toujours fleuri, Deux amants heureux, chers l'un à l'autre, Lubin au coeur, tendre, Courina la timide, 80 Passaient pleins d'amour les moments de la vie. Rien n'était plus beau que de les voir ensemble A l'amour tous les jours on brûlait de l'encens ; Et ce dieu qui est monarque à Cithère semblait D'un avenir bien doux leur ouvrir la carrière. 85 Ne sont pas plus constants, plus tendres, plus heureux Que Courine et Lubin, deux pigeons amoureux. En quelque ce soit où fût Courine, Les parents faisaient bonne mine à Lubin Ils l'invitaient toujours ; et même au carnaval, 90 Ils se trouvaient ensemble dans le même bal. La contredanse là; la valse et la sauteuse Se dansaient toujours sans malice ni ruse 1 ; Et bien souvent Lubin, avec son coup d'archet Aux racleurs du bal coupait le sifflet 2 95 Lubin jouait bien, et son amante, Logée au premier étage, l'entendait dans la rue; Et surtout en ce jour qu'en l'honneur de son nom, Toute fille, de bien fait ses dévotions 8. Mais comme à notre bonheur un dieu ne veille pas toujours, 100 Dans un four caché l'Envie se réveillé. Elle était à la gloriette et le jour et la nuit, Et elle s'était faite là plus sèche qu'un biscuit. Ses yeux enfonces, sa figure refrognée Annoncent tous les maux que renferme son coeur ; 105 Ses lèvres sont sèches, et jusqu'à son haleine Il semble que partout elle sème du venin. Avec tout, plein d'efforts elle s'assied, tant elle est maigre, Et laisse enfin entendre sa voix rauque et aigre Et pourrai-je supporter qu'un autre soit heureux ! 110 Qu'il goûte malgré moi les moments les plus doux L Et que mes sujets, que je protège et défends, 1. Sans mauvaise intention ni mauvaise pensée, en tout bien tout honneur. 2. Lubin, bon violoniste, coupait court à leur détestable musique. 3. Le jour de sa fêté patronale. 38 LA NEMAÏDA. — I Vegon mouri lou fuec qu'alimenti e qu'acendi ! Malurous Cupidoun, e tu, trista Venus, Ai pen dai vouostre autà, noun, noun mi veires plus. 115 Cent fes d'un pur incen v'ai présentât l'oumage, E cent fes da toui doui noun ai reçut qu'outrage Tamben, maugrà lu dieu et lou vouostre pouvoir, Veirés tout cen que 1 pou lou miéu just desespoir. Noun ai la tiéu centura e siéu destrucha e febla, 120 Noun souorti d'aquéu dieu que gouverna li nebla ; Ma pouodi. coumandà, e de ministre afrous, Ai miéu coumant soumés, seran ai miéu ginous. Touta prousperita mi tourmenta e mi seca A Nem, au famous Nem vouoli faire una leca, 125 Que maugrà lou pouvoir qu'a dintre lou quartié, Li si vègue agantat coum'un garri au ratié. » A pena a dich ensin que dau siéu liech si cala Soubre lou souol dau four pica très côu de pala ; Fa très crit e très fes fa cracà lu siéu ouos, 130 E s'asseta à la fin soubre d'un marrit couos. Aquéu bruit dau cendrié fa sourti li tres souorre, Qu'an lou pel bourrousclat e lu bras plen de touorre ; An su lou front escrich touta sorta de mau. Veri fiha d'infer, ministre dau diau, 135 La terribla Alectoun, Megera e Tisifouna, Segur qu'ai siéu coustà soun de beli persouna. La Discordia es la mage, e li venon après La maigra Calonnia embe l'uès de travès ; E pi l'Ipoucrisia embe la siéu berreta, 140 Qu'en si picant lou piech, vers darrié v'estileta. Per l'escala de bouosc s'en mounton touti très Dintre la glourieta ; e per aquela fes, Laisson de si cascà li béluga e li cendre, De l'Envidia ai désir tant lèu si vouolon rendre. 145 L'Envidia à pena à vist qu'arriva aquéu trio, Qu'emb'un ton maigre e sec li parla coum'aco 1. Ce que, comme Rancher a dit plus d'une fois, est de beaucoup préférable à cen que, forme qui, de même que pen au lieu de pe pied, résulte d'une mauvaise prononciation. V. Grammaire, p. 23-2°. LA NEMAÏDE. — I 39 Voient s'éteindre le feu que j'alimente et que j'allume ! Malheureux Cupidon, et toi, fâcheuse Vénus, Aux pieds de vos autels, non, vous ne me verrez plus. 115 Cent fois d'un pur encens je vous ai présenté l'hommage, Et cent fois de tous deux je n'ai reçu qu'outrages Aussi, malgré les dieux et votre pouvoir, Vous verrez tout ce que peut mon juste désespoir. Je n'ai pas ta Ceinture et je suis cassée et faible, 120 Je ne sors pas de ce dieu qui gouverne les nues; Mais je puis commander, et des ministres affreux, Soumis à mes ordres, seront à mes genoux. Toute prospérité me tourmente et me crispe A Nem, au fameux Nem je veux tendre un piège, 125 Où, malgré le pouvoir qu'il a dans le quartier, Il se voie pris comme un rat à la ratière. » A peine a-t-elle dit ainsi, qu'elle descend de son lit Sur le sol du four elle frappe trois coups de pelle ; Pousse trois cris et trois fois fait craquer ses os, 130 Et elle s'assied enfin sur un mauvais seau. Ce bruit fait sortir du cendrier les trois soeurs, Qui ont les cheveux roussis et les bras pleins de brûlures ; Elles ont, écrits sur le front, toutes sortes de maux. Vraies filles d'enfer, ministres du diable, 135 La terrible Alecton, Mégère et Tisiphone, Certes auprès d'elles 1 sont de belles personnes. La Discorde est l'aînée et viennent après elle La maigre Calomnie avec l'oeil de travers ; Et puis l'Hypocrisie avec sa barrette, 140 Qui, en se frappant la poitrine, vous poignarde par derrière. Par l'escalier de bois elles montent toutes trois Dans la gloriette ; et pour cette fois, Elles oublient de se débarrasser des étincelles et des cendres 2, Tellement elles ont hâte de se rendre aux désirs de l'Envie 3. 145 A peine l'Envie a-t-elle vu arriver ce trio, Que d'un ton maigre et sec elle leur parle ainsi 1. Littér. Sûrement qu'à leurs côtés à côté d'elles. 2. Littér. Elles laissent le soin de se secouer les étincelles et les cendres. 3. Littér. Tant elles veulent se rendre vite aux désirs de l'Envie. 40 LA NEMAÏDA. — I Divinità d'infer, miéu souleta ressourça, Noun, vana noun sera vers iéu la vouostra coursa. Creadi per lou mau, cou que ranversès tout, 150 ce E que dai miéu proujet per vautre vengui à bout. Lou miéu soumbre furour en un cou vous destina Doui amant trou urous, Lubin embe Courina. Soun proutejat da Nem; et Nem es un esprit Que, dau siéu plus bas âge en la rusa nourrit, 155 Souta la siéu perruca a mai de furberia Qu'una frema en estiéu de niera en la camia. A lou bastoun, es fouort, es testart, es mutin ; Fa quauque fes de vers, sau legi lou latin ; E quaqu'en discourren fague un pou lou Tartaia, 160 Toui l'an toujou cregnut en un jou de bataia. Davant la Crous de marmo, e plus d'un s'en souven, Ataquet un amic e lou bastounet ben. De Courina e Lubin per empachà la nouoça, a Premier côu dau gran Nem anà 'scaufà la couossa 1. 165 Que sigon feble o fouort, gran, pichoui, paure o ric, Li cou de tout coustà sucità d'enemic ; Que cent bouca à la fes li cridon Perruqueta ! 2 » Arrancas lu picoun de li siéu campaneta; E per lou ehacrinà, s'es bèu lou siéu destin, 170 De li siéu vinachiera avala-li lou vin. Noun espargnès degun fouora e dintre la vila ; Dai Marguilié contr'éu catigoulas la bila. V'en ai proun dich partes, noun aven à chausi ; Roumpen, destrugen tout, e mouren dau plesi. » 175 L'Envidia à pena a dich, que, chanjant de natura, Lu tres mostrou ben lèu quiton la siéu figura, La Discordia à la testa a mes un gran capèu, E s'enfouloupa touta en un negre mantèu ; Si fa lou coulou bleime e s'alounga lou mourre ; 180 E piha en un moumen toui lu tret de Fracourre. La Calonnia après, meten lu coutihoun. 1. Couossa au propre, calebasse creuse servant à prendre des liquides; au figuré, la tête. 2. Nem portait une perruque à queue d'où les surnoms moqueurs de perruqueta et Liliéu perruca qu'on lui appliquait. Liliéu est un diminutif familier de Louis. LA NEMAIDE. — I 41 Divinités d'enfer, ma seule ressource, Non, votre prompte venue vers moi ne sera pas vaine. Créées pour le mal, il faut que vous renversiez tout, 150 Et que par vous je vienne à bout de mes projets. Ma sombre fureur d'un seul coup vous destine Deux amants trop heureux, Lubin et Courine. Ils sont protégés par Nem ; et Nem est un esprit Qui, dès son plus bas âge en la ruse nourri, 155 Sous sa perruque a plus de fourberies Q'une femme en été de puces dans sa chemise. Il a lé bàton 1, il est fort, il est têtu, mutin ; Il fait parfois des vers, il sait lire le latin ; Et quoiqu'en discourant il fasse un peu le Tartaia 2, 160 Tous l'ont toujours craint un jour de bataille. Devant la Croix de marbre 3, et plus d'un s'en souvient, Il attaqua un ami et le bâtonna bien. De Courine et Lubin pour empêcher la noce, Il faut d'abord aller échauffer la caboche du grand Nem. 165 Qu'ils soient faibles ou forts, grands, petits, pauvres ou riches, Il faut lui susciter de tous côtés des ennemis ; Que cent bouches à la fois lui crient Perruquette! » Arrachez les battants de ses clochettes ; Et pour le chagriner, si son destin est beau, 170 De ses burettes avalez-lui le vin. Ne ménagez personne 4 au dehors et dans la ville ; Des Marguilliers contre lui chatouillez la bile. Je vous en ai dit assez partez, nous n'avons pas à choisir ; Brisons, détruisons tout et mourons de plaisir. " 175 A peine l'Envie a-t-elle dit, que, changeant de nature, Les trois monstres bien vite quittent leur figure, La Discorde sur sa tête a mis un grand chapeau, Et s'enveloppe entièrement d'un noir manteau ; Elle se fait blême le teint et s'allonge le museau ; 180 Et prend en un moment tous les traits de Fracourre. La Calomnie ensuite, mettant des cotillons, 1. Nem était pied-bot et ne pouvait marcher qu'à l'aide d'un bâton. 2. En italien Tartaglia, sorte de Jocrisse bredouilleur. 3. Située dans la rue de France. 4. Littér. N'épargnez personne. 42 LA NEMAÏDA. — I A la taia e la vous de madama Ponchoun, D'aquela que, sourtent dau bren, de la farina, Emb'un coulié de gôi si cres una regina. 185 Enfin l'Ipoucrisia a pihat un er dous Dirias, en la veent, qu'es toujou à ginous. A lou regart moudest, ten en man la couronna, Reeéu de carità, noun sabi se li douna ; Per prova qu'a fach pati embe lou paradis, 190 Pouorta, pendut au couol, un pichoun crucifis. Era l'auba, e dau four lou fuec dejà cremava ; La fourniera dau liech aloura si calava. De maioun en maioun, la coundiera 1 en passant, Cridava Catarina ! Antonia ! fes lou pan. » 195 Couma lu marrit cou e li tristi counjura Si coumbinon souven en la nuech la plus 'scura, E que lu 'sprit malign, tant soun brut, tant soun gus, Cregnon de si moustrà e redouton la lus, Li Furia de l'infer lou counsèu finisseron, 200 E per divers camin touti tres s'en aneron. En que luec? Lou saupras, lectour, un autre côu La miéu rangueta 2 es lassa, e si repauva un pôu. Quaque noun sigon lest lu aë de Cianeli, Per fà marcha lou miéu noun bastouni e noun beli ; 205 Jusqu'aici m'a counduch encara en sauvamen 8 ; Tamben li vau dounà doui manada de bren. A toui lu couor ben nat plas la recounoissença ; E tout travai ben fach mérita recoumpensa. Se siéu toumbat, jamai noun mi siéu rout lou couol ; 210 S'an lu 'mbriac un dieu, l'auran tamben lu fouol. Noun si mesura pas lou talent à la cana Balin 4, lou miéu Balin es un cerf en la plana ; A la puada 5, es ver, ralentisse lou pas ; Ma qu noun va plus plan quoura si sente las ? 1. Voy. Notes détachées. 2. Voy. ci-dessus vers 51 de la traduction. 3. Littér. en sauvement. 4. Nom de l'âne. 5. Le texte porte peada ; mais aux vers 271 et 347 du chant III, ce même mot est écrit puada, forme incontestablement meilleure. LA NEMAÏDE. — I 43 A la taille et la voix de madame Ponchon, De celle qui sortant du son, de la farine 1, Avec un collier de goitres, se croit une reine. 185 Enfin l'Hypocrisie a pris un air doux Vous diriez, en la voyant, qu'elle est toujours à genoux. Elle a le regard modeste, tient en main le chapelet, Reçoit des aumônes, je ne sais si elle en donne ; Comme preuve qu'elle a fait un pacte ave le paradis, 190 Elle porte, pendu au cou, un petit crucifix. C'était l'aube, et du four le feu déjà brûlait ; La fournière descendait alors de son. lit. De maison en maison, la condière 2, en passant, Criait Catherine ! Antonine ! faites le pain. » 195 Comme les mauvais coups et les funestes desseins Se combinent souvent dans la nuit la plus obscure* Et que les esprits méchants, tellement ils sont hideux et coquins, Craignent de se montrer et redoutent la lumière* Les Furies de l'enfer mirent fin à leur conseil, 200 Et par divers chemins toutes trois s'en allèrent, En quel lieu? Tu le sauras, lecteur, une autre fois Ma petite boiteuse 3 est lasse et se repose un peu. Quoique les ânes de Cianeli ne soient pas lestes, Pour faire marcher le mien je ne bâtonne ni ne crie ; 205 Jusqu'ici il m'a conduit encore sain et sauf ; Aussi vais-je lui donner deux poignées de son. A tous les coeurs bien nés plaît la reconnaissance, Et tout travail bien fait mérite récompense. Si je suis tombé, jamais je ne me suis rompu le cou 210 Si les ivrognes ont un dieu, les fous doivent aussi en avoir un. On ne mesure pas le talent à la canne 1 Balin, mon Balin est un cerf dans la plaine ; A la montée, il est vrai, il ralentit le pas ; Mais qui donc ne va pas plus lentement quand il se sent fatigué ? 1. C'est-à-dire, issue d'une famille de fourniers ou de boulangers. 2. Voy. Notes détachées. 3. Voy. ci-dèssus vers 51. 4. Ancienne mesure valant 1m,50. 44 LA NEMAÏDA. — I 215 De feblessa, si sau, l'umanità n'es plena, E noun si pou trouva de plesi sensa pena. Balin, lou miéu Pégase, es bouon, es fouort, es bèu ; A pendut front un brout de cascavèu, Que si senton de luen ; pouorta la testa auta 220 Se trova un repoumpèu l'evit' o ben lou sauta ; Es perfet musicien, a l'esprit armonious, Va souven en mesura e fa touti li vous ; E quaque lu siéu past noun sigon que de paia, Canta ben lou ténor, même la bassa-taia ; 225 Quoura moudula un er, li cou cedà 1 lou pas. Sabi que soun paigran cala dau rei Midas Qu lou creet es mouort ; sa maire Roussinanta, Encara au jou d'ancuei, en toui lu luec si vanta D'avé dounat lou jou en un gran musicien, 230 Plus famous que Mozart, Paër, Paisielo e Hayden 2. Dounca Balin es gran ; noun es pi tant belitre ! En acampant l'arena un noun perde lu titre. En Arcadia segur noun si trova l'égal ; E quaqu'aë, Balin vau mai que Bucephal. 235 Repauva, tendre amie, repauva su l'erbeta Siès las, perqué tant fouort as sounat la troumbeta ; Deman, un pou plus fresc, si metren en camin, E dau nouostre travai pourren veire la fin. Fin dau premier cant. 1. Écrit sedà dans la première édition de la Nemaïda; ce qui indique la prononciation de ce mot, lors même que Rancher l'a écrit par un c. Voir Notes détachées. 2. Ecrit ainsi pour la rime. La vraie orthographe de ce mot est Haydn, qui d'ailleurs se prononce ordinairement Hayden. LA NEM AIDE. — I 45 215 De faiblesse, on le sait, l'humanité est pleine, Et il ne se peut trouver de plaisir sans peine. Balin, mon Pégase, est bon, est fort, est beau; Il a, pendu sur le front, un groupe de grelots* Qui s'entendent de loin ; il porte la tête haute 220 S'il trouve un obstacle, il l'évite ou bien le franchit ; Il est musicien parfait, a le sens de l'harmonie 1, Va souvent en mesure et fait toutes les voix ; Et quoique ses repas ne soient que de paille, Il chante bien le ténor, même la basse-taille 2 ; 225 Quand il module un air, il faut lui céder le pas. Je sais que son aïeul descend du roi Midas Celui qui l'engendra 3 est mort ; sa mère Rossinante, Encore au jour d'aujourd'hui, se vante en tous lieux D'avoir donné le jour à un grand musicien, 230 Plus fameux que Mozart, Paër, Paisielo et Haydn. Donc Balin est grand ; puis il n'est pas tant déchu 4 ! A charrier du sable on ne perd pas ses titres 5. En Arcadie bien sûr ne se trouve son pareil ; Et quoique âne, Balin vaut mieux que Bucéphale. 235 Repose, tendre ami, repose sur l'herbe fine Tu es las, parce que tu as sonné trop fort de la trompette ; Demain, un peu plus frais, nous nous mettrons en chemin, Et de notre travail nous pourrons voir la fin. Fin du premier ehant. 1. Littér. a l'esprit harmonieux. 2. Les parties de ténor et de basse-taille. 3. Littér. qui le créa. 4. Bélitre dit le texte. Le sens primitif de ce mot est en français mendiant, marmiteux, misérable. V. Dictionnaire de Littré. 5. Ses titres de noblesse. Littér. En charriant le sable un individu ne perd pas les titres. 46 LÀ NEMAÏDA. — II GANT SEGOUND Non ego cum Danaïs arma cruenta fero; Sed tua sum, tecumque fui ptierilibus annis, Et tua, quod superest temporis, esse precor. OVIDIUS. Heroid, epist. V, v. 156. ARGUMEN Nem s'enduerme en sacrestia. — La Discordia e l'ipoucrisia li venon escaufà la testa.— Revei de Nem.— Va reuni lu counjurat.— Ponchoun s'en avisa, e avertisse Parpagnaca. — Evenemen estraourdinari aco de Parpagnaca. — Episodi de Bertin e Blanquina au prat de Cougnet. — Bertin acouchairat dai paisan. Noun véu de soubre jou, mancou de jou de testa, Qu'en Espagna cadun noun fague un pou de siesta, Surtout après dinà, quoura lou ventre es plen. D'aquestu en tout païs s'en rescountra touplen. 5 Stripacan, qu'es famous dintre la medecina, Di que per la santé 1 la coustuma es divina, Que deven l'adoutà sensa crenta ni pôu ; Que, sensa l'estre 'stat, tantu fan l'Espagnou ; Que même au jou d'ancuei es un mau qu'es de moda. 10 Dai afaire dau tems laissen vira la roda Iéu parli de durmi un paréu d'oura o tres ; De l'entendre autramen aco noun es permes. M'anas dire bessai Doun ti courre la testa 2 ! E qu'an de faire aici l'Espagn' embe la siesta? » 1. Ce mot est tout à fait français. La vieille langue d'oc et tous ses dialectes modernes disent santà ; on ne disait pas autrement à Nice jadis, comme on y dit encore vanità, libertà, verità, etc. et non vanité, liberté, vérité V. Grammaire, p. 142. 2. Littér. Où te court la tête. LA NEMAÏDE. — II 47 CHANT SECOND Je n'apporte pas avec les Grecs une guerre sanglante; mais je suis à toi; avec toi j'ai été dès mes jeunes ans, et je désire t'appartenir le reste de mes jours. OVIDE, Héroïd. Èpit. V. v. 156. ARGUMENT Nem s'endort dans la sacristie. — La Discorde et l'Hypocrisie viennent lui échauffer la tête. — Réveil de Nem. — Il va réunir les conjurés. — Ponchon se doute de la chose et avertit Parpagnaca. '— Evénement extraordinaire chez Parpagnaca. — Épisode de Bertin et Blanquine au pré de Cougnet 1. — Bertin pourchassé par les paysans. Je ne vois pas de jour ouvrier, encore moins de jour de fête, Où en Espagne chacun ne fasse un peu de sieste 8, Surtout après dîné, lorsque le ventre est plein. De ceux-là en tout pays on en rencontre beaucoup. 5 Stripacan 3, qui est fameux en médecine, Dit que pour la santé la coutume est divine, Que nous devons l'adopter sans crainte ni peur ; Que sans l'avoir été bien des gens font l'Espagnol 1 ; Que même aujourd'hui c'est un mal à la mode 5. 10 Des affaires du temps laissons tourner la roué Je parle de dormir une couple d'heures ou trois ; De l'entendre autrement cela n'est pas permis. Vous allez peut-être me dire Où va courir ta tête ! Et qu'ont à faire ici l'Espagne avec la sieste ? » 1. Voy. Notes détachées. 2. Ce mot est espagnol et non italien V. le Dictionnaire de Littré. 3. Voy. la Clef des personnages. 4. Font la sieste, comme en Espagne. 5. Littér. qui est de mode. 48 LA NEMAÏDA. — II 15 Tout aiço li va ben 1 saupias 2 que Nem es lec De faire toui lu jou lou siéu pichoun penee, E surtout en estiéu. Dintre la sacrestia, Aquéu jou, s'era mes en mancha de camia ; E, couma la calou li dounava au cervèu, 20 La perruca es de trou, la pende en un clavèu. Lou mentoun su lou piech e la gnarra gounflada, Nem soubre d'un viei banc tirava una rounfiada 3. La Discordia lou vé que duerme tout dau bouon, E per aquestu mot li troubla lou siéu souon 25 fi O Nem, pouodes durmi ? Tu, l'amie de Fracourre, Mut, ti veiras passa tanti man su lou mourre ! E, tandis que tranquil repauves luen dau caut, " Per la segounda fes es que faras lou saut ? Un Marguilié furious, qu'es una fina lama, 30 Contra tu, lou m'an dich, vou faire fuec e flama. De la gleia, en un mot, ti vou leva li clau, E ti faire, se pou, touta sorta de mau. " Per ti descredità mete tout en usage ; Di que siès proutetour d'un certen mariage 4 35 La siéu malignità t'a tant pihat à tic, Que, se pousquesse, en Ciel ti faria d'enemic. Lou tems pressa, fai lèu, desplega li parpela, E sousten dignamen aquesta gran querela. Auras au tiéu secours Candaver e Boufet, 40 Viseas lou stafilaire e l'ouratour Bebet ; Boufiga eme Bertin seran de la counjura. Cou que de tu si parle en la raça futura ; E se vouos triounfà dau countrari destin, Fai-lu jura cadun su d'un barriéu de vin. » 45 L'Ipoucrisia aqui era tamben venguda La lampea de l'autà si trouvava acenduda, La li va demursi, pi li fa cent revès 5; E davant qu'à la lus Nem aigue durbit Pues, 1. Littér. Tout ceci va bien ici. 2. La forme régulière est saupes. Voy. Grammaire de l'idiome niçois, p. 79. 3. Littér. tirait une ronflée. 4. Littér. que tu es protecteur d'un certain mariage. 5. Littér. lui fait cent revers. LA NEMAIDE. — Il 49 15 Tout ceci est bien à propos ; sachez que Nem est désireux 1 De faire tous les jours son-petit somme, Et surtout en été. Dans la sacristie, Ce jour-là, il s'était mis en manches de chemise ; Et comme la chaleur lui donnait au cerveau, 20 La perruque est de trop, il la pend en un clou. Le menton sur la poitrine et la narine gonflée, Nem sur un vieux banc poussait des ronflements. La Discorde le voit dormant tout de bon, Et par ces mots lui trouble son sommeil 25 O Nem, peux-tu dormir ? Toi, l'ami de Fracourre, Muet, tu verras passer tant de mains sur ton museau 2 ! " Et, tandis que tranquille tu reposes loin de la chaleur, Est-ce que pour la seconde fois tu feras le saut 3 ? Un Marguillier furieux, qui est une fine lame, 30 Contre toi, m'a-t-on dit, veut faire feu et flamme. De l'église, en un mot, il veut te ravir les clefs, Et te faire, s'il peut, toute sorte de maux. Pour te discréditer il met tout en usage Il dit que tu protèges un certain mariage.... 35 Sa malignité t'a tellement pris à tic, Que, s'il le pouvait, au Ciel il te ferait des ennemis. Le temps presse, fais vite, déploie les paupières, r Et soutiens dignement cette grande querelle. Tu auras à ton secours Candaver et Boufet. 40 Viseas le fouetteur et l'orateur Bebet ; Boufiga avec Bertin seront du complot. Il faut que l'on parle de toi dans la race future ; Et si tu veux triompher d'un contraire destin, Fais-les jurer chacun sur un baril de vin. » 45 L'Hypocrisie était aussi venue là La lampe de l'autel se trouvait allumée, Elle va la lui éteindre, puis lui joue cent mauvais tours; Et, avant qu'à la lumière Nem ait ouvert l'oeil, 1. Littér. est friand. '2. Sans mot dire tu recevras tant des camouflets, tant d'affronts ! 3. Nem avait été une première fois dépossédé des clefs de l'église et par conséquent dépouillé de la principale fonction d'un sacristain. 50 LA NEMAÏDA. — II Lu doui mostre infernal, un per part, à l'aureia 50 Li souflon de poisoun, s'en van. Eu si reveia ; Troublat e 'spaventat, regarja dapertout Cresen d'audi quauqu'un, immoubil 'sta à l'escout ; Vé lu palis toumbat, lu candelié per terra ; La pouorta dau tambour que si duerbe e si serra ; 55 Li revent en la ment cen qu'en lou soun a audit, E s'assegura enfin que quauqu'un l'a tradit. Aloura, si livrant au fuec que lou transpouorta, De la gleia en doui saut courre fouora la pouorta ; Denembra la perruca, e l'avoril pelat, 60 Ai regard de caduu si trouvant espousat, Fa rire vint enfant, qu'en veen la siéu nuea, Li cridon Nem ! Liliéu! qu'as fach de la perruca? » Quauque cou de calous 2 li frison lou toupet ; Ma contra dès capoun que pou faire un soulet ? 65 Tacha de lu achapà per li roumpre lou mourre; Ma li tiron lou cou, pi si meton à courre. Tau veiras un gros can qu'a per mestre un bouchié 3, Surprès da toui lu cat que soun en lou quartié Si reguigna ai siéu crit, sofre li siéu soufiada 4, 70 Tant dai croca-ratoun cregne li grafignada Ensin lou paure Nem, maugrà lou siéu furour, Aganta tourna gleia 5 e serra lou tambour. Dau terrible pantai embe la testa cauda, Va faire à mai que d'un balà la sirigauda 75 Si. mete la perruca e, pihant lou bastoun, S'en courre coum'un fouol de maioun en maioun, Vé toui lu counjurat que soun de la siéu elica, Li parla d'un proujet e lou pantai li 'splica ; Li di qu'un Marguilié noun a ni fren, ni mors, 80 Qu'a jurat, en un mot, la perta dau siéu cors; 1. Avori, au propre ivoire, au figuré crâne dénude ressemblant à de l'ivoire. 2. Calous, trognon, racine pivotante, souche, tige, bâton. Se dit plus particulièrement à Nice d'un trognon de chou. 3. Ou plus correctement bouchier, à cause du féminin bouchiera; mais dans les vers on peut supprimer la consonne finale par nécessité de la rime. V. Grammaire,-p. 9. 4. Ce mot, dont le français ne rendrait pas ici toute la valeur, exprime bien le souffle bruyant que fait un chat irrité contre un ennemi. 5. Littér. prend gagne de nouveau l'église. LA NEMAIDE. — II 51 Les deux monstres infernaux, chacun de son côté* à l'oreille 50 Lui soufflent du poison, et s'en vont. Lui se réveille ; Troublé et épouvanté, il regarde de toutes parts Croyant entendre quelqu'un, immobile il se tient à l'écoute; Il voit les palis 1 tombés, les chandeliers par terre, La porte du tambour 2 qui s'ouvre et se ferme 55 Ce qu'il a entendu dans son sommeil lui revient à l'esprit, Et il se persuade enfin que quelqu'un l'a trahi. Alors, se livrant à l'ardeur qui le transporte, En deux sauts il court hors la porte de l'église ; Il oublie sa perruque, et son crâne pelé, 60 Aux regards de chacun se trouvant exposé, Fait rire qui en nuque, Lui crient Nem! Liliéu 3! Qu'as-tu fait de la perruque? " Quelques coups de trognons de chou leur frisent le toupet; Mais contre dix vauriens que peut faire un seul homme? 65 Il tâche de les attraper pour leur casser la margoulette; . Mais ils lui tirent le coup 4, puis se mettent à courir. Tel vous verriez un gros chien qui a pour maître un boucher, Surpris partons les chats qui sont dans le quartier Il se refrogne à leurs cris, souffre leurs rebufades, 70 Tellement des croque-souris il craint les égratignures Ainsi le pauvre Nèm, malgré sa fureur, S'en retourne à l'église et ferme le tambour. Ayant la tête terrible rêve, . Il va faire à plus d'un danser la sirigaude 5 75 Il met sa perruque et, prenant le bâton, Il court comme un fou de maison en maison* Voit tous les conjurés qui sont de son parti 6, Leur parle d'un projet et leur explique le songe ; Il leur dit qu'un certain Marguillier n'a ni frein ni mors, 80 En un mot, qu'il a juré la perte de leur corporation ; 1. Pente d'autel, étoffe servant d'ornement, surtout quand elle est en soie, dais, etc. Il peut s'agir ici du dais portatif. 2. Le tambour qui est à la porte de l'église. Voy. la définition de l'Académie. 3. Voy. ci-dessus la note sur le vers 167 du texte, ch. I. 4. Cela se dit de galopins qui, surpris, ramassent un projectile quelconque et le lancent contre la personne qui les poursuit. 5. Voy. Notes détachées. 6. Littér, de sa clique. 52 LA NEMAÏDA. — II Que cou teni pen ferm, e ben anà de l'orsa, Repoussa, quour'es tems, la fouorça per la fouorça ; Que toui lu Sacrestan si trovon coumproumes, S'éu si vé relegat 1 per la segounda fes. 85 Li douna un randevou 2, fissa lou jou e l'oura, Emb'un fa lou furious, emb'un autre si ploura ; En toui de la vanjança echitant l'apetit, Tout cen que pouorta capa es lèu dau siéu partit. Soun dejà counvengut qu'à la segounda luna 90 Toui la si fileran 3 en la crota coumuna, Aqui darrié lou Jesu, e doun souven Bertin Embe noun sabi qu va béure de bouon vin. Entant que Nem va, ven, que trota et sabatea, Signa Ponchoun l'a vist, e d'aussitôt l'idea 95 Que noun sensa moutif Nem fa tant de fracas. Dintre lou couissinet estrema lou siéu bas, S'arranja lou béguin e, quaqu'aigue la flaca 4, S'en va trouva Giboun, qu'era embe Parpagnaca. Giboun, qu'es tant mau fach 6, en jugant es urous 100 De toui lu Marguilié es lou plus malignous. Parpagnaca es vioulent quoura fa la partida, Noun la finisse mai se noun jura e noun crida 6. La siéu pinta à coustà, jugavon ai taroc ; E si tratavon jà de ratela e d'escroc 105 Embe d'F e de B coumençavon l'esordi. Ientra signa Ponchoun per lu mètre d'acordi, Fa tres signau de orous à pena lu a vist, E li crida de luen Sia laudat Jesu-Christ ! » Per n'en mètre en lou sac en touta counjountura, 110 Li frema an un talent qu'es un don de natura Dau sesso maseoulin si sabon faire un juec ; 1. Littér. S'il se voit relégué. C'est-à-dire exclu de l'emploi qu'il exerce dans l'église à laquelle il appartient. Voy. ci-dessus v. 28. 2. Forme altérée du français rendez-vous. V. Grammaire, p. 143. 3. La si filà, littéralement se la filer, locution analogue à l'argot français se. la casser je me la casse. 4. Littér. quoiqu'elle ait la nonchalance. 5. Littér. qui est si mal fait. 6. Littér. s'il ne jure et ne crie. LA NEMAlDE. — II 53 Qu'il faut tenir pied ferme et bien mener leur barque 1 Repousser, quand il en est temps, la force par la force ; Que tous les Sacristains se trouvent compromis, S'il se voit dépossédé pour la seconde fois. . 85 Il leur donne un rendez-vous, fixe le jour et l'heure, Fait le furieux avec l'un, pleure avec l'autre ; Chez tous de la vengeance excitant la soif2,. Tout ce qui porte chape est bientôt de son parti. Ils sont déjà convenus qu'à la seconde lune 3 90 Tous fileront au caveau commun, Là, derrière le Jésus 4, et où souvent Bertin Avec je ne sais qui va boire de bon vin. Tout le temps que Nem va, vient, qu'il trotte et trôle, Dame Ponehon l'a vu, et aussitôt l'idée lui vient 95 Que non sans motif Nem fait tant de fracas. Elle renferme son bas dans l'oreiller 5 , S'arrange le béguin et quoique nonchalante, Elle s'en va trouver Gibon, qui était avec Parpagnaca. Gibon, qui est si mal bâti, est heureux en jouant 100 De tous les Marguilliers, c'est le plus malicieux. Parpagnaca est violent quand il fait la partie, Il ne la finit jamais sans jurer ni pester. Leur pinte à côté d'eux, ils jouaient aux tarots 6, Et se traitaient déjà de chicaniers et d'escrocs ; 105 Avec des F et des B ils commençaient l'exorde. Dame Ponchon entre pour les mettre d'accord, Elle fait trois signes de croix dès qu'elle les a vus, Et leur crie de loin Soit loué Jésus-Christ! » Pour nous mettre dans le sac en toute conjoncture, 110 Les femmes ont un talent qui est un don de nature Du sexe masculin elles savent se faire un jeu ; 1. Le texte dit en termes de marine et bien aller à l'ourse » c'est-à-dire se diriger par la constellation de la petite ourse, dont l'étoile polaire fait partie. 2. Littér. excitant l'appétit. 3. Le soir du surlendemain. 4. L'église du Jésus dans la rue Droite, dite aussi église Saint-Jacques. 5. C'est-à-dire qu'elle cache son magot sous l'oreiller. Le mot bas est ici synonyme de bourse, parce que les vieilles femmes ont l'habitude, dans les classes pauvres, de garder leur petit pécule dans un bas. 6. Sorte de cartes à jouer en Italie et en Espagne. 54 LA NEMAÏDA. — II Nen menon per lou nas e nen fan resta nec 1. Quaque sïgna Ponchoun noun fosse pi tant bela, Dai jugaire embilat fenisset la querela. 115 Eh ! leva-vous, li di, lu taroc d'en li man Qu'avès da crègne tout dau cors dai Sacrestan. Ai vist Nem furious courre de pouorta en pouorta ; Noun es eu que camina, es lou vent que lou pouorta. ce Bertin un pou après, tamben eu, es passât ; 120 Courria coum'un fouol e gagnava lu prat ; Noun s'es mancou virat per regarjà Blanquina, Que toursia li labra e semblava chacrina. De cen que s'es ourdit noun pouodi dire un mot ; Ma Nem, à cou segur, fourma quauque coumplot. 125 Fe-li faire lou saut entant que noun li pensa ; Avertisses lu vouostre e meté-v'en defensa Trata-lou coumo cou; e, sens' oli ni sau, Courrès, e de la gleia arranca-li li clau. Vôu proutejà Lubin, qu'es l'amant de Courina. 130 L'union d'aquelu doui mi troubla e mi chacrina ; Se si pôu l'empachen e meten lou crissen, Per pousquè, quoura cou deroutà lou grand Nem. Lubin es un ingrat a mespreat ma souorre E la reducha au pounch d'anà planta de pouorre. 135 Agissen, pisqué Nem n'en vou fà de li siéu La vanjansa, m'an dich, es lou plesi dai dieu. Noun si déu embilà un' anima celesta ; Ma se noun tapajan, segur nen fa la festa 2. Sabès, en toui lu tems, cen que per vautre ai fach 140 Chicoulata, bescuech, ranfresc, café au lach, Noun ai ren espargnat per estre prioulessa ; Per tres an toui lu jou m'avès vist 3 à la messa. L'ambicioun mi rouiava ; e per vous parlà franc, Ai vougut m'assetà soubre lou vouostre banc. 1. Littér. et nous font rester imbéciles. 2. Littér. si nous ne tapageons, sûrement il nous fait la fête. C'est-à-dire, qu'il nous traitera de la bonne façon. Un père, menaçant son fils qui a fait quelque sottise, lui dit Esperami, ti vau faire la festa. » Attends-moi, je vais te festoyer. 3. La règle des participes exige le féminin vista Voy. Grammaire, alin, 132, 185, 186 et 187. LA NEMAIDE. — II 55 Elles nous mènent par le nez et nous rendent idiots. Bien que dame Ponchon ne fût pas une beautél, Des joueurs irrités elle termina la querelle. 115 Eh ! levez-vous, leur dit-elle, les cartes des mains Car vous avez tout à craindre du corps des Sacristains. J'ai vu Nem furieux courir de porte en porte; Ce n'est pas lui qui marche, c'est le vent qui le porte. Bertin un peu après a passé, lui aussi ; 120 Il courait comme un fou et gagnait les près; Il ne s'est pas même retourné pour regarder Blanquine, Qui tordait ses lèvres et paraissait chagrine. De ce qui s'est ourdi je ne puis dire un mot; Mais Nem, à coup sûr, forme quelque complot. 125 Faites-lui faire le saut pendant qu'il n'y pense pas ; Avertissez les vôtres et mettez-vous en défense Traitez-le comme il faut; et, sans huile ni sel 2, Courez, et de l'église arrachez-lui les clefs. Il veut protéger Lubin, qui est l'amant de Courine. 130 L'union de ces deux-là me trouble et me chagrine ; S'il se peut empêchons-la, et mettons le levain 3, Pour pouvoir, quand il le faudra, dérouter le grand Nem. Lubin est un ingrat il a méprisé ma soeur Et l'a réduite au point d'aller planter des porreaux 4. 135 Agissons, puisque Nem veut nous en faire des siennes La vengeance, m'a-t-on dit, est le plaisir des dieux. Une âme céleste ne doit point se mettre en colère ; Mais si nous ne nous remuons, sûr il nous festoiera 5. Vous savez ce qu'en tout temps j'ai fait pour vous 140 Chocolat, biscuits, rafraîchissements, café au lait, Je n'ai rien épargné pour être éprieuresse ; Pendant trois ans vous m'avez vue tous les jours à la messe. L'ambition me rongeait ; et pour vous parler franchement, J'ai voulu m'àsseoir sur votre banc. 1. Littér. ne fût pas puis si belle. 2. C'est-à-dire, sans faire d'apprêts. 3. Employons le levain de la médisance, de la calomnie. On dirait dans lin sens analogue " mettons la main à la pâte, chauffons le four. » 4. C'est-à-dire, la mise aux portes du tombeau. 5. Voir ci-contre la note 2. 56 LA NEMAÏDA. — II 145 Cen que m'a pi coustat per teni l'équilibrel, Se noun v'en souvenès, lige-l'en lou gran libre. » Parpagnaca s'enduerme e lou tendre Giboun Li fa d'uès de pouorc-mouort e ri souta gorjoun 2. Aloura la devota, enfuriada e plus fiera, 150 Trapeja dai taloun, gassiha li cadiera, Avanta un cou de pen, ranversa lou taulié, E reveia en sursaut lu doui gran Marguilié. A pena Parpagnaca a sentit la bourrasca, Que, pihan la Ponchoun per una vieia masca, 155 Resta per un moumen immoubil e de stuc ; Lança un cou d'uès pertout, vé un ramassoun de bruc, S'en sesisse furious, souta lou liech regarda, E lou trempa tres fes en un vas de moustarda. La devota, qu'a vist aquela operacioun, 160 Courre en sabateant per touta la maioun ; Va d'aicï, va d'aià, cerca un c que l'esquive De li benedicioun dau beat 3 que la suive ; Ientra en la couina e trova un chambroun 'spalancat, Luec que noun es pas fach per un nas delicat; 165 Ma quoura plou tant 'spes 4 e que l'endiena cousta, Noun si regarja tant, basta d'estre à la sousta Si trova en luec segur, quaque noun sigue net ; Serra ben la gandaula e pi lou viroulet, E si mete à cridà de dintre la garita 170 Parpagnaca, couor miéu, quedemoni t'echita? Laisse-mi fà tata dau pichoun fenestroun ; " Noun mi benedi plus, pauva lou ramassoun M'as tacat lou beguin, m'as brutat la mantiha, E noun as respetat ni faudiéu, ni faudiha. 175 Siès toujou 'stat ensin dai coutihoun lu plec De certen passatems m'an dich qu'ères trou lec. » Parpagnaca à la fin duerbe ben li parpela 1. Littér. pour tenir l'équilibre. 2. Littér. et rit sous gorge. 3. Parpagnaca portant le petit balai en guise de goupillon, est ici ironiquement qualifié de béat, c'est-à-dire d'abbé, de prêtre. 4. Littér. si épais. LA NEMAIDE. — II 57 145 Ce qu'il m'en a coûté pour m'y maintenir, Si vous ne vous en souvenez, lisez-le dans le grand-livre 1. » Parpagnaca s'endort et le tendre Gibon Lui fait des yeux de porc mort et rit sous cape. Alors la dévote furieuse et plus hardie, 150 Trépigne des talons, bouleverse les chaises, Lance un coup de pied* renverse la table, Et réveille en sursaut les deux grands Marguilliers. A peine Parpagnaca a-t-il senti la bourrasque, Que, prenant la Ponehon par une vieille sorcière, 155 Il reste un moment immobile et de stuc 2; Il jette un coup d'ceil partout, voit un petit balai de bruyère, S'en saisit furieux, regarde sous le lit, Et le trempe trois fois dans un vase de moutarde' 3. La dévote, qui a vu toute cette opération, 160 Court en frottant ses semelles par toute la maison ; Va d'ici, va de là, cherche un lieu qui la garantisse Des bénédictions du béati qui la suit ; Elle entre à la cuisine et trouve un cabinet ouvert, Lieu qui n'est pas fait pour un nez délicat ; 165 Mais quand il pleut si dru et que l'indienne coûte, On n'y regarde pas de si près, il suffit d'être à l'abri 5 Elle se trouve en lieu sûr, quoiqu'il ne soit pas propre ; Elle ferme bien le loquet et puis le tourniquet, Et se met à crier de dedans la guérite 170 Parpagnaca, mon coeur, quel démon t'excite ? Laisse-moi faire coucou du petit guichet ; Ne me bénis plus, dépose le petit balai Tu m'as taché le béguin, tu m'as sali la mantille, Et tu n'as respecté ni tablier, ni jupe. 175 Tu as toujours été ainsi les plis des cotillons M'ont appris que tu étais trop friand de certains passe-temps. » Parpagnaca à la fin ouvre bien les paupières 1. Livre de sacristie renfermant les procès-verbaux des confréries. 2. Ou de marbre, comme une statue. 3. .Dans le vase de nuit place sous le lit. 4. Voir ci-contre la note 3. 5. Dame Ponehon, qui s'habillait d'indienne, tient à ménager sa belle robe. 58 LA .NEMAÏDA. — II Recounouisse l'errour, plus neta a la cervelal, S'arranca lou berret e si pica lou piech, 180 Cerca de s'anà 'scoundre entant souta lou liech, E pi noun ; reyen mai, contra eu même si facha, E di Signa Ponchoun, aussas, aussas la gacha. De v'avé mautratat 2, n'en siéu mai que pentit; L'aiga pi lava tout, se vai trou benedit. 185 Sabi qu'en asperjant souven tripli la dosa ; Ma sourtès, que doun sias noun sente pas la rosa. » Signa Ponchoun sourtet ; e, fouora d'embarras, Si touqueron la man e fagueron la paz. Si cauguet pi lava. Ponchoun- si desabiha 190 Si leva lou beguin, lou faudiéu, la mantiha ; E lou bouon Parpagnaca, emb'au siéu bras nervous, A fach cala lou couos cent fes dintre lou pous. Tout es plen bugadiè, tina, conea e jarreta. Fréta tu, freta iéu, e freta que ti freta 195 S'escaufa lou travai, e lou malin Giboun, Per lu facilita, li pouorta de saboun. Ma entant qu'en fretouiant li taca dispareisson, Nem ai siéu counjurat canta lou Kyrie eleisson; Anima Candaver, esorta Nasoulin, 200 De Bebet l'ouratour flata l'esprit divin, Mete Boufet au fach, e descuerbe à Boufiga Lu secret dau coumplot e lou fiéu de l'entriga. Noun di ren à Viscas sau qu'en touta oucasioun Es pront à fà jugà li man e lou bastoun ; 205 Ma noun laissa Bertin, perqué Bertin es tendre Blanquina l'enflamet e noun s'en pou défendre. Nen di tant e pi tant, qu'enfin dau cors l'ounour A sujugat Bertin e soutamès l'amour. Lou couor de Famourous visa tout à la gloria 3 210 Si proumete déjà vitoria su vitoria; E per plus afermï lou siéu nouvel estat, S'en camina pensous de Cougnet en lu prat. 1. Littér. plus nette a la cervelle. 2. Il faudrait ici mautratada et au vers 184 benedida. Voy. Grammaire, alin. 132, 185, 186 et 187. 3. Littér, vise tout à la gloire. LA NEMAIDE. — II 59 Il reconnaît l'erreur, plus claire a la cervelle, S'arrache la barrette et se frappant la poitrine, 180 Il cherché en attendant d'aller se cacher sous le lit, Et puis non ; il revient encore, se fâche contre lui-même, Et dit Dame Ponchon, haussez, haussez la clanchette 1. De vous avoir maltraitée, j'en suis plus que repentant; L'eau d'ailleurs lave tout, si je vous ai trop bénie. 185 Je sais qu'en aspergeant je triple souvent la dose; Mais sortez, car où vous êtes il ne sent pas la rose. » Dame Ponehon sortit ; et, hors d'embarras, Ils se touchèrent la main et firent la paix. Puis il fallut Ponehon se déshabille 190 Elle ôte son béguin, son tablier, sa mantille ; Et le bon Parpagnaca, avec son bras nerveux, A fait descendre cent fois le seau dans le puits. Tout est plein cuve, tine, conque et petite jarre. Frotte toi, frotte moi, et frotte que te frotte 195 Le travail chauffe 2, et le malin Gibon, Pour les faciliter, leur porte du savon. Mais pendant qu'en bien frottant les taches disparaissent, Nem à ses conjurés chante le Kyrie-eleisson ; Il anime Candaver, exhorte Nasoulin, 200 De l'orateur Bebet flatte l'esprit divin, Met au fait Boufet et découvre à Boufiga Les secrets du complot et le fil de l'intrigue. Il ne dit rien à Viscas il sait qu'en toute occasion Il est prompt à faire jouer les mains et le bâton ; 205 Mais il n'oublie pas Bertin, parce que Bertin est tendre Blanquine l'enflamma et il ne peut s'en défendre. Il en dit tant et puis tant, qu'enfin l'honneur du corps 8 A subjugué Bertin et soumis l'amour. Le coeur de l'amoureux ne bat plus que pour la gloire 210 Il se promet déjà victoire sur victoire ; Et pour mieux affermir son nouvel état, Il s'achemine pensif vers les prés de Cougnet. 1. Petit levier qui sert à lever le loquet. Le peuple de Nice emploie abusivement le mot gacha gâche même pour le loquet proprement dit. 2. Fervet opus. Virg. Enéide, I, v. 389. 3. Du corps des Sacristains. 60 LA NEMAÏDA. — II Aqui van serpentant d'aiga touti encantadi, Da li quali, en estiéu, li flou soun arousadi. 215 Lou plus gran dai valat es lou valat d'amour Se v'amourras aqui, aimas sensa retour. Un autre es plus 'scoundut, noun a tant d'afluença 1 ; Aquéu, au luec d'amour, douna l'endiferença ; Vous fa denembrà tout, tranquilisa l'esprit, 220 E dai plesi moundan demuerse l'apetit. L'abaguié 2 li fa d'oumbra, e qu li si repauva Noun sente plus d'amour que per li beli cauva. Arrivat su lou luec Bertin, viéu e laugier, Plus lest qu'un esquirot a sautat lou premier 225 Noun respeta plus ren, ni li flou, ni l'erbeta ; Courre damoun, davau, que sembla una naveta. Era près dau segound, quoura sudat e las, Dapè l'aiga argentina arresta lu siéu pas. L'oumbra de l'abaguié, dau bèu valat li louona, 230 Tout aquï lou reten et tout aqui lou souona S'asseta su l'erbeta ; e, coum'es assedat 3, Si leva lou capéu, l'enfounça en lou valat 4, S'amourra au trecalen e suerbe d'aquel' ounda, Que li purga lou couor de touta idea immounda. 235 Blanquma cepandan, que noun ve lou siéu bèu, Cregne quaque revès, noun 'sta plus en la peu. Bertin noun es passât, doui oura soun picadi, Lou troisième a sounat, vespra soun commençadi ! Lou couor déjà li bate et l'esprit coufoundut 240 Tra la crenta et l'espoir resta un pou suspendut. A la fin si resolve, e di Cou que descuerbi 5 S'es amar lou surbet qu'ancuei cou que mi suerbi. » Si regarja au mirai, souorte lou pignatoun 6 , S'arranca lu papié, s'ougne un pou lu frisoun ; 245 Si mete lou capèu, piha lou sac-ouvrage, E per trouva Bertin si mete per viage. 1. Littér. il n'a pas autant d'affluence. 2. Laurier sauce, laurus nobilis. 3. Littér. comme il est assoiffé. 4. En puisant l'eau avec une des cornes de son chapeau. 5. Littér. que je découvre. 6. Littér. petit pot. LA NEMAIDE. — II 61 Là vont serpentant des eaux toutes enchantées, Desquelles, en été, les fleurs sont arrosées. 215 Le plus grand des ruisseaux est le ruisseau d'amour Si vous vous y abreuvez, vous aimez sans retour. Un autre est plus caché, il attire une affluence moindre ; Celui-ci, au lieu d'amour, donne l'indifférence Il vous fait oublier tout, tranquillise l'esprit, 220 Et des plaisirs mondains il éteint le désir. Le laurier y fait de l'ombre, et celui qui s'y repose Ne ressent plus d'amour que pour les belles choses. Arrivé sur le lieu, Bertin vif et léger, Plus lestement qu'un écureuil a sauté le premier 225 Il ne respecte plus rien, ni les fleurs, ni le gazon ; Court en haut, en bas, semblable à une navette. Il était près du second, lorsque suant et las, Auprès de l'onde argentine il arrête ses pas. L'ombrage du laurier, les lagunes du beau ruisseau, 230 Tout en ce lieu le retient et tout l'y rappelle Il s'assied sur le gazon; et, comme il a grand'soif, Il ôte son chapeau, l'enfonce dans le ruisseau, S'abreuve au tricorne et avale de cette eau, Qui lui purge le coeur de toute idée immonde. 235 Blanquine cependant, qui ne voit plus son beau 2, Redoute quelque malheur, ne tient plus dans sa peau. Bertin n'a point passé 3, deux heures sont sonnées, Le troisième a sonné aussi 4, les vêpres sont commencées ! Le coeur lui bat déjà et l'esprit confondu 240 Entre la crainte et l'espoir reste un peu suspendu. A la fin elle se résout, et dit Il faut que je sache S'il est amer le breuvage qu'aujourd'hui il me faut avaler. » Elle se regarde au miroir, sort le pot de pommade, S'arrache les papillotes, oint un peu ses frisons; 245 Met son chapeau, prend le sac-à-ouvrage, Et pour trouver Bertin se met en voyage. 1. Voy. ci-contre la note 3. Trecalen,littér. trois becs de lampe, vrai forme des pointes d'un tricorne. 2. Son adoré, l'objet de son amour. En français on n'emploie guère qu'au féminin l'adjectif beau pris substantivement ma belle, sa belle. 3. Devant la maison de Blanquine. 4. Le troisième coup de l'office. 62 LA NEMAÏDA. — II Couina l'a counouissut un pou 'spana-banquetp1ï, Regarja se lou pou piha au trabuquet. En gleia noun lou vé de carriera en carriera, 250 S'en va dau Pourtau-nou jusqu'à la Pairouliera, Reven par lu bastioun ; e mil afrous pensié, Atacat ai siéu pas, la suivon vers darrié. Ma couma fa déjà un caut qu'acende d'esca, Lou cres da la Peloua o pura à l'Aiga-fresca. 255 Ah ! paura umanità, que fas de calcul faus ! Quoura si eresen ben, nen degouolon dau baus. Noun laissen l'oucasioun tantu sabon per prova Que côu piha lou ben quoura lou ben si trova Qu 'spera tems, si di, souven perde lou tems ; 260 Envan cridan après que noun aven fach ben. Blanquina a trou 'sperat la siéu marrida 'stella A soutames Bertin à l'amuerse-candela 2 ; Bertin es sensa amour ; Bertin, nouvèu Sansoun, Noun si pantaia plus que souflet, cou de poun. 265 L'esprit a plen de Mars ; e Venus, quaque bela, Luen d'eu si vé reducha à trusta li semela 3. Blanquina en passejant s'aflija proun e pou, E dai prat de Cougnet courre en lu carreirou. Bertin, que despi tant era plen d'ensonnia, 270 Souta d'un aubre 'spes aloura s'endurmia. Lu cant dai passeroun, l'oumbra, lou frese dau prat, Li rendion lou souon plus dous, plus délicat; Ma entant que 'sta duraient, la Fourtuna li manda Cen que noun a cereat e cen que noun demanda. 275 Couma arriva toujou, noun s'entendon li gen Noun voulen qu nen vôu, qu noun nen vou voulen. Blanquina, qu'avia set e plus seca que l'esca, Dau gran valat dau prat s'amourra à l'aiga fresca ; Maluroua ! E noun sau qu'aquel'aiga d'aquï 280 Es una aiga encantada e que la va rousti 4. 1. Littér. essuie-bancs. Les amoureux se donnaient principalement rendez-vous le soir, sur les bancs des promenades. 2. Littér. à l'éteint-chandelle. 3. Littér. à user les semelles. 4. Littér. et qui la va rôtir. LA NEMAÏDE. — II 63 Comme elle l'a connu un peu coureur d'aventures, Elle cherche si elle peut le prendre au trébuchet. Elle ne le voit pas dans l'église de rue en rue 250 Elle s'en va depuis la Porte-neuve jusqu'à la Pairolière, Revient par les bastions 1 ; et mille affreux pensers, Attachés à ses pas, la suivent par derrière. Mais comme il fait déjà une chaleur qui allume de l'amadou, Elle le croit à là Péloua ou peut-être à l'Eau-fraîche 2 . 255 Ah ! pauvre humanité, que tu fais de faux calculs 1 Lorsque nous nous croyons bien, on nous précipite du haut du roc 3. Ne manquons pas l'occasion bien des gens savent par expérience Qu'il faut saisir le bien quand le bien se présente Qui attend temps, dit-on, souvent perd le temps ; 260 En vain crions-nous ensuite que nous n'avons pas bien fait. Blanquine a trop attendu sa mauvaise étoile A soumis Bertin à l'éteigneur de cierges 4 ; Bertin est sans amour ; Bertin, nouveau Samson, Ne rêve plus que soufflets, coups de poing. 265 Il a l'esprit plein de Mars ; et Vénus, malgré sa beauté, Loin de lui se voit réduite à s'enfuir. Blanquine en trottant s'afflige peu et prou, Et elle court dans les ruelles des prés de Cougnet. Bertin, qui depuis longtemps était plein d'insomnie, 270 Sous un arbre touffu à ce moment s'endormait. Les chants des passereaux, l'ombre, la fraîcheur de la prairie, Lui rendaient le sommeil plus doux, plus agréable ; Mais pendant qu'il est dormant, la Fortune lui envoie Ce qu'il n'a pas cherché et ce qu'il ne demande pas. 275 Comme il arrive toujours, on ne sait pas s'entendre 5 Nous ne voulons pas qui nous veut, nous voulons qui ne nous veut Blanquine, qui avait soif et plus sèche que l'amadou, [pas. S'abreuve à l'eau fraîche du grand ruisseau du pré ; Malheureuse! Elle ne sait pas que cette eau-là 280 Est une eau enchantée et qui va l'incendier. 1. Voy. Notes détachées. 2. Idem. 3. Allusion à la Roche tarpéienne. 4. Au sacristain Nem Bertin ne connaît plus que Nem, il est tout à ses ordres. 5. Littér. les gens ne s'entendent pas. 64 LA NEMAÏDA. — II S'aussa à pena a béugut, e la siéu vista erranta 1 Vé Bertin endurmit souta d'aquela planta. Lou fadat abéurage e dau caut lou vigour En ela an redoublât toui lu fuec de l'amour. 285 Noun lou vou reveià, dapè d'eu s'aginouia, E s'enquieta dai crit que fan quauque granouia. La vista de l'amant sembla qu'emb'un martèu En lou siéu couor doulent li plante un gros clavèu. Tau veirias en campagna un famous can de cassa 290 Qu'emb'au nast d'un lapin a retrouvât la traça Quoura l'a descubert dintre lou siéu pertus, S'acouassa, lou regarda e noun lou quita plus. Avès bèu li sublà, li cridà Té, Zemira ! » Lou can noun aude ren, noun bouja e noun respira. 295 Si sentia mancà, la bela, dau doulou. Couma lou prat aloura era cubert de flou, S'alounga couma piou soubre la tendra erbeta, Cuéie de flou de babi e de margarideta, Li li tira plan plan, e surtout su lou nas, 300 Perqué d'aqueli flou sau que l'audou li plas ; Quoura un vilen tavan, enemic de l'abeia, De Bertin endurmit ven ensourdi l'aureia. Bertin s'es reveiat, e si trova dapè Blanquina, que dau prat s'es fach un canapé. 305 D'aussitot que la vé, plus degajat qu'un garri, Courre en un autre prat, escalada lu barri. Cent fes d'una vous tendra ela li crida envan ce Per sauta lou valat, doune-mi un pou la man. » Bertin fouora dau barri, en li moustrant la testa, 310 Li di Soun jà passat lu nouostre jou de festa. » Blanquina fa lou saut. Amour, que mai noun fas? Ren noun la ten valat, muraia o roumegas. Lou cerf est maneou lest, quour'aude en la valada De l'instrument cournut la trista serenada 2. 315 A la fin lou vé mai, e d'un ton dous li di " Noun siéu lou Marguilié que cerea à ti tradi ; 1. Littér. sa vue errante. 2. Littér. de l'instrument cornut la triste sérénade. LA NEMAIDE. — II 65 Elle se lève à peine a-t-elle bu, et son oeil errant Voit Bertin endormi sous cet arbuste 1. Le breuvage enchanté et la force de la chaleur En elle ont redoublé tous les feux de l'amour. 285 Elle ne veut pas l'éveiller, près de lui elle s'agenouille, Et s'inquiète des cris que font quelques grenouilles. Il semble que la vue de l'amant, avec un marteau, Dans son coeur dolent lui plante un gros clou. Tel vous verriez aux champs un fameux chien de chasse 290 Qui au flair a retrouvé la trace d'un lapin Quand il l'a découvert dans son trou, Il s'accroupit, le regarde et ne le quitte plus. Vous avez beau lui siffler, lui crier Tiens, Zémire! » Le chien n'entend rien, ne bouge ni ne respire. 295 La belle se sentait défaillir de douleur. Comme la prairie était alors couverte de fleurs, Elle s'allonge comme elle peut sur le tendre gazon, Cueille des fleurs de coquelicot et des pâquerettes, Les lui jette doucement, doucement,, et surtout sur le nez, 300 Parce qu'elle sait que l'odeur de ces fleurs lui plaît; Lorsqu'un vilain bourdon, ennemi de l'abeille, De Bertin endormi vient assourdir l'oreille. Bertin s'est réveillé et trouve auprès de lui Blanquine, qui du pré s'est fait un canapé, 305 Aussitôt qu'il la voit, plus alerte qu'un rat, Il court à Un autre pré, escalade les murailles. Cent fois d'une voix tendre elle lui crie en vain Pour franchir le ruisseau, donne-moi un peu la main.» Bertin au-delà du mur, en lui montrant sa tête, 310 Lui dit ce Ils sont déjà passés nos jours de fête. » Blanquine fait le saut. Amour, que ne fais tu pas? Rien ne l'arrêté ruisseau, muraille ou ronces. Le cerf est moins agile, lorsqu'il entend dans la vallée La triste sonnerie du cor de chasse. 315 A la fin elle le voit de nouveau, et d'un ton doux lui dit ce Je ne suis pas le Marguillier qui cherche à te trahir; 1. Sous le laurier. Le texte dit plante; on sait qu'en botanique ce mot se dit de tout végétal ; le pommier, le chêne, etc, sont des plantes. 66 LA NEMAÏDA. — II ce Noun siéu un tigre, un ours, couma bessai mi juges ; Noun ai pas lou bastoun que t'ai fach, que mi fuges ? Denembrant lou dever, l'ounour e la virtù, 320 Un amourous desir mi fa courre vers tu. ce T'ai jà cercat pertout ; e cadun mi demanda ce Per qu m'afligi tant, per qu fau tant de landa. ce T'aimi, miéu car Bertin, couma la vida, e mai ; T'aimi despi vint an e toujou t'aimerai. 325 Regarja lu mieù plour que lou tiéu couor nen juge, ce E que mi digue après perque Bertin mi fuge. ce Ahi ! revire-ti un pou noun fau pas pi 'spavent, Per ti faire 'scapà 1 plus vitou que lou vent ! T'en courres doun jamai noun a passat la sapa ; 330 ce Ti frustes lu soulié e t'esgarres la capa. ce Noun es pas toujou bèu d'afrountà lu dangié Siès courajous, es ver, siès fouort e siès laugier ; " Ma se per iéu ancuei quauque malur t'arriva, ce Lou souléu de deman noun mi veira plus viva. 335 Noun siéu venguda aici per ti cuntà de couos " Noun courre plus, Bertin ; m'arresterai, se vouos. " Dau baus de San-Janet 2 quauque masca funesta " T'a regarjat segur e t'a gastat la testa. Aquéu couor aspre efier, enfin ti cou chanjà 340 Emb'un soulet cou d'uès mi pouodes soulajà. ce Se lou refuses net à qu t'aima e t'adora, ce Qu'espoir a qu t'aïsse e qu ti desounora? ce Vitima dau rigour que mi mouostres aici, Lou miéu plus dous destin es aquéu de mouri. » 345 A pena a dich ensin que li camba li plegon ; En plour lu siéu bei uès si foundon, si delegon Un gran nuage 'scur li derauba la lus ; Lou couor li manca, toumba e noun boulega plus. Bertin vou proufità d'aquéu nou avantage ; 350 Ma Blanquina en travès li barra lou passage Per la rescoumpassà, piha d'escourcha e, ardit, 1. Littér. Pour te faire échapper. 2 Voy. ci-contre la note 2. LA NEMAlDE. — II 67 ce Je ne suis pas un tigre, un ours, comme peut-être tu me juges; " Je n'ai pas le bâton 1 que t'ai-je fait, que tu me fuies? Oubliant le devoir,l'honneur et la vertu, 320 " Un amoureux désir me fait courir vers toi. ce Je t'ai déjà cherché partout; et chacun me demande Pour qui je m'afflige tant, pour qui je fais tant de minauderies. ce Je t'aime, mon cher Bertin, comme la vie, et. davantage ; Je t'aime depuis vingt ans et toujours t'aimerai. 325 ce Vois mes pleurs que ton coeur en juge, ce Et qu'il me dise; ensuite pourquoi Bertin me fuit. Ah! retourne-toi un peu je ne fais pas pourtant épouvante, Pour que tu t'enfuies plus vite vent! ce Tu t'élances là où jamais n'a passé la sape; 330 ce Tu uses tes souliers et tu te déchires la soutane. ce Il n'est pas toujours beau d'affronter le danger ce Tu es courageux, il est vrai, tu es fort et tu es léger; Mais si par moi aujourd'hui quelque malheur t'arrive, " Le soleil de demain ne me verra plus vivante. 335 " Je ne suis pas venue ici pour te conter, des balivernes Ne cours plus, Bertin; je m'arrêterai, si tu veux. Du rocher de Saint-Jeannet 2 quelque funeste sorcière T'a sûrement regardé et t'a tourné la tête. Ce coeur dur et fier, enfin il te faut le changer 340 ce D'un seul coup d'oeil tu peux me soulager. ce Si tu le refuses net à qui t'aime et t'adore, Quel espoir à qui te hait et qui te déshonore? ce Victime de la rigueur que tu me montres ici, " Mon plus doux destin est celui de mourir. » 345 A peine a-t-elle dit ainsi que les jambes lui ploient ; En pleurs ses beaux yeux se fondent, se délayent Un grand nuage obscur lui dérobe la lumière ; Le coeur lui manque, elle tombe et ne bouge plus. Bertin veut profiter de ce nouvel avantage ; 350 Mais Blanquine en travers lui barre le passage Pour la franchir, il prend du champ et, hardi, 1. C'est-à-dire, je ne me sers pas du bâton, je n'emploie pas la violence. 2. Rocher très remarquable au-dessus du village de Saint-Jeannet, près de là rive droite du Var. Les vieilles femmes de ce village passaient pour être sorcières. 68 LA NEMAÏDA. — II S'abriva, parte, vola e fa un saut de cabrit ; Toumba de vers delà, 'squia, couma? noun sabi ; Pica un gros cou de cuou e crepa un paure babi. 355 Un tau crep, qu'es semblât un gran cou de canoun, Fa sourtï lu paisan de dintre li maioun Arrivon su lou luec, veon Blanquina mouorta, Bertin que la s'esbigna, e cridon toui Man fouorta ! " Lu toumati pouirit, li mouta, lu calous 360 Acoumpagnon Bertin quasi jusqu'à la Fous. Fouguet tant furioua e grossa la bourrasca, Que si ereset urous d'avé sauvat li rasca. A la fin nen sourtet; e, sensa s'arrestà, En maioun, su lou liech ben lèu s'anet jità. 365 Lou laissen repauva, que véu que qu m'escouta Si reten lu badai e quasi fa la mouta 1 ; E pisqué si ven rauc quoura si canta trou, Countenta-vous d'aiço, qu'entant mi pauvi un pôu. Repihi un pou l'alen, e deman plus sonora 370 Vous semblera la vous que farai sourti fouora 2. Fin dau segound cant 1. Mouta signifie proprement motte de terre Voir ci-dessus le vers 359 ; on dit au figuré fà la moula, c'est-à-dire avoir l'air souffrant, triste, languissant, ennuyé. » 2. Littér. que je ferai sortir hors. LA NEMAlDE. — II 69 Il s'élance, part, vole et fait un saut de cabri ; Il tombe de l'autre côté a, glisse, comment ? je ne sais ; Frappe un fort coup de derrière et crève un pauvre crapaud. 355 Une telle explosion, qui semble un grand coup de canon, Fait sortir les paysans de dedans les maisons ; Ils arrivent sur le lieu, voient Blanquine morte, Bertin qui s'esbigne, et crient tous Main-forte ! » Les tomates pourries, le mottes de terre, les trognons de chou 360 Accompagnent Bertin presque jusqu'à la Fous. La. bourrasque fut si furieuse et si grosse, Qu'il se crut heureux d'avoir sauvé sa tête 2. A la fin il s'en tira ; et, sans s'arrêter, Dans sa maison, sur le lit bien vite il alla se jeter. 365 Laissons-le se reposer, car je vois que qui m'écoute, Se retient les bâillements et fait presque la mine; .. Et puisque l'on devient rauque lorsque l'on chante trop, Contentez-vous de ceci, qu'en attendant je me repose un peu. Je reprends un peu l'haleine, et demain plus sonore 370 Vous semblera la voix que j'émettrai. Fin du second chant. 1. Au-delà du corps de Blanquine. 2. Le texte dit li rasca au propre ce mot signifie teigne de la. tête, et le peuple remploie encore au figuré pour désigner la tête même, 70 LA NEMAÏDA. — III CANT TROISIEME Sunt qui sidereis tribuant haec omnia fatis. ARGUMEN Puissança dau Destin. — Parpagnaca 'spedisse lou siéu'seudié Chouria aco dai Marguilié. — Aflicioun de Courina; desespoir de Lubin. — Juramen dai amant. — Reseontra de Lubin e Boufiga. — Viage à Cimiè desericioun de Cimiè. — Pintura d'un festin. — Retour de Nem en vila; li arriva un malur. Que sierve de si plagne et de si reguignà ? Lou Destin nen coumanda e toujou vou regnà. Un mounarca plus fier, plus testart noun si trova ; Degun noun lou soumete, e lou sabi per prova. 5 Lou puissant Jupiter et touta la siéu Court, En parlant dau Destin, soun restat toujou court. Venus, en landeant era pi la siéu fiha , Souven a dich ce Papa, m'an 'sgarrat li faudiha Mercuri m'a tradit, Mars es un libertin.» 10 Eu, respondia Paciença ensin vou lou Destin.» E iéu, qu'ai l'esprit fouol e la cervela dura, E que siéu feneant e pigre de natura, Cou que trati un sujet que noun a ren de bèu Jà noun nen tirerai ni ferre ni clavèu ; 15 Ma pisqu'ai coumençat, tant vou que la fenissi. 1. Nous avons remplacé par des astérisques le mot Statius que porte la première édition, car ce vers n'est pas de Stace. Le Gradus ad Farnassum le cite au mot Fatum et l'attribue à Virgile . il n'est pas non plus de l'auteur de l'Enéide, et c'est en vain que nous l'avons cherché dans tous les autres anciens poètes latins. Rancher l'aurait-il simplement emprunté au Gradus et mis sur le compte de Stace ? LA NEMAÏDE. — III 71 CHANT TROISIEME Il y a des gens qui attribuent toutes ces choses à l'influence fatale des astres. ARGUMENT Puissance du Destin. — Parpagnaca envoie son écuyer Chouria chez les Marguilliers. — Affliction de Courine ; désespoir de Lubin. — Serment des deux amants. — Rencontre de Lubin et Boufiga. — Voyage à Cimiez description de Cimiez. — Tableau d'un festin 1. — Retour de Nem à la ville ; il lui arrive un malheur. Que sert-il de se plaindre et de se rebiffer? Le Destin nous commande et toujours veut régner. Un monarque plus fier, plus têtu ne se trouve ; Personne ne le dompte, et je le sais par expérience. 5 Le puissant Jupiter et toute sa Cour, En parlant du Destin, sont toujours restés courts. Vénus, en minaudant c'était pourtant sa fille, Souvent a dit ce Papa, on m'a déchiré les jupes " Mercure m'a trahi, Mars est un libertin. » 10 Lui, répondait " Patience ainsi veut le Destin. » Et moi, qui ai l'esprit fou et la cervelle dure, Et qui suis fainéant et paresseux de nature, Il faut que je traite un sujet qui n'a rien d'agréable 2 Sûrement je n'en tirerai ni fer ni clou 3 ; 15 Mais puisque j'ai commencé, autant vaut que je finisse. 1. Festin, fête champêtre. 2. Littér. rien de beau. 3. C'est-à-dire, ni profit ni honneur. 72 LA NEMAÏDA. — III Per fà sourti lu vers, coum'un autre m'esquissi ; Lou Destin, que pou tout, m'ajudera bessai ; Per la troisiema fes m'avari, e pi veirai. Véu que mi cou frusta lu coue su la taula ; 20 Creperai, ma diran ce Siès orne de paraula. » Per noun vous secà plus embe de digressioun, Se lou mi permetès, reveni ai miéu moutoun. Giboun era sourtit, qu'encara Parpagnaca A l'aimabla Ponchoun levava quauque taca. 25 Lou souléu sequet tout. Da Ponchoun avertit, Parpagnaca ben lèu piha lou siéu partit Si mete à la fenestra e fa veni Chouria, Garçoun touplen adrech per lou mestié de 'spia Eserca un art plus noble e va touti li nuech 30 Per pouorta e carreirou, cuient quauque bescuech, Afin qu'en sejournant noun li vengue la moufa ; E, quitant lou pouiroun, la lanterna e la coufa, A rempli lu dever dau siéu nouvel, estat Chouria d'aussitôt si mouostra dispousat. 35 Parpagnaca li di ce Parte, Chouria, e vola Ancuei ti cou trouva bouon pen e bouona sola 1. " Vai preveni lu nouostre, e ressouven-ti ben ce Que l'afaire es d'empegn e que l'ai contra Nem 2. " Fai-mi veni Flidet se Capèu si despassa, 40 ce Di-li que lou vas dire à sa tanta Roujassa. " Souona, en passant, Pertus ; noun t'arrestà jamai. Martèu m'es necessari 3 e Canula encà mai. ce Vouoli tamben qu'aici Bofa embe tu s'en vengue, Que laisse li siéu glaugna 4 e ren noun lou retengue. 45 " Mi repauvi su tu noun siés plus un couscrich. ce Noun ti denembrà ren ; parte, trota qu'ai dich. » Chouria si descrassa, e, lavât qu'a lou mourre, 1. La première édition porte bouona tola * ; mais c'est là évidemment une faute d'impression la locution bouon pen e bouona sola est fréquemment usitée à Nice. 2. Littér. et que je l'ai contre Nem. 3. On prononce généralement nechessari. 4. Glaugna, copeaux, éclats de bois, etc. Bofa avait été d'abord fabricant de barils. Voy. la Clef des personnages. LA NEMAIDE. — III 73 Pour faire sortir les vers, comme un autre je me presse les flancs ; Le Destin, qui peut tout, m'aidera peut-être ; Pour la troisième fois je me lance, et puis je verrai. Je vois qu'il me faut user les coudes sur la table 1 ; 20 Je crèverai, mais on dira ce Tu es homme de parole. » Pour ne plus vous ennuyer par des digressions, Si vous me le permettez, je reviens à mes moutons, Gibon était sorti, pendant que Parpagnaca encore A l'aimable Ponehon enlevait quelques taches. 25 Le soleil sécha tout. Par Ponehon averti, Parpagnaca bientôt prend son parti Il se met à la fenêtre et fait venir Chouria, Garçon fort adroit au métier d'espion Il exerce un art plus noble et va toutes les nuits 30 Par portes et ruelles, cueillant quelques biscuits 2, Afin qu'en séjournant il ne leur vienne de la moisissure ; Et, quittant la serpe, la lanterne et la coufe, A remplir les devoirs de son nouvel état Chouria aussitôt se montre disposé. 35 Parpagnaca lui dit Pars, Chouria, et vole Aujourd'hui il te faut avoir bon pied et bonne semelle. Va prévenir les nôtres, et rappelle-toi bien Que l'affaire est d'importance et que j'en ai avec Nem, Fais-moi venir Flidet si Capèu se dérobe 3, 40 ce Dis-lurque tu vas le dire à sa tante Roujassa. Appelle, en passant, Pertus ; ne t'arrête jamais, ce Martèu m'est nécessaire et Ganula encore plus. Je veux aussi que Bofa vienne avec toi, ce Qu'il laisse ses copeaux et rien ne le retienne. 45 ce Je me repose sur toi tu n'es plus Un conscrit. ce N'oublie rien ; pars, trotte j'ai dit. » Chouria se décrassé, et, s'étant lavé le museau 1, I. Les coudes appuyés sur la table, les mains soutenant ma tête qui travaille. 2. En pareil cas le français dit sentinelle. Voy. ch. vu, v. 40. 3. Le texte dit se dépasse. Despassà, c'est proprement dépasser, aller au delà ; et si despassà, c'est dépasser les limites de ce qui est raisonnable, de ce qu'il convient d'être, de faire ; manquer au devoir, aux convenances. 4. Littér. et lavé qu'il a la face, le museau. 74 LA NEMAÏDA. — III Piha lou doui de coupa 1 e lèu si mete à courre. Ma la bruna Courina e lou tendre Lubin 50 An dejà pressentit lou siéu triste destin. La vous courre pertout qu'un'estela fatala Contra lu siéu proujet nourrisse una cabala 2 . La bela nen gemisse ; e trista e touta en plour, Demanda à toui lu sant assistença e secours. 55 Era desaviada e plus mouorta que viva, Quoura tout en un côu lou siéu futur arriva En un cantoun la vé, livrada au desespoir, L'uès gounfle, Ter aflit, reguignat lou mouchoir 3 , E lou festoun que broda es toumbat su la fauda. 60 ce Couma, li di Lubin, la ti pihes tant cauda ! " T'an tout cuntat, lou véu ; mai pi noun sabes ren. " Que deves redouta, s'aven per nautre Nem ? ce Nem, per lu siéu talent, Nem, per lou siéu courage, ce Noun vé péril tant gran dau quai noun si dégage ; 65 E de l'infer contr'éu sourtessoun toui lu diau, " Resisteria à toui noun li pouodon fà mau. ce Sabi que la Ponchoun, la tiéu mieja parenta, Au chef dai Marguilié presentet li siéu plenta 4 Sabi tout cen qu'a dich aquéu marrit vérin 5 ; 70 " Ma ren noun pou troubla lu décret dau Destin, " Qu camina contr'éu souventi fes s'acipa Ponchoun l'a de travès e fuma sensa pipa ; " Di mau de tu, de iéu nen goumisse touplen ; ce Ma noun empachera que pi si mariden.» 75 Courina dai sanglut es quasi sufoucada ; E dai gran plour qu'a fach la figura bagnada Sembla la bela flou, regina dai jardin, Que venon d'umidi li perla dau matin. Lou siéu sen palpitant, la siéu vous languissanta 80 La rendon plus aimabla e plus interessanta ; 1. Littér. Prend le deux de coupe. C'est une locution empruntée au jeu de tarots, où le joueur auquel est échue la carte sur laquelle sont dessinées deux coupes, est obligé de sortir du jeu. 2. Littér. nourrit une cabale. 3. Le mouchoir avec lequel elle essuyait ses pleurs. 4. Littér. présenta ses plaintes. 5. Littér. ce mauvais venin. LA NEMAÏDE. — III 75 Il prend la poudre d'escampette et vite se met à courir. Mais la brune Courine et le tendre Lubin 50 Ont déjà pressenti leur triste destinée. Le bruit 1 court partout qu'une étoile fatale Contre leurs projets fomente une cabale. La belle en gémit ; et, triste et toute en pleurs* Demande à tous les saints assistance et secours. 55 Elle était hors de sens et plus morte que vive, Lorsque tout à coup son futur arrive Il l'aperçoit dans un coin, livrée au désespoir, Les yeux gonfles, l'air affligé, son mouchoir chiffonné, Et le feston qu'elle brode tombé sur ses genoux 2. 60 ce Comment, lui dit Lubin, tu la prends tant "à coeur 3 ! On t'a tout conté, je le vois ; mais pourtant tu ne sais rien. " Que dois-tu redouter, si Nem est pour nous 4 ? " Nem, par ses talents, Nem, par son courage, " Ne voit péril si grand dont il ne se dégage ; 65 ce Et contre lui de l'enfer sortissent tous les diables,' " II résisterait à tous ils ne peuvent lui faire du mal. " Je sais que la Ponehon, ta demi-parente, ce Au chef des Marguilliers a porté ses doléances Je sais tout ce qu'a dit cette bête venimeuse, 70 ce Mais rien ne peut troubler les décrets du Destin. ce Qui marche contre lui souventes fois choppe ce Ponehon l'a contraire et fume sans pipe 5; " Elle dit du mal de toi, de moi elle en vomit tout plein ; ce Mais elle n'empêchera pas pourtant que nous nous mariions. » 75 Courine est presque suffoquée par les sanglots ; Et des grands pleurs qu'elle a faits sa figure mouillée Ressemble à la belle fleur, reine des jardins, Que viennent d'humecter les perles du matin. Son sein palpitant, sa voix languissante 80 La rendent plus aimable et plus intéressante ; 1. Le texte dit la voix. 2. Fauda dû texte signifie au propre giron. 3. Littér. tu te la prends si chaude? 4. Littér. Si nous avons Nem pour nous. 5, Et enrage. 76 LA NEMAÏDA. — III E lu siéu bei uès nègre, abatut e troublat, Redoublon de Lubin l'amour désespérat. S'asseta d'apè d'ela embe li siéu caressa, Tacha d'un tant bèu couor d'efaçà la tristessa 85 A la siéu taia fina entrelaça lu bras; De li baià la man noun pareisse mai las. Quaque acende lou couor un pou de gourmandisa, De baià tant moudest qu mai si scandalisa? Courina de l'amant segounda lu désir, 90 E roumpe lou silenci après un long soupir. Lubin, dau nouostre amour s'es dessecat 1 la sourça ce Noun véu plus de remedi e sian sensa ressourça. Adieu Moungros, adieu lu festin e Riquié ! Qu nen menera mai souta dai aulivié? 95 ce Maugrà lou nouostre amour, maugrà la tiéu coustança, ce D'estre unit per toujou noun ai plus l'esperança. Despi que sian privat, per un sort trou crudel, " Iéu d'un tendre parent, tu d'un amie fedel, ce Tout nen va de travès m'ensourdisson l'aureia ; 100 ce E per nen chacrina, l'Envidia toujou veia. ce Ah! s'es ver que lu plour pouodon toucà lu dieu, ce Lou Ciel deuria ancuei estre countent dai miéu Eu vé quantu souspir lu miéu chacrin m'arrancon ; " Noun pouodi plus plourà, li lagrima mi mancon. 105 ce La passioun t'embarluga 2 as bèu mi vanta Nem; Per nautre, à cou segur, noun pourra faire ren. " Contra tant d'enemic cou que l'amour si grate ce Iéu, ientri en un couvent; tu,, vai-ti faire Frate. Denembren lu plesi que l'amour n'a fournit; 110 Toui doui si souterren e que sigue fenit. » En Lubin la doulou s'es talamen infusa, Que sembla qu'aigue vist la testa de Médusa. Ai mot de s'enterra, de Frate, de couvent, Ven frei coum'una peira e quasi fa 'spavent. 1. La règle du participe exige dessecada Voy. Grammaire, alin. 132, remarque D. Rancher a observé cette règle plus bas, au vers 111, en faisant accorder le participe passé infusa avec le sujet la doulou; il l'a observée aussi au v. 534 du 7e chant. 2. Littér. te donne la berlue. LA NEMAIDE. — III 77 Et ses beaux yeux noirs, abattus et troublés, Redoublent de Lubin l'amour désespéré. Il s'assied auprès d'elle par ses caresses, Il tache d'effacer la tristesse d'un si beau coeur 85 A sa taille fine il entrelace ses bras ; Il ne se lasse pas de lui baiser la main 1. Bien qu'un peu de gourmandise enflamme le coeur, De baisers si modestes qui jamais se scandalise? Courine de l'amant seconde les désirs, 90 Et elle rompt le silence après un long soupir. Lubin, de notre amour la source s'est desséchée ce Je ne vois plus de remède et nous sommes sans ressource. ce Adieu Montgros, adieu les festins et Riquier 2 ! ce Qui nous mènera encore sous les oliviers ? 95 ce Malgré notre amour, malgré ta constance, D'être unis pour toujours je n'ai plus l'espérance. Depuis que nous sommes privés, par un sort trop cruel, " Moi d'un tendre parent, toi d'un ami fidèle, " Tout nous va de travers on m'assourdit l'oreille 3 ; 100 Et pour nous chagriner, l'Envie toujours veille. ce Ah ! s'il est vrai que les pleurs peuvent toucher les dieux, ce Le Ciel devrait aujourd'hui être content des miens ce Il voit quels nombreux soupirs mes chagrins m'arrachent ; ce Je ne peux plus pleurer, les larmes me font défaut. 105 ce La passion t'aveugle tu as beau me vanter Nem ; ce Pour nous, à coup sûr, il ne pourra rien faire. " Contre tant d'ennemis il faut que l'amour cède 4 ce Moi, j'entre dans un couvent ; toi, va te' faire moine. ce Oublions les plaisirs que l'amour nous a procurés ; 110 ce Enterrons-nous tous deux et que ce soit fini. » Dans Lubin la douleur s'est tellement insinuée, Qu'il semble qu'il ait vu la tête de Méduse. Aux mots de s'enterrer, de moine, de couvent, Il devient froid comme une pierre et fait presque épouvante. 1. Littér. De lui baiser la main il ne paraît jamais las. 2. Voy. Notes détachées. 3. De représentations, de conseils, de reproches. 4. Le texte dit se gratte. Au figuré se frotter répond à Margot français se fouiller. 78 LA NEMAÏDA. — III 115 Touorse l'uès, lu chivus si drisson, fa la mina, E per tout lou siéu cors a la car de galina. Noun fougna plus ; dirias que li manca l'alen. Aquel estat vioulent noun dura qu'un moumen S'aussa coum' un furious, e la siéu doulou céda 1 120 A l'afrous desespoir qu'aloura lou pousseda Vira l'uès vers lou ciel, ren noun lou reten plus ; Esgarra lou mouchoir, s'arranca lu chivus ; E si soucitant pou de qu fouora l'escouta, Fa de mugissamen que fan tramblà li voûta. 125 Tau, de la dura massa après lou premier cou, Dau croc se si destaca, audès crida lou bôu Es viéu ; ma la doulou qu'a sentit 2 es tant viva, Qu'es pejou de la mouort qu'embe la fuita esquiva. Era mancou furious lou pichoun de Tetis, 130 Quour' un Grec insoulent li pihet Briseis ; E fouguet maneou fouorta e sensibla la pena Que sentet un couguou per la perta d'Elena. Ma tout aquéu vacarme, aquéu soumbre furour Ben lèu si counvertisse en un gounfle de plour. 135 Après qu'au gros ohacrin a 'spalancat la pouorta, Qu'a vist, dau gros 'spavent, Courina mieja mouorta, Si remete dau trouble embe un er tendre e dous S'apressa de l'amanta e toumba ai siéu ginous. Lou miéu béu couor, li di, tendre amour, miéu bel ange, 140 ce Que ren noun ti chacrine e ren noun ti dérange ; ce Laissa lu tiéu proujet, noun soun pas fach per tu. ce Tu que siès tant aimabla e qu'as tant de virtù, Tu, flou de Paradis e de iéu tant cherida, ce Penses en un couvent d'enterrà la tiéu vida ! 145 E pouodes prounounça d'aquelu mot crudel ce Davant qu t'a jurat un amour éternel ! De mi trafi lou couor noun auras lou courage, ce Plus fouort en s'unissent, counjureren Fourage ; 1. Ecrit ainsi, par un c, dans la première édition. 2. D'après la règle du participe passé, il faudrait qu'a sentida, en faisant accorder ce participe avec le complément direct que, tenant la place du substantif féminin la doulou. Voy. Grammaire, alin. 132 et remarque 1, ainsi que les alinéas 185, 186 et 187. LA NEMALDE. — III 79 115 Il tourne l'oeil, ses cheveux se dressent, il fait la grimace, Et sur tout son corps a la chair de poule. Il ne bouge plus ; vous diriez que l'haleine lui manque. Cet état violent ne dure qu'un moment Il se lève comme un furieux et sa douleur cède 120 A l'affreux désespoir qui alors le possède Il tourne son regard 1 vers le oiel, rien ne le retient plus ; Il déchire le mouchoir, s'arrache les cheveux ; Et, se souciant peu qu'on l'entende de dehors 2, Il fait des mugissements qui font trembler les voûtes. 125 Tel, après le premier coup de la dure massue, S'il se détache du croc, vous entendez crier un boeuf Il est vivant ; mais la douleur qu'il a sentie est si vive, Qu'elle est pire que la mort qu'il évite par la fuite. Etait moins furieux le fils de Thétis 3 , 130 Lorsqu'un Grec insolent lui enleva Briséis ; Et fut moins forte et sensible la peine Que ressentit un cocu 4 pour la perte d'Hélène, Mais tout ce vacarme, cette sombre fureur Bientôt se change en une ondée de pleurs. 135 Après qu'au gros chagrin il a ouvert la porte, Qu'il a vu, du grand effroi, Courine moitié morte, Il se remet de son trouble d'un air tendre et doux Il s'approche de son amante et tombe à ses genoux, ce Mon beau coeur, lui dit-il, tendre amour, mon bel ange, 140 ce Que rien ne te chagrine et rien ne te trouble 5 ; ce Laisse là tes projets, ils ne sont pas faits pour toi, ce Toi qui es si aimable et qui as tant de vertu, ce Toi, fleur du paradis et de moi si chérie, ce Tu penses à enterrer ta vie dans un couvent ! 145 Et tu peux prononcer de ces mots cruels ; Devant celui qui t'a juré un amour éternel ! ce De me percer le coeur tu n'auras pas le courage, ce Plus forts en nous unissant, nous conjurerons l'orage ; 1. Littér. Il tourne l'oeil. 2. Littér. de qui au dehors l'écoute. 3. Littér. le petit de Thétis.— Achille à qui Agamemnon ravit Briséis Iliade I . 4. Ménélas. 5. Littér. ne te dérange. 80 LA NEMAÏDA. — III E maugrà lou vérin de qu nen piha a tic, 150 ce Saupren coumbatre e vincre un indign'enemic. ce S'es ver qu'ai respetat la tiéu tendra inoucença, Qu'aven sentit d'amour la benigna influença, ce Perqué, quour'un bèu jou per nautre naisse e lus, ce Vouos que digon qu'en l'aiga aven fach un pertus? 155 Noun as pas pi lou couor plus dur que la muraia, ce E noun es recubert ni d'aran, ni de 'scaia ! " Se viravan lou mai, mi dounaves la man ; ce Se manjavan ensem, faiavan de mitan ; E quoura d'en Riquié lou sera t'entournaves, 160 Un bèu pichoun bouquet toujou mi presentaves. Après que m'as aimat sensa pena e degust, D'un plesi tant divin vouos que perdi lou gust ! Ah ! noun, bela Courina, acô noun si pou faire M'as aimat lou premier, siéu lou tiéu calegnaire ; 165 Si, lou siéu, vouoli l'estre en lou couor, en l'esprit, ce Siès dejà ma mouié, iéu siéu lou tiéu marit.» Aquelu mot proufert embe tant de tendressa, Acoumpagnat après de cinquanta caressa, De la bela Courina an calmat lou chacrin 170 Jura au noum de l'amour d'estre touta à Lubin ; E per gage certen que l'aima embe coustança, Li regala un anèu que data de l'enfança. Noun fouguet pas plus fier e plus countent Jasoun, Quoura aiguet enlevat la famousa toisoun ; 175 E s'avès vist jamai, quoura courron la biga 1, Aquéu que per adressa e noun pas per entriga S'es proucurat li joia, e qu'en marchant va dur, Es mancou que Lubin au coumble dau bounur. Poussessour d'un tresor dau quai amour lou charja 2, 180 Lou baia, lou rebaia e toujou lou regarja. Au Pérou, au Potose, au Messique, au Chili 3 , Noun counouisse un bijou plus bèu d'aquéu d'aqui. 1. Bigue, perche frottée de savon, placée à l'avant d'un bateau et dont il s'agit, en allant pieds nus, d'atteindre l'extrémité pour gagner le prix offert aux concurrents. 2. Littér. dont l'amour le charge. 3. En niçard on prononce Kili. LA NEMALDE. III 81 ce Et malgré le venin de qui nous a pris à tic, 150 Nous saurons combattre et vaincre un indigne ennemi. ce S'il est vrai que j'ai respecté ta tendre innocence, ce Que nous avons senti de l'amour la bénigne influence, " Pourquoi lorsqu'un beau jour naît et luit pour nous, " Veux-tu que l'on dise que nous avons fait un trou dans l'eau 1 ? 155 ce Tu n'as pas puis le coeur plus dur que la muraille, ce Et il n'est pas recouvert ni d'airain ni d'écailles ! ce Si nous tournions le mai 2, tu me donnais la main ; " Si nous mangions ensemble, nous mangions de moitié ; ce Et lorsque de Riquier tu retournais le soir, 160 Un beau petit bouquet toujours tu me présentais, ce Après que tu m'as aimé sans peine ni répugnance, ce D'un plaisir si divin tu veux que je perde le goût ! Ah ! non, belle Courine, cela ne se peut faire ce Tu m'as aimé le premier 3 , je suis ton amant ; 165 ce Oui, je le suis, je veux l'être dans mon coeur, dans mon esprit, ce Tu es déjà ma femme et moi, je suis ton mari. » Ces mots proférés avec tant de tendresse, Accompagnés ensuite de cinquante caresses, De la belle Courine ont calmé le chagrin 170 Elle jure au nom de l'amour d'être toute à Lubin ; Et pour gage certain qu'elle l'aime avec constance, Elle lui fait don d'un anneau qui date de son enfance. Jason ne fut pas plus fier et plus content, Quand il eut ravi la fameuse toison ; 175 Et si vous avez jamais vu, lorsqu'on court la bigue 4, Celui qui par adresse et non par intrigue S'est procuré le prix, et qui va raide en marchant, Est moins que n'est Lubin au comble du bonheur. Possesseur d'un trésor que l'amour lui confie, 180 Il le baise, le rebaise et toujours le regarde. Au Pérou, au Potose, au Mexique, au Chili, Il ne connaît pas un bijou plus beau que celui-là. 1. Que nous avons fait le plongeon, une sottise. 2. La ronde autour de l'arbre de mai, fort en usage autrefois à Nice. 3. Je suis ton premier amour. 4. Voir ci-contre la note 1. 82 LA NEMAÏDA. — III Enfin Lubin, countent e remplit d'empaciença, A l'oujet amourous tira très reverença, 185 Li plaça très baià su la siéu bela man, E pi li di Bouonjou, si reveiren deman. » Lubin, qu'es bouon roubust e qu'a la camba lesta, E plen dau gran proujet que li roula en la testa, Courre de tout coustà, demanda à toui de Nem, 190 Va, que sembla una lebre, e ren noun lou reten. A déjà viroulat boutigoun e boutiga ; En van demanda à toui, s'alassa e si fatiga ; Vé Boufiga à la fin, que cala d'en Castèu, Doui candela à la man tapadi dau mantèu. 195 Lou vé tout penseirous, e l'afaire era seri Avia accoumpagnat un mouort au cementeri ; E calculava jà se dau mouort lou proufit Li pousquesse pagà la pinta e lou roustit 1. Lubin, en l'abourdant, l'arresta e li demanda 200 Doun si pou trouva Nem, en que luec, de que banda. " Se noun es en la vila, es segur au festin », Li di. Nem es toujou doun si béu de bouon vin, E surtout à Cimiè, doun sau que l'aiga es quista, " E doun lou couos jamai noun li troubla la vista. 205 ce Que li va, lou m'an dich ; e, se doubles lou pas, " En mitan dau camin bessai l'aganteras. ce Aven pensat à tu an bèu dire e bèu faire ; " Lu Marguilié, veiras, an un marrit afaire. ce Deman si rassemblan l'ordre n'es jà dounat ; 210 ce E se vouolon marcha dintre lou semenat, ce E vira tant ardit lou nas contra la Gleia, De lou faire doui fes li leveren l'enveia. " Entant 'stai-t'en tranquil soun van lu repoumpèu ; " Tacha de veire Nem, despache-ti 2, fai lèu. 215 Courina sera tieva ; e maugrà tout' entriga, " L'auras, l'espouseras, o noun serai Boufiga. » 1 Rancher s'est souvenu ici de la fable de La Fontaine Le Curé et le Mort Liv. VII. 11. 2. La grammaire exigerait despacha-ti, car c'est l'impératif à la 2e personne du singulier ; mais ici, comme ailleurs, le poète a noté la prononciation populaire. LA NEMAIDE. — III 83 Enfin Lubin, content et plein d'impatience, A l'objet de son amour 1 tire sa révérence, 185 Lui applique trois baisers sur sa belle main, Et puis lui dit ce Bonjour, nous nous rèverrons demain. » Lubin, qui est très robuste et a la jambe leste, Et qui est plein du grand projet qui lui roule dans la tête, Court de tous côtés, s'informe à tous de Nem, 190 Va semblable à un lièvre, et rien ne le retient. Il a déjà exploré échoppes et boutiques, En vain il demande à tous ; il se lasse, il s'éreinte, Aperçoit enfin Boufiga, qui descend du Château, Deux cierges à la main recouverts du manteau. 195 Il le voit tout pensif, car l'affaire était sérieuse Boufiga avait accompagné un mort au cimetière; Et il calculait déjà si le profit du mort Pourrait lui payer la pinte et le rôti. Lubin, en l'abordant, l'arrête et lui demande 200 Où l'on peut trouver Nem, en quel lieu, de quel côté. ce S'il n'est pas à la ville, il est sûrement au festin », Lui dit-il 2. ce Nem est toujours où l'on boit de bon vin, ce Et surtout à Cimiez, où il sait que l'eau est rare, " Et où le seau. 3 jamais ne lui trouble la vue. 205 ce II y va, m'a-t-on dit; et si tu doubles le pas, ce A moitié du chemin peut-être tu l'attraperas. " Nous avons pensé à toi ils ont beau dire et beau faire; ce Les Marguilliers, tu verras, ont une mauvaise affaire. ce Demain nous nous réunissons l'ordre en est déjà donné. 210 ce Et s'ils veulent marcher dans les semailles 4, ce Et tourner si hardiment le nez contre l'Église, ce De le faire deux fois nous leur ôterons l'envie. ; " En attendant tiens-toi tranquille les obstacles sont vains; ce Tâche de voir Nem, dépêche-toi, fais vite. 215 ce Courine sera tienne ; et malgré toute intrigue, " Tu l'auras, tu l'épouseras, ou je ne serai pas Boufiga. » 1. Littér. l'objet amoureux. 2. Lui répond Boufiga. 3. Le seau de la citerne qui est dans la cour du couvent en avant du cloître. L'eau étant rare à Cimiez, les Romains avaient construit des aqueducs qui l'amenaient de Mouraille et des environs de Falicon, 4. Aller à rencontre de nos desseins. 84 LA NEMAÏDA. — III Dich aco d'un ton sec e plen de maestà, La si filon toui doui, cadun dau siéu coustà. L'un e l'autre brulat d'una amourousa flama, 220 Lubin courre au festin e Boufiga à li Dama 1 Soubre lou dous panchant d'un coulet toujou vert, Da li flou, da la frucha en toui lu tems cubert, Luec que sembla encantat e doun Flora e Poumouna An fissat lou siéu regn e reçut la courouna, 225 En de tems reculat, lu Rouman lu premier, Las d'avé tant vincut, bastisseron Cimiè. En un soulet moumen, doun si segava. l'erba, Si vé naisse à gran frès una vila superba. Tout era ben réglât l'orne d'aquelu tems 230 Era autant bouon sourdà que tranquil citouien. Ma lu nouostre paisan, se de li man li 'scapa Lou magau, lou rastèu, lou pouiroun o la sapa, Que pihoun lou fusiéu per défendre un bouon rei, Lu travai campagnart noun li semblon plus bei. 235 Aven bèu fuietà sensa perqué ni couma, Lu famous Cincinnat 2 noun si trovon qu'à Rouma,. Cimiè, soumés aloura ai sourdà muradou, Dai plus bei mounumen s'ournava cada jou, Era aqui lou Forum, doun l'elouquença ardida 240 Moustrava dai Caton la virtù noun timida. Lu temple eron brihant, e tant d'idolou d'or Venion dai ministre 3 engraissa lou trésor. De cirque eron bastit, doun, per gagna l'estrena, L'atleta ensanglantat si roulava en l'arena ; 245 E lou poble souven, que noun era pas sot, Jujava aqui de Plaut li farça e lu bouoi mot Quoura, au bord de la mar, la miserabla Niça Era embe doui barraca 4 encà sensa taulissa. Ma lou tems destrutour, emb' au dai à la man, 250 Noun a pas respetat lou travai dai Rouman ; 1. Petit hôtel et restaurant dans la cité du Parc, aujourd'hui hôtel du Japon. 2. Beaucoup de Niçois prononcent ce mot à l'italienne. 3. Des ministres ; c'est-à-dire, des prêtres païens. 4. Littér. était avec deux baraques. LA NEMAIDE. — III 85 Cela dit d'un ton sec et plein de majesté, Ils filent tous les deux, chacun de son côté. L'un et l'autre brûlés d'une amoureuse flamme, 220 Lubin court au festin et Boufiga aux Dames 1 . Sur le doux penchant d'un coteau toujours vert, De fleurs, de fruits en tous les temps couvert, Lieu qui semble enchanté et où Flore et Pomone Ont fixé leur règne et reçu la couronne, . 225 En des temps reculés, les Romains les premiers, Fatigués d'avoir tant vaincu, bâtirent Cimiez 2 . En un seul moment, là où l'on fauchait l'herbe, On vit naître à grands frais une ville superbe. Tout était bien réglé l'homme de ces temps-là 230 Etait aussi bon soldat que paisible citoyen. Mais nos paysans, si des mains leur échappe La pioche, le râteau, la serpe ou la sape, Et qu'ils prennent le fusil pour défendre un bon roi, Les travaux des champs ne leur semblent plus beaux. 235 Nous avons beau feuilleter sans pourquoi ni comment 8, Les fameux Cincinnatus ne se trouvent qu'à Rome. Cimiez, soumis alors à des soldats maçons, Des plus beaux monuments s'ornait chaque jour. Là était le Forum, où l'éloquence hardie 240 Montrait des Catons la vertu courageuse 4. Les temples étaient brillants, et nombre d'idoles d'or Venaient engraisser le trésor des prêtres. Des cirques étaient bâtis, où, pour gagner le prix, L'athlète ensanglanté se roulait sur l'arène ; 245 Et souvent le peuple, qui n'était pas sot, Jugeait là les farces et les bons mots de Plaute Tandis qu'au bord de la mer, la misérable Nice N'avait que deux baraques et encore sans toiture. Mais le temps destructeur, avec sa faux à la main, 250 N'a pas respecté le travail des Romains ; 1. Le festin de Cimiez a lieu le 25 mars, fête de l'Annonciation. Les Dames voy. ci-contre la note 1. 2. Voy. les Notes détachées. 3. Nous avons beau feuilleter les livres sans savoir pourquoi ni comment, etc. 4. Littér. non timide. 86 LA NEMAÏDA. — III E tantu bei palai, de temple, de teatre, Dau Viei ai chivus blanc si soun laissat abatre. Orne rie, ourguious e plen de vanità, Tu, qu'un pou de fun gounfla e que l'iniquità, 255 Per un camin toursut, vou coundurre à la gloria, Vé li vila destruehi e liege-nen l'istoria Aqui li trouveras, 'stampat dapertout, Que l'orne noun es ren e li virtù soun tout. Ma se lu 'sibuors uman soun de passage e fujon, 260 Toui lu travai de Dieu jamai noun si destrujon Lou bèu Cimiè tamben a toujou counservat Lu charme et lou segil dau Dieu que l'a créat. L'er es tranquil e pur, e la vila, destrucha Mouostra à l'uès enoantat touta sorta de frucha 265 Lou vert pourtegalié, garnit de bei poun d'or, En la frucha, en la flou douna un double trésor. D'un flourage éternel li riba soun bourdadi ; De l'amourous Zefir li flou soun caressadi ; E Febus diligent, en aquéu bèu quartié, 270 Fertilisa embe soin la laupia e lou plantié. Ma ce que la Natura aqui soigna e eounserva, Ce que lou mai nen plas es l'aubre de Minerva. Aubre, signau de paz, aubre nouostre recours, Tu que Niça venera e siéu soulet secours 1, 275 Permete qu'en passant, en un steril ouvrage, Un esprit plus steril t'ofre un sincer oumage. Toujou vert e roubust en touti li seson, Eloigna dau tiéu cep la mouta e lou cairoun 2 ; Fai que de l'estrangier noun manjen la caparra 3 280 Remplisse-nen lu truei, remplisse-nen li jarra ; Dai tiéu noumbrous benfach fai que si tenguen fier 4 , E que lou tiéu licour ougne lou mounde entier. Enfin en aquéu luec destruch e soulitari, Un mourtal enspirat bastisse un santuari 1. Littér. Son seul secours. 2. Cep, tronc. Voy. Notes détachées. 3. Littér. Fais que de l'étranger nous ne mangions pas perdions pas les arrhes reçues. - Ce qui arriverait si l'huile venait à nous manquer, 4. Littér. que nous nous tenions fiers. LA NEMAÏDE. — 111 87 Et tant de beaux palais, de temples, de théâtres, Par le Vieux aux cheveux blancs 1 se sont laissé abattre. Homme riche, orgueilleux et plein de vanité, Toi, qu'un peu de fumée enfle et que l'iniquité, 255 Par un chemin tortueux, veut conduire à la gloire, Vois les villes détruites et lis-en l'histoire Là tu trouveras, imprimé partout, Que l'homme n'est rien et que les vertus sont tout. Mais si les efforts humains passent et disparaissent, 260 Toutes les oeuvres de Dieu jamais ne périssent 2. Aussi le beau Cimiez a toujours conservé Les charmes et le sceau du Dieu qui l'a créé, L'air est tranquille et pur, et la ville détruite Montre à l'oeil enchanté toute sorte de produits du sol 3 265 Le vert oranger, garni de belles pommes d'or, Dans son fruit, dans sa fleur offre un double trésor. D'une floraison éternelle les rives sont, bordées ; De l'amoureux Zéphyr les fleurs sont caressées ; Et Phébus diligent, dans ce beau quartier, 270 Fertilise avec soin la treille et le verger. Mais ce que la nature en ce lieu soigne et conserve, Ce qui nous plaît le plus c'est l'arbre de Minerve. Arbre, symbole de paix, arbre notre soutien, Toi que Nice vénère et son unique ressource, 275 Permets qu'en passant, dans un stérile ouvrage, Un esprit plus stérile encore t'offre un sincère hommage. Toujours vert et robuste en toutes les saisons, Eloigne de tes branches la moufe et le cairon 4 ; Fais que de l'étranger nous ne perdions pas le tribut 3 280 Remplis-en les réservoirs, remplis-en les jarres ; Fais que nous soyons fiers de tes nombreux bienfaits, Et que ta liqueur oigne le monde entier. Enfin en ce lieu détruit et solitaire, Un mortel inspiré bâtit un sanctuaire. 1. Le vieux Saturne. 2. Littér. Mais si les efforts humains sont de passage enfuient, tous les travaux de Dieu jamais ne se détruisent. 3. Littér. Toute sorte de fruits. 4. Moufe, cairon, Voy. Notes détachées. 5. Le tribut qu'il nous paye en achetant nos huiles; 88 LA NEMAÏDA. — III 285 Doun era Jupiter e cent dieu empuissant, L'estendard de la crous s'éleva triounfant ; De sage religious ben lèu li si retiron. L'oumbra dai gran martir qu'encara aqui respiron, E la santa virtù qu'abita lou couvent 290 Atiron lu devot e même lu savent. Lubin, qu'avian laissat au pen de la puada, Dau couvent es dejà souta la bela arcada. Lou festin es dejà plen d'un mounde enfinit De gouorba de chaudéu pareisse ben garnit ; 295 E l'arquet campagnard, soubre de couorda frusti, Grafigna à rabatoun de nota noun trou justi. En fen de riquiqui s'avançon lu paisan ; Fan tres o quatre saut, e, la gijola en man, Vouguès o noun vouguès, que sigue mouola o reda, 300 La si cou laissa mètre e sourti de mouneda. Pertout trouvas de gen, qu drech, qu assetat. Lu moucèu de jamboun e de roustit gelat 1 Parton, qu'es un plesi ; e Bachus 2 e l'oustessa Su toui lu festinié fan ploure l'alegressa. 305 La verdura dai camp li sierve de taulié ; Si vé cent group four mat souta dai aulivié. Aici vira la brocha, aià la casserola Manda de fricassada un audou que consouola 3 ; De gigot quasi crut, de poulas bourousclat 4 , 310 Tout es bouon, tout si vende, e tout es avalat. Pertout s'aude un remoun que l'alegressa enfanta De tout coustà si ri, de tout coustà. si canta ; E l'amant quauque fes a deugut au festin Un regart de la bela, un plus urous destin. 315 Lubin, per cercà Nem, va, ven, ientra en la foula, Regarja dapertout, de toui lu coustà roula, Courre en la clastra, en gleia, e noun trova qu vou Empacient cres dejà qu'a mancat lou siéu cou ; S'abriva tourna, e vé soubre la fresca erbeta 1. Littér. Les morceaux de jambon et de rôti gelé. 2. Littér. Partent, que c'est un plaisir. — Bachus doit se prononcer ici Bacus, comme en français. 3. Littér. Qui console. 4. Littér. Flambés. LA NEMAIDE. — III 89 285 Où étaient Jupiter et cent dieux impuissants, L'étendard de la croix s'élève triomphant ; De sages religieux bientôt s'y retirent. L'ombre des grands martyrs qui y respirent encore, Et la sainte vertu qui habite le couvent 290 Attirent les dévots et même les savants. Lubin, que nous avions laissé au pied dé là montée, Est déjà sous la belle arcade du couvent. Le festin est déjà plein d'un monde infini Il paraît bien garni de corbeilles d'échaudés ; 295 Et l'archet campagnard, sur des cordes frustes, Egratigne prestement des notes pas trop justes. Les paysans s'avancent en faisant des riquiqui 1 ; Ils font trois ou quatre sauts, et, la gijolà 2 à la main, Que vous le vouliez ou non* qu'elle soit souple ou raide, 300 Il faut se la laisser mettre 8 et sortir dé là monnaie. Partout vous trouvez des gens, qui debout, qui assis. Les tranches de jambon et de rôti froid Partent, c'est plaisir à le voir ; et Bacchus et l'hôtesse Sur tous les banqueteurs font pleuvoir l'allégresse. 305 La verdure des champs leur sert de tablé ; On voit cent groupes formés sous les oliviers. Ici tourne la broche, là-bas la casserole Envoie de fricassée une odeur qui réconforte ; Des gigots presque crus* des poulets cuits à peine, 310 Tout est bon, tout se vend et tout est avalé. Partout s'entend un brouhaha que l'allégresse enfanté De tous côtés on rit, de tous côtés on. chante ; Et l'amant quelquefois a dû au festin Un regard de sa belle, un plus heureux destin. 315 Lubin, pour chercher Nem, va, vient, entre dans la foule, Regarde partout, roule de tous côtés, Court au cloître, à l'église, et ne trouve pas celui qu'il cherche; Impatient, il croit déjà avoir manqué son coup ; Il s'élance de nouveau, et voit sur l'herbe fraîche 1. Cris de joie. C'est un mimologisme. 2. Cocarde ou noeud de rubans que l'on distribue dans les fêtes de village. 3. Attacher à la boutonnière on sur la poitrine. 90 LA NEMAÏDA. — III 320 Nem que 'sta coundissent 1 un pou de saladeta. Plaçat ai siéu coustà, trova doui bei mourrin, Qu'anima lou plesi, qu'enflama lou bouon vin. Couma un dieu lou gran Nem s'amusa e si recrea Lou roustit es partit e la troucha de blea, 325 E tres gros tomou, vuei dau vin qu'es jà coulat, Per fà plaça à tres plen, gemisson ranversat. A pena a vist Lubin que lou souona e l'envida ; Per lou fà beure un cou lou menaça e li crida 2 . Lu gotou soun remplit ; e, lou bras estendut, 330 Cadun di ce Viva nautre ! » e ben lèu soun béugut. Lou festin cepandan vé defilà lou mounde A l'oucident Febus si retira e si 'scounde ; E la pala Diana, en lou ciel embrunit, Desplega lou siéu vel d'estela ben garnit. 335 Nem pensa à s'en anà. Coum'a un pou de peleta, Dau bouon amie Lubin si mete à la brasseta S'en parton per la vila; e, tout en fen camin, L'amant au proutetour conta lu siéu chacrin. Li di lu plour qu'a fach la siéu bela mestressa ; 340 Li di lou siéu furour, li di la siéu tendressa ; E li fa saupre enfin que, coustant e fedel, Toui doui si soun jurat un amour éternel. Nem, qu'aude tout aco, qu'escaufada a la testa, Coumbina en caminant la plus fiera tempesta 3 345 Lou bouon vin qu'a beugut, lou gigot qu'a manjat, Labila, lou calou, l'an un pou deranjat ; E, venen à sautoun 4 lou long de la puada ; Laissa de tan en tan 5 parti quauque fuada ; L'uès un pou stravirat, l'abit tacat de vin, 350 Denoton per escrich qu'arriva dau festin. Ma vengut en la vila, un nou malur l'aspera ; Séria 'stat plus grand, se noun era de sera Li ven tout en un cou certen pressant besoun ; 1. Littér. qui est assaisonnant. 2. Littér. et lui crie; c'est-à-dire, lui dit de gros mots. 3. Littér. Combine en cheminant la plus fière tempête. 4. Littér. Et, venant à petits sauts, 5. Forme altérée du français de temps en temps Voy. Grammaire, p. 142. LA NEMAIDE. — III 91 320 Nem assaisonnant un peu de fine salade. Il trouve, placés à ses côtés, deux beaux minois, Qu'anime le plaisir, qu'enflamme le bon vin. Comme un dieu le grand Nem s'amuse et se récrée- Le rôti est parti et aussi l'omelette à la poirée, 325 Et trois gros flacons, vides du vin qui a été déjà versé, Pour faire place à trois pleins, gémissent renversés. A peine a-t-il vu Lubin qu'il l'appelle et l'invite ; Pour lui faire boire un coup il le menace et le querelle. Les verres sont remplis ; et, le bras étendu, 330 Chacun dit ce Vive nous! » et bien vite ils sont bus. Le festin cependant voit défiler le monde A l'occident Phébus se retire et se cache ; Et la pâle Diane, dans le ciel embruni, Déploie son voile bien garni d'étoiles. 335 Nem pense à s'en aller. Comme il a un peu son plumet 1, Il prend le bras 2 du bon ami Lubin Ils partent pour la ville ; et, tout en faisant route, L'amant au protecteur conte ses chagrins; Il lui dit les pleurs qu'a versés sa belle maîtresse ; 340 Il lui dit sa fureur, il lui dit sa tendresse ; . Il lui fait savoir enfin que, constants et fidèles, Tous deux se sont juré un amour éternel. Nem, qui entend tout cela et qui a la tête échauffée* Rumine en marchant le plus terrible orage 345 Le bon vin qu'il a bu, le gigot qu'il a mangé, La bile, la chaleur, l'ont un peu dérangé ; Et, descendant à petits sauts le long de la côte, Il laisse de temps en temps partir quelque fusée ; L'oeil un peu de travers, l'habit taché de vin, 350 Dénotent par écrit qu'il arrive du festin. Mais venu à la ville, un nouveau malheur l'attend ; Il eût été plus grand si ce n'eût été le soir Il lui vient tout à coup certain besoin pressant ; 1. Comme il a un peu d'ébriété. On dit d'un homme ivre a piliat la peu, il a pris la peau, Peleta signifie à la lettre petite peau. 2, Textuellement " il se met à la brassette. » Mais ce mot, si joli, si expressif sous sa forme provençale, n'est pas usité en français. 92 LA NEMAÏDA. — III D'un pas precipitat s'en courre vers maioun. 355 Lou mouvimen vioulent, l'aveni, que l'esfraia, Fan parti lou canoun... adieu muanda e braia ! Arriva à la siéu pouorta ; e la courdeta en man, Tira coum'un perdut e jura coum'un can. Ornai reten l'alen, s'estregne e si boutouna, 360 Ornai la fouont d'en bas giscla e si deboundouna. Tau si pourria veire un gal enfuriat, S'en l'estoupa jamai si trouvesse embrouiatl Plus, per si degajà sauta e si piha pena, E mai lou fouloupoun s'embrouia e l'encadena ; 365 E tau s'es vist souven, en un valat fangous, Un cavau s'enfounçà basta jusqu'ai ginous. Per s'en voulé sourtï 2 trapeja e si mutina, E la fanga dejà li mounta su l'esquina. Enfin lou paure Nem si trova en l'embarras 370 Li braia soun jà pleni e plen soun jà lu bas. La serventa à la fin li ven durbi la pouorta ; A noun si metre en bila e l'envita e l'esorta. Ma vautre, couma iéu, qu'avès lou nas pichoun 3 , E que noun voulès pas fà lou pouorta-coutoun, 375 Laisseras anà Nem dintre la siéu chambreta Metre d'autri muanda e la camia neta ; E, pisqué noun presas de tabac tant subtil, Asperas à deman, que chanjerai de stil. Fin dau troisième cant. 1. Littér. Sidars l'étoupe jamais il se trouvait embrouillé. 2. Littér. Pour vouloir' s'en sortir. 3. Littér. le nez petit. LA NEMAÏDE. — III 93 D'un pas précipité il court vers sa maison. 355 Le mouvement violent, l'avenir 1, qui l'effraie, Font partir le canon adieu caleçon et culottes ! Il arrive à sa porte ; et, le cordon en main, Il tire comme un perdu, et jure comme un chien. Plus il retient la respiration, s'étreint et se boutonne, 360 Plus la fontaine d'en bas jaillit et se débonde. . Tel on pourrait voir un coq irrité, Si dans l'étoupe il lui arrive d'être empêtré Plus, pour se dégager, il saute et se donne du mal 2, Et plus le toupillon s'embrouille et l'enchaîne ; 365 Et tel s'est vu souvent, en un fossé fangeux, Un cheval s'enfoncer presque jusqu'aux genoux Pour vouloir s'en tirer, il piétine et se mutine, Et la boue dejà lui monte jusqu'à la croupe 3 . Enfin le pauvre Nem se trouve dans l'embarras 370 Les braies sont déjà pleines et pleins sont aussi ses bas. La servante à la fin vient lui ouvrir la porte ; Et l'invite et l'exhorte à ne point se mettre en colère. Mais, vous qui, comme moi, avez le nez fin, Et qui ne voulez pas faire le porte-coton, 375 Vous laisserez aller Nem dans sa chambrette Mettre un autre caleçon et une chemise propre ; Et puisque vous ne prisez pas d'un tabac si fin, Attendez à demain, je changerai de style. Fin du troisième chant. 1. L'accident qu'il prévoit. 2. Littér. et se prend peine. 3. Littér. jusqu'à l'échiné. 94 LA NEMAÏDA. — IV CANT QUATRIEME Ultor in hectoridas Graios dolor armat Atridem. Achill. Argum. III 1. ARGUMEN Digressioun soubre li counjura.— Nem aspera lu counjurat e lu invida à cala en la crota. — Merendeta dai Sacrestan. — Gran discours de Nem. — Parlada de Candaver. — Querela tra Bebet e Viscas Nem la calma. — Chouria deseuerbe la counjura avertisse lu Marguilié. — Devouamen de Canula e Pertus ; parton per deseurbi lou coumplot; soun surprès da Viscas e courron un gran dangié. — Lou courage de Pertus estouna lu Sacrestan lu doui amie soun sauvat. Per ourdi de coumplot, de trama e de tempesta, Quanta, d'aquestu tems, si soun roumput la testa ! Es glourious segur de reglà li nacioun A qu plas la poulenta, à qu lu macarroun. 5 Ma s'eri en lou païs doun fan d'aqueli soupa, M'aurias vist présenta davant touti li troupa E li dire Que fes ? V'anas roumpre lou couol " O que sias embecil, o que sias vengut fouol. " Quoura aurès desplegat un drapèu blanc, blu, rouge, 10 Vous creserés plus ric? Noun qu 'sta ben, noun bouge, " Manjas, buvès, durmès, se voulès veni gras ; " Laissas anà la guerra e mantene-vou'en paz. 1. Cette épigraphe est le premier vers d'un argument composé par un scoliaste inconnu et qui, dans quelques anciennes éditions, figure en tête d'un troisième livre de l'Achilléide, formé d'un fragment du livre I des éditions modernes c'est donc par erreur que Rancher l'a attribué à Stace. LA NEMAÏDE. — IV 95. CHANT QUATRIEME Le ressentiment vengeur arme les Grecs et Atride contre les compagnons d'Hector. ARGUMENT Digression sur les conjurations. — Nem attend les conjurés et les invite à descendre dans la cave. — Goûter des Sacristains.— Grand discours de Nem. — Allocution de Candaver. — Querelle entre Bébet et Viscas Nem la calme. — Chouria découvre la conjuration il avertit les Marguilliers. — Dévouement de Canula et Pertus ils partent pour découvrir le complot, sont surpris par, Viscas et courent un grand danger. — Le courage de Pertus étonne les Sacritains les deux amis sont sauvés. Pour ourdir des complots, des trames, des tempêtes, Combien de gens, en ces temps-ci, se Sont rompu la tête ! Il est glorieux certes de régler les nations A qui plaît la polenta 1, à qui le macaroni. 5 Mais si j'étais dans le pays où l'on fait de telle cuisine 2, Vous m'auriez vu me présenter devant toutes les troupes 3 Et leur dire c" Que faites-vous ? vous allez vous casser le cou ce Ou vous êtes imbéciles, ou vous êtes devenus fous, ce Quand vous aurez déployé un drapeau blanc, bleu, rouge, 10 Vous croirez-vous plus riches?Non qui se trouve bien, ne bouge, ce Mangez, buvez* dormez, si vous voulez devenir gras ; Laissez de côté la guerre et tenez-vous en paix 4. 1. Bouillie de farine de maïs. 2. Littér. où l'on fait de ces soupes. C'est-à-dire des complots, des trames. 3. Les troupes insurgées, les conjurés en armes. 4. Littér. Laissez aller les guerres et maintenez-vous en paix. 96 LA NEMAÏDA. — IV " Veneren en lu rei lou Dieu que lu nen douna ; " Noun aperten qu'en eu de puni li couronna 15 " Noun s'es mai denembrat que toui li sian enfant ; " Liga, quoura li plas, au prepoutent li man. " E noun vou mai, tranquil, s'empli lou ventre d'ouia 1, " Que de riscà lou sort de li pauri granouia ? » " Quauqu'un mi dira Ben ! parles comm'un doutour ; 20 ce Ma que fas de Lubin e dau siéu proutetour ? " Lou tiéu discours mi plas es sensat, franc e libre ; " As dich de verità, resounes coum' un libre ; " Ma la peira es lançada, as roumput lu glaçoun 2, " E ti cou counjura sensa fà de façoun. 25 " D'audi coumploutà Nem n'as fach venï l'enveia " Mainaja l'ounour siéu 3, qu'es aquéu de la Gleia ; Mouostre 4 -lou-nen furious, entrepide, animat Que sigue un Catilina au sourti dau Sénat ; " Que cadun lou soustengue e degun noun lou troumpe, 30 " E que dai siéu proujet lou fiéu mai noun si roumpe. " Doune-ti de li man 5 e bate-ti lu flanc ; " Fai lèu, senoun filan e prediques ai banc. » Drech coum'un 'scarrassoun soubre la cantounada, E su lou siéu bastoun una man apuiada, 35 Nem aspera empacient lou toumba de la nuech. En la crota dejà soun calat lu bescuech ; Lou vin es jà tirat. Un oôu de Castelmagna Verdeja en un papié qu'entouron de castagna ; E doui paréu de douil, che-d'uvre de Biot, 40 Brulon d'enumidi tant d'estoumac dévot. Lou De-profundis jà sera sounat en gleia D'impourtun passagier la carriera era vueia ; E Diana, en lou ciel ben 'stelat e ben net, 1. Mot pris à l'espagnol, alla podrida, littér. pot pourri de toutes sortes de viandes. 2. Littér. la pierre est lancée, tu as rompu les glaçons. 3. Littér. Ménage son honneur. 4. C'est la 2e personne de l'impératif il faudrait donc mouostra, comme nous l'avons déjà fait remarquer plus d'une fois. De même quatre vers après au lieu de doune-ti, la grammaire exige, par la même raison, douna-ti. Quant à bate-ti, qui suit presque immédiatement doune-ti, c'est une expression très correcte en effet la 2e pers. du singulier de l'impératif est en e dans les verbes de la 3e conjugaison rende; tandis qu'elle est en a dans ceux de la 1ere aima. 5. Littér, Donne-toi des mains. LA NEMAIDE. — IV 97 Vénérons dansles rois le Dieu qui nous les donne; " II n'appartient qu'à lui de châtier les couronnes 15. ce Il n'a jamais oublié que nous sommes tous ses enfants ; ce Il lie, quand il lui plaît, les mains au plus puissant. " Et ne vaut-il pas mieux, tranquilles, se bourrer de mangeaille, ce Que risquer, le, sort des pauvres grenouilles 1 ? » ce Quelqu'un me dira ce Bien! tu parles comme un docteur ; 20 ce Mais que fais-tu de Lubin et de son protecteur ? Ton discours me plaît il est sensé, franc et libre ; ce Tu as dit des vérités, tu raisonnes comme un livre ; Mais le sort en est jeté, tu as rompula glace, " Et il te faut conjurer sans faire des façons. 25 ce D'entendre Nem comploter tu nous as fait venir l'envie " Maintiens son honneur, qui est celui de l'Eglise. ce Montre-nous-le furieux, intrépide, animé ce Qu'il soit un Catilina au sortir du Sénat; ce Que chacun le soutienne et nul ne le trompe, 30 Et que de ses projets le fil ne se rompe plus. Remue-toi et bats-toi les flancs ; Fais vite, sinon nous filons et tu prêches aux bancs 2. » Droit comme un échalas au coin d'une terrasse 3, Et une main appuyée sur son bâton, 35 Nem attend impatient la tombée de la nuit; Dans le caveau déjà les biscuits sont descendus ; Le vin est déjà tiré. Un peu de Castelmagna 4 Verdoie dans un papier qu'entourent des châtaignes; Et deux paires de pots, chefs-d'oeuvre de Biot 5, 40 Brûlent d'humecter tant d'estomac dévots. Le De-profundis 6 déjà avait été sonné à l'église D'importuns passagers la rue était vide ; Et Diane, dans le ciel bien étoile et bien pur, 1. Qui demandent un roi. La Fontaine. Fables, III, 4. 2. Tu pérores dans le Vide. 3. Le maître échalas placé au coin d'un mur de soutènement, le long duquel sont plantés d'autres échalas reliés par des fils de fer qui soutiennent les sarments des vignes. 4. Nom d'un fromage qui vient de Castelmagna, près de Turin. 5. Biot, village au, d'Antibes, où l'on fabrique seulement aujourd'hui beaucoup de jarres. 6. Ou l'Angélus. 98 LÀ NEMAIDA. — IV Dau siéu tendre Acteoun moustrava lou plumet. 45 Dai Sacrestan enfin la negra banda arriva ; En lu veent veni, Nem jouious crida ce Evviva! ce Sigues lu ben vengut. Cresii, maugrabèu, ce Qu'aviavas denembrat qu'ancuei si ten counsèu. ce Suive-mi toui, calas ; ai mes man à la bouta 50 ce Noun aurès un repast ; ma se noun poôu, dégouta, " Trouvères lou vin bouon e picant lou froumai ; ce Serès pi régalat de quauqua ren de mai E couma noun venen per faire aici tampouna, " Achetas toui de couor ce que lou couor vous douna. » 55 Aloura calon toui d'un pas précipitat ; En la crota, à sautoun, cadun es arrivat. La vista dau froumai, dau vin, de li castagna, Toca lou plus pautroun, lou reviéuda e lou gagna. Cadun piha un bescuech; e, lou veire à la man, 60 Jura de sousteni lou cors dai Sacrestan. Toui, l'esprit ocupat d'aquela gran querela, Emb'un vigour nouvèu fan boujà li maissela; E li briga, en un mot, sauton de tout coustà. Tau veirias un estrop d'afamat courpatà, 65 Quoura senton l'audou d'una garogna 1 mouorta, Un désir efrenat lu brula e lu traspouorta. Pita tu, pita iéu 2 cadun s'en piha un trouos; E la garogna lèu noun es plus qu'un fai d'ouos 3. Ensin, sensa brutà ni culié ni fourcheta, 70 Lu nouostre counjurat fagueron plaça neta. Après avé fenit aquéu frugal repast, Merendeta d'amie, sensa lussou ni fast, Ranverson de quartin, arranjon quauque codou, S'asseton en silenci e fourmon un miech rodou. 75 Nem, que lu vé tranquil, proufita dau moumen Lou siéu couor s'es enflat e de courage es plen. Per estre ben audit e faire mihou mina, 1. Forme altérée de carogna. Voy, Grammaire, p. 140. 2. Littér. Béquette toi, béquette moi. 3. Littér. qu'un fardeau d'os. LA NEMAÏDE. — IV 99 De son tendre Actéon montrait le plumet 1. 45 Des Sacristains enfin la noire bande arrive ; En les voyant venir, Nem joyeux crie ce Vivat! " Soyez les bien venus. Je croyais, maugrebleu, " Que vous aviez oublié qu'aujourd'hui on tient conseil. " Suivez-moi tous, descendez ; j'ai mis la main au tonneau. 50 ce Vous n'aurez pas un repas ; mais s'il ne pleut il bruine 2. Vous trouverez bon le vin et piquant le fromage ; é Vous serez ensuite régalés de quelque chose de plus ce Et comme nous ne venons pas ici pour faire ripaille, Acceptez tous de coeur ce que le coeur vous donne. » 55 Alors ils descendent tous d'un pas précipité ; Dans le caveau, en sautillant, chacun est arrivé. La vue du fromage, du vin, des châtaignes, Touche poltron, le ravigote et le gagne. Chacun prend un biscuit ; et, le verre à la main, 60 Jure de soutenir le corps des Sacristains. Tous, l'esprit occupé de cette grande querelle, Avec une vigueur nouvelle font remuer les mâchoires ; Et les bribes, en un mot, sautent de tous côtés. Telle vous verriez une volée de corbeaux affamés, 65 Lorsqu'ils sentent l'odeur d'une charogne morte, Un désir effréné les brûle et les transporte. Pique toi, pique moi chacun s'en prend un morceau ; Et la charogne n'est bientôt plus qu'un tas d'ossements. De même, sans salir ni cuiller, ni fourchette; 70 Nos conjurés firent place nette. Après avoir terminé ce frugal repas, Goûter d'amis, sans luxe ni faste, Ils renversent des barils, rangent quelques blocs de pierre, S'asseyent en silence et forment un demi-cercle. 75 Nem, qui les voit tranquilles, profite du moment Son coeur s'est enflé et de courage est plein. Pour être bien entendu et faire meilleure figure, 1. La lune, étant au premier quartier, montrait ses cornes. 2. C'est-à-dire, s'il n'y a pas énormément à manger, il y en a quelque peu. Le texte dit " s'il ne pleut, il dégoutte.» 100 LA NEMAÏDA. — IV Mounta su d'un bouiou , sauta dintre la tina, Lu caressa de l'uès, touisse, si mouca, e enfin 80 Li fa lou siéu discours, que coumença en latin. " Domine, labia mea aperies. L'arrougança ce Dai nouostre Marguilié, amie, crida vanjança ! " Cou desvià lou cours dai siéu marrit dessen ; ce Senoun de la farina auren basta lou bren. 85 " Lou nouostre regn, amie, pourren soufri que toumbe? ce Que souta un Marguilié lou vouostre Nem sucoumbe ? Que même dau païs lou plus vil dai mourtal ce N'enlevé tout pouvoir e fasse tant lou gal? ce Per nen faire à cadun batre dau cuou per terra 2, 90 Couma lou n'a proumés, renouvela la guerra. ce S'es fach de partisan, lu van poussant à bout ; " E lou véu su lou pouneh d'acoumpli lu siéu vout. ce E nautre, que sian fier e plus fouort que noun pensa, " Pacient, si laisseren fouetà sensa defensa ? 95 ce E noun v'en avisas que lu cou de calous " Nen suivon dapertout, même jusqu'à la Fous ? " Aicï noun disputan una vana vitoria ce S'agisse dau salut e noun pas de la gloria. ce Qu'es que mai noun n'an fach Parpagnaca e Giboun 3 ? 100 " Si menchounon de nautre en touti li maioun ce Se per fà mai d'ounour au miéu cors, à la Gleia, De poudra lu frisoun mi venguesse l'enveia, " D'aussitôt van dient Nem vou fà lou galet 4; » " E l'uès si fisson toui soubre lou miéu toupet. 105 " Soulevon contra iéu mourtal, ange, demoni ; " An jusqua corroumput lou miéu sartre L*** 5 ce M'a fach una levita emb'un coulet tant aut, Qu'à la perruca un jou faguet faire lou saut. " En gleia, en acendent, la miéu couossa pelada 110 " Même dai plus beat m'atiret li risada. ce An, cresi, au siéu pouvoir Asmodée 6, Astarot; 1. Sorte de seau. 2. Littér, battre du c. par terre. 3. Littér. Qu'est-ce que ne nous ont pas encore fait Parpagnaca et Gibon ? 4. Littér. Le jeune coq. 5. Luboni. 6. Sic. LA NEMAÏDE. — IV 101 Il monte sur un seau, saute dans la cuve 1, Les caresse de l'oeil, tousse, se mouche, et enfin 80 Leur fait son discours, qu'il commence en latin. ce Domine labia mea aperies 2. L'arrogance " De nos Marguilliers, amis, crie vengeance ! " II faut détourner le cours de leurs mauvais desseins ; ce Sinon de la farine nous aurons seulement le son. 85 Notre règne, amis, pourrons-nous souffrir qu'il cesse 3 ? " Que sous un Marguillier votre Nem succombe? " Que même du pays le plus vil des mortels Nous ravisse tout pouvoir et fasse tant le coq ? ce Pour nous faire à chacun donner du derrière par terre, 90 Comme il nous l'a promis, il renouvelle la guerre. ce Il s'est fait des partisans, il va les poussant à bout; ce Et je le vois sur le point d'accomplir ses voeux. ce Et nous, qui sommes fiers et plus forts qu'il ne pense, " Patients, nous laisserons-nous fouetter sans défense? 95 ce Et vous ne remarquez pas que les trognons de chou 4 Nous poursuivent partout, même jusqu'à la Fous? ce Ici nous ne disputons pas une vaine victoire ce Il s'agit du salut et non pas de la gloire. " Que ne nous ont-ils pas fait, Parpagnaca et Gibon ? 100 ce Ils se moquent de nous dans toutes les maisons Si pour faire plus d'honneur à ma corporation, à l'Eglise, " De poudrer mes frisons il me vient l'envie, ce Aussitôt ils vont disant ce Nem veut faire le galantin » ; ce Et tous les yeux se fixent sur mon toupet. 105 ce Ils soulèvent contre moi mortels, anges et démons ; Ils ont corrompu jusqu'à mon tailleur L*** 5 " II m'a fait une lévite avec un collet tellement haut, " Qu'à la perruque un jour il fit faire le saut. ce Dans l'église, en allumant 6, ma nuque pelée 110 ce Même des plus béats m'attira les risées. Ils ont, je crois, en leur pouvoir, Asmodée, Astaroth; 1. La cuve à faire la lessive et qui, en cette occurrence, sert à Nem de chaire à prêcher. 2. Seigneur, tu ouvriras mes lèvres. 3. Littér., qu'il tombe. 4. Voy. Ch. II, v. 63, note 2. 5. Luboni. 6. En allumant les cierges de l'autel. 102 LA NEMAÏDA. — IV ce E même Lucifer ientra en lu siéu coumplot. ce La nouostra autourità si destruge 1 e s'envola ; ce Ben lèu nen douneran jusqu'à de patassola. 115 ce Tant d'ardit proucedat mi rendon furious ; ce L'esemple en Niça jà deven countagious. ce Couma, lou soufreren ? e la nouostra paciença Siervera d'alimen à tant d'impertinença ? ce E noun es tems enfin que, délivrât dau mors, 120 ce Au mancou disputen lu drech dau nouostre cors ? ce S'aven marchat d'aplomp en de routa ben touorti, " S'aven moustrat li den en d'oucasioun plus fouorti, ce Jamai noun sera dich que l'ardida Ponchoun, ce Parpagnaca e lu siéu nen damon lou pioun. 125 ce An bèu s'anà vantant, embabouinà lu Fraire, ce Li côu fà passa l'aiga, e noun s'en pouodon traire. ce En un dangié tant gran, lu miéu car coumpagnoun, " Si trata d'espousà l'esquina e lu rougnoun. " Mesclen li nouostri rusa 2 enib'ai nouostre artifici, 130 Afin qu'à cada pas trovon un precipiei ; E que digon après, en fen grignà li den ce Sian estat de gran fouol de lutà contra Nem. » Aqui Nem s'arrestet, e la negra assemblada D'un parlà tant ardent pareisset estounada. 135 Semblon l'orne de bouosc qu'era su lu bastioun 3, Tant li resoun de Nem an fach empressioun. La paraula en sourten espira su la bouea ; E maugrà li virtù dau bouon jus de la souca, Degun dai counjurat, quaqu'elouquent e dot, 140 Après un tau discours noun auja dire un mot. Qu si mouorde lou det, qu soufla, qu si guigna; Un fa doui pan de labra, un autre si reguigna. Après, tout en un côu, pousson tant d'urlamen, Que la crota a tramblat jusqu'ai siéu foundamen. 145 Paioun, quoura ven gros e que de li mountagna Roula plen de furour en li nouostri campagna, 1. Littér. se détruit. 2. Littér. Mêlons nos ruses. 3. Voy. Notes détachées. LA NEMAIDE. — IV 103 Et même Lucifer entre dans leurs complots. " Notre autorité se perd et s'envole ; Bientôt ils nous donneront jusqu'à des fessées. 115 D'aussi insolents procédés me rendent furieux ; " L'exemple à Nice devient déjà contagieux. " Comment, nous le souffrirons ? et notre patience " Servira d'aliment à tant d'impertinence ? " Et n'est-il pas temps enfin que, délivrés du mors, 120 Nous disputions au moins les droits de notre corporation? " Si nous avons marché droit dans des routes bien tortueuses, Si nous avons montré les dents en de plus fortes occasions, Jamais il ne sera dit que l'audacieuse Ponehon; " Parpagnaca et les siens nous dament le pion. 125 ce Ils ont beau aller se vantant, embabouiner les Frères 1, ce Il faut leur faire passer l'eau, et ils ne peuvent s'en tirer 2. ce En un danger si grand, mes chers compagnons, Il s'agit d'exposer l'échiné et les rognons. ce Combinons nos ruses avec nos artifices, 130 Afin qu'à chaque pas ils trouvent un précipice ; " Et qu'ils disent ensuite, en faisant grincer les dents " Nous avons été de grands fous de lutter contre Nem. » Ici Nem s'arrêta, et la noire assemblée D'un langage si ardent parut étonnée. 135 Ils ressemblent à l'homme de bois qui était sur les bastions 3, Tellement les raisons de Nem ont fait impression. La parole en sortant expire sur la bouche ; Et malgré la vertu du bon jus de la vigne, Aucun des conjurés, bien qu'éloquent et docte, 140 Après un tel discours n'ose dire un mot. Qui se mord les doigts, qui souffle, qui cligne de l'oeil ; L'un fait deux pans 4 de lèvres, un autre se renfrogne. Ensuite, tout d'un coup, ils poussent tant de hurlements, Que la cave a tremblé jusque dans ses fondements. 145 Le Paillon, lorsqu'il devient gros et que des montagnes Il roule plein de fureur dans nos campagnes, 1. De leur congrégation de pénitents, 2. Il faut les réduire au point qu'ils ne puissent plus se tirer d'affaire. C'est sans doute le passage du Rubicon qui a donné lieu anciennement à la locution passa Vaiga, au figuré. 3. Voy. Notes détachées. 4. Ancienne mesure valant 25 centimètres. 104 LA NEMAÏDA. — IV Noun fa tant de remoun. Lou sanc e l'esprit viéu 1 , Cadun duerbe un avis e vou dire la siéu ; Ma de toui Candaver a la vous la plus fouorta, 150 E, cridant coum'un bou, s'esplica de la sorta " Lou nouostre regn, es ver, courre un ben gros dangié ; Ma noun aven besoun d'un secours estrangier. " Siéu naissut en lu baus, ai vieugut su li roca ; E sabi repoustà, quoura quauqu'un mi toca. 155 ce S'es fouorta la miéu vous, ai tamben lou bras fouort, " E lu miéu côu de poun fan rejoui la mouort. " Noun siéu couma Boufet, qu'embe li siéu machina, " Archimede 2 mancat, mete tout en rouina ce Sensa arpagoun, levié, sensa crie, sensa crae 3, 160 Barseli, roumpi tout, fau defach 4 e siéu brac. ce Ren noun mi fa pàou lou dangié noun m'estouna ; E vali per la lenga un doutour de Sorbouna. Cregnut dai Marguilié, de toui vautre estimat, ce Siéu lou plus vioulent e lou plus animat. 165 " Sabi d'un pataudas escaufà lou courage ; Lou poussi ai miéu désir 5 e li fau fà tapage. " Pouorti de cou segur ; e quoura fa besoun 6, ce Descorni Parpagnaca e li raubi Ponchoun. " Martèu, Giboun, Flidet, lu mi meti en la pocha ; 170 ce Canula embe Pertus, lu roustissi à la brocha ce Que vengon m'afrountà ; veiran se Candaver ce En tout tems, en tout luec sau fà lou siéu dever. ce E se de peu de gus voulés avé de 'stofa, ce V'espeierai Capèu, Chouria e tamben Bofa. 175 ce Vouoli, per vous sauva d'aquéu dangié fatal, ce Mi batre au premier rang, faire da generai. ce S'armen couma pouden un baston, una branca, ce Tout sierve, tout es bouon, même un moucèu de banca. 1. Littér. vifs. 2. En niçard on prononce Arhimedé. 3. Candaver fait peut-être ici un jeu de mots dans ce cas il faudrait traduire sans craque. 4. Littér. Je fais des faits. — Le sens ordinaire de cette locution est j'agis vigoureusement, je commets des actions graves. 5. Littér. à mes désirs. 6. Littér. et quand il fait besoin. LA NEMAIDE. — IV 105 Ne fait pas autant de bruit. Le sang et l'esprit échauffés, Chacun ouvre un avis et veut dire la sienne 2 ; Mais de tous Candaver a la voix la plus forte, 150 Et, criant comme un boeuf, il s'explique de la sorte ce Notre règne, il est vrai, court un bien grand danger ; ce Mais nous n'avons pas besoin d'un secours étranger. "' Je suis né dans les rochers, j'ai vécu sur les roches ; ce Et je sais riposter, lorsque quelqu'un me touche. 155 " Si ma voix est forte, j'ai aussi le bras fort, ce Et mes coups de poing font réjouir la mort. ce Je ne suis pas comme Boufet, qui avec ses machines 3, ce Archimède manqué, met tout en ruines ce Sans harpons, leviers, sans cric, sans crac, 160 " Je tape dur, je brise tout, je fais dés malheurs et suis braque. " Rien ne me fait peur le danger ne m'étonne point ; Et je vaux pour la langue un docteur de Sorbonne. " Craint des Marguilliers, estimé de vous tous, ce Je suis le plus violent et le plus animé. 165 Je sais d'un pleutre échauffer le courage ; " Je le pousse où je veux et lui fais faire tapage. Je porte des coups sûrs ; et au besoin, " J'arrache les cornes à Parpagnaca 4 et lui ravis Pohchon. ce Martèu, Gibon, Flidet, je les mets dans ma poche 5 ; 170 Canula avec Pertus, je les rôtis à la broche Qu'ils viennent m'affronter, ils verront si Candaver ce En tout temps, en tout lieu sait faire son devoir. ce Et si de peaux de gueusards voulez avoir étoffe ce Je vous dépiauterai 6 Capèu, Chouria et aussi Bofa. 175 Je veux, pour vous sauver de ce danger fatal, ce Me battre au premier rang, faire du général. ce Armons-nous comme nous pourrons ; un bâton, une branche, ce Tout sert, tout est bon, même un fragment de comptoir 7. 2. Sa façon de penser. 3. Boufet se donnait comme savant mécanicien. Voy, la Clef des personnages. 4. Je le désarme, je le mets dans l'impossibilité de me résister. 5. Comme de simples marionnettes. 6. L'Académie n'a pas encore admis ce terme populaire ; mais Littré l'a recueilli dans son Supplément. 7. Banca, mot italien, comptoir, bureau; banque. 106 LA NEMAÏDA. — IV Dai nouostre couor surtout eloignen touta pou, 180 ce E troublen l'univers per si mètre en repôu. » Bebet, qu'es ouratour, mounta drech su la taula ; E, en parpeleant, demanda la paraula. Es que nen vou tant dire e s'explica tant ben, Que la lenga s'embrouia e resta su li den. 185 Si reguigna, trapeja e fa tanti grimaça, Qu'es pejou qu'un Tartaia en mitan d'una plaça. Per acouchà d'un mot li cou la levairis Si fa de cent coulou, blanc, rouge, vert e gris ; Mastega quauque tems, avala la saliva ; 190 Per pousquè coumençà piha l'elan, s'abriva ; E per fà veire à toui que noun es pas tant sot, La bouca de darriè lacha à la fin lou mot. Da toui fouguet capit, toui ben lèu lou senteron ; S'esclateron dau rire e vitou tabaqueron. 195 Un discours tant suchint su toui pourtet lou vaut 1 Se noun era savent, fouguet ensinuant. Ma Viseas, que noun a l'anima trou flegmatica, Li di " Fraire Bebet, noun sabes la grammatica 2 . " Si vé que noun as mai counouissut lou latin 200 ce Un mot qu'era femèu, lou m'as fach mascoulin. ce Iéu noun pouodi soufri qu'à pena intrat en dansa, " Coumencen per fourmà de faussi concourdança. ce Sounja ben qu'en la pocha ai toujou l'estafiéu, ce Que siéu d'un sanc brulat, qu'ai l'esprit fouort e viéu. 205 " Pihe-ti lou Donat noun mi cercà de 'scusa, " E vai tourna 'studià l'hoeche 3 musa, la musa. » Bebet, enfuriat, vou respouondre e noun pou Piha lou douil en man per faire un niarrit cou ; E segur qu'à Viseas auria rout lou mourre, 210 S'entra lu coumbatent noun si metia Fracourre. 1. Tant ou mieux vanc, élan, essor, entraînement, transport. Littér. porta ou produisit sur tous l'entraînement. 2. Ces deux vers sont construits à l'imitation des vers italiens dits sdruccioli, chez lesquels la voyelle de la syllabe antépénultième porte l'accent et constitue la rime, les deux syllabes suivantes ne comptant pour ainsi dire pas. 3. Prononcez hoequé. En Italie le mot latin hoec se prononce hoeche, en donnant au groupe ch un son dur et guttural. . LA NEMAÏDE.— IV 107 " De nos coeurs surtout éloignons toute peur, 180 Et troublons l'univers pour nous mettre en repos. » Bebet, qui est orateur, monte droit sur la table ; Et, en clignotant, demande la parole. Or il veut en dire tant et il s'explique si bien, Que la langue s'embrouille et reste dents. 185 Il se renfrogne, trépigne et fait tant de grimaces, Qu'il est pire qu'une Tartaia 1 au milieu d'une place. Pour accoucher d'un mot, il lui faut la- sage-femme Il devient de cent couleurs 3, blane, rouge, vert et gris ; Mâchonne quelque temps, avale la salive ; 190 Pour pouvoir commencer, prend haleine, se lance; Et pour faire voir à tous qu'il n'est pas puis si sot, La bouche de derrière lâche à la fin le mot. De tous il fut compris, tous bien vite le sentirent ; Ils éclatèrent de rire et vite prirent du tabac. 195 Un discours si succinct donna à tous de l'entrain S'il n'était pas savant, il fut insinuant. Mais Viscas, qui n'a pas l'âme trop flegmatique, Lui dit " Frère Bebet, tu ne sais pas la grammaire. On voit que tu n'as jamais su le latin 200 ce Un mot qui était féminin tu me l'as fait masculin 3 ce Moi, je ne puis souffrir qu'à peine entrés en danse, ce Nous commencions par former de faux accords. " Songe bien que dans ma poche j'ai toujours le martinet, ce Que je suis d'un sang chaud, que j?ai l'esprit fort et vif. 205 ce Prends le Donat 4 ne m'allègue pas d'excuse 5 , " Et va de nouveau étudier le hoec musa, la muse 6 .» Bebet, furieux, veut répondre et ne peut Il prend le crouchon en main pour faire un mauvais coup ; Et pour sûr qu'à Viscas il eût cassé la gueule, 210 Si entre les combattants ne se fût mis Fracourre. 1. Voy. Ch. I, v. 159, Bebet était un peu bègue Voy. la Clef des personnages. 2. Littér. Il se fait de cent couleurs. 3. Voy. Notes détachées. 4. La grammaire latine. Donat, grammairien du IVe siècle saint Jérôme fut son élève. 5. Littér. ne pas me chercher d'excuse, c'est l'infinitif pour l'impératif. Voir ma Grammaire niçoise,. 125. 6. C'est la première déclinaison latine. 108 LA NEMAÏDA. — IV Fracourre, lou plus lest de toui lu Sacrestan, Vou calma la bourrasca e li reten li man. L'ostacle fa que mai s'escaufa la querela Entant qu'un es tengut, l'autre pica e barsela; 215 E de Fracourre enfin lou malurous rastèu Es pejou qu'un enclum batut da doui martèu. Couma lu cou de poun li plouvon su li couosta, Lu laissa 'scarpinà, squia e piha la pouostal ; Ma Nem, que vé que mau va feni lou travai, 220 Mounta su d'una bouta e, poussant un gros rai 2 , Li crida ce Qu'es aco ?... Ma davant que coumenci, " D'un belet de cinq an à toui cou que dispensi. ce En man ai la brouqueta, au trau teni lou det ce Tastas, e mi dires s'es o noun de belet.» 225 Quaque s'aigon très ben l'un e l'autre ounch lu totou 3, Viscas embe Bebet apresson lu siéu gotou. Lou vin giscla en lou veire, escuma, e, perfumat, Calma l'irritaoioun dei siéu piech enflamat. Ma se dau siéu coustà lu Sacrestan ruminon, 230 Dau chef dai Marguilié lu beat s'encaminon. Chouria, en aquéu tems, cuiia dapertout Cen que de l'aulivié fa reverdi lu brout. A la lanterna en man, es au cas de tout veire ; Près de la crota escouta, e lou tintin dai veire, 235 Parpagnaca noumat, Capèu, Pertus, Giboun, La trama an révélat d'una couspiracioun. Parte couma lou vent, va trouva l'autra banda, Arriva sensa alen 4 ; e cadun li demanda Cen que lou fa veni, que vou, qu'es arrivat ; 240 E maugrà lu parfum toui l'an environnât. Li respouonde à la fin, li di que li calota, Per mountà quauque cou, soun caladi en la crota ; Li di tout cen qu'a vist e tout cen qu'a sentit, E qu'es tems de pihà cadun lou siéu partit. 1. Littér. et prend la poste. 2. Littér. braiement. 3. Ougne lu totou, au propre oindre les os » ou mieux les articulations, les poings ; au figurée donner une raclée. » 4. Littér, sans haleine. LA NEMAIDE. — IV 109 Fracourre, le plus leste de tous les Saeritains, Veut calmer la bourrasque et leur retient les mains. L'obstacle fait que la querelle s'échauffe davantage Pendant que l'un est maintenu, l'autre frappe et tape dur ; 215 Et de Fracourre enfin le malheureux dos Est pis qu'une enclume battue par deux marteaux. Comme les coups de poing lui pleuvent sur leés côtes, Il les laissé s'écharper, glisse et s'échappe vivement ; Mais Nem, qui voit que la besogne va finir mal, 220 Monte sur un tonneau et, poussant un grand éclat de voix, Leur crie " Qu'est cela?... Mais avant que je commence, D'un belet 1 de cinq ans il faut que j'offre à tous. ce J'ai en main la brochette 2 , au trou je tiens le doigt ce Goûtez, et vous me direz si c'est ou non du belet. » 225 Quoiqu'ils se soient l'un l'autre très bien frotté les côtes, Viscas et Bebet approchent leurs verres. Le vin jaillit dans le verre, écume, et, parfumé, Calme l'irritation de leur Mais si de leur côté les Sacristains ruminent, 230. Vers le chef des Marguilliers les béats s'acheminent. Chouria, pendant ce temps, cueillait de toutes parts Ce qui de l'olivier fait reverdir les bourgeons. Il a la lanterne en main, est en mesure de tout voir ; Près de la cave il écoute, et le tintin des verres, 235 Les noms de Parpagnaca, Capèu, Pertus, Gibon 3 , Lui ont révélé la trame d'une conspiration. Il part comme le vent, va trouver l'autre bande, Arrive tout essoufflé ; et chacun lui demande Ce qui le fait venir, ce qu'il veut, ce qui est arrivé ; 240 Et malgré les parfums 4 tous l'ont entouré. Il leur répond enfin, leur dit que les calottes, Pour monter quelque coup, sont descendues dans la cave ; Il leur dit tout ce qu'il a vu et tout ce qu'il a entendu, Et qu'il est temps de prendre chacun son parti. 1. Excellent vin récolté à Belet, sur la rive gauche du Var. .2. Petite fiche en bois qui bouche le trou fait au tonneau par la vrille. 3. Entendus par Chouria. Le texte dit Parpagnaca nommé, Capèu, Pertus, Gibon. » 4. L'odeur que répand le chiffonnier Chouria. 110 LA NEMAÏDA. — IV 245 Capèu, qu'es judieious e que cregne Roujassa, Que noun vourria à boudre asardà la carcassa 1, Douna un avis prudent e di que davant tout Cou députa quauqu'un per si mètre à l'escout 2. De rempli tau missioun en lou couor cadun brûla ; 250 Ma l'uès si fisson toui soubre lou bèu Canula. Canula es lest, ardit, ensinuant e dous ; Es caut o frei, se cou, bouon, souple e maniérous Embe un uès soulamen qu lou si pourra creire ? Vé souven cen qu'à toui noun es permés de veire. 255 D'un coum'un sentimen dau message a l'ounour ; Ma Pertus que per eu nourrisse un tendre amour, E que soun jà 'stat couma car e camia, Soulet en lou dangié veire noun lou vourria ; Es jà déterminat e noun li pensa plus . 260 Canula noun fa ren sensa lou siéu Pertus. Ensin Thebe autrifes veguet Epaminounda Aima Pelopidas d'un' afecioun proufounda. Piritoùs, Thesé, si tratant d'amitié 3, En Canula e Pertus an trouvat lu parié 265 An toui doui même ardour, même âge, même taia ; En tems de paz tranquil, eourajous en bataia, S'emb'un dai doui quauqu'un vou fà lou marrias, Rescountra en l'enemio doui testa e quatre bras. Un égal sentimen lu siéu doui couor echita 270 S'un es lou ferre enfin, l'autre es la calamita. Ensem vouolon parti per la gran 'spedicioun, Quoura tout en un cou souorte signa Ponchoun. En man a la sartaia e, dejà fricassadi, Pouorta en un tronc pounchut de bigneta enfiladi ; 275 Li paisse ai doui campioun et li di qu'au retour, Mihou li marquera lou siéu perfet amour ; Qu'entant qu'à l'oli eaut va fà d'autri bigneta, Que sera la siéu part au font de la gourbeta ; 1. Littér. hasarder la carcasse. Boudre, mélange confus Mistral, Diction. à boudre, pêle-mêle, sans ordre, à la débandade, sens dessus dessous. Id. 2. Littér. pour se mettre à l'écoute. 3. Littér. se traitant d'amitié. LA NEMAÏDE. — IV 111 245 Capèu, qui est judicieux et qui craint Roujassa, Qui ne voudrait pas exposer sa carcasse dans une mêlée, Donne un avis prudent, et dit qu'avant tout Il faut députer quelqu'un qui. se mette à l'écoute. Chacun brûle dans son coeur de remplir une telle mission ; 250 Mais les yeux se fixent tous sur le beau Canula. Canula est alerte,.hardi, insinuant et doux; Il est chaud, il est froid, s'il le faut, bon, souple et poli Avec un seul oeil qui pourra le croire? Il voit souvent ce qu'à tous il n'est permis de voir 1. 255 D'un commun sentiment il a l'honneur du message; Mais Pertus, qui pour lui nourrit un tendre amour, Et parce qu'ils ont toujours été comme chair et chemise, Ne voudrait pas le voir seul dans le danger ; Sa détermination est déjà il ne s'en préoccupe plus 2 260 Canula ne fait rien sans son Pertus. Ainsi Thèbes autrefois vit Epaminondas Aimer Pélopidas d'une profonde affection. Pirithoüs, Thésée, se traitant d'amis, En Canula et Pertus ont trouvé leurs pareils 265 Ils ont tous deux même ardeur, même âge, même taille; Tranquilles en temps de paix, courageux dans la bataille, Si avec l'un d'eux quelqu'un veut faire le méchant, Il rencontre en l'ennemi deux têtes et quatre bras. Un égal sentiment anime leurs deux coeurs 270 Enfin si l'un est le fer, l'autre est l'aimant. Ils veulent partir ensemble pour la grande expédition, Lorsque tout à coup sort dame Ponehon. Elle a la poêle à la main et, déjà fricassés, . Elle porte des beignets enfilés à une baguette pointue ; 275 Elles les fait manger aux deux champions et leur dit qu'au retour, Elle leur marquera mieux son parfait amour ; Qu'en attendant elle va faire à l'huile chaude d'autres beignets, Que leur part sera au fond de la corbeille ; 1. Canula est apothicaire et est sensé faire usage de la seringue comme les apothicaires de Molière. 2. Littér. Il est déjà déterminé et n'y pense plus. 112 LA NEMAÏDA. — IV Ma qu'escouton ben tout e noun espargnon ren l, 280 Per pousqué descurbi lu coumplot que fa Nem. Parton lu tendre amie soulet e sensa 'scorta ; Unit, l'ardour li creisse e l'anima es plus fouorta. Ensin dau camp troien, en un moumen fatal, S'en parteron Nisus e lou jouve Eurial ; 285 Fouguet long lou viage e l'enflessibla Paroa Lu faguet embarcà su la fatala barca. En amitié, segur, en courage, en valour, Canula embe Pertus auran lou même ounour ; Ma la vieia emb'au dail, sensa nas, maigra e seca, 290 Li 'stende envan l'arrêt, li mounta envan la leca. Arrivon su lou luec 2 su la pouncha dai pen, S'apresson de la clea e senton parlà Nem. La vous, que de davau damoun mounta embe pena 3, Noun laissa distingà. li paraula qu'à pena. 295 Canula embe Pertus, quaque tengon l'alen, Noun pouodon ren entendre e si dion ce Calen. ce Ma cepandan es ben de veire de la clea Cen qu'en l'antre vinous lou gran Nem si boulea. » Canula de cala si mouostra resoulut, 300 E respouonde à Pertus, que douta dau salut ce Tu, qu'as un uès de cat, soubre cen que fan veia ; " Davau, per tout audi, iéu desplegui l'aureia 4. Se veiras de dangié, mi faras un signau ; a"ce Se noun pouodi, m'escoundi, e se pouodi, m'en vau. » 305 Canula à tastaoun cala d'intre la crota Per noun fà de remoun, s'era levat li bota ; Au trau de la serraia escouta ; e, ben atent, Tout cen qu'es dich acqui, lou reten sensa 'stent ; Ma quour'aude parlà dau siéu chef Parpagnaca, 310 De l'aimabla Ponchoun, e que Nem nen destaca Contra acquéu couple urous d'aqueli dau caissoun, Canula noun pou plus teni l'endignacioun. 1. Littér. et n'épargnent rien. 2. Littér. sur le lieu. 3. Littér. monte avec peine. 4. Littér. je déploie l'oreille. LA NEMAIDE. — IV 113 Mais qu'ils écoutent bien et ne négligent rien, 280 Pour pouvoir découvrir les complots que fait Nem. Les deux amis partent seuls et sans escorte ; Unis, l'ardeur s'accroît en eux et leur âme est plus forte. Ainsi du camp troyen, en un moment fatal, Partirent Nisus et le jeune Euryale l ; 285 Le voyage fut long et l'inflexible Parque Les fit embarquer sur la fatale barque. En amitié, pour sûr, en courage, en valeur, Canula et Pertus auront le même honneur ; Mais la vieille avec sa faux 2, sans nez, maigre et sèche, 290 Leur tend en vain ses filets, leur dresse en vain un piège. Ils arrivent à l'endroit sur la pointe des pieds, S'approchent de la grille 3 et entendent parler Nem La voix, qui d'en bas monte en haut difficilement, Ne laisse qu'à peine distinguer les paroles. 295 Canula et Pertus, quoiqu'ils retiennent leur haleine, Ne peuvent rien entendre et disent ce Descendons. " Mais cependant il est bon de voir par la grille Ce que dans l'antre vineux le grand Nem manigance. » Canula se montre résolu à descendre, 300 Et répond à Pertus, qui doute du salut ce Toi, qui as un oeil de chat, veille sur ce qu'ils font ; " En bas, pour tout entendre, moi, j'ouvre l'oreille. ce Si tu vois du danger, tu me feras un signal ; " Si je ne puis 4, je me cache, et si je puis, je m'en vais. » 305 Canula à tâtons descend dans la cave Pour ne pas faire de bruit, il avait ôté ses bottes ; Il écoute par le trou de la serrure ; et, bien attentif, Tout ce qui là est dit, il le retient sans peine ; Mais quand il entend parler de son chef Parpagnaca, 310 De l'aimable Ponchon, et que Nem en détache Contre ce couple heureux de celles du bon coins, Canula ne peut plus contenir son indignation. 1. Voy. Enéide, liv. IX, v. 176. 2. La mort. 3. Du soupirail de la cave. 4. C'est-à-dire, si je ne puis me sauver. 5. Des injures, des outrages de première qualité. Le texte dit De celles du caisson, » c'est-à-dire du coffre où l'on renferme l'argent, les bijoux, tout ce que l'on a de plus précieux. Voy. Ch. V. v. 178. 114 LA NEMAÏDA. — IV Arramba la siéu bouca au trau de la serraia, E crida coum'un loup ce Sias un tas de canaia ! » 315 D'aquéu crit emprudent lu Sacrestan troublât S'ausson tout en un cou, courron enfuriat ; Qu s'aganta un calen 1, qu piha la lanterna Bournigoun, 'scoundihoun de la negra caverna Soun ben lèu visitat ; e Canula à ginous 320 S'escounde couma pôu darrié l'orle dau pous. Ma Viscas qu'a lou nast e que fina a la vista 2, Devina la siéu traça e lou suive a la pista. A la fin lou deseuerbe ; e, la douga à la man, Li di " T'ai counsegut, double enfant de... Satan. 325 ce Fai l'at de countricioun, su la tiéu fauta ploura ce Pente-ti, marrias, qu'es la tiéu darrier'oura. ce Cou qu'aicï ti fenissi e que lu tiéu parent ce Noun ti retrovon plus, maneou en carta de vent 3. » Pertus, que de la clea a vist la mauparada, 330 De la crota en un saut es su l'escalinada, E si mete a cridà " Per carità, Viscas, Noun abrivà lou côu ! Regarja cen que fas. ce Siéu iéu que t'ai cridat aquel' empertinença ce Vire-ti contra iéu, s'espargne l'inoucença 4; 335 " La fauta m'apparten, iéu soulet ai mançat ; " Mourï mi sera dous, se l'amie es sauvat, " Vees ben s'un enfant tant jouve e sensa bota " A la vous per pousquè fà retrounà la crota. " Mi coungeles lou sanc embe la douga en man ; 340 Se noun lou siès mai stat, ancuei sigues uman. ce Regarja l'er countrit dau miéu paure Canula ce Ti suplica à ginous, noun bouja e noun recula, ce E que gloria n'auras de li dounà la mouort ? Es tant feble e maigret ; tu, siés carrat e fouort 345 ce Tu, lou tiéu ventre es plen, eu vueia a la bedena ; " Canula es délicat, e doui pan de coudena 1. Calen, lampe dont la forme rappelle celle des anciennes lampes romaines. 2. Littér. qui a du flair et la vue fine. 3. Carta de vent, papier léger que le vent emporte. Le sens littéral de la phrase entière est Que tes parents ne te retrouvent plus, pas même en parcelles comme les morceaux de papier que le vent enlève. 4. Littér. Que l'innocence soit épargnée. LA NEMAÏDE. — IV 115 Il applique sa bouche au trou de la serrure, Et crie comme un loup ce Vous êtes un tas de canailles ! » 315 De ce cri imprudent les Sacristains troublés. Se lèvent tout d'un coup, courent en furie ; Qui saisit une lampe, qui prend la lanterne Recoins, cachettes de la noire caverne Sont bientôt visités ; et Canula à genoux 320 Se cache comme il peut derrière la margelle du puits. Mais Viscas, qui a du nez et la vue perçante, Devine ses traces et le suit à la piste. A la fin il le découvre ; et, la douve à la main, Lui dit " Je t'y prends 1, double fils dé... Satan. 325 ce Fais l'acte de contrition, pleure sur ta faute Repends-toi, gredin, car c'est ta dernière heure. Il faut qu'ici je t'achève et que tes parents " Ne te retrouvent plus, pas même en miettes, y Pertus, qui de la grille a vu le malencontreux accident, 330 Est d'un saut sur l'escalier de la cave, Et se met à crier " Par charité, Viscas, Ne lance pas ton coup ! Regarde ce que tu fais. " C'est moi qui t'ai crié cette impertinence ce Tourne-toi contre moi, épargne l'innocence ; 335 La faute m'appartient, moi seul ai failli 2 ; ce Mourir doux, si l'ami est sauvé. ce Tu vois bien si un enfant si jeune et sans bottes 3 " A une voix à pouvoir faire retentir la cave. ce Tu me glaces le sang avec ta douve en main ; 340 ce Si tu ne l'as jamais été, aujourd'hui sois humain. Regarde l'air contrit de mon pauvre Canula ; ce Il te supplie à genoux, ne bouge ni ne recule. ce Et quelle gloire en auras-tu de lui donner la mort ? ce Il est si faible et maigrelet ; toi, tu es carré et fort 345 " Toi, ton ventre est plein, lui a la bedaine vide ; " Canula est délicat, et deux pans de couenne 1. Le texte dit T'ai counsegut, " je t'ai poursuivi. » Sous-entendu " et atteint. » 2. Me, me, adsum qui feci. » Enéide, liv. IX, v. 427. 3. La mode des bottes existait alors pour les hommes qui avaient dépassé l'âge de l'adolescence. 116 LA NEMAÏDA. — IV Soubre la tiéu persouna anounçon à cadun ce Qu'en carema toujou noun siès pa 'stat dejun. » Audit aco, Viscas lou cou fatal abriva ; 350 L'autre fa coupa-testa e la patela 1 esquiva. Soubre l'orle dau pous la gran douga a picat, E lou bouosc assassin s'envola en mil esclat. Pertus n'a refrenit, e la car de galina Li ven per tout lou cors la rabia lou doumina ; 355 Descuerbe acantounat un énorme gourbin De rementa remplit da cinq o siei vesin ; Lou piha enfuriat, en lu bras lou balança, E su lu Sacrestan tout en un cou lou lança. Da la pous embournit e d'immoundiça plen, 360 Lu Nemista an perdut e lanterna e calen ; E lou famous gourbin o miracle qu'estouna ! Cubessela Viscas, l'aclapa e l'empresouna. Nem a perdut la carta, e lu siéu coumpagnoun Dau calen demursit cercon lou farassoun. 365 Canula, en aquéu tems, que vé lou vent en poupa, Sensa dire lou mot piha lou doui de coupa, Si tira dau dangié ; ma lou paure Pertus Cala per lou secourre e noun lou trova plus Lou souona souta vous, très fes si mouca e touisse 370 Ma la troupa de Nem ben lèu lou recounouisse. Cadun li courre après ; eu, lest e degajat, Mounta au quatrième plan e noun si cres sauvat. Dai Sacrestan suivit, de tout coustà tastouna ; Piha cen que li ven, cen que lou sort li douna 2 375 S'apressa lou dangié, quoura souta la man Li toumba una barriéu qu'a laissat 3 lou paisan. Emb'un gros tap de bouosc era à pena tapada ; La s'aganta en lu bras 4 ; e su l'escalinada, Per la fa viajà, la pauva lestamen. 380 L'enemic va veni de moumen en moumen, 1. Ce mot désigne une pièce de bois longue et plate, comme par exemple la batte d'Arlequin on l'emploie par extension pour signifier une calotte, un coup en général. 2. Littér. Prend ce qui lui vient, ce que le sort lui donne. 3. La règle des participes exigerait laissada. 4. Littér. Il le saisit le baril entre ses bras. LA NEMAlDE. — IV 117 Sur ta personne annoncent à chacun Qu'en carême tu n'es pas toujours reste à jeun, » Ayant ouï cela, Viscas lance le coup fatal ; 350 L'autre fait coupe-tête et esquive la batte. La grande douve frappe sur la margelle du puits, Et le bois assassin s'envole en mille éclats. Pertus en a frémi, et la chairde poule Lui vient par tout le corps la rage le domine ; 355 Il découvre en un coin un énorme gourbin 1 Rempli des balayures de cinq ou six voisins ; Il le saisit avec fureur, de ses bras le balance, Et tout d'un coup le lance sur les Sacristains. Aveuglés de la poussière et couverts d'immondices 2, 360 Les Némistes ont perdu et lanterne et lampe ; Et le fameux gourbin ô miracle qui étonne ! Coiffe Viscas, le recouvre et l'emprisonne. Nem a perdu la carte, et ses compagnons De la lampe éteinte cherchent la mèche. 365 Canula, pendant ce temps, qui voit le vent en poupe, Sans dire un mot prend la poudre d'escampette 3, Se tire du danger ; mais le pauvre Pertus Descend pour le secourir et ne le trouve plus Il l'appelle à voix basse, trois fois se mouche et tousse ; 370 Mais la troupe de Nem le reconnaît bientôt. Chacun lui court après ; lui, leste et dégagé, Monte au quatrième étage et ne se croit pas sauvé. Suivi des Sacristains, il tâtonne de tous côtés ; Prend ce qu'il trouve, ce que le sort lui offre 375 Le danger approche, lorsque sous la main Lui tombe un baril qu'a laissé le paysan 4 Il était à peine bouché d'un gros bouchon de bois ; Il l'enlève entre ses bras ; et sur l'escalier, Pour le faire voyager B, le pose lestement. 380 L'ennemi va venir de moment en moment, 1. Sorte de panier très profond. 2. Littér. et pleins d'immondices. 3. Voy. au Ch. III la note 1 sur le vers 48 du. texte. 4. Une tinette pleine d'urine et de matière fécale. A cette époque chaque ménage vidait ses pots de chambre dans des tinettes que les paysans venaient prendre le matin pour fumer leurs terres on leurs jardins. 5. Le long de l'escalier. 118 LA NEMAIDA. — IV Es aqui ! Ma Pertus poussa la siéu machina Lu bateja en roulant, li fa vira l'esquinà ; Qn n'a soubre lou nas, qu n'a su lou mentoun. La troupa si dispersa e fuge à rabatoun. 385 Pertus cala tamben lou brulo toujou roula ; E tant que n'a un degout 1, jusqu'en la crota coula. Ensin lu nouostre amie sourteron d'embarras. Laissa-m'en sourtï, iéu, s'aco noun vou desplas. Pes semblant de durmi, vau dire à la miéu Musa 390 Tapa 2 ; qu'au tiéu babil degun plus noun s'amusa. » Fin dau quatrième cant. 1. Littér. Et tant qu'il en a une goutte. 2. Littér. Ferme ou clos. Sous-entendu ta bouche ». LA NEMAIDE. — IV . 119 Il est là ! Mais Pertus pousse sa machine Elle les baptise en roulant, leur fait tourner le dos ; Qui en a sur le nez, qui en a sur le menton. La troupe se disperse et fuit à toutes jambes. 385 Pertus descend aussi le brûlot roule toujours ; Et tant qu'il lui en reste une goutte, coule jusque dans la cave. Ainsi nos deux amis sortirent d'embarras. Laissez-moi en sortir, moi, si cela ne vous déplaît. Vous me semblez dormir 1, je vais dire à ma Muse 390 Tais-toi ; car à ton babil personne ne s'amuse plus. » Fin du quatrième chant. 1. Littér. Vous faites semblant de dormir. 120 LA NEMAIDA. — V CANT CINQUIEME Tune epulis consumpta dies, tandemque receptum Foedus, et intrepidos nox conscia jungit amantes. STATIUS. Achill., II, v. 251. ARGUMEN Doui mot su lou mariage. — Lu counjurat souorton de la crota. — Nem va anounçà à Lubin la siéu resolucioun e s'envida à dinà. — Descricioun d'un dinà de Niça aco de Lubin, doun assiste Courina. — Longa mourala ai doui espous, doun li traça lu siéu dever. — Vout de Nem per Lubin e Courina. — Si fissa la gleia, l'oura e lou preire per fà lou mariage. — Nem va trouva don Sabin. — Lubin languisse, va cercà Nem e lou trova endurmit embe Sabin. — Van toui quatre en gleia, fan lou mariage e eadun si va coucha. Bèu-Dieu ! qu'au jou d'ancuei lou sessou féminin Languisse desperat souta un triste destin ! Per caire e per cantoun 1 noun si vè que de fiha ; E per tres pantaloun avès trenta faudiha. 5 La resoun, la sabès ? Quauqu'una mi dira La jouventu d'aüra es pronta à chavira 2 Mars s'estirassa tout, e Bellona en furia Lu fa couma d'agnèu courre à la boucharia ; E Moscou, Waterlo e lou souol Catalan 10 An fach à tantu mil passa lou gust dau pan. Un esprit malignous empoisouna la terra, E semena pertout la discordia e la guerra. 1. Littér. Par côtés et par coins. 2. Littér. Prompte à chavirer, c'est-à-dire que la jeunesse était généralement exposée à périr dans les guerres fréquentes du premier empire. LA NEMAIDE. — V 121 CHANT CINQUIEME Le reste du jour se passe en festins; enfin l'alliance est confirmée; et la nuit, qui désormais ne sera plus témoin de leurs craintes, réunit les deux amants. STAOE. Achill., II, v. 251. ARGUMENT Deux mots sur le mariage. — Les conjurés sortent de la cave. — Nem va annoncer à Lubin sa résolution et s'invite à dîner. — Description d'un dîner de Nice chez LubiD, auquel assiste Courine. — Long discours moral de Nem aux deux époux, où il leur trace leurs devoirs.—Voeux de Nem en faveur de Lubin et de Courine. — On désigne l'église, l'heure et le prêtre pour mariage. — Nem va trouver dom Sabin. — Lubin languit, va chercher Nem et le trouve endormi ainsi que Sabin. — Ils vont tous quatre à l'église, font le mariage et chacun va se coucher. Bon Dieu ! qu'au jour d'aujourd'hui le sexe féminin Languit désespéré sous un triste destin ! De tous côtés, en tous lieux on ne voit que des filles ; Et pour trois pantalons vous comptez 1 trente jupes 5 La raison, la savez-vous? Quelqu'une 2 me dira La jeunesse d'à présent est prompte à tourner de l'oeil Mars tire tout à lui, et Bellone en furie Les fait, comme des agneaux courir à là boucherie ; Et Moscou, Waterloo et le sol Catalan 10 Ont fait à bien des milliers passer le goût du pain. Un esprit méchant empoisonne la terre, Et sème partout la discorde et la guerre, 1. Littér. vous avez. 2. Quelqu'une de ces filles. 122 LA NEMAIDA. — V Se lou juec dura trou, la nouostra castità, Fiheti, de gran 'sfouors noun si pourra vanta. » 15 Aco noun es ensin, Es que lou mariage Nen gieta en lu souci, nen fa viei davant l'age ; Es qu'à la libertà cou dounà l'abutoun, E pensa que ben lèu venon lu sabatoun 1. Se douna de plesi, ben de degust rassembla 20 Li ientra lou mot mar, perqu'à la mar ressembla. Coum'ella es tempestous, v'esposa à mil asar S'es dous l'orle dau vas, lou bouioun es amar ;. E souvent aven vist tantu 'spous, orne e frema, Après carneval court faire longa carema. 25 Tout acô de l'imen es fach per dégusta Qu'au countrari 2 à cadun li plas de nen tastà. Ma se quauque Frinés que cres ai juec de carta, Per vici o per besoun, dau drech camin s'escarta, Si pou trouva tamben, sensa pi tant cercà, 30 Un batèu su lou quai un si pouosque embarcà ; E Niça au jou d'ancuei, quaque noun sigue grana, Vé ben de Penelopa et de casti Susana. Dounca lo bouon Lubin, maugrà que fasse caut 3 Ientra en la contraria e vitou fa lou saut. 35 Nem l'a déterminat ; e lou Ciel li destina Un moudel de sagessa, enfin la siéu Courina. L'aria s'es facha jà clara tout à l'entour, E li 'stela en lou ciel soun su lou siéu retour 4 Lou souléu paressous encara noun sourfia 5, 40 A li fenestra jà cascavon de camia ; Lu parpaioun laugier voulavon su li flou Noun si pou dire es nuech, ma noun es encà jou Quoura Nem soudisfach souorte e serra la crota. Cadun dai Sacrestan en la siéu gleia trota 45 S'espalancon li pouorta, e lu garri afamat 1. Littér. les petits souliers. C'est-à-dire, les enfants. 2. Littér. Qu'au contraire. 3. Littér. malgré qu'il fasse chaud. 4. Textuellement sur leur retour. » Mais ici le niçard retour désigne l'action de s'en retourner, de disparaître et nullement celle de revenir en un lieu. 5. Littér. ne sortait pas encore. LA NEMAlDE. — V 123 Si le jeu dure trop, notre chasteté, Jeunes filles, de grands efforts ne pourra se vanter. » 15 Il n'en est point ainsi. C'est que le mariage Nous jette dans les soucis, nous fait vieux avant l'âge ; Et qu'à la liberté il faut donner congé 1, Et penser que bientôt viendront les petits pieds. S'il donne des plaisirs il réunit bien des ennuis. 20 Il entre en lui 2 le mot mar, parce qu'il ressemble à la mer Comme elle il est orageux et vous expose à mille hasards ; Si le bord du vase est doux, le bouillon est amer ; Et souvent nous avons vu nombre d'époux, hommes et femmes, Après un court carnaval faire un long carême. 25 Tout cela est fait pour dégoûter de l'hymen Et pourtant à chacun il plaît d'en tâter. ; Mais si quelque Phryné qui croit aux jeux de cartes 3, Par vice ou par besoin, du droit chemin s'écarte, On peut trouver aussi, sans enfin tant chercher, 30 Un bateau sur lequel on puisse s'embarquer; Et Nice au jour d'aujourd'hui, bien qu'elle ne soit pas grande, Voit bien des Pénélopes et de chastes Susannes. Donc le bon Lubin, bien qu'il y fasse chaud 4, Entre dans la confrérie et fait vite le saut. 35 Nem l'a déterminé ; et le Ciel lui destine Un modèle de sagesse, sa Courine enfin. L'air s'est déjà fait clair tout à l'entour, Et les étoiles dans le ciel sont sur leur départ Le soleil paresseux ne se levait pas encore, 40 Aux fenêtres, déjà on secouait des chemises 5; Les papillons légers volaient sur les fleurs ; On ne petit dire c'est la nuit, mais ce n'est pas encore le jour Lorsque Nem satisfait sort et ferme la cave. Chacun des Sacristains trotte vers son église 45 Les portes s'ouvrent 6, et les rats affamés 1. Il faut dire adieu. Littér. il faut donner la poussée. 2. Dans la composition du mot mariage. 3. A ce que disent les cartes quand on se les fait tirer. 4. Quoiqu'il y ait du danger. 5. On secouait les chemises dès le matin pour en faire tomber les puces c'était une Habitude chez le bas peuple de la vieille ville. 6. Les portés des églises. 124 LA NEMAIDA. — V Dintre li sepultura escapon spaventat. Per s'anà merendà lu preire dion messa ; Ben lèu souona miejou e taula es déjà messa. Nem va trouva Lubin ; emb'un er gracious 50 Lou saluda e li di Bouonjou, moussu l'espous. Non ti chacrina plus embe li miéu malicia a Ai mes dau tiéu coustà touta la miéu milicia. Doui gotou de bouon vin e de bouoni resoun M'àn fach veire 1 d'Ercul, d'Achil e de Sansoun. 55 Saupren dai Marguilié castigà l'insoulença, E ren qu'en nautre avé secours e resistença, Ti vouoli maridà; ma noun estre indiscret 2 Ten la bouca serrada e garda lou secret. Pouodes anà sounà la tiéu bela Courina 60 Tu siès l'unie espous que lou Ciel li destina ; La ti cou fà veni ; e, sensa perdre tems, Aici v'arranjeres e dineren ensem. » Lubin s'en parte; e jounch auprès de la siéu bela, De cen que vou fà Nem li douna la nouvela 65 Li di que vengue emb'éu manjà doui fidé fin, Que vitou si despache e si mete en camin ; Qu'embe lou gotou en man, Nem es aià qu'aspera ; Qu'eu, sourten lou premier, s'en va croumpà doui pera, E quaque jou de gras fà fregi de melet, 70 Que même ai plus gourmand faran lecà lu det ; Enfin qu'après dinà metran tout en usage Per menchouna Ponchoun e fà lou mariage. Souorte lou bouon Lubin e Courina après eu. Miejou lou gros 3 picava e Nem luen dau souléu, 75 En mancha de camia e sensa fà de briga, Adentava un croustoun e pelava doui figa. En preludiant ensin, noun era lou siéu but Que de veire au dinà lu tendre amant rendut. 1. Littér. M'ont fait voir. 2. Littér. Mais ne pas être indiscret. C'est un italianisme l'infinitif présent ne pas être pour l'impératif ne sois pas; on sous-entend il ne faut point. » 3. Le midi sonnant à l'horloge de la tour Saint-Dominique sur la place de ce nom. C'est le midi officiel, lequel aujourd'hui tend à être remplacé par celui qu'annonce le canon. LA NEMA1DE. — V 125 Dans les tombes 1 s'échappent épouvantés. Pour aller déjeuner les prêtres disent la messe ; Midi sonne bientôt et la table est déjà mise. Nem va trouver Lubin ; et, d'un air gracieux, 50 Il le salue et lui dit Bonjour, monsieur l'époux. Ne te chagrine plus par mes ruses 2 J'ai mis de ton côté toute ma milice. Deux verres de bon vin et de bonnes raisons " M'ont fait trouver des Hercules, des Achilles et des Samsons. 55 Nous saurons des Marguilliers châtier l'insolence, Et rien qu'en nous-mêmes trouver aide et résistance, Je veux te marier ; mais ne sois pas indiscret Tiens la bouche close et garde le secret. Tu peux aller appeler ta belle Courine 60 Tu es le seul époux que le Ciel lui destine ; Il faut la faire venir; et, sans perdre temps, Vous ferez ici vos arrangements 3 et nous dînerons ensemble. » Lubin part ; et arrivé auprès de sa belle, De ce que Nem veut faire lui donne la nouvelle 65 Il lui dit qu'elle vienne avec lui manger deux vermicelles 4 fins, Qu'elle se dépêche vite et se mette en chemin ; Que le verre à la main, Nem est là-bas qui attend ; Que lui, sortant le premier, s'en va acheter deux poires, Et quoique jour gras faire frire des mélets 5, 70 Qui même aux plus gourmands feront lécher les doigts ; Enfin, qu'après dîner ils mettront tout en usage Pour duper Ponchon et faire le mariage. Le bon Lubin sort et Courine après lui. Midi le gros 6 sonnait et Nem loin du soleil, 75 En manches de chemise et sans faire de bribes, Mettait sous la dent un croûton et pelait deux figues. En préludant ainsi, son but n'était Que de voir au dîner les tendres amants rendus 7. 1. Les tombes sous le pavé et sur les côtés de l'église. 2. Littér. Avec mes malices,. 3. Littér. Vous vous arrangerez ici. 4. Le peuple faisait et fait encore ses délices du bon vermicelle, du macaroni et en général de toutes les pâtes d'Italie. 5. Ou cabassous de Provence, Vailienna trepsetus de Cuvier, poisson de l'ordre du genre Athérines. 6, Voir ci-contre la note 3. 7. Commencer à dîner est un moyen de faire arriver les retardataires. 126 LA NEMAÏDA. — V Arrivon, e cadun à taula piha plaça 80 A la premiera es Nem, lu 'spous soun faça à faca. Lou signau s'es dounat, e la vieia Catin Emb'au froumai gratat pouorta lu fin. La pasta era de Niça e noun era marrida ; Era cuecha au bouioun d'una poula farcida. 85 Ven la galina après emb'un tros de vedèu, En la vila entrouduch dintre un fai de gavèu Tros que, maugrà l'uès fin de qu fa sentinela, A sauput de l'octroi esquiva la gabela. Quauque amploua de found 1, un plat de rifoà blanc, 90 D'aquéu double buhit garnisson lu doui flanc; E si vé su doui sieta, artistamen ranjadi, De taperi au vinaigre e d'auliva saladi. D'un tau coumençamen Nem sembla rejouit, E l'antremet picant li doubla l'apetit. 95 Ma couma lou moulin sens'aiga noun camina, En très rasada Nem vua la siéu choupina ; E vanta, en avalant, lou talent de Catin, Qu'es lesta a li chanjà la bouteia dau vin. Trova bouon lou façum, trova tendra la vianda 100 En prova dau siéu dieh encà un pou nen demanda. Un noun aspera l'autre ; e lu moucèu pressât Remplisson li budela, à mitan mastegat. Quaque lu primairenc noun si vendon bouon pati, Pareisse su la taula un bèu plat de toumati ; 105 Farcit e cuech au four, de pichoui cougourdoun Li fourmon lou pendent, soun lu siéu compagnoun ; E couma en Foucasioun à tout l'esprit suplea, Catin pauva au mitan un tianet 2 de blea, Erba qu'en l'estrangier noun s'en fa degun cas, 110 Ma que d'un bouon Niçard catigoula lou nas Surtout se ben coundida en una casserola, Nen fan d'implun 3 de tourta e d'implun de raiola. 1. Anchois péchés au large où la mer est profonde et à cause de cela bien meilleurs que ceux que l'on prend près du rivage. 2. Diminutif de tian, sorte de plat creux en terre dans lequel on prépare un mets composé de divers légumes, d'herbes, d'oeufs, de fromage, etc. Se dit de ce mets lui-même, Blea, poirée. 3. Hachis de viande et d'herbes. LA NEMAÏDE. — V 127 Ils arrivent et chacun prend place à table 80 Nem est à la première, les époux sont face à face. Le signal est donné, et la vieille Catin Apporte les fins vermicelles avec le fromage râpé. La pâte était de Nice et n'était point mauvaise ; Elle était cuite au bouillon d'une poule farcie. 85 Vient ensuite la poule avec un morceau de veau, Introduit en ville dans un fardeau de sarments Morceau qui, malgré l'oeil perçant1 de celui qui fait sentinelle, A su esquiver là, gabelle de l'octroi. Quelques anchois de fond 2, un plat de radis blancs 90 De ce double bouilli garnissent les deux flancs ; Et l'on voit sur deux assiettes artistement rangées, Des câpres au vinaigre et des olives salées. D'un tel commencement Nem semble réjoui, Et l'entremets piquant lui double l'appétit., 95 Mais comme le moulin ne marche pas sans eau, En trois rasades Nem vide sa chopine ; Et il vante, en avalant, le talent de Catin, Qui est prompte à lui remplacer 3 la bouteille de vin. Il trouve bon le façum 4, trouve tendre la viande 100 Pour preuve de son dire il en demande encore un peu. L'un n'attend pas l'autre ; et les morceaux pressés Remplissent les boyaux, à moitié mâchés. Quoique les primeurs ne se vendent pas bon marché, Paraît sur la table un beau plat de tomates ; 105 Farcis et cuits au four, de petits courgeons Lui forment le pendant, sont ses compagnons; Et comme dans l'occasion l'esprit supplée à tout, Catin pose au milieu un petit gratin de poirée, Herbe dont à l'étranger on ne fait aucun cas, 110 Mais qui d'un bon Niçard chatouille le nez Surtout si bien assaisonnée dans une casserole, On en fait de la farce de tourte ou de la farce de raviole. 1. Littér. l'oeil fin. 2. Voir ci-contre la note. 1. 3. Littér. à lui changer. 4. Chou farci, fort en usage dans le pays. 128 LA NEMAÏDA. — V Nem au segound servici a fach lou siéu proucès 1, Tout es despareissut ren qu'en un batre d'uès ; 115 Ma sentent que Catin au fuec a la sartaia, Si desboutouna lèu doui boutoun de li braia ; Perqué lou ventre es gounfle, e cen que van pourtà, L'atesant encà mai, lu pou ben fà petà 2. Nem déjà coumençava à piha la paraula, 120 Quoura un plat de melet arriva su la taula Soun tant ben fricassat, soun tant rede et tant rous, Que l'ouratour surprés noun trova plus la vous, Senoun que per laudà embe bouona maniera Lubin, que trata ben, et Catin la couiniera. 125 Un plat de faioulet es déjà per camin 3 Mitan soun sensa fiéu, mitan soun de daurin ; E doui douossa d'aiet blanqui, fresqui, peladi, Su lu faiou fumant da Catin soun plaçadi ; Soun coundit, e ben lèu melet e faiou vert 130 Parton per faire plaça en un pichoun dessert. Venon quatre arbico, quauque amenda abalani ; Ven de pruna tamben ben maduri, ben sani Doui pera et doui perus soun plaçât en mitan ; E la toumeta enfin si pauva au premier rang. 135 Aloura Nem, jà plen, un coue su la taula, S'adressant ai espous, piha ensin la paraula Amic, lou Ciel va fach sage toui doui, lou véu ; E bessai noun avès besoun dai miéu counséu ; Ma couma de bouon couor à vautre m'enteressi, 140 E que siéu jà madur, de v'enstruire m'empressi. Toui lu dever d'espous aici vous tracerai Dounca 'stès ben atent à cen que vous dirai. Se de cefteni lei mi resta souvenença, L'un à l'autre lu 'spous si devon assistença, 145 Secours, fidelità lou marit, lou premier, Cou qu'en touta occasioun proutege sa mouié 4. 1. Littér. a fait son procès. 2. Littér. peut bien les faire casser. 3. Littér. est déjà par chemin. 4. Littér. Il faut qu'en toute occasion il protège sa femme. LA NEMAÏDE. — V 129 Nem au second service a fait son affaire, Tout a disparu rien qu'en un clin d'oeil ; 115 Mais sentant que Catin a la poêle au feu, Il se déboutonne vite deux boutons de ses braies , Parce que son ventre est gonflé, et ce que l'on va apporter, Le tendant encore plus, pourrait bien les faire sauter. Nem commençait déjà à prendre la parole, 120 Lorsqu'un plat de mélets arrive sur la table Ils sont si bien fricassés, ils sont si fermes et si roux, Que l'orateur surpris ne retrouve plus sa voix, Sinon que pour louer d'une bonne façon Lubin, qui traite bien, et Catin la cuisinière. 125 Un plat de petits haricots est déjà en route Moitié sont sans fil 1, moitié sont des daurins ; Et deux gousses d'ail blanches, fraîches, pelées, Sur les haricots fumants par Catin sont placées ; Ils sont assaisonnés, et bientôt mélets et haricots verts 130 Partent pour faire place à un petit dessert. Viennent quatre abricots et quelques, amandes princesses ; Il vient aussi des prunes bien mûres, bien saines Deux poires et deux perus 2 sont placés au milieu ; Et le fromage blanc enfin se pose au premier rang. 135 Alors Nem, déjà plein, un coude sur la table, S'adressant aux époux, prend ainsi la parole Amis, le Ciel vous a faits sages tous deux, je le vois; ce Et peut-être n'avez-vous pas besoin de mes conseils ; Mais comme de bon coeur à vous je m'intéresse, 140 Et que je suis déjà mûr 3, je m'empresse de vous instruire. Je vous retracerai ici le devoir des époux Soyez donc bien attentifs à ce que je vous dirai. Si de certaines lois il me reste souvenance, L'un à l'autre les époux se doivent assistance, 145 Secours, fidélité le mari, le premier, Doit en toute occasion protéger sa femme. 1. Sans l'espèce de fibre qui forme la suture des deux valves de la gousse. Daurins, sorte de haricots verts très tendres. 2. Petites poires de qualité inférieure. 3. Que j'ai de la maturité et par conséquent de l'expérience. 130 LA NEMAÏDA. — V Ela à tout cen qu'eu vou deura prestà paciença 1 E li moustrà toujou un'entiera aubediença. Emb'éu déu resida, lou suivre dapertout, 150 Même de l'univers anesse jusqu'au bout. Lou marit au siéu tour cou qu'emb'eu la retengue, Que la loge, l'abihe, e que ben la mantengue ; Qu'ai siéu besoun fournisse emb'amour e bountà, Selon lou propre estât e li siéu facultà 155 Tout aiço, lou sauprès, es la lei que l'ourdouna. Li soun pi de dever propre de li persouna, Que tenon au mainage e qu'es ben d'ousservà Senso d'aco la paz noun si pou counservà. S'una frema es couqueta e li plasoun li moda, 160 Dau traïn de maioun virera mau la roda. a Cependan noun cou pas qu'un capèu de dès an Si mouostre rejouinit emb'un nouvèu riban ; O pura qu'un viei châle 2 emb'un antic flourage D'una espousa nouvela ensuite au plus bel age. 165 Noun dieu d'avé de trou, ma noun déu mancà ren a Selon l'age l'abit, cada cauva a soun tems ; E trouverai toujou risibla aquela fiha Que pourtera d'iver lou manchoun, la mantiha, E que, quoura cadun a li chivus ben net, 170 S'enfarine la couossa e crespe lou toupet. Ancuei l'argen es quist e li moda soun cari Un prudent équilibre en tout es necessari. L'orne per aquistà, ardit, entraprenent, Courre, trota, va, ven dau levant au pounent ; 175 E la frema, en maioun, au siéu mainage atenta, Aleva lu pichoui, ten l'uès su la serventa ; Per anà viroulà noun piha mai lou trot, E dintre lou caissoun counserva lou magot, ce Fidias, lou gran scultour, d'una peira groussiera 180 Un bèu jou nen fourmet una femela entiera ; Plaset touplen ai Grec, perqué souta lu pen Ténia una tartuga ; e cadun veguet ben, 1. Littér. Elle à tout ce qu'il veut devra prêter patience. 2. Se prononce comme en français. LA NEMAÏDE. — V 131 Elle à toutes ses volontés devra se soumettre patiemment Et lui montrer toujours une entière obéissance. Elle doit demeurer avec lui, le suivre partout, 150 Allât-il même jusqu'au bout de l'univers. Il faut qu'à son tour le mari la garde avec lui, Qu'il la loge, l'habille et l'entretienne bien ; Qu'il fournisse à ses besoins avec amour et bonté, Selon son propre état et ses facultés 1 155 Tout ceci, sachez-le, c'est la loi qui l'ordonne. Il y a en outre, des devoirs propres aux personnes,. Qui se rapportent au ménage et qu'il est bien d'observer " Sans quoi la paix ne se peut conserver. Si une femme est coquette et que les modes lui plaisent, 160 La roue du train de la maison tournera mal. Cependant il ne faut pas qu'un chapeau de dix ans Se montre rajeuni au moyen d'un ruban neuf ; Ou bien qu'un vieux châle avec un antique dessin de fleurs Insulte au plus bel âge d'une nouvelle épouse. 165 Je ne dis pas d'avoir de trop, mais rien ne doit manquer Selon l'âge l'habit, chaque chose a son temps; Et je trouverai toujours risible cette fille " Qui portera en hiver le manchon, la mantille, " Et qui lorsque chacun a des cheveux bien propres, 170 ce S'enfarine la nuque 2 et crêpe son toupet. ce Aujourd'hui l'argent est rare et les modes sont chères Un prudent équilibre en tout est nécessaire. L'homme pour acquérir, hardi, entreprenant, " Court, trotte, va, vient du levant au ponent ; 175 Et la femme, dans la maison, attentive à son ménage, Élève les petits, tient l'oeil sur la servante; Pour aller courir çà et là, jamais elle ne prend le trot, Et dans le coffre conserve le magot. Phidias, le grand sculpteur, d'une pierre grossière 180 Un beau jour forma une femme complète 3 ; Elle plut beaucoup aux Grecs, parce que sous ses pieds Elle tenait une tortue ; et chacun vit bien, 1. Selon sa situation et ses moyens. 2. Se poudre le chignon. 3. Littér. Une femme entière. 132 LA NEMAÏDA. — V Daquel emblema fin, que la frema en mainage Noun déu jamai laissa la siéu maioun arrage ; 185 E quoura Diana anet d'Olimpia au gran festin, Erostrat metet fuee au siéu temple divin. Quoura luen de maioun la mestressa s'entana 1, Ientron toui lu desordre e balon la fourlana. Que lou coumandamen noun roule que su d'un. 190 La frema de redris noun charra embe degun ; Escouta soun marit en touta circounstança, D'un counséu judicious éu li pou fà l'avança 2 Noun s'en escarte mai, lou suive pas à pas ; Doui couor que van unit soun una fouont de paz. 195 Malur ! se dau dever un s'en vé que s'escarte La Concordia celesta irritada s'en parte, L'amour si chanja en ena, e la Discordia ven Embe l'Infer après ; lou flambèu de l'Imen Deven l'ardent tisoun de la negra Megera ; 200 Cen qu'en maioun es dich si canta à la carriera E de cauva de ren, souven en lou païs, Volon de bouca en bouca e fan de gros pastis. Lou mesteiran li sau, lou bourjois e lou noble; E per li troumbetà tantu soun fach estoble 3. 205 Pisqué dai lengatier si counouisse lou but, Si laven à maioun lou nouostre linge brut. A Paioun noun saupran, quoura coulan bugada, S'aven lu lançou rout e la toaia 'sgarrada. Da tout premier traspouort noun si laissen dountà 210 Eviten embe soin touta publicità ; E laissen li caireta, au Parc, à la Marina, Autamen si titra 4 de bruta e de couquina, Si grafignà lou mourre; e, batent de li man, Cen qu'an fach ier ensem, lou si cantà deman. 215 Sexe 5 desvergougnat, la siéu lenga perfida 1. S'entanà, au propre, se mettre dans une tanière ; au figuré, se fourrer en quelque lieu. 2. Littér. D'un conseil judicieux, lui, peut lui faire l'avance. 3. Littér. Et peur les trompeter nombre de gens sont faits tout exprès. 4. Littér. se titrer, se qualifier. 5. Sic dans l'édition faite par Rancher. Notre poète a dit sesso mascoulin au vers III du second chant, et sessou feminin au premier vers du cinquième chant. LA NEMAÏBE. — V 133 De cet emblème fin, que la femme en ménage Ne doit jamais laisser sa maison à l'abandon; 185 Et quand Diane alla au grand festin d'Olympie, Erostrate mit le feu à son temple divin. Lorsque loin de sa maison la maîtresse se tient, Tous les désordres entrent et dansent la fourlane 1. Que le commandement n'appartienne qu'à un seul 2. 190 La femme bonne ménagère 3 ne bavarde avec personne ; Elle écoute son mari en toute circonstance, Lui, peut la gratifier d'un conseil judicieux Qu'elle ne s'en écarte jamais, qu'elle le suive pas à pas ; Deux coeurs qui sont unis sont une source de paix. 195 Malheur ! s'il s'en voit un qui du devoir s'écarte La Concorde Céleste s'enfuit irritée, L'amour se change en haine, et la Discorde vient Avec l'Enfer après; le flambeau de l'Hymen Devient l'ardent tison de la noire Mégère ; 200 Ce qui est dit dans la maison se chante dans la rue ; Et des choses de rien, souvent dans le pays, Volent de bouche en bouche et font de gros potins 4. L'ouvrier les sait, le bourgeois et le noble ; Et bien des gens s'empressent de les publier. 205 Puisque des mauvaises langues le but est connu, Lavons notre linge sale dans notre maison. Au Paillon on ne saura pas, lorsque nous coulons lessive 5, Si nous avons les draps de lit troués ou la nappe déchirée. Ne nous laissons pas dominer par tout premier transport 210 Evitons avec soin toute publicité; Et laissons les caillettes 6, au Parc, à la Marine, Hautement se traiter de sales et de coquines, S'égratigner le mufle ; et, frappant des mains, Ce qu'elles ont fait hier ensemble, se le chanter demain. 215 Sexe éhonté, sa langue perfide 1. Ancienne danse niçoise. 2. Littér. ne roule que sur un. 3. Voy. Notes détachées. 4. Littér. de gros pâtés. 5. On lave encore de nos jours le linge dans le Paillon. 6. Caillette, faiseuse de propos, cancanière V. le dict. de l'Académie, Le Parc, le Cours; la Marine, le quartier des pêcheurs et de la poissonnerie, près du Parc. 10 134 LA NEMAÏDA. — V Di toui lu mau menut e si liege la vida 1 ; E souven dau public, juge dau siéu valour, Per l'aureia e per l'uès aufensa lou pudour. Dounca, se parmi vautre aurès de diferença 220 Saupias defeni tout embe calma e prudença. Noun es proun d'évita l'uès curious dau vesin, Nen côu cregne l'aureia e noun fà de bousin. Noun es ren estounant qu'en lou plus quiet mainage Noun si vegue emb'au temps aussà quauque nuage ; 225 Ma se l'orne es discret, tamben dau siéu coustà La frema es ben que cerque en tout de l'imità. An ben dich lu Rouman se l'esprit noun mi caia 2 Se mi seras Caius, iéu per tu serai Caia. Aquelu mot, proufert au moumen de l'unioun, 230 Dai dever counjugal laissavon l'empressioun. N'es pas tout d'estre unit couma cors e camia ; Côu tamben que toui doui suives l'economia. Se la frema au marit déu plase soulamen, Aloura superflus seran tant d'ournamen 3 ; 235 Ma se per plase à d'autre e li pareisse bela, Rafinera lou gust e la moda nouvela, Toui lu siéu rifonfon, lu diaman, lu rubis, D'ela noun auran fach qu'un oujet de mespris. Qu fa dau muradou blanchi la pijouniera 240 Souona toui lu pijoun que soun en la valiera. La poumpa es inutila, e trou de vanità Courroumpe lu coustum e gasta la beutà. Se devi au jou d'ancuei vous cita quauque esemple, V'endiquerai d'espous que meriton un temple. 245 Lou Ciel, que s'es plasut à fourmà lu siéu couor, De touti li virtù li vuet lou tresor Noble sensa fiertà, la siéu santo opulença Ai luec lu plus 'scoundut va cercà l'endigença. Un siéu soulet raméu, d'un bouon geni guidat, 1. Littér. et se lit la vie. C'est une expression figurée en usage à Nice parmi le peuple et qui signifie se reprocher réciproquement tout ce que l'on a fait de mal dans sa vie. 2. Caià, cailler, se figer, s'épaissir. Littér. si l'esprit ne se fige en moi. 3. Littér. Si la femme au mari doit plaire seulement, alors seront superflus beaucoup d'ornements. LA NEMAÏDE. — V 135 Dit tous les moindres méfaits et s'en fait le récit ; Et souvent du public, juge de la vigueur de l'attaque 1, Par l'oreille et par les yeux offense la pudeur. Donc, si vous avez entre vous un différend, 220 Sachez tout arranger avec calme et prudence. Ce n'est pas assez d'éviter l'oeil curieux du voisin, Il faut craindre son oreille et ne pas faire d'esclandre. Il n'est pas étonnant que dans le ménage le plus tranquille On voie avec le temps s'élever quelque nuage ; 225 Mais si l'homme est discret, aussi de son côté Il est bon que la femme cherche à l'imiter en tout. Les Romains ont bien dit si mon esprit ne s'épaissit 2 Si tu seras pour moi Caïus, moi, je serai pour toi Caïa 3. Ces mots, proférés au moment de l'union, 230 Des devoirs conjugaux laissaient l'impression. Ce n'est pas tout d'être unis comme corps et chemise ; Il faut aussi que tous deux vous observiez l'économie. Si la femme au mari seul veut plaire, Alors seront superflues bien des parures ; 235 Mais si pour plaire à d'autres et leur paraître belle, Elle raffine le goût et la mode nouvelle, Tous ses attifets, les diamants, les rubis, N'auront fait d'elle qu'un objet de mépris. Qui fait par le maçon blanchir le pigeonnier 240 Appelle tous les pigeons qui sont dans la vallée. L'éclat est inutile, et trop de vanité Déforme le costumé et dépare la beauté. Si je dois ici vous citer quelque exemple, Je vous indiquerai des époux qui méritent un temple. 245 Le Ciel, qui s'est plu à former leurs coeurs, De toutes les vertus y versa le trésor Nobles sans fierté, leur sainte opulence Aux lieux les plus cachés va chercher l'indigence. Un seul de leur rameau 4, guidé par un bon génie, 1. Littér. juge de sa valeur. C'est-à-dire, de la hardiesse de cette langue. 2. Ou si l'esprit ne me faut»; c'est-à-dire, si j'ai toujours bonne mémoire. 3. Voy. Notes détachées. 4. Un membre de la famille de Cessole, celui dont on lit le nom trois vers plus bas. 136 LA. NEMAÏDA. — V 250 En virtù toui lu vici a metamorfousat ; E s'un asil segur l'inoucença descuerbe, Ange de Prouvidença, Eugeni 1 lou li duerbe, Soubre vautre plôura toui lu benfach dau Ciel, Se de tant santi gen piherés per moudel. 255 Tout cen qu'ai dich aici noun soun de mot en l'aria ; V'ajusterai de plus qu'es de regla ourdinaria Que si couche après toui lou mestre de maioun, E que de bouon matin souone lou reveioun Perqu'entant qu'en lou liech duerme, rounfla, s'engraissa, 260 La serventa li pou refestounà la caissa. Lubin dau tiéu toujou ten 'scartat lu mendiant Fai-li la carità couma tout bouon crestian. Noun ti dieu su lou nas de li serra la pouorta ; Ma de gen coum'acô noun ti faire un'eseorta 265 De raubà per besoun, dion, noun es pecat; E serà la tiéu fauta après, se siès raubat. S'as un fedel varlet, côu qu'un pôu lou segoundes Noun lou privà de tout ; e même en cen qu'aboundes Laisse-li pihà part en touti li sesoun 270 Quour'es grinchou lou mestre, es ladre lou garsoun. Noun proudigà lou tiéu, ma noun pihà lou vici D'estre avarou aquéu mau pouorta grand préjudici. L'avarou es toujou paure, es esclau dau siéu or, E la tranquilità noun loja en lou siéu couor. 275 Per noun pareisse enfin pejou de li marmota, Una fes l'an si déu faire un pôu de ribota. Se ti vouos amusà, recerca lu tiéu par, E laissa lu plesi quoura couston trou car. Se lu ti fan bruà 2, mi saupras dire aloura 280 S'un si ri de bouon couor quoura la boursa ploura. A l'envidia jamai noun alargà lu bras L'envidious ven sec, se vé qu'un autre es gras. Reten lu tiéu transpouort, frena l'ardour de l'age ; 1. Voy. Notes détachées. 2. Bruà est fort usité à Nice dans le sens de sentir une vive cuisson sur la peau. Au figuré fà bruà se dit, comme le français écorcher, pour faire payer très cher. LA NEMAÏDE. — V 137 250 A métamorphosé tous les vices en vertus; Et si l'innocence découvre un asile sûr, Ange de Providence, Eugène 1 le lui ouvre. Sur vous pleuvront tous les bienfaits du Ciel, Si d'aussi saintes personnes vous prenez pour modèle. 255 Tout ce que j'ai dit ici ce ne sont pas des mots en l'air; J'ajouterai de plus qu'il est de règle ordinaire Que le maître de la maison se couche le dernier, Et que de bon matin il sonne le réveillon Parce que pendant qu'au lit il dort, ronfle et s'engraisse, 260 La servante peut fureter dans son coffre 2. Lubin, de ton avoir tiens toujours loin les mendiants 3; Fais-leur la charité comme tout bon chrétien. Je ne dis pas de leur fermer la porte au nez ; Mais de gens comme cela ne te fais pas une escorte 265 Voler par besoin, disent-ils, n'est point péché ; Et ce sera ta faute ensuite, si tu es volé. Si tu as un serviteur fidèle, il faut que tu l'aides un peu Ne le prive pas de tout ;. et même à ce dont tu abondes Laisse-le prendre part en toutes les. saisons 270 Lorsque le, maître est ladre, le garçon est voleur. Ne prodigue pas ton bien, mais ne prends pas le vice D'être avare ce mal porte grand préjudice. L'avare est toujours pauvre, il est esclave de son or, Et la tranquillité ne loge pas dans son coeur. 275 Enfin, pour ne point paraître pire que les marmottes, Une fois l'an on doit faire un peu de ribote. Si tu veux t'amuser, recherche tes égaux, Et laisse là les plaisirs lorsqu'ils coûtent trop cher. S'ils te les font bien payer, tu sauras, me dire alors 280 Si quelqu'un rit de bon coeur lorsque sa bourse pleure. A l'envie n'ouvre jamais les bras ; L'envieux devient sec, s'il voit qu'un autre est gras. Retiens tes transports, refrène l'ardeu de l'âge ; 1. Voy. Notes détachées. 2. Littér. La servante lui peut fouiller la caisse. 3. Littér. du tien toujours tiens écartés les mendiants. 138 LA NEMAÏDA. — V Sigues orne en lou mounde, au tiéu dever un sage. 285 La bila es un tiran que nen pôu coumandà Se noun la retenen, en tout li côu cedà 1 ; En li metent un mors e même una cadena, Nen sian mestre e pouden la reglà sensa pena. N'avès proun per aura, e cresi d'avé dich 290 Cen que touplen d'autour en lu siéu libre an escrich. » Nem fenisset ensin la siéu longa parlada. En la crota Catin es ben vitou calada ; E per bagnà lou bec de Nem e dai espous, Mounta de bouon vin blanc un flascou tout poudrous. 295 L'ouratour lou premier, qu'a jà la lenga seca, Lou tasta, di qu'es bouon, l'avala e s'esperleca ; Una segounda fes lou licour echelent Coula en bagueta d'or dau ventrut récipient Li santé soun pourtadi e lou veire tintina. 300 Nem fa de vout au Ciel per Lubin e Courina ; E sembla, en aquel at, lou gran preire Calcas Emplourant Jupiter per lou bouon Menelas. Ma entant que, l'uès en l'er e la man drecha aussada, Vôu, tout en mot chausit, faire un'emprouvisada, 305 Lou cat, que jusqu'aloura era quiet au cantoun, De la mancha de Nem a vist lou pendihoun ; Sauta per l'achapà, va, ven, bouta, traversa, Ruta plat, gotou, sieta e lou flascou ranversa Lou vin taca la toaia, e maugrà l'empaiat, 310 Lou veire fin es rout dau gros côu qu'a picat 2. Nem, qu'a l'esprit present 3 e de cervela en couossa, Di Noun v'espaventés, qu'es un signau de nouoça. S'avian vuat la dourca o revessat la sau, L'afaire, car amic, nen pourria anà mau 4 ; 315 E s'un cadre pendut era toumbat per terra, De pôu de li restà, noun si metrian en guerra ; Ma lou vin 'spantegat es d'un bouon prounoustic ; 1. Écrit sedà dans la première édition. 2. Littér. du grand coup qu'il a frappé. 3. Littér. Qui a l'esprit présent. 4. Littér. Pourrait en aller mal. LA NEMAÏDE. — V 139 Sois homme dans le monde, à ton devoir un sage. 285 La bile est un tyran qui peut nous commander Si nous ne la retenons, en tout il faut lui céder ; En lui mettant un mors et même une chaîne, Nous en sommes maîtres et pouvons la régler sans peine. Vous en avez assez pour le moment, et je crois avoir dit 290 Ce que tout plein d'auteurs en leurs livres ont écrit. » Nem termina ainsi sa longue allocution 1. Dans la cave Catin est bien vite descendue ; Et pour arroser le bec 2. de Nem et des époux, Elle monte de bon vin blanc un flacon tout poudreux. 295 L'orateur le premier, qui a déjà la langue sèche, Le goûte, dit qu'il est bon, l'avale et se pourlèche ; Une seconde fois le liquide excellent Coule en filet d'or du ventru récipient Les santés sont portées et le verre tinte. 300 Nem fait des voeux au Ciel pour Lubin et Courine ; Et semble, en cet acte, le grand prêtre Calchas Implorant Jupiter pour le bon Ménélas. Mais pendant que les yeux en l'air et la main droite levée, Il veut, tout en termes choisis, faire une improvisation, 305 Le chat, qui jusqu'alors était resté tranquille en un coin, De la manche de Nem ayant vu le pendillon 3, Saute pour l'attraper, va, vient, bondit, traverse, Heurte plats, verres, assiettes, et, renverse le flacon Le vin tache la nappe et, malgré l'empaillage 4, 310 Le verre fin est brisé du grand choc qu'il a reçu. Nem, qui a de la présence d'esprit et de la cervelle en-tête, Dit Ne vous effrayez pas c'est un présage de noces. Si nous avions vidé l'huilier ou renversé le sel, L'affaire, chers amis, pourrait s'ensuivre mal ; 315 Et si un tableau pendu était tombé par terre, De peur d'y rester. 5 nous ne nous mettrions pas en guerre ; Mais le vin répandu est un bon pronostic ; 1. Littér. son long parlage. 2. Littér. Et pour mouiller le bec. 3. La partie pendante. L'abbé Nem avait un vêtement à larges manches. 4. L'enveloppe de paille du flacon 5. D'y périr. 140 LA NEMAÏDA. — V E fouguesson cent mil noun cregnen l'enemic. Dounca, sian entendut 1 vau preveni lou preire. 320 Au toumbà dau souléu, Lubin, laisse-ti veire Davant la mieja nuech nen côu tout défini ; Noun mancà, ti dirai quoura deves veni. » Nem, plen d'un bouon dinà, de vin e d'alegressa, Parte e pensa à tout coust de tenï la proumessa ; 325 Laissa lu 'spous ensem ; e, plus lest qu'un lapin, Va vers la Pouorta-Nova acô de don Sabin. Sabin es bouon amic, passa per estre un sage, E Nem a chausit eu per fà lou mariage. A vist lou Vatican, San-Carlo e San-Janvié ; 330 A lou fiéu per l'entriga e noun es dai darrié ; Manja lu macaroun à la napoulitana, E mai que lou breviari aima la damejana. Nem cres de lou trouva qu'aigue l'Ufici en man 2 Per dire matutin, e s'entroudus plan plan. 335 Aude un certen glouglou en la chambra vesina ; Un bachique parfum li iemple li narrina Noun si pôu countenï, ientra e trova Sabin Qu'embouteia dau viei per li fa fà camin ; Perqué lou bouon belet, ensin que l'oli vierge, 340 Plas ai chef de burèu, ai coumis, au councierge. Aiguès de proutetour tant puissant que voulès, La roda vira mau quoura ben noun l'ougnès. Sabin, en veen Nem, li demanda embe pressa Cen que lou fa venï, cen que tant l'enteressa ; 345 Serra lou tira-vin e vôu que jusqu'au bout De l'afaire en questioun vitou li conte tout. Nem li fa lou detai de Lubin e Courina, Li parla dau discours qu'a fach dintre la tina, Li di lou siéu proujet, lou mete en lou coumplot; 350 E Sabin iniciat sau tout en quatre mot. Sensa qu'embe gran 'stent Nem l'envide e l'engage, En tout moumen es pront à fà lou mariage 3 1. Littér. nous sommes entendus. 2. Littér. Qu'il ait l'Office en main. 3. Littér. En tout moment il est prompt à faire le mariage. LA NEMAÏDE. — V 141 Et fussent-ils cent mille, nous ne craignons pas l'ennemi. Donc, c'est entendu je vais prévenir le prêtre. 320 Au tomber du soleil, Lubin, montre-toi 1 Avant minuit il faut tout terminer ; Ne manque pas, je te dirai quand tu devras venir. » Nem, plein d'un bon dîner, de vin et d'allégresse, Part et pense à tenir sa promesse à tout prix ; 325 Il laisse les époux ensemble; et plus leste qu'un lapin, Il va vers la Porte-Neuve chez dom Sabin. Sabin est bon ami, il passe pour être un sage, Et Nem l'a choisi pour faire le mariage. Il Sabin a vu le Vatican, Saint-Charles et Saint-Janvier 2 ; 330 Il a le fil pour l'intrigue et n'est pas des derniers ; Il mange le macaroni à la napolitaine, Et aime la dame-jeanne plus que le bréviaire. Nem croit le trouver ayant le livre d'offices en main Pour dire matines, et il s'introduit tout doucement. 335 Il entend un certain glouglou dans là chambre voisine ; Un parfum bachique lui remplit les narines Il ne peut se contenir, entre et trouve Sabin Qui met en bouteilles du vin pour lui faire faire du chemin 3 ; Parce que le bon bélet, de même que l'huile vierge, 340 Plaît aux chefs de bureau, aux commis, au concierge. Ayez des protecteurs aussi puissants que vous voudrez, La roue tourne mal, si vous ne la graissez pas bien. Sabin, en voyant Nem, lui demande avec empressement Ce qui le fait venir, ce qui tant l'intéresse; 345 Il ferme le tire-vin et veut que jusqu'au bout De l'affaire en question vite il lui conte tout. Nem lui fait le détail de Lubin et Courine 4, Lui parle du discours qu'il a fait dans la cuve 5, Lui dit ses projets, le met dans le complot ; 350 Et Sabin initié sait tout en quatre mots. Sans qu'avec grande insistance Nem l'invite et l'engage, Quel que soit le moment il est prêt à faire le mariage 1. Littér. laisse-toi voir. 2. L'église de Saint-Charles à Milan et celle de Saint-Janvier à Naples. 3. C'est-à-dire, dont il se propose de faire cadeau à diverses personnes. 4. Lui détaille l'affaire de Lubin et Courine. 5. Voy. Ch. IV, V. 78. 142 LA NEMAÏDA. — V Que lou vengon sounà tant de nuech que de jou, Ministre devouat, lou trouveran toujou. 355 Sens'ordre cepandan, su d'un taulié plaçadi, Douze pinta si vé tapadi e goudrounadi ; E doui gotou ben net languisson su d'un plat De si veire remplit autant lèu qu'avalat. En chacharrouneant, lu nouostre cambarada 360 Garnisson lou crestai, fan parti li rasada Sensa faire d'esfouors an lèu doublat lou cap, E siei bouteia pleni an vist sauta lou tap. Pisqué li sian, amic, resten jusqu'à la bruna, Di Sabin ; e se vouos, n'esquissan encar' una l. » 365 Nem es d'aquel avis trinca tu, trinca iéu ; La resoun li chavira 2 e per don jà lou fiéu. Parton en un clin d'uès li siei autri bouteia ; Ma Sabin noun n'a proun piha per li maneia La grossa damejana, esquiha, e lou licour 370 Fouora dau vas trissat li fa lac alentour. Nem, que vé lou tapoul e que lou crep entende, Vôu secourre l'amie e soubre d'eu s'estende. Soun ventre contra ventre ; e s'un regarja en l'er, L'autre, lou nas au souol, esamina l'infer. 375 Vanamen de s'aussà cadun d'eli si prova ; Morfé, qu'era couchat en lou found d'una arcova, S'es reveiat au bruit, regarda e d'aussitot Li ven 'squissà su l'uès lou jus dai siéu pavo. L'efet es pront lou dieu dau siéu pouvoir si carra ; 380 E lu doui coumpagnon fan jà petâ la guarra Rounflon de tant bouon couor, troumbeton tant lu nas, Que de mestre Ravan semblon lou contrabas 3. Cepandan la patouïa era déjà sounada 4 Lubin noun trova Nem, Courina es desoulada ; 385 Au siéu, per lou sounà, s'es jà pourtat très fes Degun noun li respouonde, à la chambra noun es ; 1. Littér. Pressurons-en encore une. 2. Littér. La raison leur chavire. 3. Maître Ravan était contrebasse au théâtre où Rancher jouait les parties d'alto. 4. Voy. Notes détachées. LA NEMAÏBE. — V 143 Qu'on vienne l'appeler tant de nuit que de jour, Ministre dévoué, ils le trouveront toujours. 355 Sans ordre cependant, placées sur une table, Se montrent douze pintes bouchées et goudronnées ; Et deux verres bien nets languissent sur un plat De se voir remplis aussitôt qu'avalés. Tout en bien bavardant, nos deux camarades 360 Garnissent le cristal 1, font partir les rasades ; Sans faire des efforts ils ont bientôt doublé le cap, Et six bouteilles pleines ont vu sauter leur bouchon. Puisque nous y sommes, ami, restons jusqu'à la brune, Dit sabin; et si tu veux, vidons-en encore une. » 365 Nem est de cet avis trinque toi, trinque moi ; Leur raison se trouble et ils perdent déjà le fil. Partent en un clin d'oeil les six autres bouteilles ; Mais Sabin n'en a pas assez il prend par les anses La grosse dame-jeanne, glisse, et le liquide 370 Hors du vase brisé lui fait un lac autour. Nem, qui voit le gâchis et qui entend l'éclat 2, Veut secourir l'ami et s'étend sur lui. Ils sont ventre sur ventre ; et si l'un regarde en l'air, L'autre, le nez au sol, examine l'enfer. 375 Vainement chacun d'eux essaye de se relever Morphée, qui était couché au fond d'une alcôve, S'est réveillé au bruit-; il regarde, et aussitôt Leur vient presser sur les yeux le jus de ses pavots. L'effet est prompt le dieu de son pouvoir se carre ; 380 Et les deux compagnons font déjà retentir la narine Ils ronflent de si bon coeur, les nez trompètent tant, Que de maître Ravan ils semblent être la contrebasse 3. Cependant l'heure de la patrouille était déjà sonnée 4 Lubin ne trouve pas Nem, Courine est désolée; 385 Chez lui, pour l'appeler, il s'est déjà rendu trois fois Personne ne lui répond Nem n'est pas dans sa chambre ; 1. Remplissent les verres. 2. L'éclat du verre brisé. 3. Voy. ci-contre la note 3; 4. Voy. Notes détachées. 144 LA NEMAÏDA. — V E cregne qu'arrestat acô de la Fourniera, Nem noun passe à charrà touta la nueç entiera. Ma pensa che Sabin lou reten au chambroun, 390 Doun embe de belet s'arrosa lou jamboun. L'estint lou mena aquï mounta e douna l'alerta; Arrivat au planet, vé la pouorta duberta, Sente rounflà, s'avança o spetacle curious ! Nem e Sabin per terra an fourmat una crous. 395 Ientra dintre lou lac, dai dourmihous s'arramba, Tira l'un per lou bras e l'autre per la camba ; Embe touplen de 'stent parven à lu fà viéu 1. Nem en si reveiant à Lubin tira un ziéu, Que très pas en darrié l'amourous côu qu'esquihe 2. 400 Lubin lou souona O Nem !» — Vai au diau que ti pihe ! » Lou Sacrestan respounde ; e cercant lou bastoun, Vôu faire à l'importun balà lou rigaudoun. Sabin fa couma Nem, e déjà la querela S'escaufa ; ma Lubin Alargas li parpela ! » 405 Li crida. Regarjas ! Siéu Lubin, siéu l'espous ; E noun mi counouissès à l'abit, à la vous ? La vous de l'amitié facilamen s'entende Tout orne qu'a proumés la siéu proumessa atende 3. Despi doui oura e mai, dapertout v'ai cercat ; 410 Fouora, lou vous dieu, iéu 4, noun si vé plus un cat. Ai un paréu d'amie que seran testimoni Soun doui brave garçoun e de famiha bouoni ; Noun m'an jamai tradit, e fedel en tout tems, Mouostron que soun niçard e que mi vouolon ben. 415 Noun mi faguès langui, que Courina n'aspera ; Pisqué tout es counclus, finissen estou sera De mi veire troumpat mi seria un pôu dur, Quour'en li vouostri man ai mes lou miéu bounur. » 1. Littér. à les faire vivants. — Ils étaient en effet ivres-morts. 2. Littér. Qu'il faut que l'amoureux glisse. 3. Littér. Sa promesse attend tout homme qui a promis. 4. Littér. Je vous le dis, moi. LA NEMAÏDE. — V 145 Et il craint qu'arrêté chez la Fourhière 1, Nem ne passe à causer la nuit tout entière. Mais il pense que Sabin le retient dans sa chambrette, 390 Où avec du bélet on arrose le jambon. L'instinct le conduit là il monte et donne l'alerte ; Arrivé sur le palier, il voit là porte ouverte, Entend ronfler, s'avance ô spectacle curieux ! Nem et Sabin par terre ont formé une croix. 395 Il entre dans le lac, s'approche des dormeurs, Tire l'un par le bras et l'autre par la jambe ; Avec beaucoup de peine il parvient à leur rendre la vie. Nem en se réveillant à Lubin tire un ziéu 2, Qui force l'amoureux à faire trois pas en arrière. 400 Lubin l'appelle O Nem ! — Va au diable qui t'emporte. » Répond le Sacristain ; et cherchant le bâton, Il veut à l'importun faire danser le rigodon, Sabin fait comme Nem, et déjà la querelle S'échauffe ; mais Lubin Ouvrez les paupières ! 3 » 405 Leur crie-t-il. Regardez ! Je suis Lubin, je suis l'époux; Et ne me reconnaissez-vous pas à l'habit, à la voix? La voix de l'amitié s'entend facilement Tout homme qui a promis, sa promesse l'oblige. Depuis deux heures et plus, je vous ai cherché partout ; 410 Dehors, je vous assure, on ne voit plus un chat. J'ai une paire d'amis qui seront les témoins Ce sont deux braves garçons, et de bonne famille ; Ils ne m'ont jamais trahi, et fidèles en tout temps, Ils font voir qu'ils sont niçards et qu'ils me veulent du bien; 415 Ne me faites pas languir, car Courine nous attend; Puisque tout est conclu, finissons ce soir Il me serait un peu dur de me voir trompé, Lorsque dans vos mains j'ai mis tout mon bonheur. » 1. La première édition porte Tourniera, mot qui n'offre aucun sens raisonnable ou désignerait une personne inconnue et dont il n'est plus question dans la suite ; nous croyons qu'on doit lire Fourniera, qualificatif s'appliquant sans doute à une voisine tenant un four à pain, où Nem allait habituellement faire la veillée avec quelques amis, selon la coutume de ce temps. 2. Mimologisme figurant l'espèce de sifflement produit par le liquide que lance la bouche de Nem, qui cuvait son vin. 3. Littér. Elargissez les paupières. 146 LA NEMAÏDA. — V vReven en ment à Nem lou but dau siéu viage 420 Fa souvenï Sabin dau famous mariage 1, vLi di Si despachen ; s'ensin vôu lou destin, A la bela Courina anen uni Lubinv. » L'espous audit acô, lest toca sola 2, escapa ; Nem piha lou mantèu, Sabin piha la capa 425 En gleia en un moumen venon, sensa boucan, Espous, parent, amie, e preire e sacrestan. Nem à l'autà majour acende doui candela, Noun sensa quauque 'stent, que l'orne era à la vela ; E Courina e Lubin van, embe devoucioun, 430 Recevre aginouiat la gran benedicioun. Lou mot es jà lachat, e l'espousa timida Sente qu'un certen fuec li courre per la vida. L'oremus es lèu dich, e lou fatal anèu Liga lu tendre 'spous couma un fai de gavèu 3. 435 Fenida la founcioun 4, la gleia es resserrada ; E coum'era la nuech dejà ben avançada, Cadun dau siéu coustà la si fila plan plan En lu bras dau repau, per veire lendeman. Lou repau per d'espous, acô noun tinta gaire 5... 440 M'an dich bonsoir, s'en van ; côu feni que li faire ? Se siés curious, letour, mai que noun lou siéu iéu, Vai counsultà l'Imen, caressa aquéu bèu dieu ; Noun ti dirai plus ren Lubin embe Courina An tirat lu ridèu.... lou resta si devina. 445 La Nuech, maire de paz, soubre d'un liech de flou Versant toui lu plesi, n'escarta lu doulou ; E se... Que babihard ! Lou miéu soupà m'aspera, Noun nen saupras pas mai. Duerme ben, bouona sera. Fin dau cinquieme cant 1. Littér. Il fait souvenir Sabin du fameux mariage. 2. Littér. Leste touche semelle. 3. Faisceau de sarments réunis par un lien, fort en usage comme combustible. 4. Littér. Finie la fonction. 5. Littér. Ne tinte pas, ne sonne guère. LA NEMAÏDE. - V 147 Le but de son voyage 1 revient à l'esprit de Nem 420 Il rappelle à Sabin le fameux mariage, Il lui dit Dépêchons-nous ; puisqu'ainsi veut le destin, A la belle Courine allons unir Lubin. » L'époux ouï cela, vite joue des jambes, s'échappe ; Nem prend le manteau, Sabin prend sa chape 425 A l'église en un moment viennent, sans bruit, Epoux, parents, amis, et prêtre et sacristain. Nem au maître-autel allume deux cierges, Non sans quelque peine, car l'homme était à la voile 2 ; Et Courine et Lubin vont, avec dévotion, 430 Recevoir agenouillés là grande bénédiction. Le mot est déjà lâché, et l'épouse timide Sent qu'un certain feu lui court par tout son être 3. L'oremus est bientôt dit, et le fatal anneau Lie les tendres époux comme un faisceau de sarments. 435 La cérémonie terminée, l'église est refermée ; Et comme la nuit était déjà bien avancée, Chacun de son côté file doucement, doucement Dans les bras du repos, pour voir le lendemain 4. Le repos pour des époux, cela ne se voit guère... 440 Ils m'ont dit bonsoir, ils s'en vont ; il faut finir qu'y faire? Si tu es curieux, lecteur, plus que je ne le suis, moi, Va consulter l'Hymen, caresse ce dieu charmant ; Je ne te dirai plus rien Lubin et Conrine Ont tiré les rideaux.... le reste se devine. 445 La Nuit, mère de paix, sur un lit de fleurs Versant tous les. plaisirs, en écarte les douleurs ; Et si... Quel babillard ! Mon souper m'attend. Tu n'en sauras pas davantage. Dors bien, bonsoir. Fin du cinquième chant. 1. De sa venue chez Sabin. 2. Dans son reste d'ivresse, Nem éprouve du roulis et du tangage comme un navire sur une mer agitée. 3. Dans toute sa personne. Littér. lui court par la vie. 4. Pour se reposer jusqu'au lendemain. 148 LA NEMAÏDA. — VI CANT SISIEME Non, mihi si linguoe centum sint oraque centum, Omnia Grascorum possem percurrere gesta 1. VIRGIL. AEneis, VI, v. 627. ARGUMEN Seri resounamen soubre la guerra. — L'Envidia vé lu espous unit e si despera. — La Discordia la consouola en li fen un discours ; s'en va aco de Parpagnaca, lou trova embe Ponchoun e li descuerbe lou mariage ; après va irrita Nem e li anounça lu preparatif dai Marguilié. — Li doui armada s'alestisson. — Tout lou mounde courre su la Terrassa. — Nem coundus lu siéu à San-Gaetan ; e Parpagnaca mena l'armada su lu bastioun. — Gran revua dai doui general. — Pourtret guerrier dai chef. Noun mi trouvès à dire, aiguès de iéu pietà Se canti, es maugrà iéu ; noun n'ai la voulountà. Mi coundani d'avança e dieu que su la terra Deurian toui denembrà lu massacre e li guerra. 5 Eh ! diè-lou mi un pôu que gran proufit n'aven De legi qu'un Achil tuet tantu Troien, E de veire una frema, en faen quatre landa, Faire courre à la mouort Hector e la siéu banda ? N'ai déjà mau de couor, e noun trovi pas bèu 10 De veire un camp cubert de tripa e de budèu. A qu manca lou bras, à qu manca una gaugna 1. Le second vers est une imitation de celui-ci, que porte le texte de l'Enéide Omnia poenarum percurrere nomina, possim » vers qui dans le poème est précédé de cet autre Ferrea vox, omnes scelerum comprendere formas. » LA NEMAÏDE. — VI 149 CHANT SIXIEME Non, quand j'aurais cent langues et cent bouches, Je ne saurais raconter tous les exploits des Grecs. VIRGILE, Enéide, VI, v. 627. ARGUMENT Sérieux raisonnements sur la guerre. — L'Envie voit les époux unis et se désespère. — La Discorde la console en lui faisant un discours ; elle s'en va chez Parpagnaca, le trouve avec Ponchon et lui apprend le mariage ; ensuite elle va irriter Nem et lui annonce les préparatifs des Marguilliers. — Les deux armées s'apprêtent. — Tout le monde court sur la Terrasse.— Nem conduit les siens à Saint-Gaëtan 1 et Parpagnaca mène son armée sur les bastions 2. — Grande revue dès deux généraux. — Portrait guerrier des chefs. Ne me trouvez pas à dire, ayez pitié de moi Si je chante, c'est malgré moi ; je n'en ai pas la volonté. Je me condamne d'avance et je dis que sur la terre Nous devrions tous oublier les massacres et les guerres 3. 5 Eh ! dites-le moi un peu quel grand profit avons-nous De lire qu'un Achille tua un grand nombre de Troyens, Et de voir une femme 4, en faisant quatre minauderies, Faire courir à la mort Hector et sa troupe ? J'en ai déjà mal au coeur et je ne trouve pas beau 10 De voir un champ couvert de tripes et de boyaux. A qui manque le bras, à qui manque une mâchoire 1. Voy. Notes détachées. 2. Les boulevards sur la rive gauche du Paillon. Voyez la note sur les vers 250 et 251 du second chant. 3. C'est-à-dire, ne plus en parler. C'est à regret qu'il se voit obligé de chanter des combats. 4. La belle Hélène. 11 150 LA NEMAÏDA. — VI Un, desarmat e las, li fan baugna-si-baugna ; L'autre, remplit de sanc, crida Noun jueguï plus ! 1 » E li fa l'enemic au piech un larg pertus. 15 Qu crepa en un valat, qu toumba en la riviera, Qu goumisse lou sanc, qu roula en la poussiera Un soulet capricious d'aiçô coundus lou fiéu ; Ma qu'es que li faren, s'es un castic de Dieu ? D'autre an 'scrich de coumbat, de siege, de bataia ; 20 Era un grand fuec, lou siéu 2, lou nouestre es fuec de paia. Se sensa gran malur veni jusqu'à la fin, Noun risquerai pi tant de mi metre en camin ; E l'anima crestiana, emb'au tems si counsouola De quauqu'uès embournit e de quauqui badola. 25 Noun trouveres de mouort ni mancou de blessat, Tout au plus quauque nas macat e 'scrissensat. Se la miéu Musa mai faguesse la matana, Li proumetrai qu'un jou canteren Segurana, Qu'aquelu can de Turc rouleran en la pous, 30 E qu'ai siéu pen ligat meneren Barbarous Ma si tratant ancuei de quauqui bussucornia 3, Au luec de la troumbeta emboucan la fanfornia. Emb'au siéu det rousat l'Auba, d'un jou nouvèu, En l'Ourient blanchit, tirava lou ridéu; 35 E lu doui tendre 'spous, en l'arcova enfounçada, Tiravon, un pôu las, una bouona rounflada. L'Envidia a vist acô, plus ren noun la reten Si ploura, s'escarpina, e fa grignà li den. Lu plesï que lu 'spous provon quoura s'embrasson, 40 Li fan mancà lou couor, l'irriton, la terrasson Noun si pôu plus teni, parte coum'un uiau ; E d'un vol va trouvà la deessa dau mau. La Discordia la vé, counouisse à la siéu mina Qu'a lou couor esgarrat dau bounur de Courina ; 45 E per la consoulà, per li pouorge secours 4, Emb'un ton calme e dous li ten aicéu discours 1. Littér. je ne joue plus. — C'est-à-dire, j'en ai assez, je me rends, 2. Littér. c'était un grand feu, le leur. 3. Littér. Mais se traitant aujourd'hui de quelques horions. 4. Littér. pour lui offrir secours. LA NEMAÏDE. .— VI. 151 L'un, désarmé et éreinté, se voit rouer de coups 1 ; L'autre couvert de sang, crie Je ne suis plus du jeu ! » Et l'ennemi lui fait un large trou à la poitrine. 15 Qui crève dans un ruisseau, qui tombe dans la rivière, Qui vomit le sang, qui roule dans la poussière Le caprice d'un seul 2 conduit le fil de tout cela ; Mais qu'y ferons-nous, si c'est un châtiment de Dieu ? D'autres ont écrit de combats, de sièges, de batailles 20 Il était grand leur feu, le nôtre est feu de paille. Si sans grand malheur j'arrive jusqu'à la fin, Je ne risquerai pas tant enfin de me mettre en chemin ; Et l'âme chrétienne avec le temps, se console De quelques yeux pochés et de quelques bosses au front. 25 Vous ne trouverez pas de morts ni même de blessés, Tout au plus quelques nez meurtris ou écrasés. Si jamais ma Muse faisait la boudeuse, Je lui promettrai qu'un jour nous chanterons Ségurane, Que ces chiens de Turcs rouleront dans la poussière, 30 Et qu'à ses pieds nous traînerons Barberousse enchaîné. Mais ne s'agissant aujourd'hui que de quelques horions, Au lieu de, la trompette nous embouchons la guimbarde. Avec son doigt de rose l'Aube, d'un jour nouveau, Dans l'Orient blanchi, tirait le rideau ; 35 Et les deux tendres époux, dans l'alcôve profonde, Poussaient 3 , un peu fatigués, une bonne ronflée. L'Envie a vu cela, rien ne la retient plus Elle pleure, s'arrache les cheveux, et fait grincer les dents. Les plaisirs que les époux goûtent quand ils s'embrassent, 40 Lui font défaillir le coeur, l'irritent, la terrassent Elle ne peut plus se contenir, part comme un éclair, Et d'un vol va trouver la déesse du mal. La Discorde la voit et connaît à sa mine Qu'elle a le coeur déchiré du bonheur de Courine ; 45 Et pour la consoler, pour lui porter secours, D'un ton calme et doux elle lui tient ce discours 1. Littér. L'un désarmé et las, on lui fait baugna-si-baugna Voy. Notes détachées. 2. Littér. Un seul capricieux. 3. Littér. Tiraient. 152 LA NEMAÏDA. — VI Noun ti chacrinà plus, la miéu paura parenta 1 M'estregnon lu budéu lu tiéu crit, li tiéu plenta. Laisse-mi faire à iéu mi saupras dire après 50 S'ai lou couor de panissa 2 o l'anima à l'envès. Toqui sola, e ben léu Nem, soubre li siéu rasca 3, Si veira balança 4 la plus negra bourrasca. Vau faire fuec e flama ; e la bagueta en man, Vau tout electrisà contra lu Sacrestan. 55 En vanjant una sorre aumenti la miéu gloria O plus lou mau s'engrossa, o mai canti vitoria ; D'enjusticia, de touort, de revès, de despiech, L'esprit miéu n'es farcit, e gounflat n'ai lou piech. De tout cen que farai, qu sau que noun t'en soubre ? 60 Pertout vouoli fà fuec, mètre tout souta-soubre ; E veiras à la fin se, parmi toui lu dieu, N'as un que per lou mau sigue plus fin que iéu. » A pena a dich ensin, que lou siéu canoun braca Soubre lou loujamen dau famous Parpagnaca ; 65 Desplega lou siéu vol, pejou qu'un escrivèu Que non viéu que de sanc, de tripa e de budèu. Dau chef dai Marguilié si fica en la chambreta Un poustat de maioun separon doui coucheta; Un moumen en suspens lou siéu 'sprit arrestat, 70 Cres qu'un genia urous aqui l'aiguë pourtat. Soubre lou gran de turc, vé lou bouon chef que rounfla ; Su la lana, Ponchoun mouostra la gnarra gounfla. La Discordia au moumen si trasfourma en Giboun Nen piha l'er malign e touti li façoun ; 75 E, plaçada en mitan d'aquela bêla coupla, Sensa lu reveià 5, li di d'una vous soupla Bouon proun vous fasse 6, amic durmès tranquilamen, 1. Littér. ma pauvre parente. 2. Littér. Si j'ai le coeur de panisse. —La parusse est une sorte de gâteau en farine de pois chiches. 3. Rasca, teigne de la tête ; se dit pour la tête elle-même Voy. Ch. II. v. 362. 4. Littér. Se verra balancer. 5. La première édition porte sensa si reveià c'est évidemment une faute d'impression. 6. Littér. Bon suffisant vous fasse. — Cette locution est toujours en usage dans le Midi, surtout parmi les gens de la campagne. LA NEMAÏDE. — VI 153 Ne te chagrine plus, ma pauvre soeur Tes cris, tes plaintes m'étreignent les boyaux. Laisse-moi faire, moi tu sauras me dire après 50 Si j'ai le coeur de pâte molle 1 ou l'âme à l'envers. Je touche des pieds 2, et bientôt Nem, sur sa tète, Verra se déchaîner la plus noire bourrasque. Je vais faire feu et flamme ; et la baguette en main, Je vais tout électriser contre les Sacristains. 55 En vengeant une soeur j'augmente ma gloire Plus le mal devient grand, plus je chante victoire ; D'injustices, de torts, de revers, de rancunes, Mon esprit en est farci, et j'en ai la poitrine gonflée. De tout ce que je ferai, qui sait qu'il ne t'en reste 3 ? 60 Partout je veux faire feu, mettre tout sens dessus dessous ; Et tu verras à la fin si, parmi tous les dieux, Tu en as un qui pour le mal soit plus habile que moi. » A peine a-t-elle dit ainsi, qu'elle braque son canon Sur le logement du fameux Parpagnaca 4 ; 65 Et déploie son vol, pire qu'un épervier Qui ne vit que de sang, de tripes et de boyaux. Elle se fourre dans la chambrette du chef des Marguilliers Une cloison de briques sépare deux couchettes ; Son esprit arrêté un moment en suspens, 70 Croit qu'un heureux génie l'a portée en ce lieu. Sur la paille de maïs 5, elle voit le bon chef qui ronfle ; Sur la laine 6, Ponchon montre la narine gonflée. La Discorde à l'instant se transforme en Gibon Elle en prend l'air malin et toutes les façons ; 75 Et, placée au milieu de ce beau couple, Sans les réveiller, leur dit d'une voix souple Bon profit vous soit, amis dormez tranquillement ; 1. Voyez ci-contre la note 2. 2. Je pars vite. 3. Locution proverbiale c'est-à-d., sache que tu ne seras reste avec moi ; je ferai tant qu'il ne te restera plus rien à désirer. 4. C'est-à-d., qu'elle vise Parpagnaca, qu'elle le prend pour son but du moment. 5. Sur une paillasse faite avec des feuilles de maïs ou blé de Turquie. Le texte dit sur le grain de turc. 6. Sur un matelas de laine. 154 LA NEMAÏDA. — VI Que Nem v'en a jà fach d'aqueli dau calen 1. Es fach lou mariage ; e maugrà lu nouostre ordre, 80 La gleia s'es duberta, e noun si pôu plus mouordre. S'avian mancou de flaca, un pôu mai de vigour, Tant bas noun aurian vist toumbà lou nouostre ounour. Parpagnaca es tradit ; e quaqu'aigue la moufa, Ponchoun, au jou d'ancuei, côu que mouostre la coufa. 85 Si meten toui li bota e mounten da cavau Lu gran remedi, amic, garisson lu gros mau. Ai tout vist, tout audit dau trau de la serraia; Per tre fes ai mancat lou mi faire en li braia. Urousamen lou Ciel, que vé que marchi plan, 90 Vôu que vous trovi aici loujat au même plan. Ai lou filet coupat, e pourrii ben dire, En vous trouvant ensin, de cauva per fa rire Vautre noun l'ignouras e tout lou mounde sau Qu'à cen que dieu toujou sabi metre de sau. 95 Ma noun es tems d'acô 2. Courina es maridada, Parpagnaca es counfus, Ponchoun es menchounada Bessai nen creperes un fach tant triste e dur Crida tres fes vanjansa e malur su malur. Anen, si despachen, moustren à touta Niça 100 Qu'un Marguilié furious noun es una panissa ; Que sau à tems e luec tirà drech lou siéu côu, E que mil couma Nem noun li pouodon fà pôu. » A pena dich ensin, sensa frustà li sola, D'acô dau Marguilié la Discordia s'envola. 105 Parpagnaca, en durment, s'arranca lou berret ; E, de l'esfouors que fa, ti lacha un tant gros pet, Que, reveiant Ponchoun, embauma aquela chambra D'una certena audou que noun era pas d'ambra. Toui doui soun reveiat. Couma noun es d'iver, 110 Duerbon lu fenestron per renouvela Ter ; 1. Littér. De celles de la lampe, c'est-à-dire de toutes sortes. — Cette locution vient de l'ancien usage de se réunir entre voisins pour faire le soir, à la lumière du calen lampe de forme antique, des veillées où l'on racontait toutes sortes d'histoires singulières, bizarres ou fantastiques. 2. Littér. Mais il n'est pas temps de cela. LA NEMAÏDE. — VI 155 Car Nem vous en a déjà fait de toutes les façons. Il est fait le mariage ; et malgré nos ordres, 80 L'église s'est ouverte, et il n'y a plus à mordre 1. Si nous avions moins de flegme, un peu plus de vigueur, Nous n'aurions pas vu tomber si bas notre honneur. Parpagnaca est trahi ; et quoiqu'il ait la moisissure, Il faut que Ponchon montre aujourd'hui son postérieur 2. 85 Mettons-nous tous les bottes et montons à cheval Les grands remèdes, amis, guérissent les grands maux. J'ai tout vu, tout entendu par le trou de la serrure ; Par trois fois j'ai failli faire dans mes braies. Heureusement le Ciel, qui voit que je marche prudemment, 90 Veut que je vous trouve ici logés au même étage. J'ai le filet coupé 3, et je pourrais bien dire, En vous trouvant ainsi, des choses à faire rire Vous ne l'ignorez pas, et tout le monde sait Qu'à ce que je dis je sais toujours mettre du sel, 95 Mais ce n'est pas le moment de parler de cela. Courine est mariée, Parpagnaca est confondu, Ponchon est jouée. Peut-être en crèverez-vous un fait si triste et si dur Crie trois fois vengeance et malheur sur malheur. Allons, dépêchons-nous, montrons à. tout Nice 100 Qu'un Marguillier furieux n'est pas une pâte molle ; Qu'il sait en temps et lieu frapper droit son coup, Et que mille comme Nem ne peuvent lui faire peur. » A peine a-t-elle dit ainsi, sans user les semelles, De chez le Marguillier la Discorde s'envole. 105 Parpagnaca, en dormant, s'arrache la berrette ; Et, de l'effort qu'il fait, vous lâche un si gros pet, Que, réveillant Ponchon, il embaume cette chambré D'une certaine odeur qui n'était pas de l'ambre. Tous deux sont éveillés. Comme on n'est pas en hiver, 110 Ils ouvrent les lucarnes pour renouveler l'air ; 1. Et nous n'y pouvons plus rien. Littér. et on ne peut plus mordre. 2. Littér. la couffe. — C'est une sorte de panier en sparterie dont le fond est arrondi on comprend quel est ici le sens figuré de ce mot. 3. J'ai bonne langue. 156 LA NEMAÏDA. — VI Ma lou fresc dau matin, qu'en la chambra circula 1, Noun pôu calma lou fuec qu'en lu siéu gran couor brula. Ansi souorton toui doui la testa en lou coufin, Un va lu bas cagant, l'autre embe lou beguin. 115 Soubre toui lu cantoun 2 la siéu coulera esclata Noun an encà pihat café ni chicoulata ; E noun piheran ren jusqu'à tant qu'un coumbat Noun terrasse l'ourguei dau plus fier dai abat. La Discordia, de Nem arriva en la chambreta, 120 E lou trova endurmit soubre la siéu segeta. Era aqui, m'entendès, per un afaïre brut Asperava l'efet de tres bouioun pounchut ; En lou ventre atesat, aloura li budela, Irritadi dau caut, li cercavon querela. 125 La deessa a pihat de Blanquina lu tret ; E sensa cepandan li perdre lou respet 3, Li fa de gros reproche, e li di que l'armada Dau famous Parpagnaca es dejà preparada ; Que lèu l'ataqueran de soubre lu bastioun ; 130 Que de lou terrassa dapertout es questioun ; Qu'entandôumen que duerme e qu'es su la luneta, L'enemic es en marcha e frusta li masseta ; Que se tarda un moumen, ren noun lou pôu sauva. Dich acô d'un ton sec, l'abuta e pi s'en va. 135 Segeta, pot e Nem, tout si ranversa en terra. L'abat cres aquéou côu lou segnau de la guerra ; S'aussa tout enviscat ; e, sensa dire un mot, Cresent qu'es la perruca, en testa a mes lou pot; Parte couma si trova 4 ; e, lou couor plen de bila, 140 Emb'aquéu bèu chacô 5 roula touta la vila ; Souona lu Sacrestan ; e, l'anima à l'envès, Li crida Arma-vous toui, despacha-vous, venès ! Piha-vous de bastoun, pourta-vous de ramassa ; S'avès de gros couissin, sierve-v'en de cuirassa. 1. Circula, écrit ainsi par Rancher. La prononciation provençale de ce mot est la plus usitée à Nice. 2. Littér. Sur tous les coins, sous-entendu de la ville. 3. Littér. sans cependant lui perdre le respect. 4. Littér. comme il se trouve. 5. Se prononce comme en français. LA NEMAÏDE. — VI 157 Mais la fraîcheur du matin, qui circule dans la chambre, Ne peut calmer le feu qui brûle dans leurs grands coeurs. Ils sortent donc tous deux la tête dans le coufin1 , L'un va les bas pendants, l'autre avec le béguin. 115 Sur tout leur parcours leur colère éclate Ils n'ont point encore pris café ni chocolat ; Et ils ne prendront rien jusqu'à tant qu'un combat Ne terrasse l'orgueil du plus fier des abbés 2, La Discorde arrive à la chambrette de Nem, 120 Et le trouve endormi sur sa chaise percée. Il était là, vous m'entendez, pour une affaire sale ; Il attendait l'effet de trois bouillons pointus Dans le ventre tendu, en ce moment les intestins, Irrités par la chaleur," lui cherchaient querelle. 125 La déesse a pris les traits de Blanquine ; Et sans cependant lui manquer de respect, Elle lui fait de grands reproches, et lui dit que l'armée Du fameux Parpagnaca est déjà prête ; Que bientôt ils l'attaqueront de dessus les bastions; 130 Que partout il est question de le terrasser ; Que tandis qu'il dort et qu'il est sur la lunette, L'ennemi est en marche et bat la charge 3 ; Que s'il tarde un moment, rien ne le peut sauver. Cela dit d'un ton sec, elle le pousse et puis s'en va. 135 Chaise, pot et Nem, tout se renverse par terre. L'abbé croit ce coup le signal de la guerre ; Il se dresse tout englué ; et, sans dire un mot, Croyant que c'est sa perruque, met le pot sur sa tète ; Il part en cet état; et, le coeur plein de bile, 140 Avec ce beau chako roule toute la ville; Il appelle les Sacristains ; et, l'âme bouleversée, Il leur crie Armez-vous tous, dépêchez-vous, venez ! Prenez des bâtons, portez avec vous des balais ; Si vous avez de gros coussins, servez-vous en de cuirasses. 1. Sorte de sac en sparterie. C'est ici une métaphore proverbiale signifiant que l'on a été induit en erreur. 2. De Nem, abbé sacristain. 3 Textuellement et use les baguettes.» Sous-entendu à battre le tambour. 158 LA NEMAÏDA. — VI 145 L'afaire sera caut, si côu fourtificà 1 ; Nautre si defendren, lu laissen atacà. Courrès à San-Gaetan aqui sian à la sousta S'avançon lu chifout, li roumperen li crousta ; E dai Parpagnaquenc lou plus famous guerrié 150 Parmi nautre es segur de trouvà lou parié. » Lou tapage que fan e l'una e l'autra liga Espaventa cadun, fa serra li boutiga ; E lou poble, aterrit dai erit e dau bousin, Cres veire un'autra fes 2lu terrible Angevin. 155 Ma quoura an vist de Nem la guerriera encoulura, Lou siéu case de faiença e la fouorta armadura, Coum'au plus béu festin cadun va su lou luec Per veire lou principi e la fin d'aquéu juec. Fenestra, fenestroun, pouorta grani, pourteta, 160 Li maioun d'aut en bas, li crota, li soufieta, Tout es plen de curious, si vé pertout de gen Paure, ric, noble, gus, tout es mesclat ensem 3. Lu café soun farcit, e soubre la Terrassa, Per countenï doui cat 4, noun si trova de plaça. 165 Que de fiha aquéu jou, dintre un boulun tant gran, A l'ardit calegnaire estregneron la man ! E qnantu bouoi marit, en si gratant la testa, Dai flagel d'Acteon cregneron la tempesta 5 ! Qu perde lou capêu, qu laissa un tros d'abit; 170 Un s'esclata dau rire, un autre poussa un crit. Pessugagna, abutoun, e touplen d'autri cauva Fagueron vendre car lou sambluc e la mauva. Li Dama, l'Arenaire e surtout Gourdouloun De veire tanti gen an jà lou tremouloun 6 ; 175 Perqué sabon qu'en tems de trouble e de bataia, Noun si respeta plus ni ferroui ni serraia. Per si barricada an fach cen qu'an pouscut ; 1. Littér. se fortifier. 2. Littér. une autre fois. Voy. Notes détachées. 3. Littér. tout est mêlé ensemble. 4. Littér. Pour contenir deux chats. 5. Littér. craignirent la tempête des fiéaux d'Actéon, 6. Littér. ont déjà le tremblement. LA NEMAÏDE. — VI 159 145 L'affaire sera chaude, il faut se bien armer ; Nous autres, nous nous défendrons, laissons-les nous attaquer. Courez à Saint-Gaétan là nous sommes à l'abri S'ils s'avancent les sacripants, nous leur romprons les côtes 1 ; Et des Parpagnaquiens le plus fameux guerrier 150 Est assuré de trouver son égal parmi nous. » Le tapage que font et l'une et l'autre ligue Épouvante chacun, fait fermer les boutiques ; Et le peuple, terrifié des cris et du vacarme, Croit voir encore une fois les terribles Angevins 2. 155 Mais quand ils ont vu de Nem la guerrière encolure, Son casque de faïence et son puissant armement, Comme au plus beau festin chacun va sur le lieu Pour voir le commencement et la fin de ce jeu. Fenêtres, lucarnes, grandes portes, petites portes, 160 Les maisons du haut en bas, les caves, les mansardes, Tout est plein de curieux, on voit partout des gens Pauvres, riches, nobles, gueux, fous sont pêle-mêle. Les cafés sont farcis 3 et sur la Terrasse, Pour y fourrer deux chats, il n'y a plus de place. 165 Que de filles en ce jour, dans une si grande cohue, A l'amoureux hardi étreignirent la main ! Et combien de bons maris, en se grattant la tête, Des affronts d'Actéon craignirent d'être atteints ! Qui perd son chapeau, qui laisse un lambeau d'habit ; 170 L'un s'esclaffe de rire, un autre pousse un cri. Pinçons, bourrades et beaucoup d'autres choses Firent vendre cher le sureau et la mauve 4. Les Dames, l'Arenaire et surtout Gourdoulon 5 De voir tant de gens commencent déjà à trembler ; 175 Parce qu'ils savent qu'en temps de trouble et de bataille, On ne respecte plus ni verrou ni serrure. Pour se barricader ils ont fait ce qu'ils ont pu ; 1. Littér. les croûtes. — Allusion à la saleté, à la gale, à la teigne dont est souvent couvert le corps des mendiants et même des gens de la basse classe. 2. Voy. Notes détachées. 3. Les cafés sont pleins de monde. Il y en avait plusieurs sur le Cours, en ce temps-là le plus beau quartier de Nice. 4. Pour faire des cataplasmes, des lotions. 5. Noms de restaurants, de cafés. Voy, Notes détachées. 160 LA NEMAÏDA. — VI Se cregnon per la peu, cregnon mai per lu 'scut. Dounca, aquéu luec charmant, brihanta passejada, 180 En touti li sesoun frequentada, admirada, E qu'un miéu tendre amie a dignamen cantat 1, Sierve d'anfiteatre en aquéu gran coumbat. Ma se lu counjurat de la Marguilieria An mai de fantassin que de cavalaria, 185 Cepandan, au davant dau famous bataioun, Doui gros cornou de mar souonon lou reveioun Tandis que lu Nemien, fier d'avé la berreta, S'an pihat per tambau doui grossi campaneta. Cadun souona lu siéu, cadun s'arma, e degun 190 Noun es pas tant menchoun de s'avarà dejun. Lu cornou, lu picoun, sounant la generala, Ai doui partit rival per vincre dounon d'ala; E ben lèu, su lou luec dai general marcat, Capitani, sourdà van estre desbarcat 2. 195 Musa, dai miéu guerrié vau passa la revua Assiste-mi, senoun ti fau quauqua bevua ; D'autant plus que mi côu cantà de verità Qu'embe 'stent si creiran da la pousterità. S'en qu t'a respetat noun as trouvat un Juda, 200 Noun mi refuseras un tant si pôu d'ajuda. E tu, miéu tendre amic, de qu l'urous pincèu Nen mouostra au siéu revei un Rafael nouvèu, Vene, o sage Castel 3, que l'envidia menaça, Au miéu couor, ai miéu vers as toujou la tiéu plaça; 205 E noun creserai mai lou miéu travai perfet, Se noun si pôu vantà de quauqu'un dai tiéu tret. Jà Nem es pareissut, e la negra coorta Desbouca au fin dau Pare, autant fiera que fouorta. Toui soun d'un bèu desir talamen poussedat, 210 Que van que fan tramblà 4 jusqu'à l'encaladat. 1. La règle des participes exigerait le féminin cantada, s'accordant avec le complément direct que, pronom relatif rappelant l'idée de passejada; par la même raison au vers 199, il faudrait t'a respetada, à cause du complément direct ti, rappelant l'idée de la muse. Voy. Grammaire, alin. 132, 1S5 et 186. Voy. aussi Notes détachées. 2. Littér. Vont être débarqués. 3. Voy. Notes détachées. 4. Littér. Qu'ils vont qu'ils font trembler. LA NEMAÏDE. — VI 161 S'ils craignent pour leur peau, ils craignent encore plus pour Donc, ce lieu charmant, brillante promenade, [leurs écus. 180 En toutes les saisons fréquentée, admirée, Et qu'un mien tendre ami a dignement chantée 1, Sert d'amphithéâtre à ce grand combat. Mais si les conjurés de la Marguillerie Ont plus de fantassins que de cavalerie, 185 Cependant, au-devant du fameux bataillon, Deux gros cornets de mer 2 sonnent le réveillon ; Tandis que les Némiens, fiers d'avoir la barrette, Se sont donné pour tambours deux grosses clochettes. Chacun appelle les siens, chacun s'arme, et personne 190 N'est pas si sot que de se mettre en marche à jeun. Les cornets, les clochettes, sonnant la générale, Aux deux partis rivaux donnent des ailes pour vaincre ; Et bientôt, sur le lieu fixé par les généraux, Capitaines, soldats vont être rendus. 195 Muse, de mes guerriers je vais passer la revue Assiste-moi, sinon je te fais quelque bévue ; D'autant plus qu'il me faut chanter des vérités Qui difficilement seront crues par la postérité 3. Si en qui t'a respectée tu n'as pas trouvé un Judas, 200 Tu ne me refuseras pas un tant soit peu d'aide. Et toi, mon tendre ami, de qui l'heureux pinceau Nous montre à son réveil un Raphaël nouveau, Viens, ô sage Castel 4, que l'envie menace, Dans mon coeur, dans mes vers, tu as toujours ta place; 205 Et je ne croirai jamais mon travail parfait, S'il ne peut se vanter de quelqu'un de tes traits 5. Déjà Nem a paru et la noire cohorte Débouche au bout du Parc aussi fière que forte. Tous sont d'un beau désir tellement possédés, 210 Qu'ils vont faisant trembler jusqu'au pavé. 1. Martin Seytour, poète chansonnier. Voy. Notes détachées. 2. Grande coquille d'un mollusque marin appelé généralement buccin 3. Littér. Qui avec peine se croiront seront crues de la postérité. 4. Voy. Notes détachées. 5. S'il n'est pas illustré par quelqu'un de tes dessins. 162 LA NEMAÏDA. — VI Nem, qu'a pensat à tout e que ren noun asarda, A fach dau cantinier pourtà trenta boucharda ; Soun pleni d'un belet qu'a passat lu très an. S'afoulon lu guerrié jouve, viei, pichoun, gran, 215 Cadun buou lou siéu côu, cadun courre e s'amourra Ren qu'en un batre d'uès l'armada a fach saourra 1; E lou general Nem, qu'es proutejat dau Ciel, Dai siéu famous campioun un per un fa l'apel. Lou puissant Candaver, que lou premier rang briga, 220 Recubert de dès peu vengudi de la Briga, Pareisse davant toui. S'es mes soubre lou piech Doui gros couissin de crin, que ten ai pen dau liech; D'un peant mouledou la siéu drecha es armada, E d'un couos repeçat pouorta la couossa ournada 2. 225 Viscas li ven après tra davant e damé, S'es tapissat tres fes de dès man de papié S'es armat d'un bastoun e d'una vieia brocha ; E siei gros estafiéu li souorton de la pocha. Suive d'un pas tranquil Boufet, lou gros savent 230 Autour dau cors s'es mes quatre ouire plen de vent ; Empougna l'arpagoun en fourma de lambarda, E per case a l'abit d'una tartuga sarda. Boufiga, redoutant lu côu de trahisoun, Dai brès de doui pichoun s'es mes lu paiassoun 235 D'un bouon avelanié la siéu man s'es garnida 3 ; E d'un ancien bidoun la testa a garantida. S'avançon doui per doui Fracourre e Nasoulin, Lou diligent Bebet e lou tendre Bertin. Guerrié d'un segound ordre e plus jouve per l'age, 240 Si cresent plus segur, mouostron mai de courage An la camba plus lesta e lou côu d'uès plus viéu ; Entra toui soun au cas de fà courre un judiéu 4 Cadun s'es abihat d'una soutana courta, E davant s'es pendut lou taulèu de la tourta ; 1. Littér. a fait lest. 2. Littér, et il porte sa tête ornée d'un seau rapiécé. 3. Littér. Sa main s'est garnie d'un bon coudrier. 4. Littér. Parmi tous ils sont au cas de faire courir un juif. Voy. Notes détachées. LA NEMAÏDE. VI 163 Nem, qui a pensé à tout et qui ne hasarde rien, A fait apporter par le cantinier trente bonbonnes ; Elles sont pleines d'un bélet vieux de plus de trois ans 1. Les guerriers viennent en foule jeunes, vieux, petits, grands, 215 Chacun boit son coup, chacun court et s'abreuve Rien qu'en un clin d'oeil l'armée s'est lestée; Et le général Nem, qui est protégé du Ciel, De ses fameux champions un par un fait l'appel. Le puissant Candaver, qui brigue le premier rang, 220 Revêtu de dix peaux venues de la Briga 2, Paraît avant tous. Il s'est mis sur la poitrine Deux gros coussins de crin qu'il tient aux pieds de son lit ; Sa droite est armée d'un lourd pilon, Et il a garni sa tête d'un seau de métal rapiécé. 225 Viscas vient après lui tant par devant que par derrière, Il s'est tapissé trois fois de dix mains de papier Il s'est armé d'un bâton et d'une vieille broche ; Et six gros martinets lui sortent de la poche. Suit d'un pas tranquille Boufet, le grand savant 230 Autour du corps il s'est mis quatre outres pleines de vent ; Il tient au poing un harpon en forme de hallebarde, Et a pour casque la carapace 3 d'une tortue sarde. Boufiga, redoutant les coups de trahison, Des berceaux de deux enfants s'est mis les paillassons 235 Sa main s'est armée d'une bonne tige de coudrier ; Et d'un ancien bidon il a garanti sa tête. S'avancent deux par deux Fracourre et Nasoulin, Le diligent Bebet et le tendre Bertin. Guerriers de second ordre et plus jeunes d'âge, 240 Se croyant plus sûrs d'eux montrent plus de courage ; Ils ont la jambe plus leste et le coup d'oeil plus vif ; Entre eux tous ils sont capables de mettre en fuite un juif 4 Chacun d'èux s'est vêtu d'une soutane courte, Et s'est pendu au-devant le plateau d'une tourte ; 1. Littér. qui a passé les trois ans. 2. De dix peaux de moutons. La Briga, bourg sur la frontière italienne, près de Tende, habité principalement par des bergers. 3. Littér. L'habit, le vêtement. 4. Voy. Notes détachées. 164 LA NEMAÏDA. — VI 245 E per dounà de côu que noun an de parié, Pouorton toui quatre en man un espés lauvanié. Nem drech su d'un banquet à la maniera franca, Una longa ramassa apuiada su l'anca, Lu vé toui defilà ; e selon lou valour, 250 Emb'un enclin plus bas coumpartisse l'ounour. Es glourious de si veire una tant bela troupa, Que noun li coustet mai ni municioun ni soupa. Ma tandis que si gounfla e fa lou fanfaroun, Parpagnaca emb'ai siéu traversa lu bastioun. 255 Aquéu chef, qu'en l'acioun ren jamai noun alarma, Da Chouria escudié si fa sousteni l'arma Soubre la roupa a mes, per garanti lu ren, Tantu pichoui saquet de cendriha e de bren ; E Perier, per teni la siéu testa en réserva 1, 260 Li presta au siéu passage un case à la Minerva. Es boutat, 'sperounat, s'es mes de ganc de peu ; E sembla en s'avançant un don Quichot nouvèu. A la fin l'escudié, qu'un tau pes orna e flata, Remete au Marguilié la siéu terribla lata, 265 E liga ben estrech au bout dau fatal pin De touta la maion lu croc e lu rampin. Lou general armat su lou barri s'asseta ; E voulent s'assura se l'armada es coumpleta, Souona lu siéu guerrié per si veire enfourmat 270 Se d'un egal ardour cadun es animat. Capèu ven lou premier pouorta à la man seneca Un bouclié que noun es façounat à la greca; Es cepandan luisent, perqué toui lu matin Roujassa, quoura a fach, li passa l'arenin 2. 275 A l'uès viéu, su lou piech a trenta peu de lebre ; Ren qu'en lou regardant, vou fa veni la febre. En li fourma naissut 3, sousten su lou bras drech 1. Littér. pour tenir sa tête en réserve. — Ce Perrier était un loueur de masques et costumes de Carnaval, rue Saint-François de Paule. 2. Ce bouclier est un ustensile de cuisine, sorte de poêle en airain, très épaisse, à queue très courte et dont on a soin d'écurer le fond avec du sablon chaque fois qu'on s'en est servi. 3. Voir ci-contre la note 8. LA NEMAÏDE. — VI 165 245 Et pour donner des coups qui n'ont pas leurs pareils, Tous quatre portent en main un épais rouleau de bois 1. Nem, debout sur un banc, à la manière franque 2, Un long balai appuyé sur la hanche, Les voit tous défiler ; et suivant leur valeur, 250 D'une inclination plus basse il dispense l'honneur. Il est glorieux de se voir une si belle troupe, Qui ne lui coûta jamais ni munitions, ni soupe. Mais tandis qu'il se gonfle et fait le fanfaron, Parpagnaca avec les siens traverse les bastions. 255 Ce chef, que dans l'action rien n'alarme jamais, Par son écuyer Chouria se fait tenir son arme Sur sa roupe 3 il a mis, pour garantir ses; reins, Nombre de petits sachets de sciure et de son ; Et Perrier, pour préserver sa tête 4, 260 Lui prête à son passage un casque à la Minerve. Il est botté, éperonné, s'est mis des gants de peau, Et semble, en s'avançant, un nouveau don Quichotte. A la fin l'écuyer, qu'un tel poids orne et flatte, Remet au Marguillier son terrible épieu, 265 Et attache bien serrés, au bout du pin fatale, De toute la maison les crocs et les grappins. Le général étant armé s'assied sur le mur 6 ; Et voulant s'assurer que son armée est complète, Il appelle ses guerriers pour se voir informé 270 Si d'une égale ardeur chacun est animé. Capèu vient lepremier il porte à la main gauche Un bouclier qui n'est pas façonné à la grecque ; Il est cependant luisant, parce que tous les matins Roujasse, quand elle s'en est servie, y passe le sablon 7. 275 Il a l'oeil vif, il a trente peaux de lièvre sur la poitrine ; Rien qu'en le regardant, il vous fait venir la fièvre. Né dans les formes 8, il soutient sur son bras droit 1. Rouleau de bois que l'on passe sur la pâte pour l'étendre et l'amincir. 2. Comme les chefs des Francs. 3. Sorte de vêtement, de paletot. 4. Voy. ci-contre la note 1. 5. Au bout de l'épieu en bois de pin. 6. Le mur ou parapet du boulevard. 7. Voy. ci-contre la note 2. 8. Capèu avait été d'abord chapelier. 12 166 LA NEMAÏDA. — VI Certen moucèu de bouosc long, redoun 1, larg e 'strech ; E couma sau qu'aqui li pouodon fà la festa, 280 A pensat, noun de pel de si curbi la testa, Ma d'un plat de barbié que lus, que sembla d'or, Doun si veon floutà tres coua de castor. Après suive Martèu, de taia gigantesca. Sembla che vouogue a toui fa balà la mauresca 2 285 De cent marrit proucès s'es cubert lou rastèu ; Un lavesou ensugat li sierve de capèu ; E de pôu qu'au coumbat quauqu'un noun lou si rascle, En fourma de coulié s'es pendut lou cuou-mascle. Marcha tant soustengut e tant fier dau siéu rang, 290 Que dirias que d'Ercul a la massua en man; Ten d'un esclapa-bouosc la lourda e dura massa, L'agita coum'un fus e noun fa la grimaça. A pas reglat e court venon Flidet, Giboun ; Lou premier noun es louot, l'autre noun es menchoun 295 Dau precipici mai noun marchoun su la riba. De blestoun, de trachèu si soun garnit la giba ; E dau bas-ventre en aut si soun tant embourrat, Que semblon doui baloun su doui quiha mountat ; Doui tourtairôu rouious l'avori li proutejon 3, 300 E doui fai de gavèu li siéu gran 'spala riejon. Laugier couma lou vent, lest couma de 'squirot, Canula embe Pertus arrivon quasi au trot. An lu bras encrousat l'un l'autre su l'espala ; Un bèu coutihounet jusqu'au ginous li cala 4 ; 305 E couma sabon fà coupa-testa à prepôu 6, De vese su lou suc an un long cavagnôu. Si soun coustrech lou ventre emb'una larga sengla, Doun pende couma un sabre una longa serengla ; E per la manéjà soun toui doui tant savent, 1. Il faut entendre en arc de cercle. 2. Sorte de danse dont le nom indique suffisamment l'origine. Les Sarrazins ont longtemps occupé en Provence les montagnes qu'on appelle les Maures. 3. Littér. leur protègent l'ivoire. — Voy. au texte la note sur le vers 59 du second chant. 4. L'apothicaire Canula a gardé le tablier de sa profession ; son ami Pertus s'est vêtu et armé comme lui. 5. Voy. Ch. IV, vers 350. LA NEMAÏDE. — VI 167 Certain morceau de bois long, recourbé, large et mince 1; Et comme il sait que là on veut lui faire fête 2, 280 Il a pensé, non de se couvrir la tête avec du poil 3, Mais d'un plat de barbier, qui luit, qui semble d'or, Où l'on voit flotter trois queues de castor. Après suit Martèu, de taille gigantesque. Il semble qu'il veuille à tous faire danser la mauresque 4 285 De cent mauvais procès il s'est couvert le dos ; Un chaudron noirci de suie lui sert de chapeau ; Et de peur qu'au combat quelqu'un ne le lui rafle, En forme de collier il s'est pendu la crémaillère. Il marche si assuré et si fier de son rang, 290 Que vous diriez qu'il a en main la massue d'Hercule ; Il tient le lourd et dur marteau d'un fendeur de bois, L'agite comme un fuseau et ne fait pas la grimace 5. A pas réglés et courts viennent. Flidet, Gibon ; Le premier n'est pas bête, l'autre n'est pas un sot 295 Ils ne marchent jamais sur le bord du précipice. D'écheveaux de chanvre et d'étoupe ils se sont garni la bosse ; Et du bas-ventre en haut ils se sont tellement rembourrés, Qu'ils semblent deux ballons montés sur deux quilles ; Deux entonnoirs rouillés protègent leur crâne, 300 Et leurs grandes épaules soutiennent deux faix de sarments. Légers comme le vent, lestes comme des écureuils, Canula et Pertus arrivent presque au trot. Ils ont les bras entre-croisés l'un l'autre sur l'épaule ; Un beau petit cotillon leur pend jusqu'aux genoux 6 ; 305 Et comme ils savent faire coupe-tête à propos, Ils ont sur l'occiput un long panier d'osier. Ils se sont serré le ventre avec une large sangle, D'où pend comme un sabre une longue seringue ; Et pour la manier ils sont tous deux si savants, 1. Ancien outil de chapelier en forme d'archet. C'était une longue baguette plate, assez large, mince et recourbée au moyen d'une corde à boyau fixée aux deux bouts. 2. Voy. au texte la note 1 sur le vers 138 du ch. H. 3. Dont on fait les chapeaux de feutre. 4. Voy. ci-contre la note 2. 5. Et en l'agitant le poids de cette arme ne lui fait pas faire la grimace. 6. Voy. ci-contre la note 4. 168 LA NEMAÏDA. — VI 310 Que lou vous fan pihà tant d'aiga que de vent. Una broueta arriva es Bofa que l'abuta, Marcha coum'un doutour, en degun luec noun ruta. Renoumat cirurgien, ren noun li déu mancà A d'inguent dessecant, d'autre que fa frucà 1, 315 D'emplastre, d'escudet, de sparadrap, de blaca, De peça 2, de 'scarpida, e plus cen que li vaca, En relevant la coua, abandounon au prat D'aquel inguent puissant n'a doui vas acaurat ; Es bouon per toui lu mau badola, tai, routura ; 320 A li prouprietà de touta la natura 3 ; Enfin se noun fa ben, noun pôu pi faire mau, Ni faire en la taüt sourti de l'espitau. Bofa, un faudiéu davant, li mancha retroussadi E pront à redrissà li cougoussa encloutadi, 325 Darrié la gran armada au moumen s'es plaçat, Per asperà tranquil lu mouort e lu blessat. Bessai v'enmaginas que, couma la canaia, Embe doui côu de poun van feni la bataia? Se toui lu miéu guerrié semblon tantu Sansoun, 330 Noun es pas per anà cuii de limaçoun. L'afaire, car amie, va plus luen que noun pensi ; Se mi laissas pauvà, tout ara recoumenci. Noun siéu 'stat militari es per acô que côu Que, per vous faire un plan 4, li pensi un tant si pôu. Fin dau sisieme cant. 1. Littér. qui fait bourgeonner, qui fait pousser des boutons. 2. Voir ci-contre la note 2. 3. Littér. Il a les propriétés de toute la nature. 4. Un plan de bataille. LA NEMAÏDE. — VI 169 310 Qu'ils vous le font prendre aussi bien d'eau que de vent. Une brouette arrive c'est Bofa qui la pousse, Il marche comme un docteur et ne heurte en aucun lieu. Chirugien renommé, rien ne doit lui manquer Il a de l'onguent siccatif, d'autre qui fait sortir des boutons, 315 Des emplâtres, des escudets 1, du sparadrap, du cérat, Des pièces 2, de la charpie, et de plus ce que les vaches, En relevant la queue, abandonnent dans le pré De ce puissant onguent il en a deux vases combles ; Il est bon pour tous les maux bugne, coupure, rupture ; 320 Il a des propriétés de toute nature ; Enfin s'il ne fait pas de bien, il ne peut pas faire de mal, Ni faire sortir de l'hôpital dans un cercueil. Bofa, un tablier devant lui, les manches retroussées Et prompt à redresser les calebasses bosselées, 325 Derrière la grande armée à l'instant s'est placé, Pour attendre tranquillement les morts et les blessés. Peut-être vous imaginez-vous, que comme la canaille, Avec deux coups de poing ils vont finir la bataille 3? Si tous mes guerriers semblent autant de Samsons, 330 Ce n'est pas pour aller cueillir des limaçons. L'affaire, chers amis, va plus loin que je ne pense ; Si vous me laissez reposer, tout à l'heure je recommence. Je n'ai pas été militaire c'est pour cela qu'il faut Que pour vous faire un plan 4, j'y pense un tant soit peu. Fin du sixième chant. I. Emplâtres de résine et de térébenthine de la grosseur d'un petit écu. 2. Sous-entendu de toile» pour compresses et bandages. 3. Le texte porte vau feni » ; mais nous croyons que c'est la une faute d'impression, pour van feni». 4. Un plan de bataille. 170 LA NEMAÏDA. — VII CANT SETIEME Non nos odium regnique cupido Impulit ad bellum pro conjuge movimus arma 1. OVIDIUS, Metam. V. v. 218. ARGUMEN Bataia de pescairis tra Roujassa e Blanquina. — Capèu ataca Candaver. — Gran mescla de li douï armada ; retreta dai Sacrestan. — Esploit de Nem ; Martèu li s'oposa. — Viscas en peril es delivrat da Boufet ; lu Sacrestan reculon mai.— La pleia separa lu coumbatent. — Parpagnaca ataca la gleia, enfounça la pouorta e li fa metre fuec da Flidet e Giboun. — Lu Marguilié ientron. — Lu Sacrestan si retranchon en sacrestia li soun fourçat. — Plusieur 2 coumbat singulier.— Chouria trouva li clau de la gleia e li pouorta à Parpagnaca.— Lu Marguilié canton vitoria.— Fresença d'esprit de Nem lu siéu nemic toumbon en li siéu leca e demandon perdoun ; Parpagnaca rende li clau.— Trionf de Nem e dai siéu. Li fieri armada, jà pleni d'empertinença, An fourmat lu siéu rang, si trovon en presença Si mesuron de l'uès lu plus vaiant guerrié, E cadun cres qu'aqui noun a lou siéu parié. 5 Eron jà su lou pounch de fà sounà la charja, Quoura vers lu mountet tout lou mounde regarja Ven Roujassa e Blanquina ; e, junchi su lou luec, Si cridon mil ourrour e coumençon lou fuec. An li man su lu flanc ; e per si cantà pouia 1. Rancher a cité ces vers comme étant de Virgile; c'est une erreur, ils sont d'Ovide et on doit les lire ainsi .... Non nos odium regnive cupido Compulit ad bellum pro conjuge movimus arma. 2. Sic dans la première édition, donnée par l'auteur. LA NEMAÏDE. — VII 171 CHANT SEPTIÈME Ce n'est ni la haine ni le désir de régner qui m'ont poussé à cette guerre j'ai pris les armes pour une épouse. OVIDE, Métam. V, v. 218. ARGUMENT Bataille de poissardes entre Roujasse et Blanquina. — Capèu attaque Candaver. — Grande mêlée des deux armées; retraite des Sacristains. — Exploits de Nem; Martêu s'y oppose. — Viscas en péril est délivré par Boufet; les Sacristains reculent eneore. — La pluie sépare les combattants. — Parpagnaca attaque l'église, enfonce la porte et y fait mettre le feu par Flidet et Gibon.—Les Marguilliers entrent — Les Sacristains se retranchent dans la sacristie ils y sont forcés. — Plusieurs combats singuliers. — Chouria trouve les clefs de l'église et les porte à Parpagnaca. — Les Marguilliers chantent victoire. — Présence d'esprit de Nem ses ennemis tombent dans ses pièges 1 et démandent pardon; Parpagnaca rend les clefs.— Triomphe de Nem et des siens. Les fières armées, déjà pleines d'arrogance 2, Ont formé leurs rangs, se trouvent en présence ; Les plus vaillants guerriers se mesurent de l'oeil, Et chacun croit qu'il n'a pas là son pareil. 5 Ils étaient déjà sur le point de faire sonner la charge, Lorsque vers les montets 3 tout le monde regarde Viennent Roujasse et Blanquine ; et arrivées sur le lieu, Elles se crient mille horreurs et commencent le feu. Elles ont les mains sur les flancs et pour se chanter pouille 1. Le mot leca du texte signifié plus particulièrement une sorte de trappe qui retombe sur l'oiseau ou sur la bête attirée par un appât. 2. Littér. d'impertinence, 3. Voy. Notes détachées. 172 LA NEMAÏDA. — VII 10 E si descurbi tout, la lenga es sensa rouïa. Rougi coum'un pebroun e si toursent lou cors, Si picon su li man l e fan toui lu siéu 'sfouors ; Soun jà rauqui, e lu crit gounflon la niouleta La vous dau piech ardent noun pôu sourti plus neta. 15 Una courre su l'autra, e vitou lu cairèu 2, Arrancat, esgarrat, volon en cent moucèu. Lou mourre graflgnat, la testa 'scarpinada, Blanquina, touta en fuee, vôu si veire vanjada Ataca mai Roujassa ; emb'au siéu bras nervous, 20 Li fa plegà la testa entra lu siéu ginous. S'ausson lu coutihoun ; e, maugrà l'indecença, Roujassa au poble entier mouostra una coufa immensa. Tu, que sensa belicre as vist acô tant brut 3, Souléu, astre de fuee, noun ti siés escoundut ! 25 Blanquina lestamen si leva una sandala, E, redoublant lu côu, lou siéu furour esala Talamen que Capèu, da l'amour empourtat, Demanda au general lou signau dau coumbat. Si piha dès dai siéu, toui remplit de vaiança, 30 E contra l'enemic tout courajous s'avança 4. Si vira cepandan per dire ai siéu sourdà Courage ! noun lachés, lu pouden abourdà. » Au mot lachà, quauqu'un si touorse e si reguigna E respouonde A li man, balos, noun ai de tigna ; 35 Lu miéu totou soun dur, e m'an bastit ensin Se lachi quaucaren, lou lachi lou matin. » Sigue que cadun cregne un pôu per la siéu giba, Toui s'arreston pensous dau valat su la riba D'unu lachon de drech, d'autre d'acoucounat ; 40 E quauque rousteguet garnisson lou valat. An toui fach ; e ben léu l'ardida coumpagnia, Quaqu'aigue un pôu brutat li braia e la camia, S'avança, e lou siéu chef lança tout en un côu 1. Littér. Elles se frappent sur les mains. 2. Ancienne coiffure des femmes du peuple et des paysannes. 3. Littér. cela si sale, si laid. 4. Littér. tout courageux s'avance. LA NEMAÏDE. — VII 173 10 Et se tout reprocher, leur langue n'est pas rouillée 1. Rouges comme un poivron 2 et se tordant le corps, Elles frappent des mains et font tous leurs efforts ; Elles sont déjà enrouées et leurs cris enflent leur luette La voix ne peut plus sortir nette de leur poitrine ardente, 15 L'une court sur l'autre, et aussitôt les coiffes, Arrachées, déchirées, volent en cent morceaux. La face égratignée, la tête ravagée, Blanquine, toute en feu, veut se voir vengée Elle attaque de nouveau Roujasse; et de son bras nerveux, 20 Elle lui fait ployer la tête entre ses genoux. Les cotillons sont relevés ; et, malgré l'indécence, Roujasse au peuple entier montre un derrière immense 3. Toi, qui sans besicles as vu cet affreux objet, Soleil, astre de feu, tu ne t'es pas caché ! 25 Blanquine vivement s'ôte une sandale, Et, redoublant les coups, exhale sa fureur Tellement que Capèu, par l'amour emporté, Demande au général le signal du combat. Il prend dix des siens, tous remplis de vaillance, 30 Et s'avance d'un grand courage contre l'ennemi. Cependant il se retourne pour dire à ses soldats Courage ! ne lâchez pas, nous pouvons les aborder. » Au mot lâcher, quelqu'un se fâche et se récrie, Et répond Aux mains, nigaud, je n'ai pas d'engelures ; 35 Mes poings sont durs, et l'on m'a bâti ainsi, Que si je lâche quelque chose, je le lâche le matin. » Soit que chacun craigne un peu pour sa bosse, Tous s'arrêtent pensifs sur le bord du fossé Les uns lâchent debout, les autres accroupis ; 40 Et quelques sentinelles 4 garnissent le fossé. Tous ont fait; et bientôt les hardis compagnons, Quoiqu'ils aient un peu sali leurs braies et leurs chemises, S'avancent, et leur chef lance tout à coup 1. Littér. Et se découvrir tout, la langue est sans rouille. 2. Ou piment. Capsicum, Linné. 3. Voy. Ch. VI, v. 84. 4. Poser une sentinelle, descharger son ventre en quelque lieu descouvert. » Ant. Oudin. Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires. Paris, 1656. 174 LA NEMAÏDA. — VII Un tros de bouosc tant dur, que rounfla, que fa pôu. 45 Candaver l'a reçut au mitan dau gros ventre ; Ma gracia ai doui couissin, noun es doulou que ientre Cepandan lou ploutoun dau roubust Candaver, Sensible à tant d'insult, vôu fà lou sieu dever Toui la ramassa en l'er 1 picon couma de borni. 50 Aloura Candaver Vene, que ti descorni, » Crida à Capèu, Toui doui côu que s'estramassen 2, Que mi vegui vanjat e que la finissen. Fai cessà lu massacre, arresta la tiéu banda ; Dau miéu coustà farai cen que l'ounour coumanda. » 55 Sacrista e Marguilié, toui la ramassa en bas, Per si metre à la sousta, alongon lèu lou pas. Aloura lu guerrié l'un vers l'autre s'avançon Quauque mot insultant plen de bila si lançon 3 ; Ma Candaver à pena a pihat lou pisloun, 60 Que si sente en lou cors la fouorça d'un Sansoun. Pelandroun de Capèu, per cen que siés ti trati 4; S'as de vaira, li di, vene, que li t'esclati. » L'autre, que de gros mot sau dire la siéu part, Per li respouondre ounest, li di Tapa, bastard. 65 De t'estre encouissinat, balos, noun as vergougna? Ma vene pura ensin, que ti grati la rougna 5. » Lu coumbatent furious, l'un su l'autre abrivat, Si destacon de côu, de côu da desperat. Se lu couissin de crin Candaver garantisson, 70 Au viei couos repeçat toui lu 'sfouors s'amourtisson. Capèu, dau siéu coustà, dai côu de mouledou, Quaque ben aplicat, noun sente lou doulou ; Perqué su tanti peu su lou rastèu placadi, Lou côu resta amourtit e li vianda sauvadi. 75 L'un davant l'autre enfin bala lou rigaudon, De tout coustà cadun si douna d'abuton. Candaver cepandan aussa l'arma funesta, 1. Littér. le balai en l'air. 2. Littér. que nous nous assommions tous deux. 3. Littér. Pleins de bile, ils se lancent quelques mots insultants. 4. Littér. je te traite pour ce que tu es. 5. Que je te gratte la gale. C'est une expression très commune dans le bas peuple. LA NEMAÏDE. - VII 175 Un morceau de bois si dur, qu'il ronfle, qu'il fait peur. 45 Candaver l'a reçu au milieu de son gros ventre; Mais grâce aux deux coussins, il n'est douleur qui y pénètre Cependant le peloton du robuste Candaver, Sensible à tant d'insultes, veut faire son devoir Tous haussant le balai frappent comme des aveugles. 50 Alors Candaver Viens, que je t'arrache les cornes. » Crie-t-il à Capèu Il faut que nous nous écharpions tous deux, Que je me voie vengé et que nous en finissions. Fais cesser les massacres, arrête ta bande; De mon côté je ferai ce que l'honneur commande. » 55 Sacristains et Marguilliers, tous le balai abaissé, Pour se mettre à l'abri allongent vite le pas. Alors les deux guerriers l'un vers l'autre s'avancent Pleins de colère, ils s'adressent quelques mots insultants ; Mais à peine Candaver a-t-il-pris le pilon, 60 Qu'il se sent dans le corps la force d'un Samson. Canaille de Capèu, je te traite comme tu le mérites; Si tu as des varices, lui dit-il, viens, que je les fasse éclater. » L'autre, qui de gros mots sait bien dire sa part. Pour lui répondre honnêtement, lui dit Tais-toi, bâtard. 65 De t'être encoussiné, idiot, n'as-tu pas honte? Mais néanmoins viens ainsi, que je te frotte les reins. » Les combattants furieux, l'un sur l'autre lancés, Se détachent des coups, des coups de désespérés. Si les coussins de crin garantissent Candaver, 70 Sur le vieux seau rapiécé tous les coups s'amortissent 1. Capèu, de son côté, des coups du pilon, Quoique bien appliqués, ne sent pas la douleur ; Parce que sur tant de peaux mises sur son dos 2, Le coup reste amorti et la chair est sauvée. 75 L'un devant l'autre enfin danse le rigaudon, En tout sens tous deux se donnent des poussées 3. Candaver cependant hausse l'arme funeste, 1. Littér. tous les efforts s'amortissent. — Le vieux seau rapiécé est le casque de Candaver; voy. ch. VI, v. 224. 2. Voy. ch. VI, v. 275. 3. C'est-à-dire qu'ils se sont empoignés, s'agitent, se balancent, se poussent en tout sens, cherchant à se renverser. 176 LA NEMAÏDA. — VII Nen descarga un ben sec de Capèu su la testa, E tout en li cridant Chiape-ti aquéu, balos ! » 80 Lou cascou barbieresc s'envola en tantu tros. Capèu su lou siéu front si sente una badola ; Noun sau se côu que reste o se déu toca sola 1. Noun es pas per l'insult qu'a reçut su lou front, Per qu'a jà fach lou cail 2 à de semblable afront 85 Per si curbi lou suc, noun a plus d'escudela ; Pourria un segound côu li troubla la cervela. L'ounour enfin li parla e, plus ferm qu'un piloun, Brava lou mouledou, résiste ai abutoun. D'en man de Candaver l'arma terribla scapa, 90 Soubre l'encaladat fourma une larga trapa, E noun es estounant l'arma d'un ome tau Su lou mouol, su lou dur fa toujou gros lou trau. Candaver desarmat a mancou de courage Capèu lou vè pali e chanjà de visage; 95 Furious, li courre soubre e, redissent lou bras, D'un côu dau siéu bouclié li 'scrissensa lou nas. L'autre, qu'en lou pougnet a mai d'ouos que de graissa, De mascle côu de poun li fa plôure una raissa 3. Una coumparesoun aici ven ben à tail 4 100 Semblon lu coumbatent doui gal que dau serail Parli dau galinié si disputon li bela. L'esperança e l'amour escaufon la querela Sauta, pita, grafigna ; e cresta e pluma enfin Volon de tout coustà, la guerra noun a fin. 105 Ensin lu coumbatent couos, bassin e cuirassa, Couissin, peu, mouledou, tout roula sur la plaça Badola, nas macat e tantu blavairou, Mouostron qu'embe vigour si soun chanjat lu côu ; 1. Voy. ch. V, v. 423. 2. Cail ou mieux cal latin callus; ital. callo; franc, cal, calus, durillon. Faire caï sic, prene cal » former un calus Dict. de Mistral, art. caï, calh, cal. S'emploie au figuré pour exprimer l'idée d'un endurcissement moral, d'une, insensibilité complète ; exemples Le méchant se fait un calus contre le remords. » Littré, au mot calus. Far il callo s'endurcir en une mauvaise habitude. » Dict. italien du Veneroni, 3. Littér. qui dans le poignet a plus d'os que de graisse, de mâles coups de poing lui fait pleuvoir une ondée. 4. Ce mot est évidemment une altération de l'ancien provençal à taign, à propos. LA NEMAÏDE. — VII 177 Il en décharge un coup bien sec sur la tête de Capèu, Et tout en lui criant Attrape celui-ci, nigaud? » 80 Le casque de barbier s'envole en cent morceaux 1. Capèu sent sur son front une bosse ; Il ne sait s'il faut qu'il reste ou s'il doit lâcher pied. Ce n'est pas pour l'insulte qu'il a reçue sur le front, Puisqu'il est depuis longtemps insensible à des affronts semblables 2 85 Pour se couvrir le sinciput, il n'a plus de couvercle 3; Un second coup pourrait lui troubler la cervelle. L'honneur enfin lui parle et, plus ferme qu'une borne 4, Il brave le pilon, résiste aux assauts. Des mains de Candaver l'arme terrible échappe, 90 Elle fait sur le pavé un large creux 5, Et ce n'est pas étonnant l'arme d'un tel homme Sur le sol mou, sur le dur fait toujours grand le trou. Candaver désarmé a moins de courage Capèu le voit pâlir et changer de visage ; 95 Furieux, il court sur lui et, raidissant le bras, D'un coup de son bouclier, il lui écrase le nez. L'autre, dont le poignet a plus d'os que de graisse, De mâles coups de poing fait pleuvoir sur lui une grêle, Une comparaison vient ici bien à point 100 Les combattants semblent deux coqs qui du sérail J'entends du poulailler se disputent les belles. L'espérance et l'amour échauffent la querelle Saute, pique du bec, égratigne ; et crête et plumes enfin Volent de tous côtés, la guerre n'a pas dé cesse. 105 Ainsi des combatttants seau, bassin et cuirasse, Coussins, peaux, pilon, tout roule sur la place ; Bugne, nez meurtri et nombre noirs sur la peau, Prouvent qu'avec vigueur les coups ont été échangés ; 1. Voy. ch. VI, v. 281. 2. Littér. Puisqu'il a déjà fait le calus à de semblables affronts. Voy. ci-contre la note 2. On comprend de quels affronts l'auteur veut parler. 3. Littér. d'écuelle. 4. Le texte dit qu'un piloun. » Ce mot désigne le plus souvent un pilier isolé au haut duquel est ouverte une niche renfermant l'image d'un saint. 5. Littér. une large trappe. 178 LA NEMAÏDA. — VII Enfin sudat e las, engrunada la testa, 110 Cadun ai siéu si vira e li di Fès lou resta. » Aquéu crit belicous vola de rang en rang ; Tenta lu plus pichoui, noun 'spargna lu plus gran. La charja a jà sounat Marguilié e Sacrista, Un la s'enclota aici, l'autre aià la si pista 115 La furour dau coumbat noun laissa quiet degun ; Vaiant da li doui part noun recula un qu'es un. Que mesela belli gen ! que chaple, que tapage ! Lou sanc noun raia encà, ma gran es lou carnage ; E Bofa à l'ambulança, emul de Licaoun, 120 Emb'una serra es pront à fà d'amputacioun. Ma quoura vé veni Capèu plen de badola, Li toca un pôu lou pous, lou coucha e lou consouola ; Piha un papié d'estrassa 1 emb'un pessuc de sau, Lou trempa en l'aiga fresca e meja ensin lou mau. 125 Candaver, eu tamben, courre à la sacrestia, Que Nem a trasfourmat 2 en bouona enfirmeria Arrivat su lou luec, mancou blessat que las, S'asseta, una n'esquissa 3 e si meja lou nas. Cepandan soun tant sec lu gran côu que s'ajuston, 130 Que lu Sacrista jà descouoron, si deguston. Nem, que vé tout acô, t'amouola un santoupèu 4, Que dau siéu bataioun fa refreni la peu. Lache, li crida fouort, es qu'un côu de ramassa Au cors dai Sacrestan déu fà quità la plaça ! 135 Retira-vous, pautroun, escounde-vous, que iéu Soulet sauprai vanjà l'ounour vouostre e lou miéu. Dich acô, segoundat da Boufet e Boufiga, Toumba coum'un lioun su l'armada nemiga. Lu siéu, quoura l'an vist tant ardit e tant fouort, 140 Rougisson de lachà, counfesson toui qu'an touort ; Lou suivon vers darrié douga, bastoun, ramassa 1. Gros papier gris. 2. Il faudrait a trasfourmada Voy. Grammaire, alin. 132, 185 et 186. 3. Littér. en pressure une. Voy. ch. V., v. 364. 4. Littér. Vous lâche un santoupèu. Sorte de juron exprimant une grande irritation. LA NEMAÏDE. — VII 179 Enfin suants et las, la tête brisée, 110 Chacun d'eux retourne aux siens et leur dit Faites le reste. » Ce cri belliqueux vole de rang en rang ; Il excite les petits et n'épargne pas les grands. La charge a déjà sonné Marguilliers et Sacristains, L'un a ici la tête défoncée, l'autre là-bas se la fait broyer 1 115 La fureur du combat ne laisse personne tranquille ; Vaillants des deux côtés, pas un seul ne recule. Quelle mêlée, bonnes gens ! quel chaplis, quel tapage ! Le sang ne coule pas encore, mais grand est le carnage ; Et Bofa à l'ambulance, émule de Lycaon 2, 120 Avec une scie est prêt à faire des amputations. Mais quand il voit venir Capèu couvert de bosses, Il lui tâte un peu le pouls, le couche et le console ; Il prend un papier de chiffon avec une pincée de sel, Le trempe dans l'eau fraîche et soigne ainsi le mal. 125 Candaver, lui aussi, court à la sacristie, Que Nem a transformée en bonne infirmerie Arrivé sur le lieu, moins blessé que las, Il s'assied, vide une bouteille et se panse le nez. Cependant les grands coups qu'ils s'appliquent sont si secs, 130 Que déjà les Sacristains perdent courage et se dégoûtent. Nem, qui voit tout cela, vous lâche un tel juron, Que de son bataillon il fait frémir la peau. Lâches, leur crie-t-il fortement, est-ce qu'un coup de balai Au corps des Sacristains doit faire quitter la place ! 135 Retirez-vous, poltrons, cachez-vous car moi Seul saurai venger votre honneur et le mien. » Cela dit, secondé par Boufet et Boufiga, Il tombe comme un lion sur l'armée ennemie. Les siens, quand ils l'ont vu si hardi et si fort, 140 Rougissent de lâcher pied, confessent qu'ils ont tort ; Ils le suivent par derrière douves, bâtons, balais 1. Le texte dit L'un se la défonce ici, l'autre là-bas se la pile. » Sous entendu la tête. — Construction peu grammaticale, car les combattants ne se frappent pas eux-mêmes. 2. Evidemment Rancher, trahi par sa mémoire, au lieu de Lycaon a voulu dire Machaon, médecin d'Agamemnon Iliade, IV, v, 193. Lycaon était un guerrier troyén, dont le fils, nommé Pandarus, blessa Ménélas au siège de Troie. Il ne peut être question ici de Lycaon, roi d'Arcadie, que Jupiter foudroya ; ni du Lycaon qui fut changé en loup. 180 LA NEMAÏDA. — VII Au nemic estounat fan faire la grimaça. Nem fa de gran proudige en toui lu luec doun es Noun n'en ougne d'un côu jamai mancou de tres. 145 Tau lou roc destacat de su l'auta mountagna En roulant roumpe tout, ravaja li campagna; Se s'arresta à la fin doun lou bouose es espès, Mil aubre an jà gemit souta lou siéu gran pés. Nem poussa l'enemic per lu flanc, per la testa 150 Toui fujon 'spaventat da l'afroua tempesta ; Qu toumba su lou dur, qu toumba su lou mouol ; Un l'a su lou rastèu, l'autre tra cap e couol. En un camp doun Cibela a lou siéu apanage, Lou dail de la missoun fa mancou de ravage. 155 Martèu, que vé dai siéu la derouta e l'afront, Parte coum'un furious, passa lou pichoun pouont 1. Nem, fatigat e las, laissa un moumen l'armada ; E Martèu d'aussitot li fa la serenada 2. Viscas vôu repoussa lu 'sfouors d'aquéou guerrié ; 160 Ma si trova aubligeat à vira lou darrié. La massa a jà brisat lou bastoun e la brocha 3, Lu siéu 'stafiéu groupous soun sourtit de la pocha Viscas s'en vôu 'scapà ; ma lou gigant Martèu, L'agantant per darrié, li pessuga la peu. 165 La pata d'un gigant, s'una fes vous pessuga, Vous fa de blavairôu plus nègre que la suga. Viscas crida Gusas, laisse-mi, mi fas mau Siéu desarmat, n'ai proun, noun juegui plus, m'en vau. » Ma l'autre, à qu Viscas pareisse un'alumeta, 170 Mai de dès pan en l'er l'aussa per li braieta. Ensin l'aigla, en passant, leca d'un bouon moucèu, Dai trentanié brigasc enleva un paure agnèu. Martèu, fier d'avé fach una tala counquista, Lou mouostra coum'un babi à l'armada Sacrista, 175 E li di Venès toui ! qu'à gran côu de Viscas 1. Voy. Notes détachées, la note sur le vers 6 du ch. VII. 2. Littér. lui fait la sérénade. C'est-à-dire, tombe sur l'armée de Nem, 3. Voy. ci-contre la note 2. LA NEMAÏDE. — VII 181 A l'ennemi étonné font faire la grimace. Nem fait de grands prodiges en tous lieux où il est Il n'en frotte d'un coup jamais moins de trois. 145 Tel le roc détaché de la haute montagne En roulant brise tout, ravage les campagnes ; S'il s'arrête à la fin où le bois est épais, Mille arbres ont déjà gémi sous son grands poids. Nem pousse l'ennemi par les flancs, par la tête 150 Tous fuyent épouvantés de l'affreuse tempête ; Qui tombe sur le dur, qui tombe sur le mou ; L'un en a sur le dos, l'autre entre tête et cou. Dans un champ où Cybèle a son apanage, La faux de la moisson fait moins de ravage. 155 Martèu, qui voit des siens la déroute et l'affront, Part comme un furieux, passe le petit pont 1. Nem, fatigué et las, laisse un moment l'armée ; Et Martèu aussitôt lui donne la sérénade. Viscas veut repousser les efforts de ce guerrier ; 160 Mais il se voit forcé de tourner le dos. La massue a déjà brisé le bâton et la broche 2, Les six martinets noueux sont sortis de sa poche Viscas veut s'en tirer ; mais le géant Martèu, Le saisissant par derrière, lui pince la peau. 165 La patte d'un géant, si une fois elle vous pince, Vous fait des meurtrissures plus noires que la suie. Viscas crie Gueusard, laisse-moi, tu me fais mal Je suis désarmé, j'en ai assez, je ne joue plus et m'en vais. » Mais l'autre, à qui Viscas paraît une allumette, 170 Plus de dix pans 3 en l'air le hausse par ses brayettes. Ainsi l'aigle en passant, avide d'un bon morceau, Des trentaniers brigasc 4 enlève un pauvre agneau. Martèu, fier d'avoir fait une telle conquête, Le montre comme un crapaud à l'armée Sacristaine, 175 Et lui dit Venez tous ! qu'à grands coups de Viscas, 1. Voy. Notes détachées, la note sur le vers 6 du ch. VII. 2. La massue de Martèu, le bâton et la broche de Viscas. 3. Deux mètres, 50 centimètres. 4. Troupeaux de moutons transhumants venant de la Briga. 13 182 LA NEMAÏDA. — VII Vouoli vous rebafà, vous 'scrissensà lou nas. » Cadun resta 'stourdit d'una tal'arrougança Toui reculon d'un pas, e degun noun s'avança ; Ma Boufet, que de luen vé Viscas en dangié, 180 Per la premiera fes es ardit e laugier S'arma de l'arpagoun, parte, e per la bedena Sesisse en l'er l'amie e lou tira de pena. Viscas es délivrat ; ma lou liberatour De la massa terribla es batut au siéu tour. 185 Lu quatre ouire ventous resiston de la massa Lu gran côu redoublat fan retrounà la plaça. Cedon lu Sacrestan lou cors dai Marguilié, Proutejat da Martèu, lu suive vers darrié. Eron dejà dapè la pouorta de la gleia, 190 Quoura tout en un côu la plus furiousa pleia Toumba e ven ralenti l'ardour dai coumbatent. Boufet sau proufità de l'urous acident 1 ; Desliga lu quatre ouire emb'au vent que nen manda, Poussa toui lu degout en l'uès de l'autra banda. 195 Parpagnaca, que vé qu'embe lou Ciel es mau, D'una prounta retreta a dounat lou, signau ; E lou gigant, qu'a vist que noun si pôu plus mouordre, Jura, pica dau pen e s'entourna en bouon ordre. Toui lu siéu l'an suivit ; lu Sacrestan tamben 200 Aganton vitou gleia e fan jugà lu pen. Sabon ce 2 qu'un coumbat a de terrible e cousta Per acô cercon toui de si metre à la sousta ; Ma couma era d'aoust, e que per l'aulivié Noun s'aspera jamai pleia longa o tempié 3, 205 L'ourisoun de la mar d'aussitot s'esclarcisse, E lou plus bèu souléu si mouostra e resplendisse. Parpagnaca, fachat dau triste contratems, S'es jà mourdut li labra, a fach grignà li den. Cepandan vé brihà soubre de la siéu testa 1. Ecrit ainsi par Rancher ; se prononce généralement à Nice achident. 2. Le texte de la première édition porte ici se, suivant le système orthographique de l'italien, et non sen, comme presque partout ailleurs. 3. On appelle tempié une longue période de pluies continues, principalement aux époques de l'équinoxe. LA NEMAÏDE. — VII 183 Je veux vous aplatir, vous écraser le nez. » Chacun reste étourdi d'une telle arrogance . Tous reculent d'un pas, et personne ne s'avance ; Mais Boufet, qui de loin voit Viscas en danger, 180 Pour la première fois est hardi et prompt Il s'arme du harpon, part, et par la bedaine Saisit en l'air son ami et le tire de peine. Viscas est délivré ; mais le libérateur De la terrible massue est frappé à son tour. 185 Les quatre outres venteuses 1 résistent de la massue Les grands coups redoublés font retentir la place. Les Sacristains cèdent ; le corps des Marguilliers, Protégé par Martèu, les suit par derrière. Ils étaient déjà près de la porte de l'église, 190 Lorsque tout à coup la plus furieuse pluie Tombe et vient ralentir l'ardeur des combattants. Boufet sait profiter de l'heureux accident ; Il délie les quatre outres avec le vent qu'il en lance, Il pousse toutes les gouttes 2 dans les yeux de l'autre troupe. 195 Parpagnaca, qui voit qu'il est mal avec le Ciel, D'une prompte retraite a donné le signal ; Et le géant, qui a vu que l'on ne peut plus mordre, Jure, frappe du pied et s'en retourne en bon ordre. Tous les siens l'ont suivi ; les Sacristains aussi 200 Gagnent vite l'église et jouent des jambes 3. Ils savent ce qu'un combat a de terrible et coûte C'est pourquoi ils cherchent tous à se mettre à l'abri ; Mais comme c'était en août et que pour l'olivier On n'attend jamais longue pluie et période pluvieuse 4, 205 L'horizon de la mer s'éclaircit aussitôt, Et le plus beau soleil se montre et resplendit. Parpagnaca, fâché du triste contre-temps, S'est déjà mordu les lèvres, a fait grincer lés dents. Cependant il voit briller au-dessus de sa tête 1. Remplies de vent. Voy. ch. VI, v. 230. 2. Toutes les gouttes de pluie. 3. Littér. et font jouer les pieds. 4. Littér. et tempier. Voy. ci-contre la note 3. 184 LA NEMAÏDA. — VII 210 Lou courrié 1 coumplesent de la vouta celesta ; E tres gros courpatà, même contra lou vent, Per anà vers Levant an quitat lou Pounent. Presage urous ! si di. Tournen à la balada Lu Sacrestan segur senton la gauragnada. 215 Venès Flidet, Giboun ; e tu, brave Capèu, Souona Pertus, Canula e lou vaiant Martèu. Pisqué noun trôna plus e qu'a cessât la pleia, Anen atacà lèu la pouorta de la gleia. An bèu l'apountelà, ferrouià d'aut-en-bas, 220 Noun resitera ren ai 'sfouors dai nouostre bras. Lu Sacrista an lou cuou que li fa tibou-tibou 2 Parten, e qu'au souléu su la cresta d'Antibou, De li clau siguen mestre, e qu'en li nouostri man Mouostron lou desounour dau cors dai Sacrestan. » 225 Dich ensin lou gran chef de la Marguileria, Las d'estre despi tant tranquil en galaria 3, S'arma de la siéu lata e, garnit de rampin, Dau camp dai Sacrestan aganta lou camin ; Dau siéu proujet ardit touta l'armada enfourma, 230 E s'estirassa après la siéu vaianta chourma. Per divers carreirôu pervenon su lou luec; E toui soun dispousat à coumençà lou juec. Ma que faire? La gleia es couma côu serrada; E l'armada de Nem dintre s'es retranchada 4. 235 Lou premier pas es fach ; côu sesi lou moumen, Atacà, surmountà de tau retranchamen. Su lou famous pourtau tout en un côu s'abrivon Lu plus 'spert assiejant, en même tems arrivon. Barsela, 'squissa, abuta! Enfin lou fouort nouguié 240 Resiste ai côu de cuou de cinquanta guerrié. Aloura Parpagnaca embe lou pin s'elança ; E, couma s'en la man soustenguesse una lança, Pica d'aquelu côu que lou soulet remoun A déjà fach toumbà doui tros dau cournisoun. 1. La première édition porte courtié, mot ici tout à fait impropre c'est évidemment courrié que le sens exige. 2. Le texte dit crûment ont le c... qui leur fait tibou-tibou. » Cette dernière locution est une sorte d'onomatopée intraduisible. 3. Littér. tranquille en galerie, faisant galerie. 4. Rancher a fort bien observé ici la règle des participes de même qu'au vers 111 du 3me chant. LA NEMAÏDE. — VII 185 210 Le courrier complaisant de la voûte céleste ; Et trois gros corbeaux, même contre le vent, Pour aller vers Levant ont quitté le Ponent. Présage heureux ! se dit-il. Retournons à la danse Les Sacristains bien sûr sentent la charogne. 215 Venez Flidet, Gibon; et toi, brave Capèu, Appelle Pertus, Canula et le vaillant Martèu. Puisqu'il ne tonne plus et que la pluie a cessé, Allons vite attaquer la porte de l'église. Ils ont beau l'arc-bouter, la verrouiller du haut en bas, 220 Elle ne résistera point aux efforts de nos bras. Les Sacristains ont le derrière ému1 Partons, et qu'au Soleil sur la crête d'Antibes 2, Nous soyons maîtres des clefs, et qu'en nos mains Elles fassent voir le déshonneur du corps des Sacristains. » 225 Ayant dit ainsi, le grand chef des Marguilliers, Las d'être depuis si longtemps tranquille spectateur, S'arme de son pieu et, muni de grappins 3, Il prend le chemin du camp des Sacristains ; Il informe toute l'armée de son hardi projet, 230 Et entraîne après lui sa vaillante cohorte. Par diverses ruelles ils parviennent sur le lieu ; Et tous sont disposés à commencer le jeu. Mais que faire ? L'église est comme il faut fermée ; Et l'armée de Nem s'est dedans retranchée. 235 Le premier pas est fait ; il faut saisir le moment, Attaquer, surmonter de tels retranchements. Sur le fameux portail tout d'un coup s'élancent Les plus hardis assiégeants, ils arrivent en même temps. Tape, presse, pousse! Enfin le fort noyer 240 Résiste aux coups de fesses de cinquante guerriers. Parpagnaca alors s'élance avec son pieu de pin ; Et comme si dans la main il eût tenu une lance, Il frappe de ces coups dont le seul retentissement A déjà fait tomber deux morceaux de l'entablement. 1. Ont la venette. Voy. ci-contre la note 1. 2. Au soleil couchant, lorsqu'il est arrivé au-dessus des hauteurs d'Antibes vue de Nice. 3. Voy. Ch. VI, v. 264 et suivants. 186 LA NEMAÏDA. — VII 245 La pouorta un tant-si-pôu si duerbe e si resserra La gandaula a petat, es toumbada per terra; Lu ganqui, la serraia e lu ferrouil espés, Souta de tant de 'sfouors si trovon coumproumés ; E l'armada Sacrista, ai côu de Parpagnaca, 250 Trambla couma la fueia e ven coulou de blaca. D'un tau guerrié qu pôu dire, racounta tout ? Enfin la lata jà s'es rebafada au bout; Bussa pejou qu'un bouc ensin Rouma, giloua Contra lu siéu rival, gran pescadou d'amploua, 255 Faguet pandan très jou bussa lu siéu moutoun, Per pousquè demouli quatre marrit bastioun. Imperturbable Chef de l'armada Sacrista, En tau dangié que fas ? Que bouon ange t'assista ! Nem a pena si vé dau peril entourat, 260 Que lou siéu pront genia à tout es preparat. De la gleia a pihat lu banc e li cadiera E darrié lou tambour n'a fach una barriera ; Ma s'acô déu cedà per un sort trou fatal, De la gran sacrestia a fach un arsenal, 265 Doun per li parvenï, côu passa d'una pouorta Que, quaque de bouosc blanc, es encara assès fouorta. Craca lou gran pourtoun ; un darrié côu de pin Au siege dificil perven à metre fin. La lata es en doui tros ; ma la pouorta esclatada 270 Ofre una brecha immensa e permete l'intrada. Ma qu s'asardera de passa lou premier ? Lu Sacrista pertout, emb'un gros lauvanié 1, Soun poustat à la brecha, e lou premier que passa Va faire à côu segur una laida grimaça. 275 Degun noun vôu intrà; ma Flidet e Giboun Sabon cen qu'an da faire, e noun soun de menchoun 2 Fan tres pas en darrié, souorton l'esquié, la peira, L'esca, l'issoufle, un bout de candela de ceira 3 L'acié bate ; tant lèu li beluga an brihat 1. Voy. la note sur le vers 246 du sixième chant. 2. Littér. Savent ce qu'ils ont à faire et ne sont pas des nigauds. 3. Un bout de chandelle de cire. LA NEMAÏDE. — VII 187 245 La porte un tant soit peu s'ouvre et se referme Le loquet s'est cassé et est tombé par terré ; Les gonds, la serrure et les verrous épais, Sous tant d'efforts se trouvent compromis ; Et l'armée Sacristaine, aux coups de Parpagnaca, 250 Tremble comme la feuille et devient couleur de cérat 1. D'un tel guerrier qui peut dire, raconter tout? Enfin le pieu s'est déjà émoussé au bout ; Il heurte plus fort qu'un bouc 2 ainsi Rome, jalouse Contre ses rivaux, grands pêcheurs d'anchois 3, 255 Fit pendant trois jours heurter ses béliers, Pour pouvoir démolir quatre mauvais remparts. Imperturbable Chef de l'armée Sacristaine, Dans un tel danger que fais-tu? Qu'un bon ange t'assiste ! A peine Nem se voit-il entouré du péril, 260 Que son prompt génie à tout est préparé'. Il a pris les bancs et les chaises de l'église Et en a fait une barrière derrière le tambour 4 ; Mais si cela doit céder par un sort trop fatal, De la grande sacristie il a fait un arsenal, 265 Où pour parvenir, il faut passer par une porte Qui, quoique de bois blanc est encore assez forte. La grande porte craque un dernier coup de pieu Parvient à mettre fin au siège difficile. Le pieu est en deux morceaux ; mais la porte brisée 270 Offre une brèche immense et permet l'entrée. Mais qui se hasardera à passer le premier? Partout les Sacristains, avec un gros rouleau 5, Sont postés à la brèche, et le premier qui passe Va faire à coup sûr une laide grimace. 275 Nul ne veut entrer; mais Flidet et Gibon Savent ce qu'il faut faire ; l'un et l'autre pas bêtes, Ils font trois pas en arrière, sortent le briquet, la pierre, L'amadou, le soufre, un bout de cierge L'acier frappe ; à peine les étincelles ont-elles brillé 1. Ou de céruse. 2. Que ne le fait un bouc heurtant de sa tête. 3. Les Carthaginois. 4. Le tambour de la grande porte. 5. Voy. la note sur le vers 246 du sixième chant. 188 LA NEMAÏDA. — VII 280 Qu'à la doucila peu lou fuec a jà pihat; L'ensouflat farassoun s'acende e la candela Lus en mitan dau camp plus clara qu'una 'stela. Flidet embe Giboun, un gavèu cada man, Vouolon encendia lou camp dai Sacrestan ; 285 Alumon lu brûlot, e la flama funesta Su lu banc entassat plôu couma una tempesta. Lou fuec es dapertout, lu banc brulon lou fun, En sourten de la brecha, envirouna cadun. Degun noun si vé plus la legioun Parpagnaca, 290 A travès tant de fun, ploura, fouisse e tabaca, Ma noun perde courage en lou fouort de l'acioun, Dau suchès animat e remplit d'emoucioun, Su lou fai de gavèu Giboun si precipita Luen de l'espaventà, lou nôu dangié l'irrita ; 295 Acende tout lou fai, parte e, caut lou cervèu, Dau cuou dau bouon Flidet mete fuec ai trachèu. Aicéu, que vé brulà lou canebe e l'estoupa, S'arramba de Giboun, li si freta à la groupa Toui doui soun tout en fuec; cridon couma d'aglai, 300 E tout lou camp repeta A l'aiga! à l'aiga! ahi! ahi! » Lu doui famous poumpié, Pertus embe Canula, Apounton li serengla en lou luec que mai brula 1 L'istrumen a gisclat 2, lou côu parte, es partit ; E Flidet e Giboun si trovon demursit. 305 Ma vers dintre an segur la rata deranjada Li serengla an poussat una nova gisclada ; Noun nen perde un degout ni Giboun ni Flidet; E per aquela fes lou si piheron net. Parpagnaca tamben, per un tau côu de vaia 3, 310 A Canula e Pertus acorda la medaia Ben mai, li dounera, per marca de valour, Quoura nen sera tems, la serengla d'ounour. Nem vé que lu siéu banc soun jà reduch en cendre Darrié de tau rampar noun si pôu plus defendre ; 1. Littér. sur le lieu où il brûle le plus. 2. Littér. L'instrument a jailli. — C'est une synecdoque, le contenant pour le contenu. 3. Littér. pour un tel coup de vaillance. LA NEMAÏDE. — VII 189 280 Que la peau docile 1 a déjà pris feu; La mèche soufrée s'allume et le cierge Luit au milieu du camp plus clair qu'une étoile. Flidet et Gibon, un faisceau de sarments à chaque main, Veulent incendier le camp des Sacristains ; 285 Ils allument les brûlots, et la flamme funeste Sur les bancs entassés pleut comme une tempête. Le feu est partout, les bancs brûlent la fumée, En sortant de la brèche, environne chacun. Personne ne se voit plus la légion Parpagnaca, 290 A travers tant de fumée, pleure, tousse et prise du tabac, Mais ne perd pas courage au fort de l'action. Animé par le succès et plein d'émotion, Sur le tas de sarments Gibon se précipite Loin de l'épouvanter, ce nouveau danger l'irrite ; 295 Il allume tout le tas, part, et, le cerveau échauffé, Il met feu aux étoupes qu'a au derrière le bon Flidet 2. Celui-ci, qui voit brûler le chanvre et l'étoupe, S'accroche à Gibon, se frotte à sa croupe ; Tous deux sont tout en feu ils crient comme des orfraies. 300 Et tout le camp répète A l'eau ! à l'eau ! ahi, ahi !» Les deux fameux pompiers, Pertus et Canula, Pointent leurs seringues sur le plus grand foyer L'instrument a fonctionné, le coup part, il est parti ; Et Flidet et Gibon se trouvent éteints. 305 Mais pour sûr ils ont au dedans la rate endommagée Les seringues ont poussé un nouveau jet ; Ni Gibon ni Flidet n'en perd une goutte ; Et pour cette fois ils le prirent en entier3. Aussi Parpagnaca, pour un tel exploit; 310 A Canula et à Pertus accorde la médaille Bien plus, il leur donnera, comme preuve de valeur, Lorsqu'il en sera temps, la seringue d'honneur. Nem voit que ses bancs sont déjà réduits en cendres Il ne peut plus se défendre derrière de tels remparts ; 1. L'amadou. 2. Le texte dit Il met le feu aux étoupes du c... du bon Flidet. Voyez ch. VI, v. 296. 3. Littér. ils le prirent net. 190 LA NEMAÏDA.— VII 315 Es per acô d'aqui que, dounat lou signau, Au clouquié da Bertin manda 'scoundre li clau. Chouria 'spaventat en un cantoun s'acouassa ; E, noun vist dai Sacrista, a vist lou passa-passa Ma noun serà pas dich se noun es malurous, 320 Que per un côu d'esclat noun si gagne la crous. Cepandan Nem prudent la coorta rapela, La fica en sacrestia e dintre s'apountela 1. Parpagnaca, assurat que noun risca plus ren, Vôu jusqu'en sacrestia atacà lou gran Nem. 325 Entant trenta capoun, per li pousqué pi vendre, De toui lu banc brulat venon cuii li cendre. D'aquéu segoun coumbat lu Marguilié countent, L'un à l'autre s'an dich Proufiten dau bouon vent Lou reinart en la leca a la pata aclapada, 330 Lou faren presounier sensa fà d'escalada A la petouira au cuou, s'escounde, lou pautroun ; Ni redouta, ni fouort, ni tourre, ni dounjoun, Noun lou pouodon sauva nen côu feni la guerra Davant que dau siéu vel la nuech cuerbe la terra. 335 A Nem, à toui lu siéu côu roumpre camba e bras ; E pisqu'es fach lou mai, noun si parle de paz. » Après de tau discours, la Marguiliera armada Courre à la sacrestia en coulouna serrada. La pourteta resiste, e l'apountelon ben 340 Vague de côu de cuou, vague de côu de pen ; Lou courage e lu 'sfouors creisson. De la pourteta La taula d'en mitan a grignat, craca e peta. Lu plus fouort Marguilié si provon de passa ; Ma lou courage es nul, si sonton repoussà. 345 Lauvanié, mouledou, douga, bastoun, ramassa, Escouoion sensa fin li nemiga carcassa ; E lou gigant Martèu, Capèu, Flidet, Giboun, Touorson déjà lou nas 2 e dioun que n'an proun. 1. S'apountela, c'est s'accoter pour résister ou pousser plus fortement. 2. Littér. Tordent déjà le nez. LA NEMAÏDE.— VII 191 315 C'est pourquoi, ayant donné le. signal, Il envoie Bertin cacher les clefs au clocher 1. Chouria épouvanté se blottit dans un coin; Et non aperçu des Sacristains, a vu le passe-passe 2 Mais il ne sera pas dit s'il n'est pas malheureux, 320 Que par un coup, d'éclat il ne gagne la croix. Cependant Nem prudent rappelle la cohorte, La fourre, dans la sacristie et se fortifie dedans. Parpagnaca assuré qu'il ne risque plus rien, Veut jusque dans la sacristie attaquer le grand Nem. 325 Entre-temps trente vauriens, pour ensuite les vendre, De tous les bancs brûlés viennent recueillir les cendres. De ce second combat les Marguilliers contents; L'un à l'autre se sont dit Profitons du bon vent Le renard dans le piège a la patte prise, 330 Nous le ferons prisonnier sans faire d'escalade Il a la foire 3, il se cache, le poltron ; Ni redoute, ni fort, ni tour, ni donjon, Ne le peuvent sauver il nous faut finir la guerre Avant que de son voile la nuit couvre la terre. 335 A Nem à tous les siens il faut rompre jambes et bras ; Et puisque le plus fort est fait, qu'on ne parle pas de paix., » Après de tels discours l'armée Marguillière Court à la sacristie en colonne serrée. La petite porte résiste et ils la poussent fortement 340 Allons ! les coups de fesses, allons ! les coups de pied ; Le courage et les efforts croissent. De la petite porte Le panneau du milieu a grincé, il craque et éclate. Les plus forts Marguilliers essayent de passer ; Mais le courage est vain, ils se voient repousser. 345 Rouleaux, pilons, douves, bâtons, balais, Etrillent sans fin les carcasses ennemies ; Et le géant Martèu, Capèu, Flidet, Gibon, Font déjà la grimace et disent qu'ils en ont assez. 1. Littér. C'est pour cela que, le signal donné, au clocher par Bertin il envoie cacher les clefs. 2. Ce qui s'est passé Nem envoyant Bertin cacher les clés dans le clocher. 3. Le texte donne encore ici le terme cru. Quant au mot petouira, le radical dont il est formé en indique suffisamment le sens. 192 LA NEMAÏDA. — VII Parpagnaca embilat li di ce Tas de gusaia, 350 E vautre aujas ancuei vous noumà gen de vaia 1 ! Sias toui de cagambraia 2, e vous vau lôu prouva Que plus lou risc es gran, mai lou sabi brava. » A dich, e d'aussitot mete li man en pasta ; Noun enregistra plus aquelu côu que tasta 3. 355 De courage n'a proun ; ma l'abuton tant fouort, Qu'ai pen dai siéu guerrié ven toumba quasi mouort. S'aussa mai cepandan e, repihan courage, A gran côu de rampin fa lou plus gran ravage. Lu tira ai Sacrestan embe de mousclà tau, 360 Pesca mai d'un Nemista. E per doun? Dieu lou sau. Qu si sente l'abit, qu li braia acrouchadi ; D'autre soun rampinat per de part delicadi. Cada croc o rampin aganta un gros durgan Soun clavat ; ma Viscas souorte lou siéu dagan 365 Vouoli dire la brocha4, e sensa resistença, Dau Marguilié surprès coupa touti li lença. Ensin resta troumpat lou pescaire pacient, Quoura soubre lu roc bravant lou souon, lou vent, Vé plegà la siéu cana e sente qu'una blada 370 Au perfide mousclà douna la siéu pitada Lou couor déjà li bate, es plus countent qu'un rei ; Ma lou pel de coucoun 5 ceda à la den dau pei. Aloura Parpagnaca, en tala counjountura, Desliga lu saquet que ten à la centura 6, 375 E di ce Miéu coumpagnoun, per vitou la feni, De cendriha e de bren lu pouden embourni. Cadun pihe un saquet aici n'aves de pila ; E su lu Sacrestan faguen un fuec de fila. » Tant dich, tant fach cadun, sensà s'espousà trou, 380 A la paraula feu ! va tira lou siéu côu 7. Lu Sacrestan, troublat per la rusa emprevista, Noun sabou plus doun soun, an toui perdut la vista 1. Littér. Et vous osez aujourd'hui vous nommer gens de valeur! 2. Littér. des chie-en-braies. 3. Littér. ces coups qu'il tâte. 4. Voy. Ch. VI, v. 227. 5. Litt. Mais le poil de cocon. 6. Littér. qu'il tient à la ceinture. Voy. Ch. VI, v. 258. 7. Littér. va tirer son coup. LA NEMAÏDE. — VII 193 Parpagnaca en colère leur dit Tas de gueusaille, 350 ce Et vous osez aujourd'hui vous dire gens de coeur ! Vous êtes tous des foirards, et je vais vite vous prouver Que plus le risque est grand, plus je sais le braver. » Il a dit, et soudain il met les mains à la pâte ; Il n'enregistre plus tous les coups qu'il reçoit. 355 De courage il en a assez ; mais on le presse si fort, Qu'aux pieds de ses guerriers il vient tomber quasi mort. Il se relève cependant et, reprenant courage, A grand coups de grappins fait le plus grand ravage. Il les jette aux Sacristains avec de tels hameçons, 360 Il pêche plus d'un Némiste. Et par où 1 ! Dieu le sait. Qui se sent l'habit, qui les culottes accrochées ; D'autres sont harponnés à des parties délicates. Chaque croc ou grappin attrape un gros barbeau 2 Ils sont cloués ; mais Viscat tire sa longue dague 365 Je veux dire sa broche 3, et sans résistance, Du Marguillier surpris coupe toutes les lignes 4. Ainsi reste capot le pêcheur patient, Lorsque sur les rochers bravant le sommeil, le vent, Il voit ployer sa canne et sent qu'une oblade 5 370 Au perfide hameçon donne sa becquetée Le coeur lui bat déjà, il est plus content qu'un roi ; Mais le fil de soie cède à la dent du poisson. Alors Parpagnaca, en telle conjoncture, Détache les sachets qui sont à sa ceinture, 375 Et dit Mes compagnons, pour vite en finir De sciure et de son nous pouvons les aveugler, Que chacun prenne un sachet vous en avez ici des piles ; Et sur les Sacristains faisons un feu de file, » Sitôt dit, sitôt fait chacun, sans trop s'exposer, 380 Au mot feu! lance son coup, Les Sacristains, troublés par la ruse imprévue, Ne savent plus où ils sont, ils ont tous perdu la vue 1. Par quelle partie du corps ! 2. Cyprinus barbus Linné. 3. Voy. ch. VI, v. 227. 4. Les lignes de pêche, les grappins. 5. Poisson de mer sparus melanurus Linné. 194 LA NEMAÏDA.— VII Cadun s'eseura l'uès per li veire plus clar. Entant à pen coupet si passon lu rampar ; 385 Tout acô pele-mel s'abuta e s'escarpina Qu si maca lou nas, qu si roumpe l'esquina ; Un nuage de pous si leva. Lou coumbat Noun es que plus crudel essent plus resserrat, Degun dai doui partit noun pôu cantà vitoria 390 Parpagnaca embe Nem s'encloton la chicoria ; Candaver e Capèu si barselon tant fouort, Que cada côu pourtat sembla lou côu de mouort. Martèu, que vau soulet una pichouna armada, De quatre enrabiat resiste à li bravada ; 395 Rende pan per crissença e repoussa soulet Fracourre embe Bertin, Nasoulin e Bebet. Giboun vôu su Boufet counservà l'avantage Quaque sigue pichoun, noun manca de courage ; Ma d'un côu d'arpagoun se cen qu'an dich es ver 400 Si trova ranversat lu quatre ferre en l'er Crida, jura, dai uès li souorton de beluga ; E sembla ensin couchat una grossa tartuga. Boufiga su Flidet, qu'es intrat dai darrié, Fa plôure à perdre alen lu côu d'avelanié 1 ; 405 E Flidet en furour, qu'un tau juec noun entende, Au siéu tour, couma pôu, barsela e si defende. Quantu brihant cournbat à l'univers 'scoundut ! Quantu famous revès, quantu gran fach perdut ! Que gachis, que tapoul, que mesclun, que salada ! 410 Nem, quaque valourous, cregne la mauparada ; Souona vitou Viscas, l'autre respouonde Vau — — Courre-t'en au clouquié, que si gardon li clau 2 ! » Li crida ce E se quauqu'un s'en vourra rendre mestre, Fai qu'aigue, en s'apressant, lou plus gros escaufestre. » 415 Viscas va per defendre emb'au fouet à la man 3, Lou gran Palladium dau cors dai Sacrestan. 1. Voy. ch. VI, v. 235. 2. Littér. que se gardent les clefs ! 3. Voy. ch. VI, v. 228. LA NEMAÏDE. — VII 195 Chacun se nettoie les yeux pour y voir plus clair. Cependant on passe facilement les remparts 1 ; 385 Tout cela pêle-mêle se pousse et s'écharpe Qui se meurtrit le nez, qui se rompt l'échine ; Un nuage de poussière s'élève. Le combat N'en est que plus cruel étant plus serré. Aucun des deux partis ne peut chanter victoire 390 Parpagnaca et Nem se défonçent la tête 2 ; Candaver et Capèu se cognent si fort, Que chaque coup porté semble le coup de mort. Martèu, qui vaut seul une petite armée, Résiste aux attaques de quatre enragés ; 395 Il rend pain pour fouace et seul repousse Fracourre avec Bertin, Nasoulin et Bebet. Gibon veut sur Boufet conserver l'avantage Quoiqu'il soit petit, il ne manque pas de courage ; Mais d'un coup de harpon si ce qu'on dit est vrai 400 Il se trouve renversé les quatre fers en l'air Il crie, il jure, des étincelles lui sortent des yeux; Et ainsi couché, il ressemble à une grosse tortue. Boufiga sur Flidet, qui est entré des derniers, Fait pleuvoir à perdre haleine les coups de coudrier ; 405 Et Flidet en fureur, qui n'entend pas un tel jeu, A son tour, comme il peut, tape et se défend. Que de brillants combats cachés à l'univers ! Que de fameux revers, que de grands faits perdus ! Quel gâchis, quel tumulte, quelle mêlée, quelle salade ! 410 Nem, quoique valeureux, craint une malheureuse issue ; Il appelle promptement Viscas, l'autre répond ce Je vais. — Cours au clocher, que l'on sauve les clefs! » Lui crie-t-il. ce Et si quelqu'un veut s'en rendre maître, ce Fais qu'il ait en s'approchant la plus grande frayeur. » 415 Viscas va pour défendre, avec le fouet à la main, Le grand Palladium du corps des Sacristains. 1. Littér. à cloche-pied. A pen coupet s'emploie plus particulièrement dans le sens de facilement. 2. Le texte dit la chicoria, la chicorée. Le sens figuré de ce mot, qui est mis ici pour la tête, vient d'un jeu populaire dans lequel en prononçant ledit mot, on frappe sur la tète du patient. 196 LA NEMAÏDA.— VII Au premier fenestroun Viscas à pena arriva, Que vé Chouria aqui que s'escounde e l'esquiva. En cridant qui va-lâ ! lou sesisse au coulet ; 420 Li trova en tastounaDt li clau en lou berret. Li t'ai pescat 1 ! li di d'una vous que l'esfraia. Anen, fiéu d'un roumput, cale-ti lèu li braia. Lou miéu bras noun es plus coum'en nouranta-doui ; Mai lou cavau 2 l'auras, e côu qu'estoune toui 3. » 425 Dich acô su lou cuou de l'enfant que tremouola, Tu n'en vouos, tu n'auras d'aquelu t'en amouola 4 Que fan fuec ; e l'enfant, per lu siéu crit afrous, Jusqu'au luec dau coumbat fa pervenï la vous. Parpagnaca, que l'aude e que noun vé Chouria, 430 S'es dich Es eu que bela? Acô ben si pourria. Per saupre cepandan s'es eu que ploura ensin, Côu que mandi quauqu'un qu'escoute da vesin. » Souona lu doui poumpié ce Côu que batés patouia, » Li crida. Aici noun sias per vous grata li brouia 5. » 435 Canula embe Pertus parton ; tout en un côu Su lou cuou de l'enfant veon de blavairôu Que lu fan refreni lou gran doulou li sengla Lou couor e la bedena ; et vitou la serengla. Su la sanglanta car la gisclada a picat, 440 E Chouria au moumen si sente soulajat. Viscas, que per picà si fatiga e s'escrima, Sentent que sensa vous resta la siéu vitima, Si crés 6 d'avé toucat, en li cascant la pous, Quauque sensibla part, quauque luec dangeirous. 445 Si mete lu belicre, atentamen regarda, Quoura subitamen una fouont de moustarda Dau luec flagelat parte e tapissa Viscas Dau front jusqu'au mentoun, sensa spargna lou nas. Un cas tant impensat es ben fach per counfoundre ! 1. Littér. Je t'y ai péché. 2. Le chevalet, appareil en bois sur lequel on attachait le patient condamné au fouet. 3. Littér. qu'il étonne tous. 4. Littér. il vous en lâche de ceux. 5. Sorte d'éruption produite le plus souvent par la saleté. Voy. Notes détachées. 6. Littér. Il se croit, il se figure. LA NEMAÏDE. — VII 197 À peine Viscas arrive-t-il à la première lucarne 1, Qu'il voit là Chouria qui se cache et l'évite. En criant qui-va-là! il le saisit au Collet; 420 Il lui trouve en tâtonnant les clefs dans le berret. ce Je t'y prends ! lui dit-il d'une voix qui l'effraye. Allons, fils d'un rompu 2, abaisse vite tes culottes. Mon bras n'est plus comme il était en nonahte-deux 3; ce Mais tu auras le cheval 4, et il faut qu'il étonne chacun. » 425 Cela dit sur le derrière de l'enfant qui tremble, Tu en veux, tu en auras il vous en flanque de ces coups Qui font feu ; et l'enfant par ses cris affreux, Jusqu'au lieu du combat fait parvenir sa voix. Parpagnaca, qui l'entend et qui ne voit pas Chouria, 430 S'est dit ce C'est lui qui bêle ? Cela se pourrait bien. Pour savoir cependant si c'est lui qui pleure ainsi, Il faut que j'envoie quelqu'un qui écoute de près. » Il appelle ses deux pompiers Il faut faire patrouille 5, Leur crie-t-il. Vous n'êtes pas ici pour vous gratter les croûtes 6. » 435 Canula et Pertus partent; tout à l'instant Sur le derrière de l'enfant ils aperçoivent des noirs Qui les font frémir la grande douleur lui serre Le coeur et la bedaine ; et vite la seringue. Le jet a frappé sur la chair ensanglantée, 440 Et Chouria à l'instant s'est senti soulagé. Viscas, qui à frapper se fatigue et s'escrime, Voyant que sa victime reste sans voix, Craint d'avoir touché, en lui secouant la poussière 7, Quelque partie sensible, quelque endroit dangereux. 445 Il met ses besicles, regarde attentivement, Lorsque subitement une source de moutarde Part du lieu, flagellé et tapisse Viscas Du front jusqu'au menton, sans épargner le nez. Un cas si imprévu est bien fait pour confondre ! 1. La première petite fenêtre du clocher. 2. D'un supplicié sur la roue. 3. Viscas, alors jeune et fort, a dû se distinguer en 1792. 4. Voy. ci-contre la note 2. 5. Littér. Il faut que vous battiez patrouille. 6. Voy, Noies détachées. 7. En le frappant avec le martinet, comme on bat les vêtements pour en faire sortir la poussière qui s'y est introduite. 14 198 LA NEMAÏDA. — VII 450 Viscas noun li vé plus e noun sau doun s'escoundre Degouta dapertout, dapertout sente mau ; E manda au diau la guerra e Nem e li siéu clau. Ma tandis que Viscas si decrota lou mourre, Chouria a mai li clau ; s'es embraiat e courre. 455 Va trouvà Parpagnaca e li di General, Ai li clau, soun aici quiten, quiten lou bal. Per iéu nen siéu jà 'stouf 1, ai jà fach la miéu dansa Lu Sacrestan an souit 2, noun an plus d'esperança. Es déjà tardi, ai fam, m'asperon à maioun ; 460 Lu Sacrestan dau bal pagueran lu viouloun. L'envidia noun pôu plus terni la nouostra gloria ; E sensa si flatà, pouden cantà vitoria. » Lou Chef dai Marguilié, countent e triounfant, Poussa un crit tant roubust, que sembla un elefant ; 465 Crida Sian vincitour 3 ! » Si mouca e pi tabaca ; Cridon li siéu tamben E viva Parpagnaca ! — Qu vôu veni, que vengue. Escapen qu'ai li clau. Fes plan de v'acipà 4, plan de vou faire mau, Qu'es escur. » D'aussitot la Marguiliera armada 470 Si reunisse au Chef, bate la retirada. Nem, lou malurous Nem, en un cas tan fatal, Mouostra su lou moumen qu'es un autre Annibal En li rusa coum'a touplen d'esperiença, Noun li toumbon lu bras, noun perde countenença; 475 Quaque noun aigue aqui troumbeta ni tambau, De la retreta ai sieu fa dounà lou segnau, E li di S'arresten, perqué es déjà trou tardi; Laissa-lu pura anà, qu'una bela n'ien gardi. Doun si penson noun soun ; e se fouora sourtran, 480 Sourtran lou cuou batut, embe de mousca en man. » Aloura Nem, suivit d'una gardia segura, Emb'un pal va durbi touti li sepultura ; S'en tourna e d'aussitôt va su lou cournisoun, 1. Littér. j'en suis déjà dégoûté. — Stouf, de l'italien stufo. 2. Littér. ont pris fin. C'est le participe passé de souire, mot piémontais exprimant l'idée de prendre fin, cesser d'être. 3. Mot italien; se prononce à l'italienne. 4. Littér. Faites doucement de peur de vous heurter. — S'acipà, heurter du pied. LA NEMAÏDE.— VII 199 450 Viscas n'y voit plus et ne sait où se cacher Il dégoutte de partout, de partout il sent mauvais ; Et il envoie au diable et Nem et ses clefs. Mais tandis que Viscas se décrotté le museau, Chouria a de nouveau les clefs ; il s'est enculotté et court. 455 Il va trouver Parpagnaca et lui dit ce Général, J'ai les clefs, les voici quittons, quittons le bal. Pour moi j'en ai mon soûl, j'ai déjà fait ma danse Les Sacristains s'ont frits, ils n'ont plus d'espoir. Il est déjà tard, j'ai faim, on m'attend à la maison ; 460 Les Sacristains payeront les violons du bal, L'envie ne peut plus ternir notre gloire; Et sans nous flatter, nous pouvons chanter victoire. » Le Chef des Marguilliers content et triomphant, Pousse un cri si fort, qu'il semble être d'un éléphant ; 465 Il crie Nous sommes vainqueurs ! » se mouche et puis prise. Les siens crient aussi Eh ! vive Parpagnaca ! — Qui veut venir, qu'il vienne. Echappons-nous, j'ai les clefs. Prenez garde de chopper, de vous faire du mal ; Car il fait obscur. » Aussitôt l'armée Marguillière 470 Se joint au Chef et bat en retraite. Nem, le malheureux Nem, en un cas si fatal, Montre sur le moment qu'il est un autre Annibal Comme il a beaucoup d'expérience dans les ruses, Les bras ne lui tombent pas, il ne perd pas contenance ; 475 Quoiqu'il n'ait là trompette ni tambour. De la retraite aux siens il fait donner le signal, Et leur dit ce Arrêtons-nous, car il est déjà très tard ; Laissez-les même aller, je leur en garde une belle. Ils n'en sont pas où ils croient ; et s'ils sortent au dehors 1, 480 Ils sortiront le derrière battu, avec des mouches en main 2. » Alors Nem, suivi d'une garde sûre, Va au moyen d'un levier ouvrir toutes les tombes 3 ; Il revient et va aussitôt sur la corniche, 1. Au dehors de l'église. 2. C'est-à-dire, bredouilles, sans avoir rien pris, ne rapportant de la chasse ou de l'expédition que des mouches. C'est une locution proverbiale fort usitée. 3. Ou sépultures qui sont sous le pavé de l'église. 200 LA NEMAÏDA. — VII Dau baldouquin pendut per coupà lou courdoun. 485 Douna lou côu fatal ; e, pejou qu'una boumba, La machina d'en l'er su lu Marguilié toumba ; N'aclapa mai de tres counfoundut e troublat, Cen que resta au moumen s'encourre 'spaventat Van à boudre, e cadun en la trapa fatala, 490 Sensa s'en avisà, si precipita e cala. Per ralià lu siéu, Parpagnaca tamben Courre au bord de la leca e li 'squiha lou pen ; Toumba soubre lu siéu, que dintre la caverna Eron toui counfoundut sensa lume e lanterna. 495 Que lamenta, que plour, que desespoir, que crit ! Un panicou terrour sevisse toui lu 'sprit ; An toui lou tremouloun e degun noun repauva Qu sustra, qu trapeja e qu fa d'autri cauva. O vergougna d'un chef ! lou côu dire pisqu'es 500 Parpagnaca plouret per la premiera fes. Lu plour dai Marguilié soun tant gros e tant tendre, Que da toui lu vesin si soun jà fach entendre Embe de pigna en man, ben lèu tout lou quartié Ven saupre cen que n'es dai paure Marguilié. 505 Nem souona la siéu banda e li di Venès veire De cauva que jamai noun aurias pouscut creire. Regarja-lu davau, lu guerrié tant famous Qu'adè per nen fà 'scorn 1 aussavon tant la vous, Elu que noun soun bouoi qu'à metre la discordia, 510 ce Aura 'spaventat cridon misericordia ! Ma se vourran sourti de l'emperi dai mouort, Côu que de m'atacâ counfesson toui qu'an touort, Que mi rendon li clau, que, la testa ben bassa, Un per un passon toui souta la miéu ramassa. » 515 Lou bisbil que si fa, lou trapeg e la lus, Parpagnaca emb'ai siéu menon vers lu pertus 2. Lou Chef si pana l'uès e la saliva avala ; E prounounça à la fin, d'una vous sepulcrala, Un discours tant doulent e plen de tant de mèu, 1. Littér. pour nous faire honte. 2. Littér. vers les pertuis, vers les ouvertures. LA NEMAÏDE. — VII 201 Pour du baldaquin suspendu couper le cordon. 485 Il donne le coup fatal ; et, pire qu'une bombe, La machine d'en l'air tombe sur les Marguilliers ; Elle en coiffe plus de trois confondus et troublés, Ce qu'il en reste à l'instant s'enfuit épouvanté Ils vont à la débandade, et chacun dans la trappe fatale, 490 Sans s'en apercevoir se précipite et roule. Pour rallier les siens, Parpagnaca de même Court au bord du piège et le pied lui glisse ; Il tombe sur les siens, qui dans la caverne Etaient tous confondus sans lampe ni lanterne, 495 Quelles lamentations, quels pleurs, quels désespoirs, quels cris ! Une terreur panique saisit tous les esprits ; Ils ont tous le tremblement, et nul ne reste en repos Qui geint, qui trépigne et qui fait d'autres choses. O honte pour un chef ! il faut le dire puisque cela est 500 Parpagnaca pleura pour la première fois. Les pleurs des Marguilliers sont si grands et si touchants, Que de tous les voisins ils se sont déjà fait entendre Avec des pignes 1 en main, bientôt tout le quartier Vient savoir ce qu'il en est des pauvres Marguilliers. 505 Nem appelle sa troupe et lui dit Venez voir Des choses que vous n'auriez jamais pu croire. Regardez-les là-bas, les guerriers si fameux Qui tantôt pour nous honnir haussaient tant la voix. Eux qui ne sont bons qu'à semer la discorde, 510 Maintenant épouvantés crient miséricorde ! Mais s'ils veulent sortir de l'empire des morts, Il faut que tous avouent qu'ils ont tort de m'attaquér, Qu'ils me rendent les clefs, que la tête bien basse, Un à un ils passent tous sous mon balai. » 515 Le brouhaha qui se fait, le trépignement et la lumière, Conduisent vers les issues Parpagnaca et les siens. Le Chef s'essuie les yeux et avale sa salive ; Et il prononce à la fin, d'une voix sépulcrale, Un discours si dolent et si plein de miel, 1. Pommes de pin. On les portait, tout allumées, au bout d'une tige en fer, d'une baguette en bois ou tenue par des pincettes. 202. LA NEMAÏDA. — VII 520 Que de Nem embilat calma lou santoupèu. O tu que siès damoun, que, per courage e siença, Soubre tout cen qu'es fouort as la preeminença ; Tu que noun deves ren au sort, ren à l'asar, Pisque siès gran coum'éu, mouostra un couor de Cesar. 525 La generousità reaussa la vitoria, E la mouderacioun va doublà la tiéu gloria. Bessai qu'un faus ourguei m'a mes la lata en man Ai coumbatut, es. ver, lou cors dai Sacrestan ; Ma l'amour m'avuglet. Per una devagada 530 Adam, Sansoun, Paris an fach li siéu balada ; E Parpagnaca enfin, que noun es un menchoun, Es toumbat en l'arrêt per escoutà Ponchoun 1. Nem, lou tiéu couor es bouon, sensible per natura Noun mi serra vivent dintre la sepultura. 535 Ti rendi li tiéu clau se ti plas, la miéu vous A toui dira que Nem es un guerrié famous. Noun ti fa tant pregà, noun mi guignà li 'spala Se t'ai toucat lou couor, mande-nen lèu de 'scala. Cadun aven d'enfant que nen souonon papa ; 540 Aven lou ventre plat e si voulen soupà. Per noun gastà lou vin, noun 'squissà trou la raca N'as proun de pousqué dire 2 Ai vincut Parpagnaca » Afin que lou tiéu noum, soubre l'ala dai vent, Pouorte en tout l'univers la crenta e l'espavent. » 545 Lou ton dau suplicant e l'ombla 3 siéu preguiera Au plus ample perdoun an dubert la barriera. Nem, que si vé laudà dau siéu plus gran nemic, Li m'ouostra qu'en lou couor contra éu noun a de tic. Dai sepult d'aussitot per apagà l'enveia, 550 A fach pourtà dai siéu 4 li 'scala de la gleia. Mounton lu Marguilié, Parpagnaca en avant A Nem, au vincitour 5 va per baià la man ; Ma l'autre li di ce 'Stai! qu'un tal at t'umilia. 1. Littér. pour écouter Ponchon, 2. Littér. Tu en as assez de pouvoir dire. 3. Sic. 4. Littér. par les siens. 5. Voy. ci-dessus, v. 465. LA NEMAÏDÉ. — VII 203. 520 Que de Nem en colère il calme le santoupèu 1. O toi! qui es là-hant, qui, par le courage et la science, Sur tout ce qui est fort as la prééminence ; Toi qui ne dois rien au sort, rien au hasard, Puisque tu esrgrand comme lui, montre un coeur de César. 525 La générosité rehausse la victoire, Et la modération va doubler ta gloire. Peut-être qu'un faux orgueil m'a mis l'arme à la main 2 J'ai combattu, il est vrai, le corps des Sacristains Mais l'amour m'aveugla. Pour une dévoyée 530 Adam, Sarnson, Pâris ont fait leurs incartades 3 ; Et Parpagnaca enfin, qui n'est pas une bête, Est tombé dans les rets pour avoir écouté Ponchon. Nem, ton coeur est bon, sensible par nature Ne me renferme pas vivant dans la sépulture. 535 Je te rends tes clefs s'il te plaît, ma voix Dira à tous que Nem est un fameux guerrier. Ne te fais pas tant prier, ne me hausse pas les épaules Si j'ai touché ton coeur, envoie-nous vite des échelles. Nous avons tous des enfants qui nous appellent papa; 540 Nous avons le ventre vide 4 et nous voulons souper. Pour ne gâter le vin ne presse pas trop le marc C'est assez pour toi de pouvoir dire J'ai vaincu Parpagnaca » Pour que ton nom, sur l'aile des vents, Porte dans tout l'univers la crainte et l'épouvante. » 545 Le ton du suppliant et son humble prière Au plus ample pardon ont ouvert la barrière. Nem, qui se voit louer par son plus grand ennemi, Lui montre que dans le coeur il n'a point de rancune contre lui. Aussitôt pour satisfaire aux désirs des ensevelis 5, 550 Il a fait porter par ses gens les échelles de l'église. Les Marguilliers montent Parpagnaca en avant A Nem, au vainqueur va pour baiser la main ; Mais l'autre lui dit Arrête ! un tel acte t'humilie. 1. L'irritation. Voy. ci-dessus v. 131. 2. Littér. le pieu à la main. 3. Ou leurs sottises, leurs folies sens figuré du mot balada du texte, qui signifie au propre grande danse, danse animée. 4. Littér. le ventre plat. 5. Littér. pour apaiser l'envie des ensevelis. 204 LA NEMAÏDA. — VII N'as proun d'avé coumes 1 la premiera foulia ; 555 Noun faire la segounda, e s'embrassen pu lèu 2. Lou miéu trionf ensin noun sera que plus bèu. Que saupe l'univers que se siéu fouort en guerra, Siéu degn en paz d'avé toui lu laut de la terra. E vous, poble niçard, persuade-vous ben 560 Qu'avès bèu nen cercà, noun trouveres qu'un Nem. » Aloura gran, pichoun, noble, artista e plebaia, Toui cridon Viva Nem, qu'a gagnat la bataia ! » E drech soubre d'un banc, la ramassa à la man, Per Niça, triounfant pouorton lou Sacrestan. 565 A la fenestra toui meton li calegneta 3 Un bate de li man, un autre li si freta ; Per de signau certen, lou bouon poble niçard Mouostra que per la Gleia a toujou pihat part. Dai crit de Viva Nem ! » li carriera retronon ; 570 Couma lou jou d'un sant toui lu tirignoun souonon. Ensin Rouma autrifes dau famous Scipioun Veguet embe plesi lou retour à maioun ; Quoura, sensa despendre una trou fouorta souma, Batet lu siéu rival e sauvet ensin Rouma. 575 Es tardi, car lectour, quiten lou fugairoun La veiada es fenida, e cresi que n'as proun. De Nem ai trou parlat, e m'as mes à la prova ; Su d'un sujet de ren t'ai fourjat una nova Un autre iver aici mi tendras mai d'ament ; 580 Sian sensa bouosc, ai frei, manca l'oli au calen Mi vau coucha, bouon soir. Ma surtout ressouven-ti Que s'es faus cen qu'ai dich, una bela t'en cuenti 4. FIN 1. Littér. Tu en as assez d'avoir commis. 2. Pu lèu ou mieux pulèu, qui signifie plutôt, est certainement préférable à plus lèu que porte par erreur la première édition et dont le vrai sens est plus vite. 3. Diminutif de calen Voy. au texte note sur le vers 317 du chant IV. Se dit à Nice dans le sens de rat de cave. 4. Littér. je t'en conte une belle. LA NEMAÏDE.— VII 205 C'est assez que tu aies commis la première folie ; 555 Ne fais pas la seconde, et embrassons-nous plutôt Mon triomphe ainsi ne sera que plus beau. Que l'univers sache que si je suis fort dans la guerre, Je suis digne dans la paix d'avoir toutes les louanges de la terre. Et vous, peuple niçard, persuadez-vous bien 560 Que vous avez beau en chercher, vous ne trouverez qu'un Nem. » Alors, grands, petits, nobles, artisans et plébaille, Tous crient Vive Nem, qui a gagné la bataille ! » Et debout sur un banc, le balai à la main, A travers Nice on porte triomphant le Sacristain. 565 A la fenêtre tous les gens mettent des lampions L'un bat des mains, un autre se les frotte ; Par des signes certains, le bon peuple niçard Montre que pour l'Eglise il a toujours pris part. Des cris de Vive Nem ! » les rues retentissent ; 570 Comme le jour d'un saint 1 tous les carillons sonnent. Ainsi Rome autrefois du fameux Scipion Vit avec plaisir le retour à sa maison ; Lorsque, sans dépenser une trop forte somme, Il battit ses rivaux et sauva ainsi Rome, 575 Il est tard, cher lecteur, quittons le coin du feu 2 La veillée est finie, et je crois que tu en as assez. J'ai trop parlé de Nem, et tu m'as mis à l'épreuve ; Sur un sujet de rien je t'ai forgé un conte Un autre hiver ici tu me tiendras encore sous tes regards 3 ; 580 Nous sommes sans bois, j'ai froid, l'huile manque à la lampe Je vais me coucher, bonsoir. Mais surtout souviens-toi Que si ce que j'ai dit est faux, je t'en conte de belles. FIN 1. De la fête d'un saint. 2. Littér. quittons le foyer. 3. Tu me verras encore racontant quelque chose. NOTES DÉTACHÉES AVERTISSEMENT Page 9 Note relative à l'Aperçu sur l'orthographe du patois niçard. — Il ne faut pas s'attendre à trouver, dans ce petit écrit de quelques pages, un traité complet d'orthographe niçoise l'auteur s'est borné à indiquer la prononciation des cinq voyelles, des quatre diphtongues au, ai, ei, ou, et des notations italiennes ch, gl. On dirait vraiment qu'un travail sérieux sur cette matière répugnait à Rancher, forcé d'accepter le mauvais système orthographique imposé par un usage relativement moderne. Nous sommes d'autant plus en droit de le croire, que dans un très grand nombre de cas, il nous fournit lui-même la preuve, par les différentes manières dont il a écrit le même mot, qu'il n'avait pas des idées bien arrêtées sur les règles de cette orthographe d'emprunt. Voici quelques exemples des nombreuses variations dans la forme écrite que renferme la première édition de la Nemaïda D'aussitot — daussitot sans apostrophe D'aussitô — daussito id. Tant — tan. Affrous — afrous. Pax — pas paix. Attent — atent. Fixà — fissà. Diloumi — laisse-mi. Paou — poù peur. Arancali — laisse-li. Secours — secour. Levavou — countenta-vou. Marrit — marit. Armavou — mantene-vou. Ocasion — oucasion. Serveven — mete-v'en. Affaire — afaire. Regargialu — laissa-lu. NOTES DETACHEES 207 Parfois aussi les diverses formes orthographiques d'un même mot sont la conséquence d'une prononciation toute différente. Exemples Segnau v. 476 — Signau v. 567. L'envita ch. III, v. 372 Lu invida ch. IV, Argum. L'envide ch. V, v. 351 L'envidavon ch. I, v. 89. S'envida ch. V. Argum. Bonsoar ch. V, v. 440 — Bouon soar v. 581. Feni, fenit ch. I, v. 44 ; ch. III, v. 110 ; v. 71; Ch. V, v. 440; - Finisse v. 102. Fenissi ch. IV, v. 327 — Finisseron ch. I, v. 199. Fenisset v. 291 — Finissen ch. V, v. 416 ; Lu tres mostrou ch. I, v. 176 — Lu doui mostre ch. II, v. 49. Sexe v. 215 — Sesso ch. II, v. III — Sessou v. 1. Ce n'est pas tout Rancher a souvent remplacé l'orthographe italienne par l'orthographe provençale 1° En écrivant ce et ci au lieu de se et si dans un assez grand nombre de mots. Tels sont Cedà, céder ch. III, v. 119 et v. 187, 263, 372, tandis que ce verbe est écrit par une s aux ch. I, v. 225 et V, v. 286. Cimiè ch. III, Argum. et v. 203, 226, 237, 261. Circoustansa ch. V, v. 191. Celesta ch. V, v. 196. Facilamen ch. V, v. 407. Publicità ch. V, v. 210. Recipient v. 298. Scipion v. 571. 2° En rejetant le ch italien et le remplaçant par la notation provençale et française qu dans les mots Frequentada ch. III, v, 239. Eloquensa v. 180. Sirque, cirque ch. III, v. 243 forme moitié italienne et moitié provençale ; car d'après le système orthographique de l'italien, l'auteur aurait dû écrire sirche. Rancher a sans doute reculé devant l'extrême ridicule d'une pareille orthographe. 208 NOTES DETACHEES Cette substitution de la notation provençale qu au ch italien se présente plus fréquemment dans une petite pièce de 114 vers, publiée par Rancher en 1838, et intitulée L'Estocafic à la branlada. Voici les mots que nous y avons relevés Quittant, v. 24 au lieu de chitant. Esquisitessa, v. 35 — eschisitessa. Bouquin, v. 53 — bouchin. Equipage, v. 111 — echipage. Tranquil, v. 106 — tranchil, qui se trouve dans la première édition de la Nemaïda, ch. II, v. 27; ch. III, v, 229, etc. Dans cette même pièce de vers, le mot banquet se présente sous cette forme au vers 38 et sous celle-ci banchet au vers 91. En outre fait extrêmement important les vers 110 et 112 renferment les mots ciel et cent par un c, lesquels sont écrits dans la première édition de la Nemaïda siel III, v. 102; V, v. 60 et sent I, v. 115 ; II, v. 307, etc.. Il est même arrivé à notre poète de renoncer à l'emploi du gl italien figurant le son mouillé. C'est ainsi qu'après avoir écrit Tartaglia au vers 159 du premier chant, il a mis Tartaia au vers 186 du chant IV. De même Serraja 1 v. 87 et Serraglia v. 176. Revejon v. 258 et Reveglion v. 187. Enfin, il a aussi quelquefois employé dans ce cas les deux ll, comme en français ; par exemple, au vers 241 du troisième chant, le mot brillant, écrit ainsi au lieu de brigliant, que plus tard il a écrit briant, au vers 56 de l'Estocafic à la branlada. Que conclure de toutes ces anomalies, sinon que Rancher 1. Dans ce mot et dans le suivant revejon, écrits à l'italienne, le j n'est point une consonne, mais un i long il faut donc prononcer serràia, revèion. NOTES DETACHEES 209 n'avait accepté qu'à contre-coeur l'orthographe italienne pour ses écrits ? Disciple des anciens troubadours, dont il goûtait les oeuvres, il regrettait, comme nous l'avons dit et comme il l'a souvent fait entendre lui-même, de ne pouvoir appliquer le système orthographique de la langue d'oc au niçois, qu'il savait très bien être réellement un sous-dialecte moderne de cette langue ; et, entraîné par son instinct de grammairien, de linguiste et de lettré, cédant inconsciemment peut-être à l'empire de la raison, il s'est affranchi parfois d'un usage absurde et que sans aucun doute il désapprouvait complètement. Page 11. — Tel par exemple que l'a final au son faible et sourd ce qui a lieu lorsque la syllabe qui le précède porte l'accent tonique remplacé par un o dans la majeure partie de la Provence, mais non dans les régions montagneuses, à Montpellier, en divers pays au-delà du Rhône, etc., où l'on dit comme à Nice l'erba, la festa, canta il chante et non l'erbo, la festo, canto. Il n'y a réellement là qu'une simple nuance de prononciation. Cela est tellement vrai, que l'on rencontre parfois l'usage simultané des deux finales sourdes a, o dans le même canton, et qui, plus est, dans les différents quartiers d'une même ville. Nice elle-même nous offre plus d'un exemple de l'o substitué à l'a, non seulement au dernier siècle, mais précisément l'année même où Rancher publiait sa Nemaïda; voici en effet ce que le Niçois Durante dit dans la première édition de son Histoire de Nice Turin, 1823 Le bas peuple de Nice désigne encore aujourd'hui les ruines de l'amphithéâtre de Cimiez sous le nom de la Tino de lei Fadoï. » Tome 1, p. 341. Un Provençal de la rive droite du Var n'aurait pas dit autrement. 210 NOTES DETACHEES Cette différence dans une même émission de voix différence due à des causes purement accidentelles, n'a rien qui doive étonner surtout si l'on considère que ces deux voyelles sourdes a, o ont un son douteux, presque identique, ou plutôt tenant le milieu entre l'a et l'o; qu'elles sont l'une et l'autre tout à fait équivalentes à l'e muet du français, et qu'elles forment comme lui des rimes féminines. Veut-on un autre fait de même nature ? On dit à Nice et dans tout le midi de la France ambicioun, atencioun, nacioun, etc. ; les Marseillais disent ambicien, atencien, nacien devons-nous en conclure que le marseillais n'est pas du provençal ? Toutes les langues offrent ces sortes de différences dialectales, qui n'infirment en rien l'identité de la langue elle-même. CHANT I ARGUMENT Noies 1 et 2. — Dans sa pièce de vers l'Estocafic à la branlada, Rancher a parfaitement observé la distinction qui existe grammaticalement entre le génitif dou pluriel dei et l'ablatif dau pluriel dai, comme le prouvent les citations que voici Génitif Lou tour dôu mounde, v. 10. De crebassa dou diau, v. 30. Dôu miéu pei la brianta origina, v. 56. Lou gust dôu païs, v. 89. Au sen dei siéu amic, v. 110. Ablatif Iéu vous lou diéu calat, couma noun nen doutas, Dau pei maravihous qu'avalet Jonatas, v. 58 et 59. Lou retirar dau bagn, v. 94 1. 1. Le petit poème de l'Estocafic à la branlada est suivi de cette note Aquestu soun lu noum dôu capitani e dou segound dôu brik la Galetea, » où se trouvent encore trois génitifs. NOTES DETACHEES 211 Vers 31. — Marcantoni. Ce nom propre s'emploie au figuré dans le sens de nigaud, jobard, niais il ne s'agit nullement ici de Marc-Antoine, le fameux triumvir romain. V. 47 du texte. — En vieille langue d'oc, dans tous les dialectes modernes de cette langue et aussi en italien, le substantif lagna signifie souci, peine, inquiétude, plainte, et le verbe si lagnà ou si lagnar, se soucier, s'inquiéter de, se plaindre. A Nice, ce verbe est assez souvent employé ironiquement dans le sens contraire de ne pas s'inquiéter d'une chose, n'en avoir aucun souci, s'en moquer. V. 48. — Li Sagna. Quartier dans le territoire de Nice, sur la rive gauche du Var, et qui tire son nom des herbes marécageuses appelées sagna en langue provençale, et massettes en français. On y récolte d'excellents fruits. — Au figuré, li figa de li Sagna est une locution analogue au français les pommes du voisin ; aimà li figa de li Sagna », c'est aimer le cotillon. V. 51. — Rangueta est le diminutif de ranga, boiteuse. Rancher était un peu boiteux, et il donne familièrement ce nom à sa muse. V. 55. — La Fous. Rivage de la mer à l'embouchure du Paillon, dont le lit, à cette époque, comprenait une grande partie du Jardin-Public actuel. Il y avait là, sur la grève, un charnier dans lequel on jetait les animaux morts cette charogne y attirait sans cesse des corbeaux, que l'auteur appelle ironiquement des rossignols. V. 66. — Quartier de Nice qui a donné quelque temps son nom à un nouveau boulevard 1 et où se trouvait l'habitation du magistrat intègre invoqué par l'auteur quelques vers après. Rancher lui a consacré à la fin de son poème la note que voici M. HILARION SPITALIERI, COMTE DE l. En juin 1885 ce boulevard a reçu le nom de Boulevard Victor-Hugo, 212 NOTES DETACHEES CESSOLE, Président du Sénat de Nice et Régent du Magistrat du Consulat de la même ville. » V. 193. — Le grand dictionnaire de F. Mistral, intitulé Lou Tresor dôu Felibrige, renferme l'article que voici COUNDIÉ, COUNDIERO, s. celui, celle que les fourniers envoient chez leurs chalands pour les avertir de préparer le pain. » Et Mistral cite ainsi les deux vers de Rancher De maioun en maioun la coundiero en passant Cridavo Catarino ! Antonio ! fes lou pan. CHANT II ARGUMENT et Vers 212. — Le Pré de Cougnet. Ce pré occupait la presque totalité de l'espace, aujourd'hui couvert de maisons, compris entre la rue Gioffredo, le boulevard de Carabacel, la rue Notre-Dame et l'avenue de la Gare. Cette grande étendue de terrain était coupée d'étroits sentiers, de ruelles carreirou, de ruisseaux, de petits fossés, et divisé en un certain nombre de parties, dont quelques-unes étaient garnies de haies ou de murs peu élevés. V. 74. — Danse voisine du rigaudon. C'était une sorte de farandole coupée d'arrêts, pendant lesquels le conducteur de la danse frappait avec une longue baguette sur les mollets de ceux qui n'étaient pas assez agiles pour éviter les coups en sautant. V. 250 et 251. — La Porte Neuve était située sur le boulevard du Pont-Neuf aujourd'hui boulevard Garibaldi, un peu en amont de la façade du Casino Municipal, au lieu appelé jadis pas ou gué du Paillon. La Porte Pairolière était à l'entrée de la rue de ce nom, près de la place NOTES DETACHEES 213 Garibaldi, autrefois place Victor. On désignait par le mot bastions la rive gauche du Paillon, où s'élevaient anciennement les fortifications, depuis la porte Pairolière jusqu'à l'extrémité occidentale de la place Charles-Albert. V. 254. — La Peloua la Poilue, auberge située au quartier de Riquier et ainsi nommée parce qu'elle était tenue par une veuve nommasse et barbue. L'Aiga-Fvesca l'Eau-fraîche, autre auberge dans le quartier du même nom, près de la place d'Armes actuelle. CHANT III Vers 93. — Montgros. Montagne sur la rive gauche du Paillon, à l'est de Saint-Pons et sur laquelle s'élève le nouvel observatoire. Riquier, quartier de Nice entre le Paillon, la ligne du chemin de fer et l'ancienne route de Villefranche. V. 226. — Cimiez KEIAEVIXOV en grec, Cemenelum en latin existait comme chef-lieu d'une tribu celto-ligure, bien des siècles avant la première arrivée des légions romaines dans les Alpes-Maritimes. V. 278. — La moufa en français la morfée, le cairon deux fléaux de l'olivier. La moufa est une sorte de moisissure ; le cairon est un vers qui ronge la pulpe de l'olive et qui provient d'un oeuf déposé dans ce fruit par une petite mouche, le dacus oleoe des entomologistes. Le provençal cairoun vient du grec xeîpco et signifie rongeur. 15 214 NOTES DETACHEES CHANT IV Vers 135. — Statue en bois représentant une sorte d'ermite et qui était placée derrière la grille du jardin du gouverneur de Nice, situé à la place Charles-Albert, en face du pont joignant cette place à la place Masséna. Ce pont, démoli en 1882, a été remplacé par la couverture du Paillon en avant de la façade du Casino Municipal. — Les bastions voir ci-dessus la note sur les vers 250 et 251 du chant II. V. 200. — Evidemment Rancher connaissait la fameuse énigme de Boursault Mercure galant, V. 8 Je suis un invisible corps Qui de bas lieu tire mon être ; Et je n'ose faire connaître Ni qui je suis ni d'où je sors. Quand on m'ôte la liberté, Pour m'échapper j'use d'adresse, Et deviens femelle traîtresse De mâle que j'aurais été. CHANT V Vers 190. — La frema de redris, dit le texte. La locution de redris, particulièrement usitée à Nice, éveille à la fois les idées de soin, d'ordre, d'activité, d'adresse, d'intelligence, etc. la frema de redris est la femme qui réunit toutes ces qualités. Mistral admet la forme deredris, en un seul mot, auquel il donne pour étymologie le latin directrix. Voy. son Dictionnaire provençal au mot Redris. V. 228. — Suivant un ancien usage à Rome, la nouvelle NOTES DETACHEES 215 mariée était conduite au domicile du mari et devait, en y entrant, prononcer ces paroles Ubi tu Caïus, ego Caïa. Voy. Erasme, Adag. chiliade I, cent. II ; et Plutarque, Questions romaines, 30 . V. 252. — M. l'Abbé EUGÈNE SPITALIERI DE CESSOLE, Chanoine de la Cathédrale de Nice, Fondateur de l'Hos pice des Filles de la Providence, établi dans la même ville. » Note de Rancher. V. 383. — Dix heures du soir, l'heure de l'extinction des feux, que l'on sonnait au clocher de Saint-Dominique avec une cloche spéciale et au moment où passait autrefois la ronde de nuit, la patrouille. L'expression la patouia es sounada, pour désigner cette heure, est encore usitée de nos jours. CHANT VI ARGUMENT. — Saint-Gaétan, chapelle sur le Cours construite par les Théatins. Magasin à l'époque de la Révolution, puis salle de spectacle et enfin rendue au culte, elle appartient aujourd'hui a la confrérie des pénitents noirs, dits de la Miséricorde. Vers 12. — Baugna-si-baugna, locution empruntée à un assez vilain jeu populaire, qui consiste en ceci on fait tourner le dos à une personne, on lui chante ces paroles Baugna-si-baugna! Quatre figa fan castagna. Di-mi quantu det li a. Tra, la, la. en ouvrant en même temps un certain nombre de doigts que la personne ne peut voir ; et si elle ne devine pas 216 NOTES DETACHEES combien il y en a d'ouverts, on lui donne autant de coups de poing qu'on a levé de doigts. N. B. — Les mots baugna-si-baugna n'ont pas de sens c'est une simple formule de jeu ; la suite peut se traduire ainsi Quatre figues font valent une châtaigne. Dis-moi combien il y a de doigts. » V. 154. — Les terribles Angevins. La fameuse Jeanne 1re, reine de Naples et comtesse de Provence, se voyant sans enfants après avoir eu successivement quatre maris, désigna, pour lui succéder dans tous ses Etats, son cousin Charles de Duras, qui, quelque temps après, se rendit coupable de grands torts envers elle. Jeanne, irritée de l'ingratitude de ce prince, révoqua la déclaration faite en sa faveur et institua pour son héritier unique Louis, fils du roi de France Jean le Bon et tige de la seconde maison d'Anjou. Alors éclata une longue et sanglante guerre entre les partisans de Duras et ceux de Louis d'Anjou, désignés sous le nom d'Angevins. La ville de Nice et le Comté de ce nom embrassèrent le parti de Duras ; le reste de la Provence soutint les droits de Louis les Angevins se rendirent tellement redoutables et obtinrent de tels succès, que les Niçois, réduits à la dernière extrémité et désespérant d'être secourus par le parti de Duras, qui luttait péniblement à Naples, se donnèrent au comte de Savoie Amédée VII le Rouge 1388. C'est ainsi que le Comté de Nice se trouva pour longtemps séparé du Comté de Provence, dont il n'avait été jusque là qu'une subdivision. V. 173. — Les Dames, restaurant Cité du Parc voy. ch. III, v. 220 ; l'Arenaire le Sablier, petit restaurant situé rue des Terrasses, où l'on allait se régaler de tripes ; Gourdoulon, propriétaire du Café Royal et de la Poste, devenu plus tard le Café Américain, au coin de la rue Saint-François-de-Paule et du Cours, et fermé depuis peu. NOTES DETACHEES 217 V. 181. — Martin Seytour, poète chansonnier, l'un des meilleurs qu'ait produits Nice. Presque toutes ses chansons se chantent encore aujourd'hui ; quelques-unes font partie du recueil de J. Bessi. V. 203. — Joseph Castel, peintre niçois, né en 1798, mort à Rome en 1853. Elève de Mellis, il se rendit à Rome et s'y fit remarquer par son talent. Nice possède deux de ses oeuvres le tableau de saint Jacques dans l'église du Jésus, et celui de saint Pons à l'abbaye de ce nom. V. 242. — Faire courir un juif, le faire fuir, se dit d'un homme sans valeur, d'un poltron. Autrefois, avant la réunion de Nice à la France en 1792, les Juifs de cette ville, qui n'étaient que tolérés, n'opposaient jamais de résistance, supportaient patiemment toutes les avanies de la populace et fuyaient même devant un enfant. Il en fut à peu près de même après la chute de Napoléon Ier. Ainsi, de 1791 à 1814, le Comté de Nice fait partie de la France sous la dénomination de département des Alpes-Maritimes, et durant toute cette période, la condition des Juifs ne diffère aucunement de celle des chrétiens. L'administration française prend finie 18 mai, et dès le 21, trois jours après, dit M. Gallois-Montbrun Etude sur l'établissement et la résidence des Israélites à Nice, un édit de S. M. le roi de Sardaigne remettait en pleine vigueur les anciennes constitutions réglant l'état dés Israélites, dont les principales dispositions étaient le Gheto, le signe distinctif, la réclusion et autres mesures plus ou moins humiliantes et oppressives de façon que les Isréalites de Nice, qui le 18 mai s'étaient endormis citoyens français, jouissant de tous les droits civils et politiques, en se réveillant, le 21, se trouvèrent placés sous une législation qui les en privait totalement, sans compter l'opprobre... Enfin, en 1848, la promulgation de la Constitution par le roi Charles-Albert 218 NOTES DETACHEES vint mettre un terme à l'état d'abjection et aux anxiétés des Israélites habitant le royagme de Sardaigne, et plus particulièrement ceux de la ville de Nice. » Extrait du tome III des Annales de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes. CHANT VII Vers 6. — On appelait montets quelques petites éminences de terrain situées sur la place Saint-François, à l'endroit où se trouve aujourd'hui la maison Latil. Entre ces éminences et l'ancienne mairie, le sol formait un fossé que l'on traversait sur un petit pont de bois dit pontet. Voy. vers 156. V. 434. — Brouia, éruption de boutons sur la peau, prurigo. Parpagnaca à bien certainement prononcé un autre mot rimant avec celui-là, mais l'auteur n'a pas osé le reproduire. Le mot français croûtes, qui en langage médical se dit de plaques plus ou moins dures, produites sur la peau par la dessiccation d'un liquide sécrété Acad., nous a paru le plus approchant du niçois brouia. CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA D'APRÈS UN AUTOGRAPHE DE RANCHER ET LES RENSEIGNEMENTS FOURNIS PAR DES PERSONNES QUI ONT PARTICULIÈREMENT CONNU L'AUTEUR ET LES ACTEURS DE CE POÈME.. Nota.— Les indications données par Rancher sont en caractère italique. Disons tout d'abord que les personnes qu'il a désignées appartenaient en général à des familles fort honorables; et que si, dans le cours de son oeuvre essentiellement légère et badine, poussant trop loin peut-être la plaisanterie, il s'est permis de les tourner en ridicule, il n'a pas encouru du moins le grave reproche d'avoir rien dit qui eût pu porter atteinte à leur honneur et à leur probité. Balin. Ane d'un ami Filipin. Bebet. Le chanoine Sauvaigo, bègue. — Surnommé aussi Péquéqué à cause de son begaiement. Bertin. Jeune et joli prêtre nommé don Trenca. - Venu de Menton, curé de Saint-Augustin, chéri de toutes ses paroissiennes et en particulier de Blanquina. Ses scandales furent, tels, que la police, fort endurante cependant, se vit dans la nécessité de lui faire quitter Nice; ce qui donna lieu à une émeute qu'il fallut réprimer par la force. Bertin se dit d'un coureur de femmes c'est évidemment une abréviation du mot libertin. Blanquina. Mlle Uberti, passionnée pour Bertin. — Surnommée Blanquina à cause de la blancheur de sa peau. Bofa. Le chirurgien Maria. — Le sobriquet Bofa, qui signifie copeaux, lui fut donné parce qu'avant de pratiquer la chirurgie, il fabriquait des barils à vidange que les paysans venaient prendre en ville lorsqu'ils étaient remplis. 220 CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA Boufet. Don Maulandi. — Le niçois boufet signifie soufflet à allumer le feu, et cet abbé prétendait qu'avec un de ces instruments d'une grosseur suffisante il ferait sauter le monticule du Château. Boufiga. Prêtre dit lou Soci. — C'est-à-dire le Compagnon. Il s'appelait Audiberti et on l'avait surnommé Boufiga, parce qu'il bouffait, il soufflait toujours en respirant. Candaver. Chanoine Rusca de la Briga. — Homme à poigne, ventripotent, rude, violent et vrai suppôt de Bacchus. Le mot Candaver, qui se décompose en can d'aver, signifie chien de troupeau, et ce sobriquet lui fut donné parce qu'en parlant, il semblait aboyer aussi les gamins parfois le suivaient d'un peu loin en criant bau, bau, bau! Canula et Pertus. R., naturaliste, Ral, peintre amateur. — Lisez Risso et Roassal. Le premier était apothicaire, d'où le pseudonyme de Canula ; naturaliste distingué, il a laissé un travail fort estimé sur l'ichtyologie de la mer de Nice, une histoire naturelle des crustacées, divers mémoires sur la géologie du pays et autres ouvrages scientifiques. Le second dessinait et coloriait les figures des planches qui accompagnaient les oeuvres de son ami. Tous deux honnêtes travailleurs, grands amis de l'étude et jouissant de l'estime et de la considération de leurs concitoyens, ils ne se quittaient pour ainsi dire pas c'est pourquoi, dans son poème, Rancher nous les montre n'allant jamais l'un sans l'autre, et dans sa Clef des personnages, les a réunis sous les sobriquets de Canula et Pertus c'est-à-dire trou pour mieux établir une grossière allusion qu'il est facile de deviner. Capèu c'est-à-dire Chapeau. Petavin, chapelier, maintenant prêtre. — Il était le mari de Roujassa à l'époque où Rancher composa son poème ; devenu veuf, il se fit prêtre. CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA 221 Chouria. Sacristain ignoré de l'église. —, C'était un pauvre diable, jeune encore, chiffonnier de son état, factotum des marguilliers le jour et allant le soir recueillir les excréments déposés dans certains coins par les passants. Courina. Mlle Gassier, épouse Ciaudo. — Courtisée par Rancher avant qu'elle prît un autre mari que lui. Fieuferre. M. Salvi. — Trésorier de la ville; il avait un théâtre de marionnettes qu'il faisait manoeuvrer au moyen de fils de fer, d'où le sobriquet de Fieuferre. Flidet. Marguillier inconnu. — Le fils de M. Defly Parpagnaca suivant quelques listes manuscrites rien de moins certain cependant. Fracourre. Sacristain ignoré de Sainte-Réparate. — Le mot Fracourre peut se traduire par frère qui court ou qui fait les courses; et au dire de quelques personnes, c'était le sobriquet d'un certain fra Domenegue frère Dominique qui était attaché au service des Jésuites de l'église du Jesu, ce qui ne s'accorde guère avec l'indication fournie par Rancher. Suivant une liste manuscrite, qui ne donne pas le pseudonyme Nasoulin Voy. ci-après, celui de Fracourre désignait l'abbé Solina. Gibon. Torrini, homme tout contrefait, marguillier. — Le provençal giba ou gibo signifie bosse et cet individu était un peu bossu. Laugié. Girard. Lubin. L'auteur. — Rancher est mort célibataire, par conséquent le mariage de Lubin avec Courina chant V est une pure fiction poétique. Marta, non inscrite sur la liste de Rancher Mme Gilli, dite Mascareleta, suivant quelques personnes.. 222 CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA. Martèu. Masseille, marguillier. Nasoulin. L'abbé Soulina. — Son vrai nom était Solina, qui se prononçait généralement Soulina, comme l'a écrit Rancher. Le sobriquet Nasoulin n'est que l'anagramme de Soulina. Nem. L'abbé Martin, vieux sacristain. — Sacristain de l'église Saint-François-de-Paule et le héros du poème. Cet abbé, d'humeur peu endurante, était pied-bot, ce qui l'obligeait à ne marcher qu'avec un bâton, et il portait une perruque à queue, d'où le surnom de Perruqueta et Lilieu perruca Lilieu diminutif enfantin de Louis. Il avait en outre un défaut de langue qui lui valut le sobriquet de Kern et que Rancher lui conservait dans le manuscrit de son poème, intitulé d'abord par cette raison la Kemaïda ; mais son protecteur M. de Cessole lui ayant fait observer que l'autorisation d'imprimer lui serait toujours refusée, s'il maintenait ce sobriquet et ce titre, il remplaça tout simplement la lettre K par la lettre N. Parpagnaca. M. Defly, vieux marguillier de SaintFrançois-de-Paule. — Rival de Nem ; homme grand et gros, démarche indolente, caractère nonchalant papataci en italien, patapouf en français ; du reste excellent homme et des plus honorables. Pertus. Voir Canula. Ponchoun. Mme Bonfils, boulangère. — Le mot ponchoun signifie pointe, poinçon ; on dit d'une personne qui a un caractère difficile es un ponchoun ; Mme Bonfils était un peu cela et avait, prétendait-on, une méchante langue. Roujassa. Mme Petavin. — Femme de Capèu, surnommée Roujassa, c'est-à-dire Rougeaude, parce qu'elle avait la figure rouge comme l'ont ordinairement les grands CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA 223 buveurs elle buvait en effet sec et souvent et passa, dit-on, ivre-morte dans l'autre vie. Sabin. Le chanoine Tourrini.— Curé de Saint-Françoisde-Paule, homme à peu près nul, mais de bon appétit. Son sobriquet lui vient des mots piémontais sa bin vous savez bien qu'il prononçait à tout moment. Stripacan. Médecin et — Dit stripacan éventre chien, parce qu'il accoucha, dit-on, une chienne qui mourut des suites de l'opération. Viscas. Don Faraut, de Contes. — L'abbé Faraut, professeur de septième, avait été surnommé lou Stafilaire le fouetteur, parce qu'il fessait sans pitié ses pauvres écoliers. Le pseudonyme Viscas fait entendre qu'il était du village de Contes, dont les habitants passaient pour être fort habiles, fort rusés, si bien, disait-on, que pihavon lou diau au visc qu'ils prenaient le diable à la glu. REMARQUE IMPORTANTE La liste manuscrite dressée par Rancher et qui nous a fourni les éléments essentiels d'une Clef authentique, se trouve attachée à la fin d'un exemplaire de la Nemaïda ayant appartenu au linguiste Todon Voy. Avertissement, p. 14 et dont un heureux hasard m'a rendu possesseur tout récemment. Cette page porte en tête, dans le coin à gauche, les mots que voici, de la main de Todon Autographe de l'auteur en 1840; elle a pour titre Personnages de la Nemaïda, et se termine par cette recommandation de Rancher à l'ami auquel il envoie ce précieux document N. B. Tu ne don- 224 CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA neras cette note qu'écrite d'une autre main que la mienne, et tu garderas celle-ci ou tu la brûleras. Je t'ai désigné les principaux personnages qui sont à peu près morts en partie à quelques-uns je n'ai mis que les lettres initiales, parce qu'ils sont en vie et capables de susceptibilité. — Adieu, mon cher Pépin 1. » Les termes si pressants d'une injonction attestant les craintes de l'auteur, dans le cas où toute autre personne que son ami aurait connaissance d'une liste écrite de sa main, le renseignement donné par Todon, qui très certainement, en raison de ses études, a dû être en rapport avec Rancher et ne pouvait se méprendre sur l'écriture de notre poète c'étaient là, je crois, deux preuves suffisantes pour établir la parfaite authenticité de cet écrit. Je résolus néanmoins de le confronter avec quelques manuscrits reconnus comme étant incontestablement des autographes de Rancher ; l'épreuve fut décisive l'écriture était absolument la même. Parmi ces divers autographes, je crois devoir citer plus particulièrement celui que mon honorable collègue à la Société des Lettres, Sciences et Arts, l'avocat Frédéric Faraut, a bien voulu mettre à ma disposition. C'est un sonnet qui lui fut adressé en 1838 par Rancher lui-même, en réponse à un autre sonnet envoyé par M. Frédéric Faraut, encore enfant, à l'auteur de la Nemaïda. Le lecteur ne sera pas fâché, je pense, de prendre connaissance de cette petite pièce de vers, restée inédite jusqu'à ce jour ; mais, avant tout, je dois le prévenir 1° que l'enfant de dix ans, qui ignorait les règles du sonnet, avait donné au sien seize vers au lieu de quatorze, nombre 1. Pépin est à Nice un diminutif familier de Joséphin ou Joseph. Faisons remarquer en outre que Rancher n'a mis l'initiale des noms qu'aux deux pseudonymes Canula et Pertus. CLEF DES PERSONNAGES DE LA NEMAÏDA 225 de rigueur ; 2° que dans la transcription du sonnet de Rancher, j'ai fait comme pour le poème de la Nemaïda j'ai rendu au niçard son orthographe naturelle. Voici le sonnet de Rancher A UN ENFAN DE DÈS AN QU'A TACHAT DE FAIRE UN SOUNET SOUNET Li côu quatorze vers per faire lou sounet Lou déves divisà d'abor eu doui quatrina ; Venon siei vers après que formon doui tersina, E tout déu estre en éu clar, armounious e net. N'es pas un tau travai lou juec d'un omenet Ai plus famous talen a fach sudà l'esquina; E per n'en faire un bouon, Boileau, Volter, Racina, En terra mai d'un côu an picat lou bounet. As, couma ben l'ai vist, d'esprit e la mania Que li côu per venï diciple d'Apoloun ; Sies sensible ai bei vers e t'en plas l'armounia. Cultiva un tau favour, aprecia un tau doun, Que lu tiéu mestre un jou, qu'an innat lou genia, En tu, su lou Parnasse, auran un Rodomoun 1. Lou tiéu Amic, J. R. R. N. B. — Dans l'original, ces trois lettres, initiales des noms Joseph Rosalinde Plancher, sont accompagnées d'un grand et beau paraphe. SARDOU. 1. C'est-à-dire un Taillant émule. Rodomont est, dans le Soland furieux de l'Arioste, le nom d'un chevalier renommé par sa bravoure et sa force. Ce nom propre, en passant dans notre langue comme nom commun, a pris un sens ironique qui l'a fait synonyme de fanfaron c'est tout le contraire de ce qu'a voulu dire Rancher. FIN SCULPTURES GRECQUES DE LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE NICE Nice possède tous les éléments nécessaires à la création d'un musée et ses richesses ne peuvent que s'augmenter quand on entreprendra des fouilles sérieuses sur l'emplacement de l'ancienne cité romaine dé Cemenelum. Le local seul fait défaut. Parmi les nombreux objets accumulés, sans classement d'aucune sorte, dans quelques coins de la bibliothèque, on remarque un certain nombre de marbres grecs fort intéressants que je me propose de décrire brièvement dans ce mémoire. Ces sculptures proviennent de la collection de M. Guilloteau, propriétaire à Cimiez ; elles ont été acquises, après sa mort, par la ville de Nice. Presque tous les archéologues pensent que, malgré le dire de M. Gruilloteau, qui prétendait que ces objets avaient été trouvés dans le voisinage de sa propriété, ces marbres ont été achetés à des marchands d'antiquités ou, ce qui est plus probable, à des marins grecs qui souvent font un trafic de ces objets compris dans ce qu'en terme de commerce maritime on appelle les chapeaux 1. Il serait assez singulier, en effet, que ces cinq objets, d'époques différentes, aient été transportés à Cimiez dans 1. Pacotille qu'un capitaine marin est autorisé à charger pour son compte en dehors du fret ordinaire. 228 SCULPTURES GRECQUES l'antiquité et qu'ils aient tous pour origine la même contrée de la Grèce, c'est-à-dire les environs d'Athènes. I. — La sculpture la plus importante est une stèle de 72 centimètres de hauteur sur 25 à 30 centimètres de largeur, taillée dans un bloc assez irrégulier de marbre blanc. Dans un encastrement dont la partie supérieure forme un demi-cercle le sculpteur a représenté un jeune homme ayant une couronne sur la tête et tenant une palme à la main. C'est un jeune athlète auquel son ami d'enfance a élevé ce monument de ses propres mains. Le menton et le bas des joues sont couverts d'une barbe naissante. Les formes sont un peu massives, les jambes sont peutêtre un peu courtes, mais l'ensemble indique une bonne époque, une main habile et une certaine étude de la nature. Plotis, tel est le nom du défunt, devait exceller dans la lutte; le développement des pectoraux, des deltoïdes et des biceps semble du moins l'indiquer. Dans la partie supérieure de la stèle est gravée l'inscription suivante nAOTICOnOAAAKAMONENrYMNA V CIOICI+IAA0AOIC • KEIMAIAAIKAYCTOnAPXaO NI IIEIPAEOC ZOHC KAI KAMA TONTEPMA APAMONTAXINON • OY TO TAP MOIPAI KAOCTONE0ENTOMITON ce IIXffiTiç 6 itoXXèt xoej/àv Iv YUjjivatnoitTt cptAaGXoiç xeïpcai aÀixXûo-Ttj 7rapyvGovi ÏIscpaÉtoç. Zwîjç xai xajjuicTiov TÉpi/,a 8poc[/.v la^'W oiixw jko jxoïpai XXWUTCV 'EÛSVTO JAÎTOV. » Cette inscription a été donnée pour la première fois par Max Frankel, dans l'Archoeologische Zeitung de Berlin 1, en 1874; elle a été reproduite par Mommsen 3. 1. Archoeol. Zeitung, 1814. p. 148. 2. Mommsen, Corp. inscr. lot., t. V, 2e p. 917. SCULPTURES GRECQUES 229 Voici comment je me permets de la traduire Plotis, qui remporta tant de victoires dans les gymnases d'athlètes, repose sur le rivage du Pirée baigné par les flots. La fin de sa vie et de ses triomphes fut prompte, comme si les destins avaient empêché de dévider le fil de ses jours. » Sous le bras droit de Plotis on lit l'inscription suivante IAAPOC TOYIAIOY CYNTPO$ OY EUOIEI IXapdç ZOV ÏStOU 7UVTpO!pOU IftOlSt. . Haros fit ce monument pour son camarade d'enfance. » Voici donc un monument dont l'origine ne peut être mise en doute Le corps de Plotis fut déposé sur le rivage du Pirée ; la stèle fut sculptée ou commandée par l'un de ses amis d'enfance qui veilla sur sa sépulture. II. — Voici maintenant un monument de sculpture d'une autre époque; c'est une urne pleine, en inarbre blanc, brisée au col et d'un style très pur. Ce vase massif est du genre de ceux de Marathon, il a près de 60 centimètres de hauteur sur une largeur de 25 centimètres environ à la partie la plus large de la panse, sur laquelle sont gravés, en bas-relief, deux personnages, l'un assis et l'autre debout. Ces figures sont un peu frustes mais d'un très bon style. Elles sont accompagnées de l'inscription suivante, également donnée par Max Frankel mniAS TIMO0EOY 3N P02 16 230 SCULPTURES GRECQUES A la base du col on distingue des volutes formant un ornement d'un très faible relief. C'est un vase athénien d'une bonne époque, certainement antérieur à la stèle de Plotis, mais peut-être est-il contemporain, vu la forme des lettres, du débris de stèle que nous allons décrire. III. — A n'examiner que la partie supérieure de ce troisième monument, on pourrait supposer qu'il remonte à une très haute antiquité, car le type du génie de la mort qu'on y a voulu représenter s'était conservé intact et se reproduisait religieusement sur les monuments funèbres. Nous le retrouvons, en effet, sur la stèle d'Aristion à l'ancien cimetière du Céramique, à Athènes, stèle d'un style des plus purs, représentant un jeune homme et un enfant. Dans la stèle du Céramique on ne voit plus comme dans la nôtre les deux colombes ; elles ont sans doute été brisées, mais les génies semblent calqués l'un sur l'autre ; la pose est la même, une main sur la poitrine, l'autre sur le front. La tête de femme sculptée sur la stèle est d'un beau caractère ; la coiffure est des plus élégantes. L'inscription est très lisible OINAN0H? KAAAISTPATHS SAAAMINIA Le mot Salaminia nous indique encore la provenance de cette intéressante sculpture dont nous ne possédons, malheureusement, que la partie supérieure. Les dimensions de ce débris sont d'environ 30 centimètres sur 28 centimètres. IV. — Un petit ex-voto de 21 centimètres de hauteur sur 30 centimètres de longueur, d'un travail assez négligé mais d'un style archaïque, est digne d'attirer l'attention SCULPTURES GRECQUES 231 des archéologues. Ce petit marbre représente Asclepios et Hygie sollicités par trois personnages dont un enfant. Esculape est couché sur un lit au pied duquel sa fille est assise tenant un vase à la main ; Esculape tient un rhyton de la main droite et une coupe de la gauche. Les suppliants, qui semblent être le père, la mère et un enfant malade qui les suit drapé dans un ample vêtement, sont de plus petite taille que les dieux. Sur la moulure, au-dessus des personnages, se trouve l'inscription suivante HAVAOSA ©HKT Au-dessous de la moulure et sur le fond même du basrelief EIKOAO C V. — Enfin, le dernier mais non le moins intéressant de nos petits monuments grecs est une stèle brisée à sa partie inférieure et dont le débris qui nous reste a 29 centimètres de largeur sur 28 centimètres de hauteur. Ce petit marbre représente, en bas-relief, une scène analogue à celle qui est figurée sur la stèle si connue qui se trouve à Athènes au vieux cimetière du Céramique. Sur la stèle d'Hégéso, qui est l'un des plus beaux monuments du Céramique, la morte est représentée assise et devant elle se trouve, debout, une jeune fille tenant un coffret à bijoux. Dans notre petit marbre un peu fruste, de Nice, la morte est également représentée assise sur un siège semblable à celui d'Hégéso ; devant elle se trouve, debout, un jeune enfant auquel elle semble faire cadeau d'un objet en lui adressant en même temps un conseil ou une recommandation. La sculpture de ces deux petites figures est ravis- 232 SCULPTURES GRECQUES sante, d'une grâce parfaite et du meilleur style, quoique n'étant guère qu'à l'état d'ébauche. A la partie supérieure du marbre est gravé le nom de la morte NIKOMAXH Je dois ajouter, en terminant, que ces marbres ont été vus par notre savant conservateur des antiques au musée du Louvre, M. Léon Heuzey, et qu'il les a trouvés dignes de figurer dans notre grand musée national. BRUN. NOTICES NÉCROLOGIQUES M. LE Dr LOUIS THAON Nous croyons devoir donner, comme notice nécrologique sur notre regretté confrère le Dr Louis Thaon, l'excellent discours qu'a prononcé sur sa tombe le Dr Frémy, au nom de la Société de médecine MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES, Quand vous m'avez appelé, cette année, à l'honneur de présider vos séances, j'étais loin de me douter de la triste mission que j'aurais à remplir. Il y a quelques mois encore, Thaon était au milieu de nous, plein de vie, et aujourd'hui, c'est un étemel adien qu'il me faut envoyer, en votre nom, à ce camarade aimé, estimé entre tous. Ni les conseils les plus autorisés des maîtres, ni les soins les plus dévoués de sa famille, n'ont eu la puissance d'enrayer la marche presque foudroyante d'un mal qui ne pardonne guère, Et Thaon a succombé, on peut le dire, victime de ses qualités supérieures. Thaon, en effet, était excessif en tout. Travailleur acharné, il avait une ardente curiosité pour tout ce qui est science, et rien ne pouvait le corriger de l'excès de cette tendance. Tout réveillait en lui une activité brûlante. Aucune 234 NOTICES NECROLOGIQUES cause extérieure n'avait le pouvoir de le retarder, de l'arrêter. L'étude était pour lui une véritable passion la seule peut-être qu'on ait jamais remarquée en lui. Cette ardeur excessive, mise au service d'un caractère décidé, d'un esprit pratique, d'une volonté indomptable, devait faire de Thaon un homme d'action. Et, certes, ce n'était pas un rêveur ; n'ayant du goût que pour les actions qui se résolvent en actes, il ne voyait que le but à atteindre et s'y dévouait de toutes les forces de son âme et de son corps. Résolu, confiant en soi, intrépide parfois jusqu'à la témérité, on ne lui connut jamais une timidité, jamais une défaillance. Thaon était doué de facultés brillantes et solides. L'éducation scientifique les développa encore. C'est dans cette habitude de son esprit de remonter en toutes choses à un principe sûr et démontré, qu'il faut chercher le secret de cette vive clarté qu'il répandait sur tous les sujets qu'il touchait. C'est dans cette habitude encore que se trouve la raison pour laquelle ses opinions en tout genre étaient si fermes, si arrêtées. Mais cette discipline scientifique n'excluait pas cependant la verve et l'entrain; et je le vois encore soit à la Société anatomique, ou à la Société de biologie de Paris, soit à la Société de médecine de Nice, faisant ses communications avec cette vigueur de conception, ce feu qui répandaient le mouvement et la vie. Réunissant le double privilège d'éclairer ses collègues et de s'en faire aimer, cherchant à convaincre les esprits sans froisser les amours-propres, il discutait nos vues, nous exposait les siennes, que sa grande érudition rendait neuves. NOTICES NECROLOGIQUES 235 Cette passion de l'étude, cette habitude de la méditation, jointes aux dispositions naturelles de son esprit, faisaient de Thaon un penseur. Il vivait replié sur lui-même, habitué à raisonner ses impressions, dans une sorte de solitude morale, et il ne se livrait pas. D'une pensée vraiment indépendante, ni soumise à l'opinion, ni révoltée contre elle, il ne se laissait pas dominer. C'est ainsi qu'en sachant être lui-même, Thaon fut une personnalité. On conçoit, Messieurs, qu'avec d'aussi brillantes qualités naturelles, mises en jeu par une éducation forte, par la passion du travail, le penchant irrésistible d'allier la science à la pratique, Thaon fût appelé à devenir un praticien de premier ordre. Et en effet, les qualités du médecin il les possédait à un rare degré. La décision de son caractère, son coup d'oeil étendu, son esprit pénétrant, la sagacité de son observation, jusqu'à cette intuition de l'à-peu près, notre refuge dans les cas difficiles, faisaient de lui un conseil précieux. Il avait, à un rare degré, le souci de la dignité professionnelle. Son âme était trop noble pour connaître l'envie, et bien qu'il eût pu s'enorgueillir de ses succès, il était modeste, et jamais le moindre sentiment d'orgueil ne perçait dans sa conversation Dévoué à ses malades, comme il était dévoué à ses amis et à la science, il se donnait de la peine. Mais la vive sympathie qui l'accueillait partout était la preuve de l'attachement qu'il inspirait. Il était secourable et bienfaisant. Quiconque frappait à sa porte, était sûr d'être accueilli, et il n'en est peut-être pas un parmi nous qui n'ait reçu quelques-uns de ces billets laconiques Telle rue, tel jour, rendez-vous charitable. » 236 NOTICES NÉCROLOGIQUES Si vous ajoutez à ces qualités, une physionomie mâle et énergique, un regard éclairé par une belle intelligence, des manières nobles, une politesse grave, qui ne se répandait pas en paroles, vous concevrez que Thaon, en inspirant l'irrésistible ascendant d'un mérite réel, fût aimé de tous, vénéré par plusieurs avec une tendresse filiale, par quelques-uns même avec un véritable enthousiasme. Thaon avait fait de brillantes études médicales à Paris ; il les termina par une thèse fort remarquée qui, malgré les modifications de la science, mérite encore d'être consultée. Résistant aux instances de ses amis, qui trouvaient que Paris était un théâtre digne de ses talents, il vint à Nice où, rapidement, à coups d'énergie et de volonté, il se taillait une place par la force de son intelligence et de son savoir. Opérateur heureux, ses débuts furent marqués par des succès qui lui attirèrent bientôt la faveur publique. Sa passion pour le travail ne fit que s'en accroître, et devint plus que jamais le ressort principal de sa vie. Il multiplia, dès lors, son temps et ses forces. Se lever avant le jour, allumer sa lampe, s'asseoir à sa table de travail, étaient pour lui une jouissance quotidienne. Il n'était pas rare qu'après une journée de fatigues, consacrée à la pratique, et que réveillé dans la nuit, pour aller' au loin dans la campagne, on le retrouvât avant le jour, absorbé dans la lecture des ouvrages de science. Que vous dirai-je de la vie médicale de Thaon? Elle est tout entière dans ces paroles de Laseque à propos de Trousseau L'existence des travailleurs assidus qui reprennent chaque matin, avec le courage de la veille, le fardeau de la journée, est pauvre d'événements. Ce qui fait leur puissance, c'est que rien ne les lasse, NOTICES NÉCROLOGIQUES 237 pas même le retour monotone de leurs efforts. Les oeuvres de dévouement les plus hardies, les plus froides abnégations sont si simplement accomplies par eux, qu'on semblait les attendre, et qu'elles ne surprennent personne. » Pour Thaon, comme pour tous, l'exercice de la profession médicale n'était pas exempt de vicissitudes. Souvent la tâche est lourde et ingrate. Mais, dans ses mécomptes, sa consolation était de redoubler dé travail. Pendant un certain temps, il abandonna la carrière médicale. Mais il ne me convient pas de le peindre dans sa nouvelle condition. Je n'ai pas assez de notions suffisantes pour le faire avec exactitude. Aussi bien, je n'ai à m'occuper ici que de l'homme de science. Tout ce que je peux dire, c'est qu'à cette époque de sa vie, bien que distrait par des occupations différentes, il était resté médecin dans l'âme. Il parlait toujours de son art avec enthousiasme. Il continuait à donner ses soins à ceux d'entre ses anciens clients qui n'avaient pu se décider à l'abandonner ; et son ardeur pour ses nouvelles fonctions ne refroidissait pas celle qu'il portait aux anciennes. Qui sait même,; si au milieu dé ces nouveaux succès qui pouvaient en imposer, il ne regrettait pas parfois cet autre temps brillant et sûr, où, sans autre influence que son talent, il voyait accourir à lui les malades que sa renommée attirait ! Toujours est-il, que partout où on travaillait beaucoup, partout où on se réunissait pour être utile, il accourait le premier. Il avait l'amour du bien public, et tout ce qui pouvait rendre service à ses concitoyens, avait droit à l'exercer. C'est ainsi qu'il fut tour à tour président de la Société de Médecine, de la Société des Sciences, Lettres et Arts, de l'Association polytechnique. 238 NOTICES NECROLOGIQUES Quand il revint prendre sa place parmi nous, il se démit de ses fonctions publiques pour se remettre tout entier au travail. Dès lors, en proie aux méditations que lui imposait l'adversité qui fut un maître pour lui, en ce sens qu'elle le rappelait aux fins de sa véritable vocation, plus sévère que jamais pour lui-même, au point que les distractions du monde ne lui procurassent que la sensation de fantômes, craignant de perdre un instant, prenant sur son sommeil, prenant sur le temps de ses repas, il éleva le problème de ne perdre ni une minute, ni une parole à la hauteur d'un art. Comme si, pour cet affamé de science, la pathologie humaine ne fût pas une moisson assez riche pour son activité, il vint à Paris, pour se livrer à des expérimentations de laboratoire. Mais, je vous l'ai dit, Messieurs, Thaon était excessif en tout. Il passa tout son temps à l'hôpital et dans ses laboratoires où l'air est nauséabond; employant ses journées à manier, à insuffler, à injecter des matières infectieuses aux animaux, se nourrissant à peine, veillant pour recueillir ses observations. Il n'en fallait pas tant pour miner une constitution plus robuste que la sienne ; et, quand il revint à Nice, au commencement de cette saison, il était en possession de la maladie qui devait l'emporter. Soit que, malgré de solennels avertissements, il méconnût, de parti pris, la nature de sa maladie — car se soigner, c'était s'arrêter — soit que, téméraire, il voulût la braver ; en tous cas, trop sévère pour lui-même, il dédaigna de s'inquiéter, en dépit de toutes les sollicitations. Alors on le vit, portant sur ses traits l'empreinte d'une fatigue, dont lui semblait ne pas avoir conscience, déjà en NOTICES NÉCROLOGIQUES 239 proie à cette fièvre qui, pendant cinq mois, le tortura sans répit, — on le vit, dis-je, meurtrier pour lui-même, se lever la nuit pour porter ses soins aux plus humbles malades. Mais quelle considération pouvait donc arrêter cet homme énergique et dévoué, quand il avait à accomplir un devoir qu'il considérait comme sacré ! Forcé enfin de s'arrêter, il s'alita pour ne plus se relever ; et il eut le sublime courage d'assister dignement, sans plainte, sans révolte, aux progrès toujours croissants d'une maladie implacable. Messieurs, on peut dire que ce médecin est mort semblable à ce qu'il avait été. Il avait consacré sa vie aux malades, il la leur donna jusqu'à la fin. Car, je vous assure que ce fut un touchant spectacle que celui auquel il me fut donné d'assister. Thaon, jusqu'à la dernière heure, alors que l'ombre de la mort envahissait déjà son beau visage, alors que sa voix éteinte était si peu distincte qu'il fallait se pencher pour l'entendre, Thaon, dis-je, donnait encore des conseils à l'un de nous, au sujet d'un malade qu'il lui avait confié. L'homme n'existait plus, le médecin survivait ! Adieu, ami. Au souvenir des qualités de ton noble coeur, qui ne connut jamais que l'amour du bien et le dévouement; au souvenir des belles facultés de ton esprit, qui ne conçut jamais que l'amour de la science; au souvenir enfin de tant d'infortune imméritée, ton nom sera prononcé avec respect, car dans cette profession que tu as honorée de ton talent et de tes vertus, il est l'emblème de l'amour passionné du devoir médical. M. LE BARON CACHIARDY DE MONTFLEURY M. le baron Auguste Cachiardy de Montfleury, né à Breil le 16 juin 1839, fit ses études au Lycée, alors Collège national de Nice. Ami de la France même avant l'annexion, il fit partie en 1860 de la députation à la tête de laquelle se trouvait son oncle M. Louis Cachiardy de Montfieury, ancien officier français, nommé plus tard conseiller général et maire de Breil ; cette députation était envoyée par les habitants de la vallée de la Roya pour demander leur annexion à la France. La jeunesse de notre confrère fut consacrée à des études industrielles et scientifiques relatives à l'élevage des vers à soie, à la culture de l'olivier et de la vigne, qui lui valurent, à diverses expositions, des médailles et des diplômes d'honneur. Séduit comme tant d'autres par le problème de la direction des ballons, il fit de nombreuses expériences dignes, m'assure-t-on, d'attirer l'attention des savants. Mais de nouveaux soins réclamèrent bientôt sa sollicitude. Il venait d'être élu maire de Breil, puis conseiller général. Dès lors, son activité se porta vers l'accomplissement de ces deux fonctions, qu'il a remplies pendant dix ans 1876-1886 avec autant de désintéressement que d'intelligence. Au sein du conseil municipal aussi bien que du conseil général, il fut l'homme d'une idée la route de Breil à Vintimille devait donner une nouvelle prospérité à son pays ; il poursuivit avec acharnement, pendant de NOTICES NECROLOGIQUES 241 longues années, la réalisation de son projet, ne reculant devant aucune démarche; il renversa tous les obstacles et obtint enfin sa route, comme il disait. Il restait à faire passer cette route le long de Bréil, de façon à flanquer la ville d'une sorte de boulevard extérieur. M. de Montfleury se heurta à de nouvelles et grandes difficultés, suscitées soit par le génie militaire, soit par l'administration des Ponts et chaussées, soit même par quelques habitants du pays; mais il arriva pourtant à ses fins et, dans un voyage qu'il fit en juin 1886 à Breil avec M. Buffet, inspecteur général des Ponts et chaussées , il obtint la promesse formelle de l'appui de l'administration auprès du Conseil supérieur. Les travaux furent en effet décidés en janvier 1886, et il eut la satisfaction de l'apprendre peu de temps avant sa mort. Comme maire de Breil, M. de Montfieury s'est occupé de la réorganisation de la mairie j'ai pu juger moi-même de l'excellence des réformes opérées et de l'administration de l'hospice, aujourd'hui très prospère. Secondé par un conseil municipal intelligent, il a achevé la place Biancheri, commencé le chemin carrossable de la Maglia ; il s'est occupé de la question fameuse des baudites, aujourd'hui encore non résolue, et de celle du reboisement des montagnes ; il a obtenu pour sa ville une garnison de chasseurs, une caserne et un hôpital militaire. Les écoles de Breil étaient son orgueil, et à bon droit ; j'ai peu vu, au cours de mes promenades dans le département, de classes aussi bien installées, aussi intelligemment dirigées, aussi peuplées. Nul ne songera à s'étonner, après cela, de la popularité dont jouissait notre confrère et du deuil public qu'a causé sa mort inopinée. Tous, amis ou adversaires, ont assisté à ses obsèques ; tous sont venus déposer sur sa tombe, avec 242 NOTICES NECROLOGIQUES une unanimité touchante, l'hommage de leur estime et de leur respect. Nous n'avons pas oublié que M. Cachiardi de Montfleury tenait de près à notre Société. C'est à lui que nous devons la découverte de documents très précieux, relatifs aux guerres des Alpes pendant le XVIIIe siècle, documents pour la plupart originaux et dont la publication ne pourra manquer de donner une nouvelle notoriété à la Société des Lettres. A ce titre surtout, sa mémoire doit nous être chère à tous, et nous devons le considérer non seulement comme un confrère distingué, mais encore comme un bienfaiteur de notre compagnie. HENRI MORIS. LE COLONEL GAZAN Une vie, riche d'années et d'oeuvres remarquables, s'est éteinte, le 11 janvier 1887, à Antibes! Elle ferait elle-même, au besoin, son panégyrique, et se passerait de tout autre; mais, elle a eu trop d'éclat et laisse trop de sympathies, dans notre Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, pour que nous ne l'honorions pas d'un hommage, que la piété publique a déjà dévancé, et n'en reproduisions les phases principales. Nous laissons ce douloureux devoir au docteur en médecine, que le défunt appelait son meilleur ami, qu'il associait, depuis plus de vingt-cinq ans, à ses travaux archéologiques et qui n'a pu disputer une organisation et une intelligence privilégiées de quatre-vingt-quinze ans, aux atteintes d'une maladie de onze jours, fatale aux grands âges, une pneumonie latente et insidieuse. LA RÉDACTION, Alexis - Zacharie - Alexandre - Nicolas Gazan, colonel d'artillerie en retraite, commandeur de la Légion d'honneur, officier de l'Instruction publique, etc., était né à Antibes le 7 mars 1792, et tenait, par sa famille et ses parents, parmi lesquels les généraux Vial et Gazan, à ce que cette ville avait de plus honorable et de plus distingué, vers la fin du dernier siècle et sous le premier Empire. Les premiers rayonnements de son intelligence et son amour du travail sont très appréciés au petit collége de Callians Var, fort en vogue à l'époque et d'où sortent des sujets, distingués plus tard, comme lui. 244 NOTICES NECROLOGIQUES Ces heureuses dispositions se développent et s'affirment de plus en plus dans le cours de ses études, qu'il complète au lycée impérial Louis-le-Grand, au moment où se crée l'Université et se réorganise l'instruction publique. Il y remporte un prix de physique au concours général et s'y prépare à l'Ecole polytechnique, où il est admis en 1810. Sa vie militaire commence en 1812, qui le voit nommer successivement sous-lieutenant et lieutenant d'artillerie, et avec l'ouverture de la campagne d'Allemagne. En 1813, il prend part aux batailles de Lutzen et de Bautzen et se signale aux trois journées de Leipzig, où sa batterie est la dernière à résister au feu des coalisés, maîtres de toutes les positions. Ce n'est pas assez pour lui de subir l'impression générale d'une grande défaite; il faut encore qu'il soit frappé, dans ses affections intimes, par le coup mortel qui lui enlève son oncle, le général Vial, inhumé sous ses yeux. Mais, près de Hanau, deux de ses pièces d'artillerie vont rouvrir le feu, dans un engagement contre les 30,000 Bavarois, qui nous ont fait défection et que nous écrasons, avant de rentrer en France. Vers la fin de 1813, il est promu capitaine et ne reste pas inactif, pendant notre belle campagne de France témoin, en un mois, de douze victoires. En 1814, avec la déchéance de Napoléon et le rappel des Bourbons, il est mis en demi-solde, comme tous ses camarades, et il rentre dans sa ville natale. L'Empereur est, depuis près d'un an, retiré à l'île d'Elbe, qu'il a reçue en échange de son immense souveraineté ; mais il a compté sur un retour du peuple et de l'armée et le 1er mars 1815 le voit débarquer, près de nous, au Golfe-Jouan. Notre capitaine est témoin de l'événement, ainsi qu'il le NOTICES NÉCROLOGIQUES 245 raconte dans un manuscrit qu'il nous a laissé et qu'il devait livrer à l'impression, sur la prière de quelques amis. On l'arrête sur la route de Cannes, qui doit le ramener chez lui, à Antibes. Un camarade de l'Ecole polytechnique, le commandant Larabit, le reconnaît et le fait reconnaître ; le général Drouot l'interroge, tente, mais en vain, de l'enrégimenter et le présente même, dans ce but, à l'Empereur. Mais, rien ne séduit et n'ébranle notre jeune capitaine. Il a prêté ser- ment au Roi et ne suivra pas l'Empereur. Cependant, la liberté lui est rendue et le général, en le quittant et en lui serrant les mains, se borne à lui dire Adieu, Monsieur Gazan, j'espère avoir bientôt le plaisir de vous revoir, dans un temps moins difficile. » — J'ai prêté serment, je le répète, à un autre souverain, dit Gazan; mais, si l'Empereur remonté sur le trône, je le servirai comme par le passé. » Il nous fallait signaler cette fidélité à la foi jurée, chez un militaire, qui se désintéresse des illusions du moment et des promesses de l'avenir, pour n'obéir qu'à la patrie. Que de fois la légende, inscrite en tête des armoiries de notre bonne ville Fidoei servandoe exemplum, a-t-elle dû rappeler à Gazan sa conduite patriotique, dans l'épisode que nous tirons du manuscrit mentionné ! Remis en activité de service en 1815, notre capitaine, sous les deux Restaurations et le Gouvernement de juillet, est promu successivement chef d'escadron, lieutenantcolonel et colonel. C'est dans cette période de temps, favorable aux perfectionnements de notre matériel et à nos découvertes en artillerie, qu'on l'appelle comme directeur et inspecteur dans diverses manufactures d'armes, et que ses connaissances théoriques concourent à l'adoption de mesures pratiques dans la fabrication des pierres à feu pour les armes portatives, dans le classement des modèles perfec17 perfec17 246 NOTICES NÉCROLOGIQUES tionnés au dépôt central, dans l'essai des nouvelles armes à percussion et dans la construction des lamés de sabre et des cuirasses en acier fondu. En 1848, à l'avènement de la République, il est directeur d'artillerie à Toulon et investi, par intérim, du commandement du Var. De concert avec le commissaire du gouvernement, il prévient et combat les insurrections et rétablit l'ordre et la tranquillité, souvent troublés. En 1849, il est toujours à la direction d'artillerie de cette ville,, où la manière dont il a organisé et effectué l'expédition du matériel de siège, à Rome, lui vaut, de la part du ministre, les éloges les plus mérités et où il continue à jouir des sympathies de la population et de la confiance du gouvernement. Mais arrive 1851, triste date pour lui ! Il compte alors, trente-neuf ans de service, il est le plus ancien colonel de son arme, il figure, avec le n° 1, sur le tableau d'avancement et il attend, avec confiance, les épaulettes de général, qu'on accorde au n° 13, qui ne les attendait pas, bien certainement. Cette promotion, par un choix qui ne lui semble pas assez justifié, le fait renoncer à sa carrière. Il demande et motive sa retraite; on n'accorde pas sa demande; il insiste et, par la force des choses, il est rayé des cadres de l'armée. Le voilà rendu à sa ville natale et à la vie civile, mais non abandonné à l'inaction, qui n'est ni dans sa nature, ni dans ses habitudes, et c'est pendant près de trente ans de cette retraite, prise par lui avant l'heure, que nous avons pu connaître l'homme public et privé, le savant collaborateur et un véritable père dans les relations intimes de tous les jours. Animé sans cesse du besoin d'être tout à tous et de se rendre utile, il voit venir à lui, sans les rechercher, bien NOTICES NECROLOGIQUES 247 des emplois et bien des honneurs, non le bruit qui lui est antipathique, mais la renommée, que sa modestie voudrait éviter. Il est conseiller municipal, on le veut maire. Il conserve les premières fonctions et il refuse les secondes, très longtemps et très bien remplies par un ami de coeur et de vieille date, que certains courants tentent d'emporter et qu'entoure la confiance de la majorité de la population ; et cet ami, en considération de ces sentiments et de ces aptitudes administratives, lui cède moralement l'écharpe. Aussi, n'est-il pas une des attributions municipales, pas un de nos monuments publics, dont il n'ait eu souci et qui ne témoigne d'un utile dulci; mais, ce sont surtout les monuments, consacrés à former le coeur et l'esprit des générations nouvelles, qui ont été l'objet de sa permanente et paternelle sollicitude. Et ils sont nombreux, les anciens élèves de notre école municipale, de notre collége et du lycée de Nice qui, grâce à sa protection et à sa recommandation recommandation ont obtenu de l'avancement dans l'enseignement primaire, des positions dans l'industrie ou les arts, des grades universitaires, plus ou moins élevés. Il est à peine conseiller municipal et la confiance de ses concitoyens l'appelle tour à tour au conseil d'administration du collége, à la commission administrative de l'Hospice, à la direction de la Caisse d'épargne, à la délégation cantonale, la seule, entre parenthèses, qui ait fonctionné, même après l'annexion au comté de Nice, et fait des inspections trimestrielles et un rapport annuel sur les écoles du canton, enfin, à la présidence du conseil de fabrique, qui lui a été maintenue jusqu'à son décès. Ces témoignages d'intelligence, d'activité et de dévouement à la chose publique, dans l'exercice de ces fonctions multiples, et un fonds de sage libéralisme en politique, ne 248 NOTICES NECROLOGIQUES tardent pas à l'envoyer siéger dans deux assemblées départementales. Conseiller général de notre canton, d'abord dans le Var, puis dans les Alpes-Maritimes, il continue, en se désintéressant toujours de son ambition et des luttes des partis, à s'inspirer de nos intérêts matériels et moraux dans ces départements. Ses nombreux travaux originaux, produits aux sessions, les rapports, non moins nombreux, dont il est chargé au sein de ces assemblées, dans la commission de surveillance, dans celle d'examen de l'école primaire, dans celle de l'instruction et des bâtiments publics, toutes ces oeuvres sont frappées au coin de la considération et de l'estime générales et lui valent la rosette d'officier de l'Instruction publique. C'est bien le moment, puisque nous sommes au département annexé, de signaler le concours qu'en 1870, à l'ouverture de la guerre franco-allemande, il prête au colonel de Saint-Quentin, notre Commandant de place, de si honorable et si sympathique mémoire, pour l'organisation de la défense départementale, dans une population, que certains ferments de séparatisme poussent à l'insurrection. Si cette ardeur, toujours jeune, ne se consume point dans l'exercice de tant de fonctions simultanées, une infirmité physique, la. seule à son âge, une surdité de plus en plus prononcée, l'oblige à les résigner et lui rend impossibles les travaux en public, sans tarir la source de ses conversations, continuellement pleines de grâce, d'enjouement et d'érudition. Aussi, une autre retraite, encore laborieuse, a sonné pour lui et il la passe, dans le commerce avec ses livres et ses études de prédilection, l'astronomie et l'archéologie. Assidu aux cours d'Arago, pendant son séjour à l'Ecole NOTICES NECROLOGIQUES 249 polytechnique, il se passionne déjà pour les opinions de ce savant, à l'égard dé la constitution du soleil. Il y revient plus tard, ici même, et, s'inspirant des hypothèses émises sur la nature des taches solaires, par Wollaston, Faye, le P. Secchi, Jansen et autres, il conçoit une théorie nouvelle pour cette genèse, et la soumet à l'Académie des sciences, en 1873. Mais ce travail, malgré le crédit qu'il rencontre dans des articles de journaux, dans le Monde Illustré 1, dans la 2me édition du Ciel, par Guillemin, où on pourra en prendre connaissance, est confié, depuis plus de dix ans, aux soins d'une commission dont le rapport, toujours promis, est toujours à faire. Et cependant, ainsi que l'avoue un des astronomes précités, M. Jansen, à la fête du Centenaire, l'illustre Chevreul, encore de ce monde, le devoir des académiciens est de provoquer des travaux, d'exciter l'émulation, d'enregistrer les découvertes. » Espérons, avec les paroles autorisées de notre savant académicien, que le mémoire de notre vénéré collègue ne restera pas plus longtemps encommissionné 2 » comme on l'a dit avec raison et émettons le voeu que se réalise un jour, pour sa théorie, l'épigraphe de son travail Etsi tarda, tandem surgit veritas» c'est-à-dire que la vérité, sur la formation et la nature des taches solaires, trouve en lui son prophète. Ces laborieux et savants loisirs ne sont pas les seuls qu'il consacre à ses études favorites. Depuis plus de vingt ans, dans une ville et une région où les anciens grecs et romains ont laissé tant de preuves de leur vie privée ou publique, il est sans cesse occupé à chercher, à découvrir, à connaître quelque vieille épave ; et c'est dans son ca1. ca1. 900, 11 juillet 1874, p. 26, par Eug. Millier. S. Monde Illustré, loc. citat. 250 NOTICES NECROLOGIQUES binet, cellule d'un chartreux de l'art, que sont entassés des amphores, des urnes cinéraires, des coupes, des lacrymatoires, etc., dont le sort à venir n'est pas encore connu. Ce bûcheur érudit nous a inspiré, à nos moments de loisirs, le goût et l'étude de l'archéologie, et, ensemble, nous avons collaboré à des travaux, parmi lesquels, par déférence et reconnaissance pour le maître, le disciple croit devoir mentionner La Restitution d'une inscription gothique à Gap, mémoire adressé, en 1867, au Congrès archéologique de Paris, qui vaut aux auteurs leur admission à la Société française de ce nom, offerte par M. de Caumont, son regretté directeur, et qui a été suivi, d'années en années, d'une série de travaux en commun, dont une médaille d'argent collective, décernée au Congrès de Montbrison en 1885 a bien voulu récompenser l'utilité; une Notice, envoyée à la Société' académique du Var, à Toulon, en 1876, sur notre découverte à Antibes en 1866, d'une inscript ion grecque, probablement d'origine phocéenne, et réellement unique en France jusqu'à ce jour et, jusqu'à ce jour aussi, enviée par le musée du Louvre, comme monument pour ainsi dire national 1. Pour cet esprit, si fertile en idées élevées, pour ce coeur si remué d'impressions vives et généreuses, la poésie et l'éloquence n'ont jamais été rétives. Qui ne se souvient, à Antibes, d'où elles ne sont pas sorties, de quelques-unes de ses pièces de vers français et surtout provençaux, à l'idiome du terroir, si chaudes de naturel et de couleur locale ? Qui peut oublier ses martiales harangues aux divers régiments qui, en 1859, passaient par notre ville 1. Actuellement, le Trocadéro et le musée d'Antibes, ont des épreuves du moulage assez bien réussi de cette insnription lapidaire, offertes par nous et le colonel Gazan, selon ses dernières intentions. NOTICES NÉCROLOGIQUES 251 et allaient combattre pour une nation; démblogiquement soeur et amie de la nôtre ? Qui n'a été ému jusqu'aux larmes, en 1870, du mâle et' patriotique accent de ses adieux, à un régiment de notre garnison, partant pour la frontière ? Et naguères, durant les fêtes données, dans nos murs, au valeureux et désormais légendaire» 2° bataillon. du 111e, dont le numéro, comme on l'a dit spirituellement, signifie 1er pour la tenue, 1er pour la discipline, 1er pour la bravoure, notre vénéré collègue n'a-t-il pas retrouvé, dans une chaleureuse improvisation, au milieu de ses frères d'armes, ses idées et ses sentiments d'autrefois ? C'était plus qu'une grande intelligence, c'était un grand. coeur, au service du bien pour le bien lui-même, une nature privilégiée, douée d'abnégation et d'impersonnalité, pour appartenir aux autres en affection, en dévouement, en services de tout genre. Quand on a mené une vie pareille, on peut la quitter sans crainte, comme le sage de l'antiquité, et rendre une belle, âme à Celui, de qui on la tient, avec les croyances et les convictions que la raison affirme, autant que la foi chrétienne. C'est avec cette auréole d'euthanasie, que s'est éteinte cette brillante intelligence, insénescente 1 » jusqu'à la dernière heure, d'après l'expression de ce physiologiste; qu'a fini cette vigoureuse existence que le temps, les infirmités et la maladie ne semblaient avoir respectée, que pour la rendre plus utile à elle et autour d'Ile. C'est moins d'un mortuus est que d'un vixit, que se composerait son épitaphe, si elle était conçue, à la manière 1. M. Lordat, professeur de physiologie à l'Ecole de Médecine de Montpellier. 252 NOTICES NECROLOGIQUES de ces formules funéraires, dont nous faisions ensemble l'étude. Gazan a donc bien vécu et il vivra, longtemps et glorieusement encore, pour sa ville natale, pour la société, pour les sociétés savantes auxquelles il appartenait, et pour la nôtre surtout, dont il était un des fondateurs et membre honoraire, et où il laisse un bel héritage d'exemples et d'enseignements. Il a bien vécu, comme Doyen des Colonels de France, ainsi qu'il s'appelait dans ses dernières années, en dédommagement d'une promotion qui devait venir à temps et à bon droit, et ce sentiment de satisfaction personnelle sera mis en regard de la modestie, plus rare, d'un académicien qui, à part ses nombreux titres, s'est souvent contenté et honoré de celui de Doyen des Etudiants de France 1. Et sa mémoire, dans sa carrière militaire et civile, aura aussi à son heure, bien que plus modeste, la célébrité dont jouit déjà, de son vivant, l'illustre Chevreul. Antibes, 12 février 1887. Dr MOUGINS DE ROQUEFORT. 1. De M. Chevreul, comme on le lui a dit fréquemment, pendant les fêtes de son centenaire, auxquelles il a eu le privilège d'assister, au mois d'août 1886. JOURNAL DE BORD DU BAILLI DE SUFFREN DANS SON EXPÉDITION DES INDES publié par M. HENRI MORIS avec Préface DE M. LE VICE-AMIRAL JURIEN DE LA GRAVIÈRE Membre de l'Académie Française et de l'Académie des Sciences A M. HENRI MORIS Archiviste du Département des Alpes-Maritimes Monsieur, Je croyais posséder tous les documents qui pouvaient me permettre d'apprécier à sa juste valeur l'admirable campagne du bailli de Suffren dans l'Inde. Le journal de bord que vous venez de me communiquer me prouve que ma moisson n'était pas complète. Tous les marins vous seront reconnaissants de cette publication, dont la place est marquée d'avance dans nos bibliothèques de bord. J'ai présidé, il y a déjà vingt-un ans, à l'inauguration de la statue de Suffren à Saint-Tropez. Je me fais un véritable plaisir de mettre à votre disposition le discours que je prononçai à cette occasion. Vous y trouverez le résumé des services du plus illustre des hommes de mer qu'ait, à mon sens, jamais produit la France. Si vous pensez que ce résumé puisse, en quelque sorte, servir de préface à votre journal de bord, je vous autorise pleinement à en faire l'usage qui vous paraîtra utile a la gloire du grand marin dont j'ai toujours vénéré la mémoire. Les journaux de bord sont, de tous les documents, les plus sincères. On n'en saurait trop encourager la publication. Agréez, etc. Le Vice-Amiral, E. JURIEN DE LA GRAVIERE. DISCOURS PRONONCE A SAINT-TROPEZ LE 4 AVRIL 1866 Par le Vice-Amiral JURIEN DE LA GRAVIÈRE A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA STATUE DU BAILLI DE SUFFREN MESSIEURS , ....C'est au château de Saint-Cannat, dans le canton de Lambesc 1, que naquit, le 17 juillet 1729, le troisième fils du seigneur de Saint-Tropez, le célèbre bailli de Suffren. Ses ancêtres ont porté le nom de votre ville ; les flots de votre golfe ont bercé son enfance ; il était naturel que vous eussiez la pensée de consacrer par un monument ce précieux souvenir. Je ne vous raconterai pas les combats du bailli de Suffren, vous les avez tous présents à la pensée, vous connaissez tous ses exploits et ses campagnes. Ce que je voudrais vous faire admirer avec moi, — car rien dans ce grand homme ne fut plus admirable, — c'est le patriotisme qui, jusqu'à sa dernière heure, inspira tous les actes de sa vie, La paix de 1763 lui avait laissé au coeur une blessure. Paix honteuse, s'écrie-t-il, qui ne saurait être pardonnable qu'avec le ferme dessein de saisir la première occasion de nous venger. » Ces occasions-là ne manquent pas aux grandes nations qu'on humilie. 1. Département du Var. DISCOURS 257 La France, cependant, attendit quinze ans. La puissance de l'Angleterre était alors à son apogée. Cette puissance, Suffren ne se contente pas de vouloir l'abaisser ; il la nie avec assurance. L'Angleterre, écrit-il, n'a jamais été forte que par la faiblesse et l'ineptie de nos gouvernements. » La guerre éclate enfin ; Suffren accourt. Ne le cherchez pas ailleurs qu'au premier rang. C'est lui qui, sous les ordres du comte d'Estaing, forcera l'entrée de la rade de Newport; c'est lui qui, au combat de la Grenade, conduira notre avantgarde au feu. Mais bientôt la fortune lui ouvre une plus large arène. Le 20 mars 1781, il part de Brest avec cinq vaisseaux; quelques jours après, l'Angleterre apprend que l'escadre destinée à s'emparer du Cap a été attaquée dans la baie de La Praya et réduite pour plus d'un mois à l'impuissance. Suffren arrive dans les mers de l'Inde, précédé de la crainte qu'a déjà su inspirer son audace. La mort de M. d'Orves l'investit du commandement en chef; c'est une campagne d'Annibal qui commence. Quatre fois dans l'espace de huit mois cet homme héroïque qu'aucun danger n'effraye, qu'aucune fatigue ne lasse, se jette à corps perdu au milieu des flottes anglaises. Il parcourt en vainqueur des parages où notre pavillon, avant lui, craignait de se montrer, et pourtant ces triomphes répétés n'ont encore fait naître que des regrets dans son âme. Il est affreux, écrit-il au Ministre, d'avoir pu quatre fois détruire l'escadre anglaise et de penser que cette escadre existe toujours. » Tout Suffren est dans ces paroles. Il compte pour rien et sa vie et sa gloire. Ce qui le touche, c'est la gloire de son Roi et la grandeur de son pays. Entouré d'ennemis, près de succomber sous le nombre, son désespoir éclate en un cri sublime Couvrez mon vaisseau de pavillons blancs ! » Assailli de murmures 258 DISCOURS et de plaintes, à court de munitions, sans agrès et sans mâts de rechange, exposé même à manquer de vivres, il s'obstine à rester au poste où les intérêts de la France l'enchaînent. La France, lui écrit le Ministre, a perdu l'Inde deux fois par le désir immodéré de revenir aux Iles, et jusqu'à vous aucun commandant des escadres du Roi n'avait eu la force d'y résister. » Pour rester dans les mers de l'Inde, Suffren a conquis Trinquemalé ; il est allé passer l'hivernage à Achem. C'est ainsi qu'il peut, dès le mois de mars, débarquer M. de Bussy et son armée sur la côte de Coromandel ; mais bientôt il apprend que cette armée, battue, est assiégée dans Gondelour. Il sort de Trinquemalé ; il se porte avec quinze vaisseaux, montés par des équipages affaiblis, à la rencontre de dix-huit vaisseaux anglais. Supérieure en force, l'escadre anglaise est aussi supérieure en vitesse. Il lui dispute et lui gagne le vent, la contraint à plier après trois heures d'un combat opiniâtre, et la tient en respect jusqu'au moment où elle se décide à faire route pour Madras. Notre ascendant sur mer n'a jamais été si complet. C'est le moment où la nouvelle de la paix signée en Europe suspend les hostilités dans l'Inde. Les campagnes de Suffren sont finies. Je vous ai montré ce grand homme, Messieurs, tel qu'il m'est apparu dans les dépêches qu'il a tracées de sa propre main, précieuses reliques, trésor de nos archives, que je n'ai jamais pu toucher sans émotion. Vous semble-t-il qu'après tant de services il ait acquis le droit de remercier les Dieux? Combien d'autres, à sa place, — je parle des plus modestes — monteraient au Capitule. Depuis dix-huit mois il maintient son escadre sur des côtes où le sort des armes ne nous avait pas laissé un refuge ; il a, par cette persistance, regagné la confiance des princes indigènes, DISCOURS 259 habitués à être abandonnés presque aussitôt que compromis ; il a livré cinq combats heureux. La France l'applaudit et l'admire, et l'Europe tout entièrer a pour lui les yeux de la France. La tristesse, cependant, semble avoir envahi son coeur. C'est qu'il fallait reconquérir l'Inde, et l'Inde va rester aux Anglais. Plaignez-moi, Monseigneur, écrit-il au marquis de Castries, mais plaignez l'Etat encore plus. » Le ministre et le roi se montrèrent plus disposés à le récompenser qu'à le plaindre. Suffren obtint, dans cette seule campagne, le grade de chef; d'escadre, celui de lieutenant général et une charge de vice-amiral qui fut; créée tout exprès pour lui. Le marquis de Castries reçut aussi le prix de son zèle. Louis XIV lui accorda le bâton de maréchal. Suffren, comblé des faveurs de la Cour, mourut le 8 décembre 1788, à la veille des premiers troubles de la Révolution. Il avait assez vécu, car son nom, rival des plus grands noms que nous ait légués notre histoire, devait Tester à jamais gravé dans nos fastes. La marine française l'invoque encore aux jours de combat, et la patrie reconnaissante prend plaisir à lui rendre; avec vous, un solennel hommage.... INTRODUCTION A la lettre pleine de bienveillants encouragements et aux pages éloquentes qui servent de préface à ce livre, nous croyons ne devoir ajouter que l'expression de notre respectueuse gratitude envers M. l'Amiral Jurien de la Gravière et quelques lignes relatives au Journal de bord que nous avons l'honneur de mettre sous les yeux du public. Ce document est conservé aux Archives du Département des Alpes-Maritimes 1. Il comprend 256 feuillets, divisé en cahiers de 20 à 30 pages chacun. Nous avons en vain cherché par quelle voie ce journal est venu aux Archives des Alpes-Maritimes. Il est à présumer qu'il a été saisi parmi les papiers d'un officier de marine émigré à Nice, lors de l'entrée des Français dans cette ville en 1792. Les historiens, les hommes de mer, les curieux trouveront là une source abondante de renseignements intéressants, sur cette expédition des Indes, qui a mis le Bailli de Suffren au premier rang des marins français. H. M. 1. Série F, 4. JOURNAL DE BORD DU BAILLI DE SUFFREN VENDREDI 2. — Le vent au S. O., temps brumeux. A 3 heures après-midi, le vaisseau le Héros est sorti du port pour aller en rade. A 6 heures 3/4, nous avons mouillé l'ancre d'affourche. Par les 8 heures, fond de sable et gravier. Nous nous sommes affourchés N. O. et S. O. La nuit, même vent; temps brumeux. SAMEDI 3. — Le vent au Sud, temps couvert. Le vaisseau le Sphinx est venu mouiller en rade l'après-midi. DIMANCHE 4. — Calme, temps couvert. Les vaisseaux le Pluton et l'Artésien sont venus mouiller en rade. LUNDI 5.— Vent variable du Sud au S. O. MARDI 6. — Même temps. MERCREDI 7. — Calme. L'équipage du vaisseau le Héros a passé à bord du Zélé, et celui de ce vaisseau est venu à notre bord ; l'échange s'est fait dans la matinée. Les vaisseaux la Bourgogne et le Scipion sont venus mouiller en rade l'après-midi. Le vent a passé à l'Est. A 3 heures, flamme d'ordre. JEUDI 8. — Le vent à l'Est. Le vaisseau l'Annibal est venu mouiller en rade, et le Guerrier s'est toué pour entrer dans le port. 18 Mars 1781. L'escadre se forme dans le port de Brest. 262 JOURNAL DE BORD Mars 1781. VENDREDI 9.— Calme. A 6 heures 1/2, nous avons guindé nos mâts de hune et nos basses vergues pour passer nos manoeuvres courantes. Les vaisseaux le Zodiaque et le Guerrier sont entrés dans le port. La nuit, vent variable de l'E. S. E. au S. S. O. SAMEDI 10. — Le vent à l'E. S. E., presque calme dans la matinée. Il est entré un convoi dans la matinée, venant de Bordeaux, escorté par le sloop le David, commandé par M. Dombideau, lieutenant de vaisseau. Entré un marchand suédois, qui a salué le général de sept coups de canon ; il lui en a été rendu un. Toute la nuit, même vent. DIMANCHE 11. — Au jour, calme; temps brumeux. A 5 heures, le vent a passé dans la partie du N. E. LUNDI 12.— Le venb à l'Est, beau temps. A 10 heures, flamme d'ordre. L'après-midi, il est entré une partie d'un convoi venant de Bordeaux, escorté par la frégate la Gloire; le reste du convoi a mouillé dehors. Revue de l'escadre par le marquis de Castries, ministre de la guerre. MARDI 13. — Le vent à l'Est, beau temps. A 1 heure après-midi, M. le marquis de Castries, ministre de la marine, est arrivé dans la ville. La ville l'a salué de quinze coups de canon; toutes les troupes de la garnison étaient sous les armes. Le général a été lui rendre visite, accompagné du capitaine et des officiers de son armée. Le reste du convoi, escorté par le vaisseau Fier-de-soi, a mouillé dans la journée. MERCREDI 14. — Le vent à l'Est, beau temps. A 9 heures, signal de pavoiser. Le ministre a été dîner à bord du général. A 3 heures, tous les vaisseaux, ayant fait leur branle-bas, ont fait l'exercice à feu de cinq coups par canon, ce qui a fait beaucoup de bruit dans la rade, pendant une demi-heure. Aussitôt après, signal d'appareiller. Lorsque M. le marquis de Castries a débordé du vaisseau du général, il a été salué de dix-sept coups de canon, et tous les vaisseaux l'ont salué de trois cris de Vive le roi !» A 5 heures, le général a tiré un coup de canon de départ et déferlé le petit hunier. JEUDI 15.— Le vent à l'Est, presque calme. Nous avons reçu ordre de débarquer le détachement du régiment de Bourbon, pour embarquer celui d'Austrasie. Toute la nuit, même temps. VENDREDI 16. — Calme. A 8 heures, passé la grande revue. On a donné trois mois d'avance et un de gratification. Après-midi, le vent a passé au N. E. ; beau temps; même vent la nuit. SAMEDI 17. — Au jour, le vent au N. E. Le général a tiré un second coup de canon de départ. Dans la journée, il est arrivé un DU BAILLI DE SUFFREN 263 convoi venant de Lorient, escorté par le vaisseau l'Amphion, de 50. Même vent pendant la nuit. DIMANCHE 18. — Le vent au N. E. ; beau temps. Le général a tiré le troisième coup de canon de départ. Le soir et pendant la nuit, vent à l'Ouest 1. LUNDI 19. — Calme, temps brumeux. Le général a tiré un coup de canon à 5 heures; il a salué M. le marquis de Castries de dix-neuf coups de canon et tous les vaisseaux l'ont salué de cinq cris de Vive le roi ! » La nuit, même temps. MARDI 20. — Calme presque toute la journée. MERCREDI 21. — Au jour, temps couvert. A 11 heures, la brume s'est dissipée ; les vents ont passé de l'E. N. E. au N. E. ; même temps pendant la nuit. JEUDI 22 Le vent au N. E., faible. A 7 heures, le général a fait signal de désaffourcher; à 10 heures, signal d'embarquer les bâtiments à rames; à 11 heures, signal d'appareiller. L'Hercule, en appareillant, nous est tombé dessus; nous ne nous sommes fait aucun mal dans l'abordage. A 3 heures, nous avons été sous voiles. En dehors du Mingau, nous avons mis en travers pour embarquer nos bâtiments à rames. A 4 heures, l'armée et le convoi, au nombre de 130 bâtiments, ont été sous voiles. Au coucher du soleil W. N. O. 22°; la pointe de Saint-Mathieu, Nord 1/4 N. E. 1° Est; l'ile Beniguet, N. O. 1° Nord; les PierresNoires, Ouest 1/4 N. O. 1° Nord corrigé. 1. M. de Suffren adressait, le 18 mars, de Brest, la lettre suivante à sa parente, Mme de Seillans Je n'ose pas t'apprendre, ma chère amie, quelque chose qui va te chagriner. Je vais dans l'Inde, commandant une division de cinq vaisseaux. M. de Castries me l'a donnée de la meilleure grâce du monde et d'une manière très flatteuse; mais il ne fait pas ce qu'il devrait faire il ne me fait pas chef d'escadre et je ne commanderai que jusqu'à la jonction, y ayant un ancien dans l'Inde. A la vérité, il y aura onze vaisseaux, et la moindre circonstance heureuse peut me mettre à la tête d'une belle escadre et y acquérir de la gloire, cette fumée pour laquelle on fait tant de choses. Je ne sçais si la campagne sera très-longue, mais nous serons au moins dix-huit mois, et je doute qu'à moins de prise riche, elle me rende de l'argent. M. de Castries ne semble estre ici que pour nous presser; tout se fait à la hâte. Il y a une consolation, c'est d'estre loin des sottises que l'on fera ; nous n'aurons part qu'aux nostres, c'est encore assez. D'Albert avait autant d'envie de venir avec moi que j'en avais de l'avoir; M. de Grasse s'y est opposé et l'a emporté. J'ai le coeur navré d'estre pour si longtemps loin des parents et amis. Les choses qui paraissent supportables de loin sont affreuses de près. Dans la mer des Indes, j'aurai les honneurs de chef d'escadre et prérogatives ; je viens de l'apprendre dans le moment. C'est un secret que je n'ai pas même dit aux parents.» Lettre publiée par M. Ortolan, Monit. Univers., 5 nov. 1859. Mars 1781. La flotte est sous voiles. Dénombrement des vaisseaux et leur destination. 264 JOURNAL DE BORD Mars 1781. A la même heure, le général a signalé la route pour la nuit à l'Ouest. Le vent à l'E. N. E., joli frais, sous les huniers amenés sur le tou. LIGNE DE BATAILLE DE L'ARMÉE COMMANDÉE PAR M. LE COMTE DE GRASSE Escadre bleue et blanche Le Languedoc 80 canons Capne d'Arras Le Citoyen 74 » cuivré » d'Ety Le Glorieux 74 » cuivré » d'Escars L'Auguste 80 » cuivré » Bougainville Le Souverain 74 » cuivré » Glandèves Le Diadème 74 » » Monteclair La Médée 36 » » Girardin Escadre blanche Le Zélé 74 canons Capne Préville Le Scipion 74 » cuivré » Claveau Le Northumberland 74 » cuivré » Briqueville La Ville de Paris 100 » cuivré » Cte de Le Sceptre 74 » cuivré » Vaudreuil L'Hector 74 » » d'Aleins Le Magnanime 74 » » Le Bègue La Diligente 26 » » de Mortemar Le Pandoure — — — » de Grasse-Limermont Escadre bleue La Bourgogne 74 canons cuivré Capne Charitte Le Vaillant 64 » » Marigni Le Marseillais 74 » » Castellane Le César 74 » » d'Espinouse Le Saint-Esprit 80 » cuivré » Chabert L'Hercule 74 » cuivré » Turpin Le Pluton 74 » cuivré » d'Albert de Rioms L'Aigrette 26 » » de Traversay DU BAILLI DE SUFFREN 265 Escadre légère Le Héros 74 canons cuivré Capne le chev. de Suffren L'Annibal 74 » » Trémigon, cadet Le Vengeur 64 » cuivré » Porbin L'Artésien 64 » cuivré » Cardaillac Le Sphinx 64 » cuivré » du Chilleau La Fortune 18 » » de Lusignan ATTACHÉS AUX DIFFÉRENTS CONVOIS Pour les Iles Le Sagittaire 50 canons Capne La Bourdonaye L'Union — — — Le Minautaure — — — » du Clesmar La Sensible — — — L'Indiscrète — — — La Dédaigneuse — — — Pour Cayenne Le Lively 18 canons Capne du Brignon Pour le Sénégal Le Clairvoyant 14 canons cutter » Latullaye VENDREDI 23. — Le vent à l'E. N. E., joli frais. Pendant la nuit, cargué le grand hunier et le perroquet de fougue. A 8 heures, mis en travers, sondé et trouvé 80 brasses, fond de sable et coquillages. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues 1/3 au S. O. 1/4 Ouest 3° 5'. — Lat. observée 47° 25'; longit. arrivée 9° 1'. La Roche de la Chapelle nous restant à l'Ouest 5° Nord, 6 lieues de distance. A 2 heures, signal à toute l'armée de mettre en panne. Signalé la route à l'Ouest 1/4 S. O. du compas. Toute la nuit, nous avons gardé les huniers sur les cargues. SAMEDI 24. — Le vent à l'Est, joli frais. Route à l'Ouest 1/2 S. O. Parlé, le matin, à un bâtiment de notre convoi la Sainte-Anne, qui avait eu son beaupré emporté dans un abordage. Mars 1781 266 JOURNAL DE BORD Mars 1781. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 28 lieues au S. O. 5° Ouest. W. N. O. 22°. — Lat. observée 46° 31'.; longit. arrivée 10° 36'. Le cap Ortegal nous restant au S. 1/4 S. E. 2° S., distance 56 lieues. Parlé, l'après-midi, à un parlementaire espagnol, qui a passé au milieu de l'armée. Gouverné toute la nuit à l'Ouest 1/4 S. O., la plupart du temps à sec, pour attendre les bâtiments marchands. DIMANCHE 25. — Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route à l'Ouest 1/4 S. O. A 7 heures, signal de naviguer à la distance d'un câble. Nous avons reçu ordre par une corvette de répéter les signaux. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 40 lieues au S. O. 2° Ouest. W. N. O. 22°. — Lat. observée 45° 10'; longit. arrivée 12° 43'. Le cap Finistère nous restant au 2° Sud, distance 47 lieues. A 6 heures, signal au convoi de forcer de voiles. Route pendant la nuit à l'Ouest 1/4 S. O., le petit hunier sur le tou, faisant de temps en temps tomber la misaine. LUNDI 26. — Le vent à l'E. S. E., joli frais; temps brumeux. A 6 heures, le général nous a fait signal de chasser en avant et de ne point perdre de vue l'escadre. Forcé de voiles et mis bonnettes hautes et basses. A 10 heures, levé chasse et mis en travers pour attendre l'armée. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 35 lieues au S. O. 5° Ouest. W. N. O. 21°. — Lat. observée 44° 2'; longit. arrivée 14° 37'. Le cap Finistère nous restant à l' 4° Sud, distance 45 lieues. A 5 heures, il est venu à bord un canot de l'Artésien. A la même heure, nous avons gouverné à l'O. S. O. du compas. A minuit, le vent à l'E. N. E., frais, par rafales et grains et petite pluie, restant sous les huniers amenés. MARDI 27. — Le vent à l' frais; temps couvert. A 6 heures, signal aux bâtiments de l'arrière de forcer de voiles. A 8 heures, signal au convoi de mettre en panne. Une frégate a signalé un bâtiment visité neutre. A 11 heures, signal de faire servir. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 33 lieues au S. O. 4° Sud. W. N. O. 22°. — Lat. observée 42° 47' ; longit. arrivée 16° 6'. Le cap Finistère nous restant à l'Est. 2° Nord, distance 64 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 267 A 4 heures, signal de serrer les distances. Signalé le mot de guet. Continué la nuit la même route, le vent à l'E. N. E., frais. MERCREDI 28. — Le vent au N. E., frais ; temps couvert. Route à l'O. S. O. du compas Au jour, vu un bâtiment suédois, qui a été visité par la Fortune. A 7 heures, signal au convoi de passer à bâbord du général. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 36 lieues au 3° Sud. W. N. O. 21°.— Lat. observée 41°3'; longit. arrivée 18° 10'. Le cap Finistère nous restant à l'E. N. E. 3° Nord, distance 103 lieues. On a visité l'après-midi un autre bâtiment suédois. Toute la nuit, route au S. O. 1/4 Ouest du compas, toutes voiles carguées. JEUDI 29. — Le vent à l'E. N. E., frais; temps couvert; même route. A 9 heures, le général nous a fait signal de passer à poupe ; il a donné ordre à M. le chevalier de Suffren de continuer sa route. A 10 heures, nous avons mis en travers et fait signal de ralliement à notre division et à notre convoi 1. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 33 lieues au 5° Ouest. W. 21°.— Lat. observée 39° 36'; longit. arrivée 19° 10'. Le cap de Roque nous restant à l'Est. 1/4 S. E. 3° Est., distance 13 lieues. A 1 heure, nous avons fait servir et signalé la route au du compas et donné signal au convoi de forcer de voiles. Au soleil couché, vu encore l'armée. Même temps pendant la nuit, gouverné toutes les voiles serrées au S. S. O. VENDREDI 30. — Le vent au N. N. E., presque calme. Au jour, nous nous sommes trouvés ralliés au nombre de dix-neuf bâtiments les cinq vaisseaux de guerre le Héros, l'Annibal, le Vengeur, le Sphinx et l'Artésien, — et la Fortune ; les huit marchands le Grand-Bourg, la Sainte-Anne, le Maurepas, le Brisson, l'Union, l'Espérance, les Trois-Amis, et la Paix, — et l'Abondance, navire suédois chargé pour le compte du roi. Nous avions de plus avec nous le cutter le Clairvoyant, commandé par M. de la Tullaye, escortant cinq petits bâtiments pour le Sénégal, où il allait relever le gouverneur et la garnison. Vu encore l'armée à 4 lieues dans l'Ouest. 1. Le comte de Grasse, avec vingt vaisseaux, prit la route des Antilles. Suffren avait pour mission de protéger le Cap contre les attaques d'une flotte anglaise, sous les ordres du commodore Johnston. Mars 1781. Séparation de la flotte du comte de Grasse et de la division de Suffren, qui fait route pour le Cap de Bonne-Espérance. 268 JOURNAL DE BORD Mars 1781. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 16 lieues au Sud 4° Ouest. W. N. O. 20°. — Lat. observée 38° 48' ; longit. arrivée 19° 15'. Madère nous restant au Sud, distance 119 lieues. L'après-midi, le vent a varié du Nord au N. O., joli frais. Toute la nuit, route au S. S. O. du compas, sous les huniers. SAMEDI 31. — Le vent au N. O., frais ; temps couvert ; grains et pluie. A 9 heures, la Fortune ayant signalé un bâtiment, on lui a donné ordre de le chasser. Dans la matinée, le vent a varié au S. O. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 24 lieues au Sud. 1° Est. W. N. O. 19°. — Lat. observée 37° 38' ; longit. arrivée 19° 14'. Madère nous restant au Sud, distance 94 lieues. A 6 heures, tiré un coup de canon et jeté des fusées pour faire rallier l'Artésien et la Fortune, qui chassaient un bâtiment. A 10 heures, ils nous ont rejoints. Grain et pluie pendant la nuit. Avril 1781. DIMANCHE 1er avril. — Le vent a varié du N. E. à l'E. N. E., frais; temps couvert; grains et pluie par intervalle. Gouverné au S. S. O. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 31 lieues au Sud 4° Ouest. W. N. O. 19°. — Lat. observée 36° 5'; longit. arrivée 19° 20'. Madère nous restant au Sud, distance 64 lieues. A 1 heure, signal de ralliement. Pendant la nuit, même temps ; gouvernant au S. S. O. ; bordant de temps en temps notre petit hunier. LUNDI 2. — Le vent à l'E. N. E., bon frais ; grains et pluie par intervalle. Gouvernant toujours au S. S. O. Le matin, il est mort un soldat de la marine. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 39 lieues au Sud 1/4 1° Sud. W. 18°.—Lat. observée 34° 9' ; longit. arrivée 19° 31'. Madère nous restant au Sud 5° Ouest, distance 25 lieues. A midi, signalé la route au 1/4 Sud du compas. A 6 heures, mis en travers, tribord amures, pour attendre le convoi. La nuit, même vent et même route, gouvernant à sec. Vu l'île de Madère. MARDI 3. — Le vent au N. E., joli frais ; temps clair. A 3 heures du matin, nous avons découvert l'île de Madère de l'avant à nous. A 4 heures, nous avons mis le cap au et en avons fait le signal. DU BAILLI DE SUFFREN 269 Au lever du soleil, la pointe S. O. de Madère au S. E. 1/4 Sud 4° Sud, distance 2 lieues 1/2. A midi, relevé la pointe Ouest de Madère au 4° Nord, distance 8 lieues. W. 18°.- Lat. observée 32° 15' ; longit. arrivée 19° 45'. Le vaisseau le Vengeur, ayant parlé à des pêcheurs pour s'informer s'ils avaient connaissance d'une escadre anglaise, a cru comprendre dans leur langue qu'elle était déjà passée. Au coucher du soleil, relevé la pointe de l'île de Madère au Nord 1/4 Distance 16 lieues. Pendant la nuit, vent au N. N. O.; route au S. S. O. dû compas, sous les huniers aux bas ris. MERCREDI 4. — Le vent au N. O., joli frais ; temps clair. A 5 heures, donné ordre à la Fortune de chasser un bâtiment de l'avant à nous. Depuis hier, le relèvement du coucher du soleil, à midi aujourd'hui, la route corrigée a valu 30 lieues au Sud 4° Ouest. W. 18°. — Lat. observée 30° 51' ; longit. arrivée 19° 56'. Pendant la nuit, même temps ; courant sous les huniers aux bas ris. JEUDI 5. — Le vent au N. N. O., temps couvert. A 6 heures, fait signal de mettre en panne. Appelé à bord les canots des vaisseaux l'Annibal et le Sphinx. Nous avons débarqué dix soldats de la marine, que nous avons donnés au Sphinx. A 10 heures, signal de faire servir. A 11 heures, signal au cutter de passer à poupe. Le capitaine est venu à bord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui la route corrigée a valu 19 lieues au Sud 5° Ouest. W. N. O. 17° 30'. — Lat. observée 29° 5'; longit. arrivée 20° 2'. L'île de Palma nous restant au Sud, distance 22 lieues. Pendant la nuit, même temps. Route au S. S. O. VENDREDI 6. — Le vent a varié du Nord au N. N. E., temps couvert. Au jour, nous avons découvert l'île de Palma, nous restant au S. O. 1/4 Sud, distance 10 lieues. Les courants paraissent nous avoir portés huit lieues dans l'Est depuis Madère, par la route que nous avons faite et par laquelle nous aurions dû atterrer dans l'Est de l'île de Palma. Route à l'O. S. O. 5° Sud du compas, et, à 8 heures, à l'Ouest 1/4 S. O. A 11 heures, venu à bord le canot du Vengeur avec un officier. À midi, relevé le pic de Ténériffe, S. E. 1° Sud ; la pointe Est de l'île de Palma, Sud 5° Ouest corrigé. W. N. O. 18° 20. — Lat. observée 29° 14'; longit. arrivée 20° 15. Avril 1781. Vu l'île de Palma. 270 JOURNAL DE BORD Avril 1781. A 2 heures, le capitaine du Sphinx est venu à bord. Au soleil couché, relevé la pointe de l'île de Palma au S. S. O., distance 6 lieues. Gouverné pendant la nuit au S. O., le vent au N. N. E., frais. SAMEDI 7. — Le vent a varié du Nord à l'E. N. E., presque calme ; temps couvert. A 5 heures, mis en travers pour attendre un bâtiment du convoi. Au lever du soleil, relevé la pointe N. O. de l'île de Palma à l'Est 1/4 S. E. corrigé, distance 5 lieues. A 9 heures, nous avons fait servir. A midi, relevé la pointe N. O. de l'île de Palma à l'Est 1/4 N. E. corrigé, distance 8 lieues. W. N. O. 18°. — Lat. observée 28° 38' ; longit. arrivée 20° 36'. Au coucher du soleil, relevé la pointe de Palme au 4° Est corrigé, distance 7 lieues. Pendant la nuit, petites fraîcheurs du Nord. Route au S. O. 1/4 Sud. DIMANCHE 8. — Vent variable du S. O. à l'Ouest, presque calme. Jusqu'à midi à 9 heures, mis en panne pour faire rallier le convoi. A 10 heures, fait servir. Le capitaine de l'Artésien est venu à bord. A midi, relevé la pointe de l'île de Palma, distance 5 lieues, Nord 1/4 N. O. 4° Est ; le pic de Ténériffe, Est 2° Sud. ; le milieu de l'île de Gomera, Est 1/4 S. E. 4° Sud; la pointe N. E. de l'île de Fer, S. E. corrigé. W. N. O. 16° 30'. — Lat. observée 28° 18' ; longit. arrivée 20° 16'. Après-midi, le vent a varié de l'E. N. E. au N. N. O., joli frais. Au coucher du soleil, relevé la pointe N. O. de l'île de Palma au N. N. E. 5° Nord corrigé, distance 8 lieues. Pendant la nuit, gouverné au Sud, le vent à l'E. N. E. LUNDI 9. — Le vent au Nord, temps couvert. A 6 heures, le cutter avec les bâtiments de son convoi, s'est séparé de nous et a fait route pour le Sénégal. A 8 heures, rendu notre manoeuvre indépendante et tenu le plus près du vent les amures à tribord. A 11 heures, viré de bord et rallié l'escadre. Il est mort un matelot. A midi, relevé la pointe N. O. de l'île de Fer à l'Est 5° Nord corrigé, distance 8 lieues. W. N. O. 16°. — Lat. observée 27° 40'; longit. arrivée 20° 34'.. A 2 heures, mis le cap au S. O. 1/4 Sud. Au coucher du soleil, relevé le milieu de l'île de Fer au N. E. 1/4 Est, distance 12 lieues. Pendant la nuit, même vent et même route. MARDI 10. — Le vent a varié du N. E. au N. N. E., joli frais. DU BAILLI DE SUFFREN 271 A 6 heures, rendu notre manoeuvre indépendante. Nous avons tenu le plus près bâbord amures. A 9 heures, reviré et rallié l'escadre. Depuis le relèvement d'hier au soir à midi aujourd'hui, la route corrigée a valu 25 lieues au Sud 1/4 S. O. 4° Ouest. W. N. O. 14° 47'. — Lat. observée 26° 28' ; longit. arrivée 20° 56'. L'île de Fer nous restant au N. N. E. 5° Est, distance 29 lieues. A 8 heures, fait route au S. O. 2/4 Sud du compas. Toute la nuit, même vent et même route, courant sous les huniers amenés. MERCREDI 11. — Le vent au joli frais. Route au 1/4 Sud. A 9 heures, mis en travers pour laisser rallier les bâtiments de l'arrière. Donné ordre au Sphinx de prendre à la remorque le navire la Sainte-Anne, qui nous faisait trop perdre de chemin. A 10 heures, fait mettre la flotte en panne. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 33 lieues au Sud 1/4 S. O. 3e Ouest. W. 14° 30'.—Lat. observée 24° 52'; longit. arrivée 21° 22'. Le cap Barbas nous restant au S. E. 1/4 Sud 3° Est, distance 68 lieues. A 7 heures du soir, M. le vicomte de Sourches, colonel en second du régiment d'Austrasie, est mort. La nuit, même vent et même route, courant sous le petit hunier. JEUDI 12. — Le vent au N. E., joli frais ; temps clair. A 7 heures, on a fait les obsèques de M. le vicomte de Sourches ; on lui a rendu les honneurs dus à un colonel employé. A 9 heures, on a amarré un soldat de la marine pour avoir volé. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 48 lieues au Sud 1/4 S. O. 3° Ouest. W. N. O. 13°. — Lat. observée 22° 30' ; longit. arrivée 22° 1'. Le cap Barbas nous restant à l'Est 1/4 S. E. 3° Est, distance 131 lieues. A 1 heure, fait route au S. S. O. du compas. La nuit, même route. VENDREDI 13. — Le vent au N. E., joli frais. A 6 heures, signal au convoi de se rallier. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 49 lieues 2/3 au Sud 1/4 S. O. 3° Sud. W. 14°. — Lat. observée 20° 2' ; longit. arrivée 22° 25'. L'île de Sel nous restant au 1/4 Sud, distance 86 lieues. Nous nous sommes trouvés par la hauteur 5 lieues plus au Sud que l'estime. Route au S. S. O. du compas. La nuit, même vent courant sous le petit hunier. Avril 1781. 272 JOURNAL DE BORD Avril 1781. SAMEDI 14. — Le vent au N. E., joli frais ; temps couvert. A 9 heures, signal d'étalinguer les câbles. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 48 lieues au Sud 1/4 S. O. 1° Sud. W. N. O. 13°. — Lat. observée 17° 40' ; longit. arrivée 22° 53'. L'île de Bonavista nous restant à l'O. S. O., distance 49 lieues 1/2. Route au S. S. O. le reste de la journée et pendant la nuit. Vu l'île de Bonavista. DIMANCHE 15. — Le vent au N. N. E., frais. A 9 heures, M. le chevalier de Suffren, étant décidé à relâcher à Santiago, tant pour y faire prendre de l'eau à quelques vaisseaux, que pour y réparer des avaries qu'avaient les navires l'Espérance et la Sainte-Anne, a fait mettre le cap à l'Ouest 1/4 N. O. du compas, pour aller atterrir sur Bonavista. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 37 lieues au S. S. O. W. N. O. 13°. — Lat. observée 15° 56' ; longit. arrivée 23° 34'. L'île de Bonavista nous restant à l'Ouest, distance 25 lieues. A 4 heures, nous avons découvert l'île de Bonavista. Signal de ne pas se conformer à notre manoeuvre et nous avons forcé de voiles. A 5 heures 3/4, la pointe Nord de l'île de Bonavista au N. O. 4° Sud, et la pointe Sud à l'O. N. O. 2° Sud, distance 8 lieues. Au coucher du soleil, relevé la pointe Nord au N. O. 1/4 Nord, et la pointe Sud à l'Ouest 1/4 4° Nord, corrigé ; distance 6 lieues. A 7 heures, nous avons mis en panne pour attendre le convoi. A 9 heures, fait route au S. O. du compas. Toute la nuit, même vent et même route. Vu l'île de Mayo puis l'île Santiago. LUNDI 16. — Le vent au N. N. E., joli frais; temps couvert. A 4 heures, nous avons vu l'île de Mayo et mis le cap au 1/4 Ouest du compas. Au soleil levé, relevé la pointe N. E. de l'île de Mayo au N. E. 1/4 Nord 3° Nord ; la pointe Sud au S. O. 1/4 Ouest, distance 1 lieue, le tout corrigé. A la même heure, signal à l'escadre et à la flotte de se préparer à mouiller. Nous avons donné l'ordre à la Fortune de chasser en avant et d'aller reconnaître la rade ; mais l'Artésien ayant demandé à chasser, on l'en a chargé, et la Fortune a eu ordre de faire l'arrièregarde et de ne mouiller qu'après le dernier bâtiment de la flotte. Elle avait ordre aussi de dire aux vaisseaux de prendre des distances un peu considérables, pour ne point se gêner en mouillant. A 6 heures, signal d'affoureher avec une petite ancre. A 8 heures 3/4, l'Artésien DU BAILLI DE SUFFREN 273 nous a fait signal que les bâtiments aperçus étaient ennemis ; il en a signalé en même temps quatre. Nos vigies les ont bientôt aperçus quatre étaient mouillés à la Praya et un sous voile. Nous avons vu de dessus le pont les quatre bâtiments mouillés en tête de la baie, et un brick sous voile, qui faisait route pour le mouillage. Nous avons fait signal d'ordre de bataille ; mais, par une erreur, ayant signalé l'ordre renversé pour l'ordre naturel, nous avons aussitôt amené le premier et viré le dernier; et, en même temps, signal de serrer la ligne, dont nous avons pris la tête. L'Annibal était près de nous, l'Artésien un peu sous le vent, le Vengeur et le Sphinx étaient encore loin dans nos eaux. Nous fîmes alors signal de forcer les voiles. À mesure que nous avons accosté la terre au vent du mouillage, la pointe nous a caché les vaisseaux; mais nous les avons bientôt découverts en approchant et nous avons reconnu cinq vaisseaux de guerre, ayant l'yacht à queue rouge à poupe, et l'un d'eux le guidon rouge aux grands mâts, trois frégates et environ trente-cinq à quarante bâtiments de convoi, ce qui ne nous a pas donné de doute que ce ne fût la division du commodore Johnston, destinée pour l'Inde, et que nous savions, par des neutres que nous avions visités, partie de Plymouth avant nous. Nous commencions alors à approcher le mouillage. Nous étions sous les huniers amenés, que nous faisions même saccager, et nous voyions avec peine qu'à l'exception de l'Annibal et de l'Artésien, qui n'étaient pas bien loin, les deux autres ne nous approchaient que très lentement. Nous aurions voulu les attendre ; mais, en mettant en panne, nous craignions de tomber sous le vent du mouillage et des ennemis et d'être obligés de courir du bord pour nous relever. Cette manoeuvre, d'ailleurs, eut donné aux Avril 1781. Bâtiments aperçus à la Praya; on se prépare au combat. 274 JOURNAL DE BORD Avril 1781. ennemis le temps de se reconnaître et de se préparer en cas d'affaire, ce que M. de Suffren voulait éviter. Combat de la Praya. Il se décida à commencer l'attaque, espérant être imité par les autres. A 11 heures, arborant le pavillon de poupe et le guidon, nous avons donné dans la baie, faisant feu des deux bords au milieu des bâtiments de guerre et de convoi, et nous avons mouillé par le travers d'un 74, à deux tiers de câble de distance. En présentant au vent, nous nous sommes trouvés aborder avec un bâtiment marchand, dont huit hommes sont montés à bord par le sabord de la première batterie ; mais, en filant du câble nous avons débordé. Notre feu était des plus vifs, ainsi que celui des ennemis. L'Annibal avait mouillé un peu de l'avant et partageait avec nous le feu des bâtiments de guerre et celui de la mousqueterie des transports chargés de troupes, qui nous incommodait beaucoup. L'Artésien, qui se trouvait auprès de nous lorsque nous mouillâmes et qui nous avait passé de l'arrière, manoeuvra pour aborder un vaisseau de guerre 1; mais au moment où M. de Cardaillac ordonnait de mouiller, il fut tué d'une balle de fusil. Deux de ses gens avaient déjà sauté à bord de l'ennemi. L'ordre de mouiller n'ayant pas été exécuté et le vaisseau n'étant plus retenu, déborda l'anglais et fut tomber sur un transport avec lequel il dériva au large. Le second, qui commandait la première batterie, ne put être averti assez tôt pour remédier au désordre qui devait naturellement résulter de la mort du chef. D'ailleurs, il ne pouvait être instruit du dessein du capitaine. Il me semble que ces raisons devraient 1. Il paraît prouvé par la relation anglaise que ce n'était pas un vaisseau de guerre, mais la Fortitude, vaisseau de la Compagnie. DU BAILLI DE SUFFREN 275 engager les capitaines à placer leurs seconds sur le gaillard. En cas d'un pareil accident il serait à portée de connaître et de faire exécuter la manoeuvre ordonnée. Le Vengeur avait traversé les ennemis, en passant de l'arrière à nous, mais n'avait pas mouillé. Le Sphinx avait passé sous le vent de tous sans mouiller. Notre feu continuait toujours avec la même vivacité; mais nous souffrions beaucoup de celui des ennemis, qui n'était plus dirigé que sur nous et l'Annibal. Toutes nos manoeuvres étaient hachées; nos haubans et plusieurs boulets dans nos mâts nous faisaient craindre pour eux. L'Annibal ne nous paraissait pas moins maltraité; son mât d'artimon avait été coupé au-dessous des jauteraux. A midi, M. le chevalier de Suffren ne croyant pas pouvoir continuer le combat d'une manière aussi désavantageuse, voulut faire signal de couper le câble; mais toutes nos drisses coupées ne nous permirent pas de hisser le pavillon. Il donna ordre de couper, espérant que l'Annibal nous imiterait. Nous abattîmes sur tribord et dévadâmes. L'Annibal nous suivit bientôt, et déjà nous nous disposions à amariner dix à douze bâtiments anglais dévadés pendant le combat, lorsque nous eûmes la douleur de voir ce vaisseau, qui était à peine sorti de dessous le feu des ennemis, démâté de son grand mât et bientôt après de son mât de misaine. Notre convoi était en panne au vent, depuis le commencement du combat. Nous lui avions fait signal de forcer de voiles et de continuer sa route pendant que nous serions occupés à combattre l'ennemi, et au Sphinx de prendre. l'Annibal à la remorque. Les vaisseaux ennemis semblaient vouloir appareiller. Nous craignions qu'ils en voulussent à notre convoi; mais il forçait de voiles pour s'éloigner et nous espérions qu'il serait bientôt hors de portée. Avril 1781. 276 JOURNAL DE BORD Avril 1781. A 3 heures, les vaisseaux de guerre ont mis sous voile, au nombre de cinq vaisseaux, trois frégates et un cutter. Peu après nous avons vu tomber le petit mât de hune d'un des vaisseaux. Ils ont tenu le vent en ligne pendant une demi-heure ; ensuite ils sont arrivés sur nous en dépendant. La Fortune nous ayant joint, nous lui avons ordonné d'aller dire aux bâtiments de la flotte de continuer leur route pour leur destination et que nous ne pouvions plus les escorter ; nous lui avons aussi dit d'amariner un bâtiment désemparé qui était dans nos eaux, ce qu'il a exécuté. A 5 heures 1/2, signal de route au Sud. Le GrandBourg, bâtiment de la flotte, qui était venu précédemment prendre les ordres du capitaine et qui avait été dire au Sphinx de se presser dans sa manoeuvré, a repassé à poupe et a reçu ordre de continuer sa route pour sa destination. La prise faite par la Fortune a aussi demandé nos ordres. On lui a crié au porte-voix de nous suivre et de forcer de voiles ; mais, je ne sais pourquoi, elle est allée joindre la Fortune, qui faisait alors aussi route avec le convoi et sous le vent à nous. Un autre bâtiment de la flotte ennemie avait aussi été amariné par l'Artésien et faisait route avec le convoi. C'était un bâtiment de la Compagnie, nommé l'Hinchinbroock. A 5 heures 1/2, relevé la pointe N. E. de l'île Santiago, Nord 1/4 N. E., la pointe S. O. au N. N. O., à 5 lieues de terre. Les ennemis étaient arrivés sur nous en ligne de front et paraissaient vouloir nous attaquer. M. de Suffren fit alors signal d'ordre de bataille bâbord amures, et de se préparer à recommencer le combat, ce qui fut exécuté très promptement. Le Sphinx était en tête, ayant l'Annibal à la remorque, le Héros, le Vengeur et l'Artésien. Les ennemis n'étaient plus alors qu'à une portée et demie de canon; DU BAILLI DE SUFFREN 277 mais ils retinrent le vent et leur manoeuvre parut indécise ; ils conservèrent la même position et ne nous approchèrent plus 1. A 6 heures 1/2, notre convoi était à 3 lieues sous le vent et conséquemment hors d'insulte. A la nuit, nous avons allumé nos feux de hune et de payse; les ennemis n'en ont point mis. A 8 heures l/2, nous les avons perdus de vue. Nous nous occupions à changer nos voiles, à boutonner et à épicer nos haubans et manoeuvres, qui étaient presque tous coupés. A 9 heures 1/2, nous avons éteint nos feux et crié au Sphinx de faire route au S. S. E. Toute la nuit même route. MARDI 17. — Le vent au N. N. E., joli frais. Au jour nous n'avons eu connaissance ni des ennemis, ni de notre convoi. Nous avons travaillé à nous regréer. Tous nos haubans ont été coupés, à l'exception de trois. Deux mâts de hune et la vergue sèche sont hors de service. Plusieurs boulets dans nos mâts nous ont forcé à les tous jumeler. Nous avons eu 90 hommes hors de combat, dont 23 tués pendant l'affaire et 11 morts les jours suivants de leurs blessures. M. le Roy, capitaine de brûlot, a eu le bras emporté, et M. de Châtillon, lieutenant dans le régiment d'Austrasie, a été blessé d'une balle au bras. L'Annibal a eu 200 hommes hors de combat, dont 70 tués ou morts de leurs blessures. Du nombre des morts, 1. Voici ce qu'écrivait Suffren à Mme de Seillans, sur le combat de la Praya, dans une lettre datée de l'Ile de France, 5 décembre 1781 ..... La Praya pouvait et devait m'immortaliser ; j'ai manqué ou l'on m'a fait manquer une occasion unique. Avec mes cinq vaisseaux, je pouvais faire la paix et une paix glorieuse... Point du tout, ce combat est du nombre de ceux qui ne décident rien, qui se perdent dans la foule. L'on est blâmé, on approuve selon les affections, l'envie, le caprice et le hasard. » Ortolan, Monit. Univers., 5 nov. 1859. 19 Avril 1781, Perte générale. 278 JOURNAL DE BORD Avril 1781. sont M. de Trémigon, capitaine, commandant le vaisseau; M. de Thiolay, officier auxiliaire; M. de Mazan et M. de Mauni, officiers au régiment d'Austrasie ; MM. de Galles, de Kermadec, Rochemore et Vigni, garde de la marine, ont été grièvement blessés. Il est fâcheux qu'on doive le démâtement total de ce vaisseau et une aussi grande perte à M. de Trémigon. Persuadé fermement qu'on n'attaquerait pas les ennemis, il n'avait fait qu'un léger branle-bas. Des malades, des boeufs étaient encore dans les batteries et personne n'était à son poste, qu'on tirait déjà sur le vaisseau. On sent bien qu'il devint très difficile, pour ne pas dire impossible, de les y faire mettre sous un feu aussi vif et qui le devint encore plus, lorsque les ennemis s'aperçurent qu'on ne leur ripostait pas ou du moins très faiblement. Autant exposé que lui, on voit que notre perte fut moindre. L'Artésien, a perdu son capitaine, M. le chevalier de Cardaillac, et quatre hommes tués et 18 blessés. Le Vengeur et le Sphinx, . . Les trois vaisseaux ont très peu souffert dans leurs manoeuvres. Il est à présumer que, si les cinq vaisseaux eussent mouillé au milieu des ennemis, nous les aurions sûrement réduits. Rapport des prisonniers. Nous avons appris par les Anglais qui avaient sauté à bord, que cette escadre, commandée par le commodore Johnston, était partie d'Angleterre le 13 de mars et arrivée le 11 avril à Santiago. Seize bâtiments de transport, le vaisseau de guerre l'Isis et une frégate avaient été laissés, en passant à l'île de Mayo pour y faire leur eau et n'avaient joint l'escadre à la Praya que la veille du combat. Ils avaient aussi près de hommes de troupes, commandées par le général Meidwons, le même officier qui comman- DU BAILLI DE SUFFREN 279 dait à la vigie de l'île Sainte-Lucie, lors de l'attaque de cette île par M. d'Estaing 1. Il était public dans la flotte qu'ils allaient attaquer le cap de Bonne-Espérance.. Nous pouvons croire que notre attaque, quoique infructueuse, servira du moins à nous faire arriver avant eux au Cap et à mettre cette possession hollandaise en sûreté. Je ne crois pas que les dommages que nous avons causés aux vaisseaux de guerre et surtout au convoi puissent leur permettre de mettre sous voiles de dix à douze jours. Nous avons su que l'amiral d'Arby était parti des côtes d'Angleterre avec trente vaisseaux de ligne et un convoi pour ravitailler Gibraltar. A 9 heures, les vaisseaux l'Annibal et l'Artésien ont rendu les honneurs funèbres à leurs capitaines; ils ont arboré pavillon et flamme à un mât, ont fait trois décharges de mousqueterie et tiré des coups de canon de distance en distance pendant la cérémonie. Depuis le relèvement d'hier jusqu'aujourd'hui midi, la route corrigée a valu 33 lieues au S. S. E. 2° Sud. W. 13°. — Lat. observée 13° 7' ; longit. arrivée 21° l'. A 1 heure, signalé la route au S. S. B. A 2 heures 1/2, nous avons calé notre grand mât de hune. M. le commandeur s'est décidé, malgré le mauvais état de l'Annibal, à le mener avec lui, espérant trouver du bois de mâture au Cap. Pendant la nuit, même route, conservant le vaisseau l'Annibal remorqué par le Sphinx. Vent au frais. 1. Les vaisseaux et frégates de l'escadre anglaise étaient le Romney, de 50, commodore G. Johnston, capitaine R. Howe; — le Héro, de 74, capitaine Jame Hawker; — Jupiter, de 50, capitaine Paisley ; — Montmouth, de 64, capitaine James Alms ; — l'Isis, de 50, capitaine Sutton; —les frégates l'Active, de 32, capitaine Maokensie ; — le Jason, de 32, capitaine Piggott — la Diana, de 32, capitaine Burnaby ; — l'Infernal, brûtot, capitaine Darby ; — Terror, galiote à bombe, capitaine Wood-Rattel ; — Snake, cutter, capitaine Cléments ; — le San-Carlos, capitaine Boyle ; ce dernier était un vaisseau de 64, pris sur les Espagnols, qui avait été armé en flotte ; — le brûlot l'Infernal était le bâtiment que la Fortune avait amariné. Avril 1781. Route pour le cap de Bonne-Espérance. 280 JOURNAL DE BORD Avril 1781. MERCREDI 17. — Le vent au N. E., temps couvert. A 9 heures, ordre d'envoyer les chaloupes à bord de l'Annibal, avec des charpentiers, calfats et gens de manoeuvre, pour réparer les avaries et le regréer. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 35 lieues au S. E. 1/4 Sud 4° Sud. W. N. O. 11°. — Lat. observée 11° 38' ; longit. arrivée 24° 2'. L'après-midi, travaillé à jumeler notre grand mât et notre grande vergue. A 5 heures 1/2, signal de route au S. S. E. du compas. Même vent pendant la nuit. JEUDI 19. — Le vent au N. N. E., faible. A 6 heures 1/2, signal au Sphinx de chasser en avant. Le Vengeur a pris l'Annibal à la remorque. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 28 lieues 1/2 au S. E. 1/4 Sud 4° Est. W. 11°. —Lat. observée 10° 37' ; longit. arrivée 23° 9'. Dans la journée, nous avons travaillé à mettre en place les jumelles de notre grand mât et la grande vergue. Pendant la nuit, gouverné au S. S. E. ; même vent. VENDREDI 20. — Le vent au N. E., presque calme ; temps couvert. Au jour, nous avons travaillé à notre mât d'artimon, qui a été fort endommagé d'un boulet dans les barres ; on lui a mis une jumelle. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues au S. E. 1/4 Sud 5° Sud. W. N. O. 11°. — Lat. observée 9° 3' ; longit. arrivée 22° 38'. Resté en travers une partie de la soirée. L'Annibal a mâté son grand mât de hune pour grand mât. Pendant la nuit, presque calme ; vent au N. E. Route au S. S. E. du compas. SAMEDI 21. — Le vent au Nord, presque calme. Continué à travailler à remettre notre mât d'artimon en état et le regréer. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 15 lieues au S. E. 1/4 Sud 5° Sud. W. N. O. 10°. — Lat. observée 8° 53' ; longit. arrivée 22° 17'. A 3 heures, nous avons envoyé notre bateau à bord de l'Annibal. Vu dans la journée beaucoup de requins et de bonites. Pendant la nuit, route au S. S. E. ; même vent. DIMANCHE 22. — Le vent au N. E., petit frais. Vu à 2 heures du matin, beaucoup d'éclairs dans la partie N. O. DU BAILLI DE SUFFREN 281 Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues au S. S. E. 3° Est. — Lat. observée 7° 54' ; longit. arrivée 21° 48'. Vu l'après-midi une grande quantité de poissons, requins et bonites. Nous avons envoyé à bord de l'Annibal. Pendant la nuit, même vent. LUNDI 23. — Le vent au Nord, petit frais ; temps couvert. Le matin, nous avons eu un grain de pluie. A 8 heures, nous avons envoyé notre canot à l'Annibal, avec une vergue de perroquet. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 27 lieues au S. E. 1/4 Sud 4° Sud. W. N. O. 10°. — Lat. observée 6° 43'; longit. arrivée 21° 8'. A 5 heures 50, éclipse de soleil. Le soir, nous avons eu un orage mêlé de pluie et, pendant la nuit, beaucoup d'éclairs dans le S. E. MARDI 24. — Le vent au Nord, presque calme ; temps clair. A 8 heures, signal au Sphinx de passer à poupe. A 9 heures, nous avons donné la remorque à l'Annibal et mis toutes voiles dehors. A midi, M. Daumartin, capitaine au régiment d'Austrasie, est tombé à la mer, de la galerie ; nous avions le bateau à la mer, il a été sauvé sur le moment. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 18 lieues au S. E. 1/4 Sud 5° Sud. W.. N, O. 11°. - Lat. observée 5° 54'; longit. arrivée 20° 14'. A midi 1/2, crié à l'Annibal de lâcher la remorque, à cause du calme. Même temps le soir et pendant la nuit. MERCREDI 25. — Calme, temps couvert ; orage, pluie et vent variable dans la matinée. A 8 heures, mis le bateau à la mer pour nous écarter du Vengeur. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 5 lieues au S. O. 1° Sud. — Lat. observée 5° 46' ; longit. arrivée 20° 49'. Le reste de la journée, presque calme à l'E. N. E. La nuit, même temps. JEUDI 26. — Calme, temps couvert. Éclairs dans la partie du S. E. Dans la matinée, nous avons pris deux requins. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 1 lieue 1/3. — Lat. observée 5° 42' ; longit. arrivée 20° 48'. L'après-midi, le vent a varié de l'O. N. O. à l'O. S. O. Orage, Avril 1781. Eclipse de soleil. 282 JOURNAL DE BORD Avril 1781. pluie et tonnerre. Le soir, le vent ayant passé au N. E. faible, nous avons gouverné au S. S. E. du compas. Pendant la nuit, beaucoup d'éclairs dans le S. O. VENDREDI 27. — Vent variable du Nord au N. N. O., faible. A 9 heures, travaillé à changer notre vergue de petit hunier, qui était cassée. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 10 lieues au S. E. 1/4 Sud 1° Sud. W. N. O. 11°. — Lat. observée 5° 18'; longit. arrivée 20° 33'. L'après-midi, pris deux sèches bien grosses. Calme et pluie presque continuelle. Le vent a varié au N. O., faible. SAMEDI 28.— Le vent a varié du Nord au N. O. Depuis 1 heure 1/2 à 2 heures, pluie et éclairs de tous les côtés. A 6 heures, nous avons mis en panne pour attendre l'Annibal, à qui nous avons donné la remorque. W. N. O. 11°. — Lat. observée 4° 6' ; longit. arrivée 20° 20'. A 5 heures, signal de faire route au Sud. Le vent a passé à l'Est, frais. Amené nos bonnettes. Éclairs dans la partie du S. O. DIMANCHE 29. — Vent variable du S. E. à l'Est. A 3 heures, calme. Fait larguer la remorque à l'Annibal. A 6 heures, le vent s'étant décidé au N. N. O., nous l'avons reprise. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues au Sud 1/4 S. E. 2° Sud. W. N. O. 9° 30'. — Lat. observée 3° 51'; longit. arrivée 20° 10'. A 9 heures, fait larguer la remorque à l'Annibal à cause du calme ; mis le bateau à la mer pour nous écarter. Pendant la nuit, temps couvert; petites fraîcheurs du N. E. LUNDI 30. — Variable du S. O. à l'O. S. O., presque calme. Au soleil levé, observé la variation. A midi, signal à l'Artésien de passer à poupe. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 8 lieues 2/3 au S. E. 1/4 Sud. W. N. O. 11° 30'. — Lat. observée 3° 29'; longit. 19° 56'. A 6 heures 3/4, donné la remorque à l'Annibal. A 10 heures, nous l'avons fait larguer. Presque calme la nuit, éclairs dans le S. E. Mai 1781. MARDI 1er MAI. — Le vent au S. O., faible ; temps couvert. Au jour, vent à l'O. N. O., presque calme. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a DU BAILLI DE SUFFREN 283 valu 12 lieues au S. E. 1/4 Sud. W. 10° 30'.— Lat. observée 2° 56'; longit. 19°38'. A 2 heures, le vent a varié au Nord. Mis le cap au Sud. 1/4 S. O. et en faisant le signal. Presque calme pendant la nuit. MERCREDI 2. — A 2 heures, le vent à l'O. S. O. Route au plusprès, amures tribord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 9 lieues au S. S. E. 3° Sud. — Lat. observée 2° 36'; longit. arrivée 19° 31'. L'après-midi, le vent a varié du Nord au N. E. ; grains, pluie, orage par intervalles. Même temps pendant la nuit. JEUDI 3. — Le vent a varié du N. E. au S. O. par l'Ouest. Temps couvert et orage. Presque calme jusqu'à 5 heures. Observé la variation. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 12 lieues au S. S. E. 3° Sud. W. N. O. 12°.— Lat. observée 2° 2'; longit. arrivée 19° 20'. Pendant la nuit même temps, tenant le plus près, amures tribord. VENDREDI 4. — Le vent a varié de l'Ouest à l'O. S. O., faible. Grains et pluie forte par intervalles. Le matin, le canot de l'Artésien est venu à bord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 13 lieues 2/3 au S. E. 1/4 Sud 1° Sud. —Lat. observée 1° 28' ; longit. arrivée 18° 57', Pendant la nuit, route au plus près, les amures à tribord. SAMEDI 5. — Le vent a varié de l'Ouest au S. S. O., faible ; temps couvert. A 6 heures, le vent ayant passé au S. S. E., signal de virer de bord, vent devant. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 8 lieues au 1/4 Est 5° Sud. — Lat. observée 0° 53'; longit. arrivée 18° 14'. Le soir, vent à l'Ouest, très faible ; calme pendant la nuit. DIMANCHE 6. — Vent variable du N. E. au S. E., presque calme ; temps clair. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 2 lieues au S. S. E. W. N. O. 11°. — Lat. observée 0° 46' ; longit. arrivée 18° 11. Après-midi, fait la cérémonie du baptême. A 3 heures, il nous a tombé un homme à la mer. Le nommé Cabace, matelot, s'y est jeté, Mai 1781. Route pour le cap de Bonne-Espérance. Le Baptême du tropique. 284 JOURNAL DE BORD Mai 1781. a pris le Salva nos et l'a conduit jusqu'à cet homme, qui ne savait pas nager; il l'a établi dessus et on a été le chercher avec le bateau. Pluie l'après-midi. Pendant la nuit, le vent au S. S. E., petit frais. Route au plus près, les amures à bâbord. LUNDI 7. — Le vent a varié du S. E. au S. S. E. Temps couvert et pluie à 9 heures. Nous avons viré de bord et pris les amures à tribord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la. route corrigée a valu 11 lieues au S. O. 5° Sud. W. N. O. 10°.— Lat. observée 0° 21' ; longit. arrivée 18° 32'. A 1 heure, pris les amures à bâbord. Route au S. O. 1/4 Sud du compas. Pendant la nuit, même amure, même vent. MARDI 8. — Le vent a varié de l'Est au S. E., joli frais ; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 14 lieues au S. S. O. — Lat. observée 0° 19' ; longit. arrivée 18° 48'. A 2 heures, M. Le Roy, capitaine de brûlot, qui avait eu le bras emporté au combat du 16 avril, est mort de sa blessure ; on lui a rendu les honneurs dus à son grade, Pendant la nuit, même temps ; grains par intervalles. MERCREDI 9. — Le vent variable du Sud au S. S. E., petit frais. Envoyé le matin à bord de l'Annibal. A 11 heures, nous lui avons donné la remorque et embarqué notre bateau. Le capitaine du Vengeur est venu à bord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues au S. O. 5° Ouest. W. N. O. 9°. — Lat. observée 0° 55' Sud ; longit. arrivée 19° 32'. Pendant la nuit, grains et pluie ; même vent. Route au 1/4 Sud du compas. Route pour le cap de Bonne-Espérance JEUDI 10. — Vent variable du Sud au S. S. E., joli frais ; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 25 lieues au 2° Ouest. — Lat. estimée 1° 47'; longit. arrivée 20° 28'. Pendant la nuit, même vent ; grains et pluie par intervalle. VENDREDI 11. — Le vent au S. S. E., frais ; temps couvert ; grains et pluie dans la matinée. Nous avons pris trois thons, vu plusieurs oiseaux. DU BAILLI DE SUFFREN 285 Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 49 lieues 1/3 au S. O. 4° Ouest. W. N. O. 9°. — Lat. observée 2° 31 ; longit. arrivée 21° 25'. Même vent pendant la nuit. Route au plus près, bâbord amures. SAMEDI 12. — Le vent au S. E., joli frais ; beau temps. Route au S. S. O. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 32 lieues au 1/.4 Sud 2° Sud. — Lat. observée 3° 50 ; longit. arrivée 22° 21. Pendant la nuit, même temps clair. Route au plus près, bâbord amures. DIMANCHE 13. — Le vent au S. S. E. Temps couvert. Au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 37 lieues au S. O. 1/4 Sud. W. N. O. 8°. — Lat. observée 5° 30'; longit. arrivée 23° 10'. Pendant la nuit, même vent et même route. LUNDI 14. — Le vent a varié du S. S. E. au Sud , joli frais. Nous avons pris les amures à tribord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 18 lieues au S. O. 4° Sud. — Lat. observée 6° 11'; longit. arrivée 23° 46'. L'après-midi, le vent ayant passé au S. E., joli frais, nous avons viré de bord, vent arrière et pris les amures à bâbord. Pendant la nuit, même route. Le vent a varié à l'E. S. E., faible. MARDI 15. - Le vent a varié du S. E. à l'E. S. E., petit frais; temps couvert. Envoyé, le matin, le bateau à bord de l'Annibal ; le capitaine est venu dîner à bord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues 3/4 au Sud, 1/4 S. O. — Lat. observée 7° 9'; longit. arrivée 23° 58'. Pendant la nuit, le vent a varié à l'Est. Route au Sud du compas. MERCREDI 16. — Le vent à l'Est, petit frais ; temps clair. Route au Sud 1/4 S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 24 lieues au Sud, 3° Est. W. N. O. 6° — Lat. observée 8° 21' ; longit. arrivée 23° 55. L'après-midi, bonnettes hautes et basses, remorquant toujours Mai 1781. 286 JOURNAL DE BORD Mai 1781. l'Annibal. Le soir, le vent à l'E. S. E. nous les avons amenées. Pendant la nuit, même vent et même route. Route pour le cap de Bonne-Espérance. JEUDI 17. — Le vent à l'Est, joli frais ; temps clair, belle mer. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 32 lieues au Sud, 5° Ouest. — Lat. observée 9° 58' ; longit. arrivée 23° 51. Pendant la nuit, le vent a varié jusqu'au S. S. E., joli frais. Couru le plus près du vent, les amures à bâbord. VENDREDI 18. — Le vent a varié de l'Est au S. S. E., joli frais; temps clair. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 32 lieues 1/3, au Sud 1/4 4° Ouest.— Lat. observée 11°32'; long, arrivée 24° 20'. Vu beaucoup de thons et poissons volants. Grosse mer du Sud. Pendant la nuit, même vent et même route. SAMEDI 19. — Le vent au S. E., joli frais ; route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 34 lieues au S. 3° N. O. 4°.— Lat. observée 13° 8' ; longit. arrivée 24° 54'. L'après-midi, venu à bord un canot du Vengeur avec un officier. Grosse mer du Sud. Pendant la nuit, même vent et même route. DIMANCHE 20. — Le vent a varié du S. E. au S. S. E., temps couvert ; grosse mer du Sud. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 25 lieues 1/2 au S. S. O. 4° Ouest. W. N. O. 20'. — Lat. observée 14° 17' ; longit. arrivée 25° 28'. Pendant la nuit, même vent; route au plus près, bâbord amures. LUNDI 21. — Le vent au S. S. E., joli frais ; temps couvert. Pris deux bonites. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 26 lieues 1/2 au S. O. 1/4 Ouest 4° Sud. W. N. O. 3°. — Lat. observée 15° 7'; longit. arrivée 26° 33'. Pendant la nuit, même vent ; grains et pluie par intervalles. MARDI 22. — Le vent a varié du Sud au S. E., joli frais ; grains et pluie. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a DU BAILLI DE SUFFREN 287 valu 26 lieues 1/3 au S. O. 1/4 Sud 3° Ouest. W. N. O. 2° 30. — Lat. observée 16° 11'; longit. arrivée 27° 23'. Vu, pendant la journée, beaucoup d'oiseaux rassemblés et de différentes sortes. Pendant la nuit, même vent et même route. MERCREDI 23. — Le vent au S. E., bon frais; pluie et grains. A 11 heures, le grelin de la remorque a cassé. Grosse mer du Sud ; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 26 lieues 1/4 au S. O. 1/4 Sud 4° Sud. W. N. 0. 2°. — Lat. observée 17° 21' ; longit. arrivée 28° l'. Vu, l'après-midi, quantité d'oiseaux rassemblés. Pendant la nuit, pluie et grains par intervalles. JEUDI 24.— Le vent a varié de l'Est à l'E. S. E., bon frais; temps couvert, grosse mer du Sud. Vu quantité d'oiseaux, gros comme des pigeons, blancs et le bout des ailes noir. Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 57 lieues au S. S. O. 4° Sud. W. N. O. 2°. — Lat. observée 18° 54'; longit. arrivée 28° 20'. L'après-midi, pris l'Annibal à la remorque. Pendant la nuit, nous trouvant à peu près par la latitude de l'île dé la Trinité, et en doute sur sa longitude et la nôtre, nous avons mis deux heures en panne. Pendant la nuit, même vent. VENDREDI 25. — Le vent à l'Est, joli frais; au jour, nous avons découvert l'île de la Trinité, à tribord de l'avant à nous. Au lever du soleil, relevé l'île au S. O. et l'îlot principal au Sud. Il en paraissait encore un autre. Nous avons passé entre l'île de la Trinité et les îlots, ne pouvant pas leur passer au vent. Il y a, dans l'Ouest de l'île, un mouillage où l'on dit qu'on peut faire de l'eau. Nous avons vu une quantité immense d'oiseaux, mais surtout une espèce grosse comme un ramier, le ventre blanc, tout le reste du Corps noir et deux longues plumes à la queue. A 10 heures 1/2, nous nous sommes trouvés entre l'île et les îlots au nombre de dix. L'île nous restant à l'Ouest, 1/4 5° Ouest, 3 lieues 1/2 de distance, et l'îlot principal à l'Est 5° Nord, distant 2 lieues 1/2. La latitude de l'île est exactement comme la marquent les cartes du Dépôt, 20°. Des observations de distance faites quelques jours avant a bord du Héros et de l'Artésien, s'accordant exactement, déterminent sa longitude à 31° 30'. M. Dapris l'a fixée à 32° 45', d'après le rapport de Mai 1781. Vu l'île de la Trinité. 288 JOURNAL DE BORD Mai 1781. M. Duponcel-la-Haye, officier de la Compagnie, qui, en 1760, commandant la frégate la Renommée, vit cette île et de là fit vent arrière jusqu'au cap Frio, en reconnaissant l'île de l'Ascension. Je crois qu'un milieu entre ces deux positions serait assez exact. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 35 lieues au Sud, 3° Ouest. W. N. O. 1°, — Lat. observée 20° 39'; longit. arrivée, corrigée d'après les observations 31° 30'. A 3 heures, le grelin qui servait à remorquer l'Annibal a cassé. A 4 heures, pris un ris dans chaque hunier. Pendant la nuit, vent frais de l'Est à l'E. N. E. par rafales; pluie et grains par intervalles. SAMEDI 26. — Le vent a varié de l'Est au N. E., bon frais. Route au plus près, les amures à bâbord. Au jour, nous avons vu le Vengeur sans vergue du grand hunier; il l'a remise dans la matinée. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 24 lieues au Sud 1/4 S. E. 5° Sud. W. N. O. 1°. — Lat. observée 22° 20'; longit. arrivée ; 31° 10'. L'après-midi, grains et pluie. L'Annibal se comporte très bien sans remorque. Nous sommes souvent obligés, pour le conserver, de mettre les quatre corps de voiles. Pendant la nuit, même vent et même route, au plus près, les amures à bâbord. DIMANCHE 27. — Le vent a varié de l'E. N. E. au N. E., bon frais ; temps couvert; grains et pluie. Grosse mer du S. E. A 11 heures, signal de ralliement. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 35 lieues 1/2 au S. E. 1/4 Sud 1° Sud. — Lat. observée 23° 48'; longit. arrivée 30° 13'. L'après-midi, le vent a varié au N. N. E., joli frais. Pendant la nuit, même temps. LUNDI 28. — Le vent au N. N. E., joli frais; temps clair. Route à l'E. S. E. du compas. A 10 heures, nous avons fait signal au Vengeur de nous passer à poupe. Nous avons mis en panne et envoyé chercher M. Joly, lieutenant de frégate, que M. le commandeur prend à son bord, homme pratique de l'Inde. M. Amiel, officier auxiliaire, va le remplacer à bord du Vengeur. A 11 heures, nous avons fait servir. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 37 lieues 1/2 au S. E. 1/4 Est, 3° Sud. —Lat. observée 24° 55'; longit. arrivée et observée 28° 34'. L'après-midi, nous avons pris l'Annibal à la remorque. Pendant DU BAILLI DE SUFFREN 289 la nuit, le vent au N. E. ; joli frais. Route au S. E. 1/4 Est, toutes voiles dehors. MARDI 29. — Le vent au Nord ; joli frais ; temps clair. Route au S. E. 1/4 Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 31 lieues au S. E. 3° Sud. — Lat. observée 26° 5' ; longit. arrivée 27° 24'. Le reste de la journée et pendant la nuit, même vent et même route. MERCREDI 30. — Le vent a varié du N. E. au Nord, joli frais; temps clair. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 34 lieues 1/2 au S. E. 1/4 Sud, 2° Sud. W. N. O. 1° 30'.— Lat. observée 27° 14'; longit. arrivée 26° 24'. A 2 heures, l'Annibal a lâché la remorque en nous criant qu'il avait un homme tombé à la mer. Il en a fait signal et tiré un coup de canon pour faire faire attention aux vaisseaux qui le suivaient. On n'a pas pu retrouver l'homme. Vu une baleine. Le reste de la journée et pendant la nuit, même vent et même route au plus près, bâbord amures. JEUDI 31. — Le vent au N. N. E., joli frais; beau temps ; belle mer. A 9 heures, nous avons mis la chaloupe à la mer, pour ôter de la cale notre ancre d'espérance et la mettre à la place de celle laissée à Santiago. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues au S. E. 1/4 Est 2° Est. — Lat. observée 28° 15'; longit. arrivée 24° 48'. Le reste de la journée et pendant la nuit, même vent et même route. VENDREDI 1er JUIN. — Le vent a varié du N. O. au Sud, joli frais; temps clair. A 11 heures, mis le bateau à la mer et envoyé à bord de l'Annibal. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues 2/3 au S. E., 1/4 Est 1° Est. W. N. O. 3°. — Lat. observée 28° 17'; longit. arrivée 23° 57'. L'après-midi, le vent a passé au grosse mer ; pluie et grains. Nous nous sommes mis au bas ris. Pendant la nuit, même vent; route au plus près, les amures tribord. Mai 1781. Route pour le cap de Bonne-Espérance Juin 1781. 290 JOURNAL DE BORD Juin 1781. SAMEDI 2. — Le vent au S. E., frais ; temps couvert; grosse mer. A 6 heures, signal de virer de bord vent arrière, et prendre les amures à bâbord. A 9 heures, nous avons dit à l'Annibal de larguer la remorque. Envoyé dire par l'Artésien au Sphinx de se rallier. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, le route corrigée a valu 19 lieues au N. E. ]/4 Est 5° Nord. W. N. O. 3° 30'. — Lat. observée 28° 11'; longit. arrivée 23° 5'. Pendant la nuit, route au plus près, bâbord amures. DIMANCHE 3. — Le vent a varié de l'E. N. E. au N. E., joli frais ; temps couvert. A 6 heures, cargué le grand hunier. Déchiré en larguant les ris. A 11 heures, nous avons signalé la route au S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 28 lieues au Sud 8° Est. W. N. O. 3° 50'. — Lat. observée 29° 36'; longit. arrivée 23° 1'. Pendant la nuit, même vent et même route. LUNDI 4. —Le vent a varié du N. N. E. au N. E., joli frais. A 7 heures, signalé à l'Annibal de nous passer à poupe ; nous l'avons pris à la remorque. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 33 lieues 1/3 au 1/4 Sud 1° 4°.—Lat. observée 30° 58'; longit. arrivée 21° 54'. L'après-midi, mis le cap à l'E. N. E. du compas. La nuit, même route. MARDI 5. — Le vent a varié du N. E. au N. N. E., frais. A 10 heures, l'Artésien a fait signal d'un homme à la mer ; il a été sauvé. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 34 lieues au S. E. 1/4 Est 4° Est. W. N. O. 4° 30'. — Lat. observée 30° 58' ; longit, arrivée 20° 12'. Pendant la nuit, même vent. Route au plus près bâbord amures. MERCREDI 6. — Le vent a varié de l'E. N. E. au N. N. E., frais, temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 38 lieues V3 au 1/4 Est 2° 6°.— Lat. estimée est 32° 57'. — longit. arrivée 18° 21'. Pendant la nuit, même vent. Route à l'E. S. E. du compas. JEUDI 7 . — Le vent a varié du N. E. à l'E. N. E., faible ; temps couvert et pluie. DU BAILLI DE SUFFREN 291 Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 72 lieues au S. E. 1/4 Est, 2° Est. W. N. O. 6°. — Lat. observée 33° 45' ; longit. arrivée 16° 36'. Pendant la nuit, même vent. Route au S. E. 1/4 Est du compas. VENDREDI 8. — Le vent a varié de l'E. N. E. au N. N. E., frais; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 30 lieues 1/2 au S. E. 1/4 Sud 4° Est. — Lat. observée 34° 57' ; longit. arrivée 15° 28'. Pendant la nuit, grains et pluie. Même vent et même route. SAMEDI 9. — Le vent au N. N. E., frais; temps couvert. Route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues 2/3 au S. E. 1/4 Est 4° Est. — Lat. observée 35° 41'; longit. arrivée 13° 58'. Pendant le reste de la journée et la nuit, même vent et même route. DIMANCHE 10. — Le vent au N. N. E., bon frais. A 6 heures 1/2 , le Vengeur a signalé un bâtiment étranger. Nous avons fait signal de chasse à tous les vaisseaux en continuant de garder l'Annibal à la remorque. A 9 heures, signal aux vaisseaux chasseurs de ne point perdre l'escadre de vue, et, aux vaisseaux les plus près de répéter les signaux. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 37 lieues 1/2 à l'Est 4° Sud. — Lat. observée 35° 49' ; longit. arrivée 11° 44'. A 2 heures 3/4, les vaisseaux chasseurs ont demandé à continuer la chasse; A 4 heures, signal de ralliement. Comme ils étaient à 5 lieues de nous, il n'a pas été vu et ils ont continué de chasser. A la nuit, nous avons mis des feux et tiré des fusées de distance en distance. A 8 heures, nous avons aperçu nos vaisseaux avec leur fanal de poupe. Nous avons mis alors le cap à l'Est du compas. Pendant la nuit, même vent et même route. LUNDI 11. — Le vent au Nord, frais ; temps couvert ; grosse mer du S. E. Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, là route corrigée a valu 81 lieues à l'Est 4° Sud. — Lat. observée 35° 59'; longit. arrivée 9° 1'. Juin 1781. 292 JOURNAL DE BORD Juin 1781, Après-midi, le Vengeur nous a passé à poupe et nous a dit qu'il croyait le bâtiment chassé hollandais, qu'il en était à 2 lieues en levant chasse. A 4 heures, mis les vergues de perroquet bas. Pendant la nuit, route à l'Est du compas. Même vent, grosse mer du S. E. MARDI 12 — Le vent a varié du N. N. O. au N. O., frais ; grains et petite pluie. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 45 lieues ]/2 à l'Est 1/4 N. E. 5° Est. — Lat. estimée 35° 45'; longit. arrivée 6° 14'. A 3 heures, nous avons largué nos ris aux deux huniers. Pendant la nuit, même vent. Route à l'Est 5° Nord du compas. Route pour le cap de Bonne-Espérance. MERCREDI 13. — Le vent à l'Ouest, faible ; temps brumeux. A 5 heures, nous avons mis les bonnettes hautes et basses. A 9 heures, dit au vaisseau l'Annibal de larguer la remorque, à cause du calme. Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 71 lieues 2/3 à l'E. N. E. 5° Est. — Lat. observée 35° 21' ; longit. arrivée, observée par des distances 4° 41'. A 1 heure, le vent ayant fraîchi au N. N. O., nous avons repris l'Annibal à la remorque. Pendant la nuit, même vent; route à l'Est 5° Nord du compas. JEUDI 14. — Le vent au N. O., frais ; temps clair; belle mer. Au jour, mis nos bonnettes hautes et basses. A 10 heures, signal de marche sur deux colonnes. Depuis lundi midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 119 lieues à l'Est 1/4 N. E. W. N. O. 14° 30'. — Lat. observée 34° 55' ; longit. arrivée 2° 19'. A 3 heures, le grelin qui nous servait à remorquer l'Annibal a cassé dans un grain; donné ordre au Sphinx de le prendre à la remorque. Comme il s'est laissé arriérer, il a tiré une fusée à 5 heures 1/2, en faisant servir. Pendant la nuit, même vent et même route. VENDREDI 15. — Le vent au N. O., frais ; temps couvert. A 7 heures, signal de faire route à l'Est 1/4 S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 50 lieues à l'Est 1/4 N. E. 2° Est. — Lat. observée 34° 31' ; longit. arrivée 5° 19'. A 2 heures, la remorque de l'Annibal a cassé. Nous avons mis en panne, et le Sphinx lui a reporté un autre grelin à bord. Pendant la nuit, même vent et même route. DU BAILLI DE SUFFREN 293 SAMEDI 16. — Le vent au frais; temps couvert. A 8 heures, nous avons mis le cap à l'Est 5° Sud du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 57 lieues 1/2 à l'Est 3° Nord. — Lat. observée 34° 30' ; longit. arrivée 8° 45'. Après-midi, la remorque de l'Annibal a cassé. Diminué de voiles pour le conserver. Pendant la nuit, même temps et même route. DIMANCHE 17. — Le vent à l'Ouest, joli frais ; temps couvert. A 7 heures, vu un bâtiment dans le N. E. Signal à l'Artésien et au Vengeur de le chasser, de ne pas perdre l'escadre de vue. Signal d'étalinguer les câbles. Depuis hier midi à là même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 45 lieues à l'Est. 1/4 N. E. 2° E. — Lat. observée 34° 8'; longit. arrivée 11° 30'. A 1 heure, l'Artésien a signalé un homme à la mer et mis en travers. A 2 heures, signal de ralliement. A 4 heures, mis le cap à l'E. S. E. 5° Sud du compas. La nuit, même route et même vent. LUNDI 18. — Le vent à l'Ouest, joli frais. A 7 heures, signal au Vengeur de nous passer à poupe. Temps clair. Route à l'E. S. E. 5° Sud du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 37 lieues 1/2 à l'Est 1° Sud. W. N. O. 21° 30'. — Lat. observée 34° 9'; longit. arrivée 13° 46'. A 4 heures, signalé la route au S. E. du compas. Presque calme pendant la nuit. Continué la même route. MARDI 19. — Le vent à l'Ouest, faible; temps couvert; route au S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues. — Lat. observée 34° 36' ; longit. arrivée 14° 19'. L'après-midi, signal aux vaisseaux le Sphinx et le Vengeur de chasser en avant, et, à la nuit, signal de ralliement. A 8 heures du soir, route à l'E. S. E. du compas. MERCREDI 20. —Le vent à l'O. N. O., frais. A 1 heure, signal de mettre en panne, tribord amures. Sondé sans trouver de fond. A 6 heures, signal de faire servir, et, peu après, vu la terre. Au lever du soleil, relevé la montagne de la Table E. N. É. 5° Nord.; la Croupe du Lion, distance 9 lieues, E. N. E. corrigé. En même temps, nous avons fait route à l'E. S. E. du compas 20 Juin 1781. Route pour le cap de Bonne-Espérance. 294 JOURNAL DE BORD Juin 1781. pour aller au mouillage de False-Bay. A 3 heures 3/4, nous avons fait nos signaux de reconnaissance, auxquels on n'a pas répondu. La Croupe du Lion avait un pavillon bleu. Nous avons vu un bâtiment au vent et un sous le vent. A 9 heures 3/4 , route au S. E. 1/4 Est. A midi, relevé L'île Robben, N. 5° Nord; le cap de BonneEspérance, distance 3 lieues, Est 1/4 N. E. 2° Est ; le cap' False, Est 5° Nord corrigé. A 1 heure 1/2, voyant un bâton de pavillon sur le Cap, nous avons tiré trois coups de canon, comme signal de reconnaissance. On ne nous a répondu par aucun signal. A 2 heures, M. le commandeur de Suffren, qui, pour la campagne, a les honneurs et prérogatives de chef d'escadre 1, a arboré le pavillon carré au mât d'artimon, qu'il doit garder au-delà du cap de Bonne-Espérance. Il a été salué d'un cri de Vive le roi ! » Nous avons passé à un mille du rocher appelé le Soufflet et en nous présentant à l'ouverture de False-Bay, les vents nous ont refusé et nous n'avons porté qu'à l'Est 1/4 N. E., au plus près, les amures bâbord. Il y a une roche sur laquelle s'est perdu le Cole-Brooke, vaisseau anglais, en 1778, et qui a été placée sur une carte anglaise à l'Est 1/4 N. E. du cap de Bonne-Espérance. A une lieue de distance, elle reste au N. E. du Soufflet. Il est prudent, si les vents ne vous permettent pas de passer très près de terre en dedans de cette roche, de ne faire valoir la route que le N. E. au plus, pour passer à 2 milles de cette roche, dont la position est encore incertaine. Nous avons louvoyé toute la soirée dans la baie pour attraper le mouillage. Le Sphinx, en virant de bord, a cassé le grelin qui lui servait à remorquer l'Annibal. Au coucher du soleil, relevé le cap de Bonne-Espérance, S. O. 1/4 Sud ; le cap False, S. E. 1/4 Est ; le mouillage, O. N. O. 5° Ouest corrigé. Mouillé à False-Bay. Le mouillage se distingue aisément par deux dunes de sable. A 10 heures 1/4 , le vent étant devenu très frais au avec grains et pluie, nous avons fait signal de mouillage. En virant de bord, nous avont déchiré notre grand hunier et le perroquet de fougue. A 11 heures 1/2 , nous avons mouillé par les 23 brasses, fond de sable 1. Lettre à Mme d'Alais. Voir la note de la page 263. DU BAILLI DE SUFFREN 295 et coquillages rompus. Passé la nuit au mouillage; nous y avons pris une très grande quantité de poissons. JEUDI 21. —Le vent au grains et pluie et rafales très fortes. A 3 heures, filé jusqu'à un câble et. demi. Au jour, nous ne nous sommes trouvés que quatre vaisseaux. Nous avons été dans la plus grande peine pour le Spihinx, dans la crainte qu'il n'eût donné dans quelque roche, pendant la nuit, en courant du bord. A 9 heurres 1/2, nous avons fait signal d'appareiller. Envoyé notre canot à bord de l'Annibal. Relèvement du mouillage le cap False, 3° Sud; le cap de Bonne-Espérance, S. O. 1/4 Ouest; le mouillage de Simons-Bay, distant 1 lieue 1/2 N. O. corrigé. A 10 heures, nous avons appareillé et trouvé notre câble fort endommagé. Nous avons louvoyé toute la soirée pour aller au mouillage de Simons-Bay. Nous étions inquiets de ne voir aucun signal de reconnaissance, quoique le pavillon fût arboré devant la maison du commandeur, lorsqu'à 4 heures, nous avons distingué sur la montagne où sont les dunes de sable un petit pavillon rouge sur un blanc. Signal convenu. A 6 heures, nous avons mouillé, dans Simons-Bay par les 10 brasses. Fond de sable fin. Relèvement du mouillage les rochers de. Romans-Gliff, Est 5° Sud ; l'île des Pingoins, S. E. 1/4 Est ; le milieu de l'Hôpital, O. S. O. ; le bâton de pavillon de la Montagne, N. N, O. 5° Ouest. Aussitôt que nous avons eu mouillé, M. Brand, commandant, accompagné de M. Gordon, commandant les troupes du Cap, sont venus féliciter le général sur son. arrivée. Nous n'avons trouvé dans la baie qu'un bâtiment danois de la Compagnie. A 8 heures, le Vengeur est venu mouiller auprès de nous. VENDREDI 22. — Le vent au S. O., bon frais; grains très forts, mêlés de pluie. A 4 heures, nous avons un peu chassé et tombé sur le vaisseau danois ; en même temps, nous avons calé nos mâts de hune. Le matin, nous nous sommes un peu plus enfoncés dans la baie et avons affourché N. E. et S. O. L'ancre du N. E. empennelée. A 1 heure aprèsmidi, le vaisseau l'Artésien est entré dans la baie; à 2 heures, il est venu mouiller dans la baie. Il a été obligé, dans la nuit du 20, de dévader en faisant vent arrière pour relever une ancre qu'il avait voulu mouiller et qui n'avait pas tenu. Pendant la nuit, vent-variable du S. O. à l'Est. Juin 1781. Mouillé à Simons-Bay. 296 JOURNAL DE BORD Juin 1781. Mouillé à Simons-Bay. SAMEDI 23. — Vent variable de l'Ouest au Sud, faible. Envoyé un officier à bord de l'Annibal qui, à 11 heures, a mouillé dans la baie de Simons. Pendant la journée, nous avons débarqué nos malades, que nous avons transportés dans l'hôpital. Comme il n'y avait pas assez de place pour tous ceux de l'escadre, nous avons dressé des tentes pour en loger une partie. L'établissement de Simons-Bay n'a été fait que pour les vaisseaux de la Compagnie, qui y viennent passer la mauvaise saison. Le gouverneur du Cap y a un assez beau logement, attenant à celui du commandant. Il n'y a d'ailleurs que cinq ou six maisons de particuliers et un grand magasin pour les effets nécessaires aux bâtiments de la Compagnie. DIMANCHE 24. — Le vent au S. S. E., presque calme. Le général est parti pour le Cap, afin de tâcher d'avoir le plus tôt possible les bois nécessaires pour remâter l'Annibal. Le matin, nous avons débarqué le régiment d'Austrasie et les cent hommes d'artillerie et une partie du régiment de Pondichéry. Il sont partis pour le Cap, où ils doivent servir de garnison. Le secours était attendu avec impatience. La frégate la Fine, arrivée le 12 mai et repartie le 24 pour l'Ile de France, avait annoncé le départ de l'escadre anglaise et de la nôtre avec un convoi, et l'on avait été dans la plus grande alarme de notre arrivée, dans la crainte que ce ne fût l'escadre anglaise. La garnison du Cap ne montait qu'à 400 hommes de troupes régulières et les canons de différentes batteries, à la réserve d'une douzaine de fonte, étaient tous presque hors d'état d'être tirés; de sorte que, si M. Johnston n'eût pas relâché à Santiago, ce qui l'aurait fait arriver quinze jours avant nous, il se serait sûrement emparé du Cap avec la plus grande facilité. Nous avons relevé avec nos troupes de la marine un poste de 50 hommes établi à Simons-Bay, qui ont été rejoindre la garnison du Cap. LUNDI 25. — Le vent au Sud, joli frais; temps clair. Le soir, le général est venu du Cap. Il n'y a trouvé que neuf pièces de bois pour le remàtement de l'Annibal, ce qui sera fort loin de lui suffire. MARDI 26. — Calme. Nous avons commencé à faire de l'eau; elle se prend à une fontaine à côté de Mayarin. On peut en faire jusqu'à 80 barriques dans 24 heures. On peut encore en prendre dans un ruisseau qui se jette dans la mer, un peu au-dessous de la maison du gouverneur. MERCREDI 27. — Calme. Le général a donné un ordre à M. de DU BAILLI DE SUFFREN 297 Ruyter, lieutenant à pied, de prendre le commandement du vaisseau le Héros. Envoyé, de grand matin, le bateau dans la rade de False pour y pêcher ; le poisson y est fort abondant. JEUDI 28. — Le venta varié de l'Est au N. O.; frais par rafales. M. Percheron de Mouchy, agent de France, est venu à bord. En descendant, il a été salué de sept coups de canon. VENDREDI 29. — Calme ; petites fraîcheurs dans la journée de la partie du Nord. SAMEDI 30. — Le vent à l'Est, faible; temps clair. Au jour, nous avons aperçu quatre bâtiments marchands ; nous leur avons fait les signaux de reconnaissance de notre convoi, et ils y ont répondu. A mesure qu'ils se sont approchés, nous les avons reconnus pour le Brisson, le Maurepas, les Trois-Amis et le Grand-Bourg. L'après-midi, ils ont mouillé dans Simons-Bay; ils nous ont salué de treize coups de canon et on leur en a rendu sept. Le soir, il est arrivé un bâtiment danois, venant de l'Inde ; il a été visité et les papiers ont été trouvés en règle. DIMANCHE 1er JUILLET. — Calme. Au jour, le bâtiment danois nous a salué de onze coups de canon ; nous lui en avons rendu cinq. Hier, M. de Beaulieu a été nommé au commandement du vaisseau l'Artésien; M. de la Bossière était venu la veille déclarer au général que l'état de sa fortune ne lui permettait pas de le garder. LUNDI 2.— Le vent au S. O., faible; temps couvert. L'autre partie du régiment embarqué sur les quatre bâtiments du convoi a été débarquée, ne laissant que deux ou trois malades; il est parti pour se rendre au Cap. Le général s'étant décidé à envoyer l'Artésien à False-Bay, pour y charger des vivres et des bois de mâture, qui ne peuvent venir par terre, on a envoyé des détachements de matelots à bord de ce vaisseau ; nous avons fourni 37 hommes. Travaillé à décharger le navire le Grand-Bourg de ses poudres, afin de l'envoyer aussi au Cap pour y être chargé. MARDI 3. — Le vent au Sud, joli frais. Calme pendant la nuit. MERCREDI 4. — Le vent au N. E., faible ; temps clair. A 2 heures du matin, le vaisseau l'Artésien a appareillé pour aller au Cap. Travaillé à faire du bois; il est très rare et difficile à faire ; nous avons trouvé sur la montagne au N. N. O. du mouillage. JEUDI 5. — Calme. Pendant la nuit, temps clair. Juin 1781. Juillet 1781. 298 JOPRNAL DE BORD Juillet 1781. VENDREDI 6. — Le vent au N. O., joli frais; temps couvert; pluie par intervalles. SAMEDI 7.— Le vent au N. N. O., joli frais ; temps couvert et pluie. DIMANCHE 8. — Le vent au N. O., faible; temps couvert. Dans la journée, nous avons travaillé à suspendre notre hune de misaine pour changer les barres maîtresses. A 4 heures, le Grand-Bourg est parti pour le Cap. LUNDI 9. — Calme, pendant la journée. A 4 heures du matin, notre canot est parti pour aller à la chasse des veaux marins, sur l'île de la Madeleine ; on en a tué une douzaine qui ont été enlevés par un coup de mer en les embarquant. MARDI 10. — Le vent au N. E., joli frais ; temps couvert; pluie par intervalles. MERCREDI 11. — Le vent a varié de l'O. N. O. à l'Ouest, faible. Nous avons envoyé sur l'île de la Madeleine notre canot à la recherche de celui du Vengeur, qui y avait été hier à la chasse des veaux marins. Il s'est perdu sur l'île ; heureusement tout le monde s'est sauvé sans accident et notre canot les a ramenés. Le canot et la chaloupe du Sphinx et le canot de l'Annibal se sont échoués à terre, en allant chercher du bois. JEUDI 12. — Le vent au N. E., frais; temps couvert; pluie toute la journée. VENDREDI 13. — Le vent à l'O. N. O., petit frais; temps couvert; pluie par intervalles. A 3 heures après-midi, le vaisseau le Sphinx, mouillé le plus en dehors, a signalé un bâtiment qui donnait dans la baie. SAMEDI 14. — Le vent au Sud, joli frais ; temps clair. Au jour, nous avons vu le bâtiment qui a paru hier, mouillé en dehors de l'île de Pingoins ; nous l'avons reconnu pour l'Espérance. On lui a fait signal d'appareiller et envoyé un officier avec des rafraîchissements. A 9 heures, il a mouillé dans la baie. Il avait à son bord 32 soldats de Pondichéry et deux officiers. DIMANCHE 15. — Le vent au S. E., faible; varié pendant la journée au N. O. Travaillé à embarquer des cordages provenant de l'Espérance. LUNDI 16. — Calme pendant toute la journée et toute la nuit. MARDI 17. — Le vent au N. O., presque calme; temps couvert. Travaillé à embarquer des cordages provenant du navire le Brisson. DU BAILLI DE SUFFREN 299 MERCREDI 18. — Le vent au S. S. E., petit frais; temps clair. Ordre de donner aux équipages une livre de viande de plus par jour. JEUDI 19. — Le vent au N. O., joli frais. A 3 heures après-midi, le Sphinoe a signalé un bâtiment qui donnait dans la baie de False. A 9 heures du soir, il a mouillé dans la baie de False ; il arrive chargé de vivres pour l'escadre et de bois de mâture pour l'Annibal. VENDREDI 20. — Calme au jour; pendant la journée le vent a passé au N. O., bon frais. Fait courir la bouline à un soldat de marine qui avait volé. Commencé à embarquer des vivres apportés par l'Artésien. SAMEDI 21. — Le vent à l'Est, faible ; temps clair. Travaillé pendant la journée à embarquer du vin. DIMANCHE 22. — Calme, temps couvert. Le vent a passé l'aprèsmidi au Nord et au N. O., petit frais. A 5 heures du soir, le général a reçu une lettre de M. de Plattemberg, gouverneur du Cap, qui lui mande qu'il apprend que l'escadre anglaise a mouillé dans la baie de Saldahna et que les bâtiments de la Compagnie qui y étaient se sont brûlés à l'arrivée de la Sylphide dans le mois de mars. Il y avait dans la rade de False-bay neuf bâtiments de la Compagnie, savoir Middelburgh, de Parel, Houhoôp, Horghaspel, de la Chine, Dankbuarahed, de Bengale, Margenster, Amsterdam, de Ceylan, Batavia et Indian, de Batavia. Le consul du Cap décida de les faire sortir de Simons-Bay, pour les envoyer, les cinq premiers dans la baie de Saldahna et les autres dans Wood-Bay, apparemment comme devant y être ignorés et plus dans le cas de s'échapper si l'on avait à attaquer le Cap. M. le chevalier de Suffren a tenu un conseil de guerre, où il a été décidé que l'escadre resterait mouillée jusqu'à ce que l'Annibal soit en état d'appareiller. On a décidé de le mater avec les mâts du navire les Trois-Amis. On a envoyé ordre à la Fortune de venir à FalseBay si la côte était claire, avec des instructions polir l'échouer et le brûler sur la côte en cas de nécessité. Ordre à M. Percheron de presser le chargement du Grand-Bourg. Deux bâtiments, vus sur Wood-Bay il y a. quelques jours, sont soupçonnés d'être deux frégates anglaises. Les Anglais, à leur atterrage, ont pris une barque hollandaise avec 30 hommes. LUNDI 23. — Le vent au N. N. O., petit frais. Envoyé chercher nos tentes à terre et démâter les Trois-Amis, après-midi, quand Juillet 1781. 300 JOURNAL DE BORD Juillet 1781. un bâtiment eut mouillé près du cap de Bonne-Espérance et qu'on en voyait un autre sous voiles dans le S. O. Décidé le soir de ne donner à l'Annibal que le grand mât des Trois-Amis et de lui faire un mât de misaine avec une des pièces venues du Cap. L'escadre anglaise est signalée à Saldahna, puis à Wood-Bay. MARDI 24. — Vent N. O., presque calme. A 4 heures du matin, le général a reçu une lettre de M. Percheron, qui disait M. le Commandeur, il est sept heures du soir ; il paraît vingt voiles à l'entrée de la baie; j'envoie chercher les poudres de la Fortune et la ferai échouer s'il est nécessaire. L'on bat la générale, les troupes s'assemblent; mais tout le monde pleure. » Le général a aussitôt assemblé tous les capitaines de son escadre. Le conseil a décidé que, ne connaissant ni les forces ni le nombre des ennemis, on attendrait des nouvelles plus décisives ; que, si l'on apprenait qu'ils attaquassent Table-Bay, les quatre vaisseaux appareilleraient. On a travaillé à force au remâtement de l'Annibal. A 7 heures, le général a fait partir M. le chevalier de Kermadec pour le Cap afin de reconnaître la situation. A 8 heures, arrivé une lettre de M. Percheron, qui ne parle plus des ennemis ; le bruit court au Cap qu'ils sont partis de Saldahna et se sont portés sur Wood-Bay. MERCREDI 25. — Le vent au N. O., presque calme, le baromètre baissant beaucoup. A 10 heures, M Brend a reçu un rapport, qu'il était mouillé près du cap de Bonne-Espérance un bâtiment sur lequel paraissait fort peu de monde. Le général a envoyé son canot avec un officier pour prendre des éclaircissements à ce sujet. Après-midi, pluie, vent du frais, avec apparence de mauvais temps. A 3 heures 1/2 , il est venu à bord M. Van Gueulp, capitaine du vaisseau le Middelburgh, qui a brûlé son bâtiment à la baie de Saldahna. C'est de lui que nous avons eu les premières nouvelles circonstanciées de l'arrivée des Anglais dans cette baie. Il nous a fait le rapport suivant A 10 heures du matin, le 21, les Anglais ont passé devant la baie de Saldahna; j'ai compté trente-quatre voiles en tout. A 11 heures 1/2 , quatre vaisseaux de guerre et une frégate étaient mouillés dans la baie, à côté des vaisseaux de la Compagnie. J'avais disposé tout dans mon bâtiment pour le brûler; je ne l'ai abandonné que quand le commandant anglais a mis un bâtiment de rame à la mer; je l'ai vu enflammer de terre, les quatre autres bâtiments de la Compagnie ont été pris ; ils avaient chacun à bord quarante ogres d'eau. Il y a la plus grande difficulté DU BAILLI DE SUFFREN 301 d'en faire pour 200 hommes par jour; encore est-elle très mauvaise. On ne peut en avoir en abondance qu'au Roc-Blanc, à 3 lieues dans le Nord de la baie, par des chemins presque impraticables. Il y a beaucoup de bestiaux aux environs; mais, comme ils sont très sauvages, il sera fort difficile d'en; prendre en vie. » Le soir, lettre de M. Percheron il se plaint de la négligence excessive des Hollandais à envoyer des gens sûrs pour avoir des nouvelles certaines de Saldahna. Aucune nouvelle de notre canot. Le vent fraîchissant de plus en plus, nous avons amené nos basses vergues et nos mâts de hune. JEUDI 26. — Vent de N. N. O., très frais et pluie. Le matin, le général a reçu une lettre de M. Percheron, qui mande que deux chasseurs envoyés à Saldahna arrivent et déposent que les Anglais en sont partis le 24 après-midi. Le vent s'est un peu calmé. Dans la matinée, envoyé sur ta côte prendre des informations au sujet de notre canot. A 11 heures, il est arrivé un homme de son équipage, qui nous a dit que M. Joly avait relâché dans une anse près du cap de BonneEspérance, forcé par le mauvais temps ; qu'ils voyaient au large un bâtiment, qui leur paraissent être la Sainte-Anne. Envoyé des vivres au canot et ordre de ne revenir qu'avec le beau temps. Dans la matinée, le vent à molli. Reçu des lettres du Cap, qui jettent de l'incertitude sur le départ des Anglais. Les chasseurs envoyés à Saldahna n'en ont été qu'à 3 lieues et n'ont fait leur rapport que sur celui d'un habitant. On a envoyé douze cavaliers avec un homme de confiance pour éclaircir le fait. L'Annibal a mis son mât de misaine en place. Continué à travailler à son remâtement. Pendant la nuit, vent au Nord et N. N. O. frais. VENDREDI 27. — Presque calme le matin. Pendant la journée le vent du Nord au N. N. E. Aucune nouvelle. Continué à travailler à remâter l'Annibal. SAMEDI 28. — Le matin, petit vent du Nord au N. N. O. A 8 heures, notre canot a paru ; il est arrivé dansla baie à 11 heures. L'après-midi, M. Van Gueulp est arrivé du Cap avec la certitude du départdes Anglais le 24, à 4 ou 5 heures du soir. Continué à travailler à l'Annibal. Les Anglais ont laissé dans la baie de Saldahna une tourque, dont ils ont cependant enlevé les voiles et les cordages. Ils n'ont pris que très peu de bestiaux. DIMANCHE. 29. — Petit vent du Nord au N. N. O. Les vigies du Juillet 1781. On annonce le départ de l'escadre anglaise de Saldahna. 302 JOURNAL DE BORD Juillet 1781. cap de Bonne - Espérance ont rapporté que l'on voyait deux bâtiments dehors. Un d'eux a paru l'après-midi dans la baie et couru des bords. LUNDI 30. — Le ventau faible ; temps couvert et pluie. Au jour, vu le bâtiment mouillé à 2 lieues de nous. Le général l'a envoyé visiter ; il s'est trouvé danois, venant d'Europe, chargé de munitions navales. Le soir, il est venu mouiller dans la baie. MARDI 31. — Le vent au N. E., faible. A 3 heures du matin, M. Percheron est arrivé du Cap. On rapporte qu'il a paru neuf bâtiments au large de l'île Robben et qu'une corvette a paru entre cette île et la maison de Société. Nous avons guindé nos mâts de hune et nos basses vergues. En ridant, nous avons aperçu que notre petit mât de hune était cassé, hors de service ; nous l'avons changé. A 10 heures, signal à la flotte de se préparer à appareiller. L'après-midi, le vent ayant fraîchi au N. avec apparence de mauvais temps, nous avons amené nos mâts de hune. Pendant la nuit, grains et pluie. Août 1781. MERCREDI 1er AOÛT. — Le vent au S. O., très frais; grains et pluie par intervalles. On a vu un bâtiment au dehors. La Sainte-Anne rallie l'escadre, qu'elle avait quittée après le combat de la Praya. JEUDI 2. — Le vent au S. O., petit frais. Le matin il a paru un bâtiment dans la baie. A 10 heures, l'ayant reconnu pour la SainteAnne, on lui a envoyé du monde et des rafraîchissements. A midi, il a mouillé dans la baie, en nous saluant de neuf coups de canon ; nous lui en avons rendu un. Le bâtiment se trouvait le 20 de juin à l'atterrage, à 50 lieues du cap de Bonne-Espérance. Le capitaine, croyant avoir dépassé la longitude du Cap, est remonté dans le Nord pour trouver la terre et a atterré sur la côte d'Afrique par les 26° de longitude, à la Grande-Pequena. Cette erreur inouïe lui a coûté la plus grande partie de son équipage. En se séparant de nous après le combat de Santiago, il a navigué huit jours avec l'Union, dont nous étions en peine, et qui aura sans doute continué sa route pour l'Ile de France. Quant à nos deux prises l'Infernal et l'Hinchinbroock, elles auront sûrement rejoint l'escadre anglaise. L'Infernal n'avait aucun Français à son bord et l'Hinchinbroock avait été amariné si à la hâte, qu'il n'avait à bord ni officiers, ni pilote. On a vu d'ailleurs ces bâtiments s'accoster le soir. VENDREDI 3. — Le vent au Sud, faible ; temps clair. A 6 heures, nous avons fait signal de désaffourcher pour aller au Gap, où nous devions prendre encore des vivres. L'Annibal n'étant pas encore prêt, DU BAILLI DE SUFFREN 303 restera avec le convoi, qu'il escortera à l'Ile de France lorsqu'il sera prêt à partir. Calme toute la journée et pendant la nuit. SAMEDI 4. — Calme. A 6 heures du matin, nous avons appareillé en nous faisant remorquer par nos bâtiments à rames. A 10 heures, la marée nous empêchant de gagner, nous avons mouillé une petite ancre entre l'île des Pingoins et Romans-Cliff, par les 15 brasses, fond de corail et coquillage. A 5 heures après-midi, appareillé avec une petite brise d'Ouest. A 10 heures 1/2 du soir, le calme nous a pris et nous avons remouillé par les 25 brasses, fond de sable fin. Calme pendant la nuit. DIMANCHE 5. —Calme. Relevé au lever du soleil le cap False, S. E. 5° Sud ; le cap de Bonne-Espérance, S. O. 5° Sud ; le mouillage de Simons-Bay, O. N. O. 5° Nord ; l'île de la Madeleine, N. E. 1/4 Nord corrigé. L'après-midi, envoyé le canot à Simons-Bay. Calme pendant la nuit. LUNDI 6. — A 8 heures du matin, le vent s'est levé à l'Est; nous avons fait signal d'appareiller. A 9 heures, nous avons été sous voiles, avec les trois autres vaisseaux. En doublant le cap de Bonne-Espérance, nous avons vu deux bâtiments, la Fortune et une frégate qui paraissait la chasser ; elle a répondu à nos signaux et nous a ralliés. L'autre a pris chasse; elle paraissait très bien marcher. Nous l'avons jugée être une frégate anglaise, laissée pour nous observer. Le général a donné ordre à la Fortune de continuer sa route pour l'Ile de France. A 4 heures, perdu de vue la frégate. Au coucher du soleil, relevé le cap False, Est 1/4 N. E. 2° Nord. W. N. O. 22° 12' ; le cap de Bonne-Espérance, distant 2 lieues, N. E. 2/4 N. E. ; la pointe sud de Wood-Bay, N. N. O. corrigé. Le soir, le vent du Nord au N. N. E, joli frais. A 6 heures, viré tous ensemble, vent devant et pris les amures à tribord ; pris un ris dans chaque hunier. Même temps pendant la nuit. MARDI 7. — Le vent au Nord, faible; temps couvert. A 2 heures du matin, nous avons viré de bord et pris les amures à bâbord. A 9 heures, pris tous les ris dans les huniers et reviré. Depuis le relèvement d'hier à midi aujourd'hui, lat. observée 34° 19'; longit. arrivée 15°- 27'. A 1 heure, nous avons pris les amures à bâbord. A 3 heures, nous avons vu six bâtiments sous le vent ; nous avons largué nos ris et forcé Août 1781. Doublé le cap de Bonne-Espérance. 304 JOURNAL DE BORD Août 1781. de voiles pour aller les reconnaître. A 5 heures, ils ont fait des signaux de reconnaissance. C'étaient les bâtiments de la Compagnie, qui se rendaient de Wood-Bay à Table-Bay. Le général leur donne toute l'escorte. Au coucher du soleil, relevé Wood-Bay, Est 1/4 N. E. ; le cap de Bonne-Espérance, E. S. E. corrigé. A 5 heures, viré de bord par la contre-manche. Pendant la nuit, vent faible du N. O. au S. O. MERCREDI 8. — Le vent au N. O. presque calme. A 1 heure, viré de bord vent devant et pris les amures à bâbord. W. N. O. 22° 26'. — Lat. observée 34° 9' ; longit. arrivée 17° 17'. Au coucher du soleil, relevé la montagne de la Table E. N. E. 5° Est ; le cap de Bonne-Espérance S. E. 1/4 Est 3° Sud corrigé. A 10 heures du soir, le vent a passé au S. E. Nous avons pris les amures à tribord et gouverné au plus près du vent pendant la nuit. JEUDI 9. — Le vent à l'E. S. E., presque calme ; temps clair. Au lever du soleil, relevé la montagne de la Table, Est 1/4 N. E. 5° Est ; le cap de Bonne-Espérance, S. E. 1/4 Est 3° Sud corrigé. A midi, lat. observée 34° 00' ; longit. arrivée 15° 40'. Le vent a varié dans la journée à l'Est. Couru plusieurs bords. Pendant la nuit, vent au S. O., presque calme. Mouillé à Table-Bay. VENDREDI 10. — Le vent au S. S. O., faible. A 4 heures, la Croupe du Lion nous restait au S. E. 1/4 Est corrigé; distance, 3 lieues. A 5 heures 1/2, nous avons viré de bord et pris les amures à bâbord. A 6 heures, signal de se préparer à mouiller. A 8 heures, nous avons fait les signaux de reconnaissance avec la terre. A 1 heure, les cinq bâtiments hollandais étaient déjà entrés; nous avons mouillé dans la baie de la Table, par les 7 brasses, fond de sable fin. Relèvement du mouillage la batterie de Chavasse, en entrant à droite, Ouest 1/4 S. O. ; le mât du pavillon du fort, S. S; O. corrigé; le clocher du Temple, S. O. 5° Sud; le milieu de l'île Robben, Nord 5° Ouest corrigé. Nous avons affourché avec une grosse ancre N. E. et S. O. l'ancre d'affourche; mouillé par 5 brasses 1/2, même fond. Nous avons empennelé l'ancre du N. E. A 2 heures, nous avons salué la ville de quinze coups de canon, il nous en a été rendu le même nombre. A la même heure, M. Staring, capitaine de port, est venu à bord avec le consul de France. En débordant, le consul a été salué de sept coups de canon, DU BAILLI DE SUFFREN 305 En mouillant, nous avons vu, au large, un bâtiment que nous avons jugé être la même frégate que nous avions vue en sortant de False-Bay, qui aura voulu s'assurer si nous venions mouiller au Cap. SAMEDI 11. — Calme. Nous avons travaillé à embarquer, de même que les autres vaisseaux, les vivres dont le Grand-Bourg était chargé. Le général le destine à porter les paquets en Europe. DIMANCHE 12. — Le vent au S. E., joli frais ; temps clair. M, de Plattemberg, gouverneur du Cap, accompagné de M. Boërs, fiscal indépendant, et du capitaine de port, est venu dîner à bord. En débordant, son pavillon battant de l'avant, il a été salué de quinze coups de canon et de trois cris de Vive le roi » ; les autres vaisseaux l'ont salué de la voix. Le fort a rendu le salut de quinze coups de canon. Embarqué des vivres et de l'eau pendant la journée. LUNDI 13. — Le vent au Nord, joli frais; temps couvert. A 3 heures, le vent ayant fraîchi, nous avons fait signal de caler les mâts de hune. Continué à faire de l'eau elle se fait fort aisément au pont, près du fort; il y a des robinets dans plusieurs endroits, et l'on remplit les pièces sans les sortir de là chaloupe. Pendant la nuit, même vent et pluie par intervalles. MARDI 14. — Le vent au N. N. E., petit frais ; pluie. Continué à embarquer des vivres sur tous les vaisseaux. MERCREDI 15. — Le vent au N. O., faible. Au jour, il est venu un express de False-Bay, de la part de M. le chevalier de Galles, pour informer le général de l'arrivée de la frégate la Consolante, venue de l'Ile de France, commandée par M. Palma DelavilleHarnault, lieutenant de vaisseau, dépêché par M. d'Orves, pour dire à M. le chevalier de Suffren de l'aller rejoindre, si son séjour n'était pas absolument nécessaire au Cap. Elle a annoncé l'arrivée de la frégate l'Hercule avec des canons et autres munitions de guerre, pour la défense du cap de Bonne-Espérance. JEUDI 16. — Le vent au Nord, faible. Travaillé pendant la journée à embarquer du vin, du blé et autres vivres. VENDREDI 17. — Le vent au Nord, faible; temps couverts; pluie par intervalles. SAMEDI 18. — Le vent au N. N. O., petit frais. A 10 heures, signal de guinder les mâts de hune et, peu après, de se préparer à appareiller. Le soir, calme. DIMANCHE 19. — Le vent au Nord, faible ; temps couvert. Août 1781. 306 JOURNAL DE BORD Août 1781. LUNDI 20. — Le vent au N. N. O., joli frais ; temps couvert; pluie pendant la nuit. MARDI 21. — Le vent au Nord, joli frais ; temps couvert, le baromètre baissant toujours. Apparence de mauvais temps. Pluie. MERCREDI 22. — Le vent au Nord, frais; temps couvert; baromètre à 28°. A 3 heures 1/2 , nous avons calé nos mâts de hune, et, au jour, la mer s'élevant et le vent fraîchissant toujours, nous avons mis bas les mâts de perroquet et embarqué nos bâtiments à rames. A 10 heures, nous avons mouillé une troisième ancre. A 7 heures 1/2 du soir, il y a eu un grain de pluie violent, et le vent a passé au N. O. Pendant la nuit, même vent, pluie continuelle et grosse mer. JEUDI 23. — Le vent à l'Ouest, frais ; temps couvert. L'après-midi nous ayons mis nos bâtiments à rames à la mer et guindé nos mâts de hune. On a été fort en peine de nous à. terre. Le capitaine de port avait déjà fait préparer une machine, qui est une espèce de ras, servant à sauver le monde lorsqu'un bâtiment va s'échouer à la côte ; il n'y a qu'un seul endroit où il,y a quelque ressource pour ne se pas perdre corps et biens il faut, lorsque l'on chasse, tâcher de donner dans une anse entre la Rivière-Salée et un récif qui est du côté du fort ; partout ailleurs on s'échoue loin de la côte, sur des hauts-fonds, où l'on est brisé par la mer. Pendant la nuit, presque calme. VENDREDI 24. — Le vent à l'Est, presque calme. A 4 heures du matin, nous avons désaffourché et viré à un tiers de câble. A 9 heures, nous avons fait signal d'affourcher avec une petite ancre. SAMEDI 25. — Calme, au lever du soleil. A l'occasion de la fête de la Saint-Louis, nous avons fait, de même que les autres vaisseaux, une salve de vingt-un coups de canon. A 7 heures, le fort a fait la même salve. Le soir, M. de Counavay, commandant les troupes françaises, a donné un grand souper et un bal pour célébrer la fête du roi. Calme plat pendant toute la nuit. DIMANCHE 26. — Calme toute la matinée, A 1 heure 1/2 de l'aprèsmidi, le vent s'est déclaré à l'O. N. O., joli frais; temps couvert. A 2 heures 1/2, nous avons appareillé en en faisant le signal aux autres vaisseaux. A 3 heures 1/2, nous avons mis en travers et embarqué nos bâtiments à rames. Nous avons trouvé en. dehors le vent au S. O. avec grosse mer de la même partie. Au coucher du soleil, relevé le milieu de l'île Robben, distance DU BAILLI DE SUFFREN 307 2 lieues 1/2, E. N. E. 3° Est ; la pointe nord de Table-Bay, Est 1/2 S. E. 5° Sud. A minuit, signal de virer de bord, vent arrière, et prendre les amures à tribord. Pendant la nuit, même vent. LUNDI 27. — Le vent au Sud, frais ; grosse mer du S. O.; route au plus près, les amures tribord, deux ris pris dans chaque hunier. A 6 heures, signal de virer de bord vent arrière et prendre les amures à bâbord. A midi, W. N. O. 22°. — Lat. observée 32° 59' ; longit. arrivée 15°28'. A 1 heure, serré les huniers et resté sous les basses voiles. A 4 heures 1/2, le Vengeur a signalé une voile sous le vent; signal; de chasse. A 5 heures 1/2, nous avons mis notre pavillon, et le bâtiment chassé a mis pavillon danois. Nous étions sur le point de lui parler, comme le Sphinx et le Vengeur se sont abordés ; le Sphinx a perdu sa civadière, qui est restée dans les haubans d'artimon du Vengeur, et perdu son petit perroquet. Au même instant, nous avons mis en travers, serré nos huniers et resté sous les basses voiles, les amures à bâbord. Au coucher du soleil, relevé la montagne de la Table S. E. 1/4 Sud 5° Sud ; la montagne du Lion, S. E. 1/4 Sud; Le soir les vents ont passé au S. E.; bon frais ; grosse mer du S. O, MARDI 28. — Le vent a varié du S. E. au Sud, bon frais; A 8 heures, nous avons fait voile des huniers, les ris largués. A 11 heures, viré de bord. A midi, lat. observée 33° 52', longit. arrivée 15° 43'. Après-midi, pluie et orage. Pris lin ris dans chaque hunier. A minuit, nous avons pris les amures à tribord. MERCREDI 29. — Le vent au Sud, joli frais; couru différents bords dans la journée. A midi, relevé la montagne de la Table, E. S, E. 5° Sud, distance 7 lieues. A 5 heures 1/2, le vaisseau l'Artésien a signalé un danger sous le vent. C'était une île. Pendant la nuit, même vent. Route au plus près, amures bâbord. JEUDI 30. — Le vent au Sud, joli frais. A 6 heures, le Sphinx nous a signalé un bâtiment de l'avant, faisant routé pour le Cap, qui était sans doute le bâtiment danois vu le 27. Couru différents bords dans la journée, un ris pris dans chaque hunier. W. observée 22°. A midi, relevé la montagne de la Table, Août 1781. Route pour l'Ile-de-France. 308 JOURNAL DE BORD Août 1781. E. S. E. 4° Sud.; Wood-Bay, S. E. 3° Est, distant de la plus prochaine terre de 8 lieues. Le soir, le vent a varié au S. S. O., joli frais. Même vent pendant la nuit. Route au plus près, les amures tribord. VENDREDI 31. — Le vent au Sud, bon frais. Pendant la journée, couru au plus près, amures à bâbord. Depuis le relèvement d'hier au soir à midi aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues au S. O., 1° Sud. — Lat. observée 34° 24' ; longit. arrivée 16° 44'. Relevé la montagne de la Table à l'E. N. E., distance, 21 lieues. Le soir, le vent a varié au S. S. E., joli frais. A 10 heures du matin, viré de bord et pris les amures à tribord. Au coucher du soleil, relevé la montagne de la Table à l'E. N. E. 3° Est, distance 12 lieues. A 10 heures du soir, reviré. Pendant la nuit, même vent et même route. Septembre 1781. SAMEDI 1er SEPTEMBRE. — Le vent au S. S. E., bon frais. Route au plus près, les amures à bâbord. A 10 heures 1/2, signal de virer de bord, vent arrière. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 7 lieues 1/3, au S. E. 1/4 Sud 2° Sud. — Lat. observée 34° 42'; longit. arrivée 15° 3'. Le cap de Bonne-Espérance nous restant à l'E. N. E. 5° Est, distance 19 lieues 1/2, A 5 heures, relevé la montagne de la Table N. E. 5° Est; distance 15 lieues. A minuit, signal de virer de bord, vent arrière. Nous avons pris les amures à bâbord et serré les huniers. La nuit, même route. Roule pour l'Ile-de-France. DIMANCHE 2. — Le vent au S. S. E., bon frais; grosse mer ; les amures à bâbord, sous les basses voiles. A 8 heures, la grande voile s'est dévalinguée au vent ; nous l'avons désenverguée et resté à la cape à la misaine et la voile d'étai d'artimon. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 10 lieues au S. E. 1/4 Est 1° Est. W. N. O. 22° 30'. — Lat. observée 34° 59' ; longit. arrivée 15° 32'. Le cap de Bonne-Espérance nous restant au N. E 1° Nord, distance 14 lieues 1/2. A 1 heure 1/2, nous avons amené la vergue d'artimon. A 5 heures, arrivée pour nous rallier à l'Artésien, qui était tombé sous le vent. A 6 heures, mis à la cape. Resté de même pendant la nuit. LUNDI 3. — Le vent au S. S. E., bon frais; cape à la misaine, bâbord amures. A 9 heures, signal de virer de bord, vent arrière, en même temps A 11 heures, nous avons envergué notre grande voile et et en avons fait voile. DU BAILLI DE SUFFREN 309 Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 16 lieues au S. O. W. N. O. 22° 30', — Lat. observée 35° 32'; longit. arrivée 14° 50'. Le cap de Bonne-Espérance nous restant au distance 3l lieues. A 4 heures, le vent ayant beaucoup diminué et passé au N. N. E., nous avons viré de bord, vent arrière et fait route à l'E. S. E., en faisant voile des huniers aux bas ris. Pendant la nuit, même vent et même route. MARDI 4. — Le vent au N. N. O., frais ; route à l'Est du compas. A 7 heures, nous avons dégréé et mis bas nos mâts de perroquet. A 10 heures, vu les terres voisines du cap False. A 10 heures 1/2, nous avons aperçu six bâtiments de l'avant à nous, et un moment après les avons reconnus pour être notre convoi. Escorté par l'Annibal, il est parti hier, après avoir déchargé et réparti sur les différents navires la plus grande partie du chargement du dernier bâtiment danois, arrivé chargé de toile, brai, câbles et autres munitions navales. A midi, nous nous sommes trouvés ralliés au convoi. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 38 lieues à l'Est 1/4 N. E. 4° Est. — Lat. observée 35° 18'; longit. arrivée 17° l'. Le cap des Aiguilles nous restant au N. E. 5° Est, distance 19 lieues. L'après-midi, cargué la misaine et le grand hunier et resté sous le petit hunier amené. A 5 heures, signalé la route au S. E. du compas. Pendant la nuit, même vent et même route. MERCREDI 5. — Le vent à l'O. N. O., frais ; temps clair. Route au S. E. du compas. A 9 heures, l'Annibal à demandé de passer à poupe et le capitaine est venu a bord. Signal à l'Artésien de chasser en avant. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues à l'Est 1/4 S. E. 5° Sud. — Lat. observée 53° 39'; longit. arrivée 18° 43'. Le cap des Aiguilles nous restant au N. O. 1/4 Nord, distance 2 lieues. A 4 heures, sondé et trouvé 80 brasses, fond de sable vaseux. A la même heure, signalé la route au S. E. 1/4 Est du compas. Pendant la nuit, même vent et même route sous le petit hunier au bas ris. JEUDI 6. — Le vent a varié de l'O. N. O., petit frais; temps couvert; petite pluie par intervalles. A 6 heures, signalé la route au S. E. du compas. A 10 heures, nous avons sondé sans trouver de fond. 21 Septembre 1781. 310. JOURNAL DE BORD Septembre 1781. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 16 lieues 1/2 à l'Est 1/4 S. E. 5° Est. W. N. O. 23° 34'. — Lat. observée 35° 44'; longit. arrivée 19° 43. A 5 heures, nous avons changé notre grande voile. L'après-midi, le venta varié du S. E. à l'E. S. E., petit frais. Route au plus près, les amures tribord. Même temps pendant la nuit. VENDREDI 7. — Le vent a varié de l'E. S. E. au N.. E., beau temps. A 6 heures, signal de virer de bord à l'escadre et au convoi. Au jour, nous n'avons plus vu l'Espérance, que nous avons abandonné hier parce que ce bâtiment nous faisait perdre beaucoup de chemin. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues au N. E. 1/4 Est. — Lat. observée 35° 6' ; longit. arrivée 20° 40'. A 5 heures, nous avons pris deux ris dans chaque hunier. Le soir et pendant la nuit, le vent a varié de l'Est au N. N. E. Couru au plus près, les amures à bâbord. Route pour l'Ile-de-France. SAMEDI 8. — Le vent a varié de l'Est au N. N. E., petit frais ; au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi, à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues au S. E. 1/4 Sud 4° Sud. W. N. O. 24°. — Lat. observée 36° 6'; longit. arrivée 21° 33', Nous avons eu 16' Sud de différence de la hauteur à l'estime. Les forts courants de ces parages sont attribués au canal Mozambique. Le soir, les vents ont varié du N. O. au S. O. Route au S. E. 1/4 Est du compas. DIMANCHE 9. — Le vent a varié du S. S. O. au Sud, joli frais ; temps couvert; pluie par intervalles. A 5 heures 1/2, l'Annibal a signalé des avaries dans sa grande vergue ; il l'a amenée pour la réparer ; à 11 heures, il l'a mise en place. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 25 lieues à l'E. S. E. 5° Sud. W. N. O. 24'. — Lat. observée 36° 39; longit. arrivée 22° 55'. Nous avons eu 38' Sud de différence de la hauteur à l'estime. A 1 heure, nous avons signalé la route à l'Est 1/4 S. E. du compas. Le soir, vent au Sud, joli frais. La nuit, même vent et même route. LUNDI 10. — Le vent a varié du S. E. à l'E. S. E., joli frais ; temps couvert. Route au plus près du vent, les amures à tribord. DU BAILLI DE SUFFREN 311 Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues à l'E. N. E. 1° Nord. W. N. O. 25°. — Lat. observée 36° 14'; longit. arrivée 24° 7'. Nous avons eu 15' Sud de différence de la hauteur à l'estime. Le soir, le vent a varié de l'È. S. E. à l'Est. A 5 heures, signal à l'escadre et au convoi de virer de bord, vent devant, et nous avons pris les amures à bâbord. Même route pendant la nuit. MARDI 11. — Le vent à l'Est, joli frais ; temps couvert. Route au plus près, les amures à bâbord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 25 lieues au Sud 1/4 S. E. 3° Sud. W. N. O. 25°. — Lat. observée 37° 38' ; longit. arrivée 24° 21.' Nous avons eu 9' Sud de différence de la hauteur à l'estime. Le soir, même vent. Même route pendant la nuit. MERCREDI 12. — Le vent à l'Est, petit frais. Route au plus près, tribord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 24 lieues au Sud 1/4 S. E. 1° Sud. W. N. O. 25°. — Lat. observée 38° 40' ; longit. arrivée 24° 37'. A 4 heures, signal à l'escadre et au convoi de virer de bord, vent devant. Nous avons pris les amures à tribord. Pendant la-nuit, même. vent et même route. JEUDI 13. — Le vent au S. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 10 lieues 1/3 au N. E. 1° Est. W. N. O. 25°. — Lat. observée 38° 5'; longit. arrivée 25° 54'. Nous avons eu 15' Nord de différence de la hauteur à l'estime; Le soir, le vent à l'E. S. E. A 5 heures, signal à l'escadre et au convoi de virer de bord. Pendant la nuit, route au plus près, bâbord amures. VENDREDI 14. — Le vent a varié de l'Est au N. E.; temps couvert et petite pluie. Route au plus près, bâbord amures. A 10 heures, signal au convoi de forcer de voiles. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 10 lieues 1/3 au S. S. E. 4° Sud. W. N. O. 25°. — Lat. observée 38° 35' ; longit. arrivée 25° 25'. Septembre 1781. 312 JOURNAL DE BORD Septembre 1781. Le soir, le vent a été à l'Est, presque calme. Pendant la nuit, route au plus près du vent, les amures à bâbord. SAMEDI 15. — Le vent a varié de l'E. S. E. au N. E., faible; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 9 lieues 1/2 au S. S. E. 3° Est. W. N. O. 25° 30'. — Lat. observée 38° 32' ; longit. arrivée 25° 35'. Le soir, le vent a varié du S. E. au S. S. O. Nous avons eu 28 minutes de différence entre la hauteur et l'estime. Presque calme pendant la nuit; route à l'E. S. E. du compas. DIMANCHE 16. — Le vent a varié du S. S. O. au Sud, joli frais ; temps couvert. A 6 heures 1/2, nous avons mis le cap au S. E. 1/4 Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues 1/3 au N. E. 1/4 Est 3° Est. — Lat. observée 37° 56' ; longit. arrivée 26° 45'. Nous avons eu 9' de différence Nord de la hauteur à l'estime. Le soir, le vent à l'O. N. O. ; grains et pluie par intervalles. Pendant la nuit, route au S. E. 1/4 Est du compas, sous le petit hunier. LUNDI 17. — Le vent au N. O., joli frais ; pluie et grains. Route au S. E. 1/4 Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues 1/3 au N. E. 1/4 Est 3° Nord. W. N. O. 25°. — Lat. observée 37° 17'; longit. arrivée 27° 49'. Nous avons eu 45 minutes de différence Nord de la hauteur à l'estime. Le soir, le vent a varié de l'O. S. O. au S. S. O. La nuit, même temps. MARDI 18. — Le vent a varié du N. N. O. à l'O. N. O., faible; temps couvert et pluie. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 10 lieues 1/2 à l' 4° Est.— Lat. observée 37° 7' ; longit. arrivée 28° 26'. Nous avons eu 16' de différence Nord entre la hauteur et l'estime. Le soir, le vent a varié de l'O. N. O. au S. O. La nuit, route au S. E. du compas. MERCREDI 19. — Le vent au S. O., joli frais; temps couvert. Route au S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a DU BAILLI DE SUFFREN 313 valu 29 lieues 2/3 au S. O. 1° Sud. W. N. O. 27°. — Lat. observée 38° 11'; longit, arrivée 29° 44'. Nous avons eu 44 minutes de différence de la hauteur à l'estime. Le soir, le vent à l'O. N. O., bon frais ; grains et pluie. JEUDI 20. — Le vent à l'O. N. O., bon frais ; grains, pluie, orage et tonnerre. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 45 lieues à l'Est 1/4 S. E. 5° Sud. W, N. O. 27°. — Lat. observée 38° 49'; longit. arrivée 32° 29'. Nous avons eu 5' de différence Nord de la hauteur à l'estime. Le soir, même vent, bon frais. Mis en travers pour attendre le convoi. La nuit, route au S. E. 1/4 Est du compas, à sec pour pouvoir tenir le convoi. VENDREDI 21. — Le vent à l'O. N. O., bon frais; grains, pluie et tonnerre fréquent. A 6 heures 1/2, il en est tombé un à bord au pied du grand mât; deux matelots ont été blessés légèrement ; nous n'avons eu d'ailleurs aucune avarie. A 7 heures, signalé la route à l'E. S. E. du compas, Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 47 lieues 1/2 à l'Est 1/4 N. E. 3° Est. W. N. O. 28°. — Lat. observée 38° 29' ; longit. arrivée 35° 29'. Le soir, le vent a varié au S. S. O. Signalé la route au S. E. 1/4 Est du compas. Pendant la nuit, grains et pluie par intervalles. SAMEDI 22. — Le vent à varié du S. S. O. à l'O. S. O., bon frais ; grains et pluie ; grosse mer. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 39 lieues 2/3 à l'Est 1/4 S. E. 1° Est. W. N. O. 28°. — Lat. observée 38° 49' ; longit. arrivée 37° 59. Le matin, il est tombé de la grêle ; le général en a fait ramasser et fait faire des glaces. Même vent le soir; moins fort la nuit. Route au S. E. 1/4 Est du compas. DIMANCHE 23. — Le vent à l'Est, petit frais. Le capitaine du vaisseau l'Artésien est venu à bord. Il y a beaucoup de malades sur ce vaisseau. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée à valu 28 lieues à l'E. N. N. O. 28°. — Lat. observée 38° 16'; longit. arrivée 39° 39'. Nous avons eu 37' de différence Nord de la hauteur à Septembre 1781. Roule pour l'Ile-de-France. Le tonnerre tombé à bord du Héros. 314 JOURNAL DE BORD Septembre 1781. l'estime. Pendant la nuit, même temps. Route au S. E. 1/4 Est du compas. LUNDI 24. — Le vent au Nord, joli frais et O. N. O. A 6 heures, mis le cap à l'E. S. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues à l'Est 1/4 S. E. 1° Est. W. N. O. 29° 50'. — Lat. observée 38° 32' ; longit. arrivée 44° 31'. Le tonnerre tombé à bord du Maurepas et du Héros. A midi, nous avons eu un grain de pluie, mêlé de tonnerre ; il est tombé à bord et a blessé quatre hommes légèrement sur lé passeavant, sans faire aucune avarie. A 3 heures, le Maurepas a fait signal d'incommodité ; nous avons mis en travers pour l'attendre et lui parler il avait eu le tonnerre à bord, qui lui a blessé plusieurs hommes et un peu endommagé son grand mât. Pendant la nuit, le cap à l'E. S. E. du compas. MARDI 25. — Le vent à l'O. S. O., faible, temps couvert; grains et pluie. A 7 heures, signalé la route à l'Est 1/4 S. E. du compas. A 8 heures, le vent a fraîchi. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 30 lieues à l'Est 1/4 N. E. 4° Est. — Lat. observée 38° 21' ; longit. arrivée 43° 25'. Le soir même, nous avons parlé à l'Annibal, qui nous a dit avoir eu le tonnerre à bord, qui lui a un peu endommagé son grand mât et blessé quatre hommes. La nuit, route à l'Est 1/4 S. E. du compas. MERCREDI 26. — Le vent a varié du Nord à l' A 3 heures, grains, pluie et tonnerre. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 31 lieues 2/3 à l' 4° Est. W. 26°. — Lat. observée 38° 5' ; longit. arrivée 44° 44'. Le soir, le vent a varié du N. E. au Nord. Mis à la cape à la misaine pour attendre le convoi. Pendant la nuit, route à l'Est 1/4 du compas. JEUDI 27. — Le vent a varié du N. N. E. à l'Ouest, joli frais; brume. Tiré des coups de canon d'heure en heure pour conserver les bâtiments. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 39 lieues à l'Est 4° Nord. W. N. O. 28°. —Lat. observée 38° 13' ; longit. arrivée 45° 56'. DU BAILLI DE SUFFREN 315 A 1 heure, tous les vaisseaux étant ralliés et la brume dissipée, nous avons signalé la route à l'Est du compas. Parlé au Vengeur, qui nous a dit avoir eu le tonnerre à bord, qui lui a blessé 6 hommes. VENDREDI 28. — Le vent à l'Ouest, temps couvert. Route à l'Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 23 lieues 2/3 , à l'Est 1/4 N. E. 3° Nord. W. N. O. 26°. — Lat. observée 37° 55' ; longit. arrivée 47° 21'. A midi, vu un oiseau de la grosseur et de la forme d'une grosse bécasse avec le bec de la bécassine. Pendant la nuit, route à l'Est du compas; SAMEDI 29. —Le vent à l'O. N. O., joli frais ; temps clair. Route à l'Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 40 lieues 1/2 au N. E. 1/4 Est 4° Est.. W. N. O. 27° 30'. — Lat. observée 36° 57' ; longit. arrivée 49° 34'. Le soir, même vent. Route à l'Est 5° Sud du compas. Là nuit, même route. DIMANCHE 30. — Le vent a varié de l'O. S. O. au S. O., petit frais ; temps couvert. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues 1/3 à l'E. N. E. 2° Nord. — Lat. observée 36° 20'; longit. arrivée 51° 14'. Le soir et pendant la nuit, même route à l'Est 5° Sud du compas. LUNDI 1er OCTOBRE. — Le vent a varié du N. O. à l'Ouest, petit frais ; temps couvert ; pluie par intervalles. Route à l'Est 5° Sud du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues à l'E. N. E. 4° Est. W. N. 0. 27°. — Lat. observée 36° 3'; longit. arrivée 52° 22'. Lé soir, le vent a varié au N. N. E. Même temps pendant la nuit; nous avons conservé les amures à bâbord. Pluie par intervalles. MARDI 2. — Le vent à l'E. N. E. A 6 heures, nous avons viré de bord et pris les amures à tribord. Temps couvert; on n'a pas pu observer. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 13 lieues 1/2 à l'Est 1/4 N. E. W. N. O. 26°. — Lat. observée 35° 55' ; longit. arrivée 53° 10'. Septembre 1781. Le tonnerre tombé à bord du Vengeur. Octobre 1781. 316 JOURNAL DE BORD Octobre 1781. Le soir, le vent a varié à l'O. N. O., frais. A 5 heures 1/2, viré de bord. Pluie, grains, orage. Nous avons resté en travers jusqu'à 11 heures. Route pour l'Ile-de-France. MERCREDI 3. —Le vent à l' joli frais. Route à l'Est 5° Sud du compas. Au jour, nous avons gréé nos mâts de perroquet. Nous avons forcé de voiles pour gagner du chemin sur le convoi et mettre en travers pour ouvrir des sabords et donner de l'air au bâtiment. Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 26 lieues 1/4 au 1/4 Est 4° Est. W. 26°.— Lat. observée 35° 15'; longit. arrivée 53° 39'. Le soir, le vent a varié au N. N. E. La nuit, même vent. Route au plus près, bâbord amures. Pendant la nuit, même temps. JEUDI 4. — Le vent à l'Est, faible. A 8 heures, nous avons fait signal de virer, vent devant, et avons pris les amures à tribord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 17 lieues 3/4 à l'Est 1° Nord. W. N. O. 26°. — Lat. observée ; 35° 14'; longit. arrivée 54° 44'. Même vent le soir et pendant la nuit au plus près, tribord amures. VENDREDI 5. — Le vent à l'Est, temps clair. Route au plus près, tribord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 18 lieues au Nord 4° Est. W. N. O. 25° 30'. — Lat. observée 34° 20'; longit. arrivée 54° 49'. Le soir et pendant la nuit, même vent et même route. SAMEDI 6. — Le vent au N. N. E. Au jour, nous avons viré de bord et pris les amures à tribord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 9 lieues 1/2 au Sud 1/4 Est 3° Est. W. N. O. 25° 9'. — Lat. observée 34° 34'; longit. arrivée 55° 18'. Le Vengeur et l'Artésien se séparent de l'escadre. DIMANCHE 7. — Le vent au N. O., temps clair. Les capitaines des vaisseaux le Vengeur et l'Artésien sont venus à bord. Comme le nombre de leurs malades est très considérable, le général leur a donné l'ordre de se rendre le plus tôt possible à l'Ile-de-France et ils se sont séparés de nous. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 17 lieues 1/2 à l'Est 5° Nord. W. N. O. 25°. — Lat. observée 34° 30' ; longit. arrivée 56° 20'. Le soir, le vent a varié au S. S. O. La nuit, route à l'Est du compas. DU BAILLI DE SUFFREN 317 LUNDI 8. — Le vent a varié du Sud au S. E., joli frais. A. 10 heures, nous avons signalé la route à l'E. N. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 32 lieues 1/3 au N. E. 1/4 Est 3° Est. W. N, O. 25°.— Lat. observée 38° 39'; longit. arrivée 58°20°. Le soir et pendant la nuit, le vent au S. E. Route au plus près, tribord amures. MARDI 9. — Le vent a varié de l'E. S. E. à l'Est, temps clair ; bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 30 lieues au N. N. E. 4° Est. W. N. O. 25°, — Lat. observée 32° 18'; longit. arrivée 58° 47'. A midi, nous avons signalé la route au N. E. du compas. Le soir et pendant la nuit, vent à l'Est. Route au N. E. du compas. MERCREDI 10. — Le vent à l'Est, temps clair. Route au N. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 26 lieues 1/2 au Nord 1/4 N. E. 2° Nord. W. N. O. 22°. —Lat. observée 31° 2'; longit. arrivée 59° 2'. Longitude observée par des distances de la lune au soleil 56° 30'. Le soir, le vent a varié de l'Est à l'E. N. E. Pendant la nuit, gouverné au plus près, les amures à tribord. JEUDI 11. — Le vent à l'E. N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la. route corrigée a valu 22 lieues 1/3, au Nord 1/4 N. O. 2° Ouest. W. N. O. 21°. — Lat. observée 29° 58'; longit. arrivée 58° 44'. Le soir, le vent a varié de l'E. N. E. au N. E. Le soir et pendant la nuit, route au plus près du vent, tribord amures. VENDREDI 12. — Le vent a varié du N. E. au N. N. E., joli frais. Au jour, nous avons fait signal de virer de bord, vent devant, et pris les amures à bâbord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 12 lieues 1/2, au N. N. O. 4° Nord. W. N. O. 20° 14'. — Lat. observée 29° 22'; longit. arrivée 58° 30'. Le soir, le vent a varié du E. au Nord, joli frais. Même vent pendant la nuit. Route au plus près, bâbord amures. Octobre 1781. Longitude observée par des distances de la lune au soleil. 318 JOURNAL DE BORD Octobre 1781. SAMEDI 13. — Le vent au Nord, joli frais. Route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues 1/3, à l'E. S. E. 4° Sud. W. N. O. 19° 46'. — Lat. observée 29° 50'; longit. arrivée 59° 33'. Le soir, le vent du N. E. au N. N. E. La nuit, même vent et même route. DIMANCHE 14. — Le vent au N. N. E., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 17 lieues à l'Est 1/4 S. E. 2° Sud. W. N. O. 2°. — Lat. observée 30° 1'; longit. arrivée 60° 31'. Le soir et pendant la nuit, même vent et même route. LUNDI 15. — Le vent au N. N. E., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 15 lieues au S. E. 1/4 Est 1° Sud. W. N. O. 20°. — Lat. observée 30° 27' ; longit. arrivée 61° 13'. A 5 heures, le vent au N. E. Nous avons fait signal de virer de bord et pris les amures à tribord. Pendant la nuit, même route. MARDI 16. — Le vent au Nord, joli frais. A 9 heures, nous avons fait signal de virer de bord, vent devant, et pris les amures à bâbord. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 5 lieues 1/2 au N. O. 1/4 Nord. W. N. O. 28° 30'. — Lat. observée 30° 16' ; longit. arrivée 60° 58'. Le soir, même vent, et, pendant la nuit, même route. Vu une éclipse de soleil. MERCREDI 17. — Le vent au N. N. O., faible; route au plus près, bâbord amures. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 13 lieues 1/4 à l'Est 1/4 N. E. 5° Est. W. N. 12'. — Lat. observée 30° 12'; longit. arrivée 61° 42'. L'après-midi, le capitaine de vaisseau le Sphinx est venu à bord. Le soir et pendant la nuit, même vent. Route au plus près, bâbord amures. JEUDI 18. — Le vent a varié du N. N. O, au S. O. ; temps couvert. A 8 heures, nous avons fait signal de faire route au N. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a DU BAILLI DE SUFFREN 319 valu 21 lieues 1/4 au N. E. 4° Nord. W. N. O. 17° 30'. — Lat. observée 29° 22' ; longit. arrivée 62° 33'. A 4 heures, nous avons signalé la route au Nord 1/4 N. E. du compas. Le soir et pendant la nuit, vent de l'O. N. O. au Sud. Même route. VENDREDI 19. — Le vent au Sud, joli frais; temps couvert et pluie. Route au Nord 1/4 N. E. du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 32 lieues 3/4 au Nord 5° Ouest. W. N. O. 17°. — Lat. observée 27° 44'; longit. arrivée 62° 22'. Le soir et pendant la nuit, le vent a varié du Sud au S. E., joli frais ; pluie par intervalles. Route au Nord 1/4 N. E. du compas. SAMEDI 20. —Le vent a varié du S. S. E. à l'Est, joli frais. Nous avons forcé de voiles jusqu'à midi, heure à laquelle nous avons mis en travers pour attendre le convoi. Depuis avant-hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 72 lieues 1/2 au Nord 1/4 N. O. 4° Nord. W. N. O. 16° 15'. — Lat. observée 25° 45' ; longit. arrivée 62°. Nous avons eu 37 minutes de différence Nord de la hauteur à l'estime. Le soir et pendant la nuit, même vent. Route à l'Est 1/4 N. E. du compas. DIMANCHE 21. — Le vent a varié de l'E. S. E. à l'Est. Temps couvert et pluie. A midi, lat. observée 21° 31' ; longit. arrivée 60° 36'. Nous avons eu 7' de différence Nord de la hauteur à l'estime. L'île Rodrigue nous reste au Nord 5° Est, distance 39 lieues. A 2 heures, nous avons fait signal de mettre le cap au Nord 1/4 N; O. du compas, et, peu après, celui d'étalinguer les câbles. La nuit, même vent et même route. MARDI 23. — Le vent a varié de l'E. S. E. à l'Est, joli frais. A 5 heures 1/2, nous trouvant par la latitude de l'Ile-de-France, nous avons fait route à l'Ouest 1/4 N. O. 4° Nord du compas. Ordre au Sphinx de chasser en avant pour la découverte, nous tenant entre lui et le convoi. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 23 lieues 1/4 au N. O. 4° Nord. W. N. O. 12°. — Lat. observée 20° 14' ; longit. arrivée 59° 26'. L'Ile-de-France nous restant à l'Ouest 2° Sud, distance 74 lieues; Le soir, le vent à l'E. N. E. A 5 heures du soir, on a fait des obserOctobre obserOctobre 320 JOURNAL DE BORD Octobre 1781. vations de distances du soleil à la lune, qui ont donné 57° 19' de longitude, ce qui nous met à 39 lieues 1/4 de l'Ile-de-France. Le soir, nous avons fait des signaux de fusées pour nous rallier au convoi. Pendant la nuit, route à l'Ouest 1/4 N. O. 4° Nord du compas. MERCREDI 24. — Le vent de l'Est à l'Est 1/4 N. E. Au jour, ordre au Sphinx de chasser de l'avant et nous avons forcé de voiles pour nous tenir entre lui et le convoi. Temps couvert, grains et pluie par intervalles. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu l'Ouest 1/4 N. O. 2° Ouest, chemin 24 lieues 2/3. W. N. O. 13°. — Lat. observée 20° 2' ; longit. arrivée 57° 37'. Distant par ce point de 40 lieues de l'Ile-de-France, restant à l'Ouest 5° Sud. Par la longitude observée, l'Ile-de-France nous reste à l'Ouest 1° Sud, à la distance de 12 lieues. Route après-midi à l'Ouest 1/4 5° Nord du compas. A 5 heures, le Sphinx a signalé la terre, que nous avons découverte au même moment de l'avant, à 4 lieues de distance, en ayant fait 8 depuis midi. L'observation de longitude de M. de Ruyter s'est trouvée très juste ; l'erreur de l'estime a été de 28 lieues en arrière. A 6 heures, nous avons mis en panne, tribord amures, pour attendre le convoi et pris deux ris dans chaque hunier. Vu l'île Ronde. A 7 heures 3/4, relevé l'île Ronde à l'O. N. O. 2° Ouest corrigé. Tiré des fusées pour que le convoi se ralliât à nous. A 8 heures, les bâtiments étant tous reliés, nous avons fait servir et fait signal de tenir le vent, les amures à tribord. Le vent à l'Est, joli frais ; le temps fort couvert et pluvieux. JEUDI 25. — Nous avons fait signal de virer de bord et nous avons pris les amures à bâbord, l'île aux Serpents nous restant au S. O. 1/4 Ouest 4° Ouest. Au jour, nous avons forcé de voiles pour aller mouiller à l'Ile-de-France. Au lever du soleil, l'île Ronde nous restait à l'Ouest 1/4 N. O. 2° Ouest; l'île aux Serpents au N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest, et l'île Plate à l'Ouest 1/4, S. O. 4° Ouest. A 7 heures 1/2, nous avons fait signal de se préparer à mouiller. Sur les 8 heures, étant fort près de l'île appelée Coin de mire, nous avons aperçu qu'il y avait des signaux de reconnaissance et nous leur avons aussitôt répondu. Nous avons longé cette île de fort près, gouvernant pour aller mouiller à Port-Louis. A 11 heures 1/2, nous étions par le travers de l'île des Tonneliers et nous avons mouillé. Les vaisseaux de M. d'Orves nous ont aussitôt envoyé leurs chaloupes avec des ancres pour nous Mouillé à Port-Louis. DU BAILLI DE SUFFREN 321 touer dans le port. Le général a été à bord de l'Orient, et nous avons travaillé à nous touer tout l'après-midi. En passant près de l'Orient, nous l'avons salué de trois cris de vive le roi ! », qu'il nous a rendus aussitôt lorsque nous avons été de l'avant de l'Orient. Nous avons mouillé et nous sommes ancrés à quatre amarres, deux de l'arrière et deux de l'avant. Nous avons trouvé dans ce port le Vengeur et l'Artésien, qui étaient arrivés depuis 11 jours. Les bâtiments marchands l'Union et l'Abondance, de notre convoi, étaient aussi arrivés. Le Sphinx a pris son poste dans l'après-midi; mais l'Annibal et le convoi sont restés mouillés où nous étions à 11 heures ce matin. LISTE DES BATIMENTS DE GUERRE MOUILLÉS DANS LE PORT L'Orient 74 canons.... MM. Thomas d'Orves 1 Le Héros 74 » .... de Suffren 2 L'Annibal 74 » de Galles. 12 Le Brillant 64 » .... de Tromelin 3 Le Vengeur 64 » .... de Forbin 6 Le Sphinx 64 » .... du Chilleau 7 L'Artésien 64 » .... de Beaulieu 14 Le Bizarre 64 » .... de Lalandelle 5 Le Sévère 64 » La Pallière 4 L'Ajax 64 » Bouvet.... 9 Le Flamand 50 » .... de Maurville 8 La Pourvoyeuse... 40 » de Cuverville 11 La Fine 36 » de Saint-Félix...... 10 La Sylphide 14 » .... de Tromelin 15 La Fortune 18 » .... de Lusignan .... 16 La Subtile 26 » de Salvert 13 L'Argus 12 » Le Vengeur et l'Artésien, qui s'étaient départis de nous le 7 du mois, sont arrivés à ce port ayant gagné sur nous 11 jours de traversée. Ils n'ont point été contrariés par les vents de N. E., que nous avons eus pendant huit jours et ils ont atterré fort juste d'après leurs observations. Le Sévère et l'Ajax ont été envoyés par M. d'Orves à l'île de Bourbon, afin d'apporter des pièces de bois de mâture et les provisions que cette île peut fournir à l'escadre, surtout en vivres, par la grande abondance de blé qu'elle produit. Sur le soir, plusieurs bâtiments marchands de notre convoi ont mouillé dans le port et ont salué le général par trois cris de vive le roi ! » Pendant la nuit, calme plat, Octobre 1781. 322 JOURNAL DE BORD Octobre 1781. VENDREDI 26. — Nous avons débarqué nos malades et commencé à vivre au journalier. SAMEDI 27. — Nous avons démâté notre mât d'artimon pour être radoubé à terre. M. de Souillac, capitaine de vaisseau et gouverneur des îles de France et de Bourbon, est venu à bord. Il a été salué de trois cris de vive le roi ! » et de 11 coups de canon. On travaille avec toute la diligence possible à réparer l'Annibal, dont la mâture est presque finie, ainsi que tous les vaisseaux de l'escadre, et à les pourvoir de vivres, pour les mettre le plus tôt possible en état de sortir. A 6 heures, il est entré un petit bâtiment français, venant de Bourbon. Tous les jours, à 5 heures du soir, on donne le mot d'ordre. Nous avons arboré un pavillon de distinction, mi-parti blanc et bleu, pour nous distinguer du vaisseau l'Orient, qui porte pavillon du chef d'escadre, M. d'Orves, en ayant les honneurs. A 6 heures, grains et pluie. DIMANCHE 28.— M. Chevreau, commissaire ordonnateur et faisant fonctions d'intendant, est venu à bord. Novembre 1781. VENDREDI 2 NOVEMBRE. — Les vaisseaux le Sévère et l'Ajax, venant de Bourbon, ont mouillé en dehors du port. Ils avaient été envoyés pour y chercher quelques pièces de bois de mâture, propres à faire des mâts de hune ; ils n'en ont rapporté que deux. Le navire l'Espérance, bâtiment de notre convoi, est aussi arrivé. DIMANCHE 4. — Il est entré dans le port un navire hollandais, venant de Batavia. Il a salué la place de 11 coups de canon ; rendu 5 coups. MARDI 6. — Il est parti un bâtiment portugais pour l'Europe. JEUDI 8. — Il est parti un bâtiment particulier pour la France, nommé la Comtesse de Narbonne. Presque tous les soirs, nous avons des orages avec des grains de pluie. DIMANCHE 11. — Nous avons mâté notre mât d'artimon et mis en place notre grande vergue. MERCREDI 14. — La Fine et la Sylphide sont sortis du port et ont mouillé en dehors. On presse; autant qu'on peut le radoub et l'approvisionnement des vaisseaux de l'escadre, le temps de l'hivernage approchant. JEUDI 15. — La Subtile et la Fortune ont été mouiller en rade. VENDREDI 16.— Le vent a varié pendant la journée de l'Ouest au LUNDI 19. — La frégate du roi l'Éléphant est arrivée de Madagascar avec une cargaison de boeuf et de riz; le riz était attendu pour DU BAILLI DE SUFFREN 323 compléter les vivres des vaisseaux. Il vient de temps en temps des 3 bâtiments des îles Séchelles, qu'on y envoie chercher des tortues; mais on n'en apporte pas en assez grande quantité, pour en donner comme ration aux équipages ; elles sont réservées pour les hôpitaux, car on les regarde comme un excellent antiscorbutique. MARDI 20. — Crainte que quelque ouragan, dont voici la saison, ne nous prenne dans le port, où l'on n'est point en sûreté, on a établi en rade des corps morts, sur lesquels les vaisseaux qui sont prêts se vont amarrer en attendant le reste de l'escadre. A l'approche de l'oùragan, qui s'annonce toujours, on filera les amarres pour prendre le large. L'Orient est sorti du port pour aller en rade. Il est entré un portugais, venant d'Europe ; il a salué le général de 7 coups de canon ; rendu un coup. MERCREDI 21. — La frégate la Bellone, de 36 canons, commandée par M. de Cillart, capitaine de vaisseau, et venant d'Europe, a mouillé en rade. Elle conduisait un convoi parti de Lorient et destiné pour l'Ilede-France ; mais à son atterrage sur le cap de Bonne-Espérance, elle a trouvé un vaisseau anglais de 50 canons, qui a dispersé le convoi. Quelques bateaux ont été amarinés ; d'autres ont doublé le cap de Bonne-Espérance et d'autres ont mouillé à Table-Bay. Les bâtiments étaient chargés de vivres et gréés pour les îles. La Bellone a apporté quinze cent mille piastres. JEUDI 22. — Nous sommes sortis du port et nous avons mouillé en rade sur un corps mort, mouillé par les 18 brasses, sable fin et goëmon. La frégate la Consolante est arrivée, venant du cap de BonneEspérance ; elle en était partie avant le passage de la Bellone. Le Flamand est sorti du port. VENDREDI 23, SAMEDI 24. — Le Bizarre et le Vengeur sont venus en rade 1. Novembre 1781. Arrivée de la Bellone. Arrivée de la Consolante. 1. Lettre de M. de Suffren à Mme de Seillans Ce 23 novembre 1781, à l'Ile-de-France. — J'ai eu, du Cap ici, une traversée. affreuse par la longueur et les maladies qu'il y a eu. Au surplus, je me porte aussi bien qu'il est possible de se porter. Nous allons aller dans l'Inde avec de grandes forces et-nous devrions attendre des succès, mais une infinité de raisons me font bien craindre qu'il n'y en ait pas. Cecy est un fort beau pays. L'air est très salubre et l'on n'y manque pas de provisions; mais nous y manquons beaucoup de munitions navales, et nous venons de perdre un convoy, du moins en partie, qui nous en apportait. Il règne ici un esprit d'indépendance et de cupidité parmi les subalternes et parmi les chefs, de sorte qu'il est difficile d'espérer qu'on puisse faire quelque chose de bien. » Ortolan, Monit. Univers., 2 nov. 1859. 324 JOURNAL DE BORD Novembre 1781. DIMANCHE 25. — Le vaisseau le Sphinx, en venant en rade, a failli nous aborder. Nous avons été obligés de filer. LUNDI 26. — Le Brillant est venu mouiller en rade. MARDI 27. — Nous avons embarqué, ainsi que tous les autres vaisseaux, 50 noirs pour compléter notre équipage. MERCREDI 28. — La Pourvoyeuse et l'Artésien sont venus mouiller en rade. JEUDI 29.— Le Diligent, corvette du roi, commandée par M. Mari, lieutenant de frégate, est arrivé de l'île de Ceylan. Nous avons su que tout était dans le même état à la côte de Coromandel, que Hyder-AliKan, toujours dans le Carnatic, nous attendait avec impatience. Le brûlot le Pulvériseur, faisant partie de l'escadre, commandé par M. Joyeuse, capitaine de brûlot, est venu mouiller en rade. VENDREDI 30. — Tiré le premier coup de canon de partance dans l'après-midi. Embarqué un détachement du régiment d'Austrasie. Décembre 1781. JEUDI 6 DÉCEMBRE. — Tous les vaisseaux de l'escadre étant prêts, il a été décidé que nous appareillerions aujourd'hui. A 6 heures, signal d'embarquer canots et chaloupes. A 1 heure, signal d'appareiller à l'escadre et à la flotte. A 1 heure 1/2, l'Annibal, en sortant du port, est resté échoué sur le banc bâbord ; en entrant il a tiré du canon et demandé secours. Le général a fait signal d'envoyer des ancres et grelins; nous avons mis notre chaloupe à la mer et exécuté l'ordre. A 1 heure 1/2, le navire le Maurepas est aussi resté échoué et a demandé du secours. A 3 heures, l'Annibal a été à flot. Le Vengeur, qui avait appareillé, est resté sous voiles. L'accident survenu à l'Annibal a empêché de mettre sous voiles aujourd'hui. La Consolante ne sort point avec l'escadre et reste pour caréner. La Fortune reste pour le service de la colonie, et l'Argus est destiné pour l'Europe, annoncer notre départ. Le Maurepas s'est déchoué. Nous avions sur l'escadre et sur les bâtiments du convoi 2,500 hommes de troupes du régiment d'Austrasie, de l'Ile-de-France, légion de Lauzun et artillerie, commandés par M. le comte Duchemin, maréchal de camp, et destinés pour la côte de Coromandel, où elles devaient agir de concert avec Hyder-Ali-Kan contre l'ennemi commun. Le projet du général est de s'y rendre par la route indiquée par le comte de Grenier, capitaine de vaisseau, et que plusieurs bâtiments particuliers avaient tentée avec succès. Cette route, qu'aucune escadre n'avait encore suivie, devait nous conduire plus promptement et nous faire éviter les gros vents et Troupes sur l'escadre. Nouvelle route. DU BAILLI DE SUFFREN 325 la grosse mer de la route usitée. M. le marquis de Fleury, major général de l'armée, et M. le chevalier d'Espinassy étaient embarqués sur notre vaisseau 1. NOMS DES VAISSEAUX ET FRÉGATES QUI COMPOSENT L'ESCADRE L'Orient 74 canons... MM. d'Orves, chef d'escadre Le Héros . . 74 » ... Suffren, » L'Annibal 74 »... de Tromelin, capitaine Le Sévère 64 » ... de la Pallière, » Le Bizarre .. 64 » ... de Lalandelle, » Le Vengeur 64 » ... de Forbin, » Le Sphinx 64 » ... du Chilleau, » L'Artésien 64 » ... de Maurville, » L'Ajax 64 » ... de Bouvet, » Le Brillant 64 » ... de Saint-Félix, » Le Flamand 64 » ... de Cuver ville, » La Bellone 32 canons... MM. de Cillart, capitaine La Fine... .. 36 »... de Salvert, lieutenant La Pourvoyeuse. 40 » de Galles, » La Subtile 24 » ... de Beaulieu, » La Sylphide 14 » ... de Tromelin, » Le Diligent 10 »... Macé, lieutenant de frégate Le Pulvériseur brûlot ... Joyeuse, capitaine de brûlot 1. Lettre de M. de Suffren à Mme de Seillans A l'Ile-de-France, ce 5 décembre 1781. — Je suis en second dans une belle escadre. M. d'Orves, qui en est le chef, me fait beaucoup de caresses ; mais, comme il est si bon qu'il peut passer pour faible, la confiance qu'il me donne sera partagée avec le public. Le peu d'espoir qu'il y a de faire quelque chose, de bon avec de pareils caractères, me fait désirer mon retour avec le plus grand empressement. . . Le public d'ici m'a accueilli parfaitement, mais la jalousie des marins qui sont ici depuis cinq ans sans avoir rien fait, ne m'a pas produit le même accueil. Ce pays-ci amollit; il y a une quantité de jolies femmes et une façon de vivre fort agréable. L'on y gagne de l'argent quand on commerce. Tout cela vaut mieux que faire la guerre ; aussi reste-t-on ici tant qu'on peut. Notre campagne dans l'Inde peut estre très longue. Si on y a des succès, on n'en doit plus revenir; fuir surtout cette isle, qui ressemble beaucoup à celle de Calypso. On aurait besoin d'un Mentor. Nostre escadre bien armée peut faire de grandes choses ; il ne nous manquera que de la teste et de la confiance, chose assez rare parmi nous. Si nous revenons de l'Inde sans rien faire, mon parti est pris de m'en aller plutôt que de rester ici six mois dans le port. Je sers pour faire la guerre et non la cour aux femmes de l'Ile-de-France. » Ortolan, Monit. Univers., 2 nov. 1859. 22 Décembre 1781. 326 JOURNAL DE BORD Décembre 1781. BATIMENTS DE TRANSPORT Les Bons Amis L'Oriston Les Trois Amis Le Brinon Le Maurepas Le Daliram La Fille-Unique La Sainte-Anne Le Toscan, hôpital — Le Hyder, corvette de Hyder-Ali-Kan Route pour la côte de Coromandel. VENDREDI 7. — A 6 heures du matin, le général a fait signal à l'escadre et à la flotte de mettre sous voile. Nous avons embarqué les bâtiments à rames et mis à la voile à 7 heures 1/2, le vent étant à l'E. S. E., joli frais. A 7 heures 3/4, tous les bâtiments étaient à la voile et le général a fait signal d'ordre de marche sur deux colonnes. Nous avons fait route toute la matinée au N. N. E. A midi, latitude observée 20° 0' ; la ville du Port-Louis nous restant au S. S. E. 5° Est. Le vent a passé à l'Est et nous avons conservé au plus près tribord amures. A 3 heures 1/2, le général a appelé le Diligent et il l'a envoyé donner des ordres aux bâtiments de la flotte. A la même heure, la Pourvoyeuse fait signal au convoi de se rassembler davantage. Au coucher du soleil, l'île Ronde nous restait au S. E. 5° Est; distance 14 lieues. Le reste de la journée, le vent à l'Est, joli frais. Route au N. N. E. sous les huniers, faisant l'avantage de la misaine aux autres vaisseaux. La nuit, le vent à la même partie et même route. SAMEDI 8. — Au jour, le vent à l'E. S. E., frais; gouvernant toujours au N. N. E., le temps couvert. Au lever du soleil, nous avons observé 14° de variation N. O. A 6 heures 3/4, le vaisseau le Brillant a fait signal d'incommodité; peu après, il a signalé qu'il pouvait se réparer à la mer et il a continué sa route conservant son poste. A midi, W. N. O. 16°.— Lat. observée 18° 17' ; longit. estimée 55° 12' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 9° Nord ; chemin fait 31 lieues. Par le chemin estimé, les courants nous ont portés 18 lieues au Nord. Le reste de la journée, le vent à l'Est. Même route sous peu de voile. La nuit de même. DIMANCHE 9. — Le vent à l'E. S. E., joli frais; le temps couvert et des grains de pluie par intervalles; gouvernant au N. N. E. 5° Est. A 7 heures, nous avons pris un ris aux huniers. A midi, W. N. O. 12° 28'. — Lat. observée 14° 47'; longit. DU BAILLI DE SUFFREN 327 estimée 55° 23' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 5° Nord ; chemin fait 32 lieues 1/3. A 1 heure 1/4, le général nous a demandé quelle était notre longitude observée. Le général nous a signalé que la sienne était de 55° 45'. et nous lui avons signalé que la nôtre était de 55° 20'. Il l'a demandé au Flamand, mais il n'avait pas observé. A 3 heures, signal au convoi de se rassembler davantage. A 6 heures, nous avons pris un second ris aux huniers. Le reste de la journée, le vent à la même partie, grains et pluie par intervalles. La nuit de même, gouvernant au N. N. E. 5°Nord. LUNDI 10. — Le vent toujours à l'E. S. E. A 10 heures, le général a fait signal aux bâtiments de la flotte de passer sous le vent de l'escadre. A 9 heures, signal à la division blanche de serrer les distances. A 9 heures 1/2, signal à la flotte de forcer de voiles. A 10 heures, la flûte l'Oriston a fait signal d'incommodité occasionnée par une voie d'eau peu considérable. A midi, W. N. 0. 12° 18'. — Lat. observée 14° 53' ; longit. estimée 55° 8' ; route corrigée Nord 1° Est ; chemin fait 38 lieues. A 4 heures, le Flamand nous a demandé par un signal notre longitude observée d'hier. Nous lui avons répondu qu'elle était de 55° 20', Le reste de la journée, le vent à l'E. S. E., frais; grains de pluie par intervalles. La nuit, route au N. N. E. 5° Nord ; le vent très frais sous les huniers ; le perroquet de fougue serré. MARDI 11. — Le vent à l'E. S. E., frais. Le temps couvert et des grains de pluie de temps eh temps ; gouvernant au N. N. E. 5° Nord. Toute la matinée de même. A 11 heures, le vent a varié à l'E. N. E., petit frais. A midi, lat. observée ; 12° 46'; longit. estimée 55° 26'; route corrigée Nord ; chemin fait 42 lieues l/3, A 1 heure, le général a fait signal à la flotte de forcer de voiles. A 2 heures, le vent a repris à l'E. S. E., joli frais. A 5 heures, le Flamand a signalé sa longitude observée, qui était de 55° 25'. Toute la soirée, le vent très frais à l'E. S. E. La nuit, nous avons resté sous la misaine, les huniers serrés. MERCREDI 12.— Dans la matinée, le vent au S. S. E., frais et des grains de pluie de temps en temps. Route au N. N. E. 5° Nord; A 7 heures, le général a fait signal de faire rassembler davantage les bâtiments de la flotte. Dans la matinée, nous avons bordé les huniers. A midi, le temps étant couvert, nous n'avons pu prendre hauteur. Décembre 1781. 328 JOURNAL DE BORD Décembre 1781. W. N. O. 11° 34'. — Lat. observée 10° 52'; longit. estimée 55° 34' ; route estimée Nord 4° Est ; chemin fait estimé 38 lieues. L'après-midi, le vent a repassé à l'E. A 2 heures 3/4, le Sphinx a demandé au général la permission de communiquer avec le Brillant et le général la lui a accordée. A4 heures, la Pourvoyeuse a fait signal de diminuer de voiles à la tète du convoi. Le reste de la journée, même vent et même route. La nuit de même. JEUDI 13. — Le vent au S. S. E., petit frais. Route au N. N. E. 5° Nord. A 2 heures du matin, le vent a varié à l'Est, frais. Dans la matinée, le général a fait signal aux bâtiments de la flotte de forcer de voiles. A midi, W. N. O. 12° 22'. — Lat. observée 9° 31' ; longit. estimée 55° 37'. La route corrigée depuis mardi à midi a valu Nord 4° Est ; chemin fait 65 lieues. L'après-midi, le vent à l'E. S. E. A 4 heures, le général a signalé la route au N. E. 1/4 Nord. Tout le reste de la journée et la nuit, même route et même vent. Route pour la côte de Coromandel. VENDREDI 14. — Le vent au S. E., petit. A 5 heures 1/2, le général a fait signal à la Bellone et à la Fine de lui passer à poupe. A 7 heures 1/2, signal à la flotte de forcer de voiles. A 9 heures 1/4, le général a fait signal à toute l'escadre d'envoyer les malades à bord de l'Hôpital, et, en même temps, il a fait signal à l'Hôpital de recevoir les malades. Nous avons aussitôt forcé de voiles pour rejoindre le bâtiment de l'Hôpital, qui était de l'avant. A 10 heures, nous avons mis en panne et mis le canot à la mer, et nous avons envoyé deux malades à bord du bâtiment chargé de les recevoir. A 11 heures, notre canot a été de retour ; nous l'avons embarqué et fait servir. A 11 heures 1/2, étant par le travers du général, M. de Moissac a été lui rendre compte du nombre d'hommes que nous avions débarqués ; peu après, il a été de retour. A midi, lat. observée 8° 24' ; longit. observée 55° 58'. — Route corrigée N. N. E. 5° Nord ; chemin fait 23 lieues 1/3. A 2 heures, le général a signalé la route au N. E. Le reste de la journée, même route. La nuit de même, sous les huniers ; toujours beau temps. SAMEDI 15. — Le vent au S. S. E., petit. A 7 heures 1/2, le Sphinx a demandé à communiquer avec le Brillant, et le général lui DU BAILLI DE SUFFREN 329 a accordé. A 9 heures 1/2, le général a demandé au Flamand quelle était sa variation observée ; ce vaisseau ne l'a pas signalée. A midi, lat. observée 7° 18' ; longit. estimée 56° 36'. — Route corrigée N. E. 1/4 Nord; 5° Nord ; chemin fait 25 lieues. A 2 heures, le général a signalé la route au. N. E. 1/4 Est. Tout l'après-midi, le vent au S. S. O., petit ; gouvernant au N.. 5° Est. DIMANCHE 16. — Tout l'après-midi, le vent au S. S. E., petit, gouvernant au N. E. 1/4 Est, et le. vent au S. O., petit ; beau temps et belle mer. A 6 heures, nous avons demandé à parler au général et il nous l'a accordé. A la même heure, il a fait signal à l'escadre de mettre en panne, tribord amures. A 7 heures 1/2, nous avons mis le canot à la mer et il a été à bord du général avec M. de Moissac. A 8 heures, il a été de retour et nous l'avons embarqué. Le général a fait signal de faire servir, gouvernant au N. E. 1/4 Est. A 11 heures 1/2, M. le comte d'Orves et M. Duchemin avec M. Bolle sont venus dîner à bord du Héros. A midi, W. 7° 30'.— Lat. observée 6° 16'; longit. estimée 57° 29' ; route corrigée N. E. 4° Nord ; chemin fait 27 lieues 1/4. Notre observation de latitude nous a donné 17' plus Nord que l'estime. LUNDI 17. — Le vent à l'O. S. O., petit ; le temps couvert. A 6 heures, le général a signalé la route à l'E. N. E. A 9 heures, nous avons cru voir des brisants au N. N. O. et nous l'avons aussitôt signalé. Nous avons mis en travers et le général aussi, et la Subtile a couru au N. N. O. où elle a sondé pendant près d'un quart d'heure, sans rien découvrir. Notre erreur est sûrement provenue des rayons du soleil, qui donnaient dans cette partie. A 9 heures 1/2, le général a fait servir et nous avons continué la route. A midi, W. 6° 46'.— Lat. observée 5° 26'; longit. estimée 58° 18' ; route corrigée N. E. 1° 30' Nord ; chemin fait 24 lieues. 15' de différence Nord. L'après-midi, le vent à l'O. S. O. A 5 heures 1/2, le général a fait signal à la tête de la flotte de diminuer de voiles. Pendant la nuit, nous avons eu des grains frais et orageux. MARDI 18. — Le vent frais de l'O. S. O. à l'O. N. O. ; le temps couvert et pluvieux. A midi, W. 5° 46'. — Lat. estimée 4° 52' ; longit. estimée 59° 16' ; route estimée N. E. 1/4 Est 5° Est ; chemin fait estimé 22 lieues. Décembre 1781. 330 JOURNAL DE BORD Décembre 1781. A 1 heure, le général a signalé la route à l'Est. Tout l'après-midi, nous avons fait cette route. Le vent à l'O. S. O., frais ; le temps couvert et pluvieux. La nuit de même. MERCREDI 19. — Le vent à l'Ouest, petit ; le temps toujours fort couvert. A 8 heures, le général a fait signal de faire diminuer de voiles à la tête de la flotte. A midi, W. 5° 42'. — Lat. observée 4° 22'; longit. estimée 66° 22'. La route corrigée depuis lundi à midi a valu E. N. E. 4° Nord; chemin fait 46 lieues. L'après-midi, le général a signalé sa longitude observée d'aujourd'hui et il a demandé celle des autres vaisseaux L'Orient, 59° 45', — le Héros, 58° 35', — l'Annibal, 58° 24', — le Flamand, 58° 32', — le Bizarre, 58° 34' ; terme moyen de toutes ces observations 58° 48'. — A 5 heures, la Pourvoyeuse a signalé aux bâtiments de tête de la flotte de diminuer de voiles. Le reste de la journée, le vent petit â l'Ouest, beau temps; gouvernant à l'Est. Route pour la côte de Coromandel. JEUDI 20. — Le vent à l'Ouest, le temps couvert et pluvieux. Au jour, le général a fait signal à l'escadre et à la flotte de mettre en panne afin d'attendre le Sphinx et l'Artésien, qui, pendant la nuit, s'étaient fort laissé arriérer. A 9 heures, le général a fait signal au Sphinx de forcer de voiles. A 10 heures 1/2, ces deux bâtiments étaient ralliés. Le général a fait signal de faire servir ; à 11 heures, signal de rassembler la flotte. A midi, lat. observée 4° 8' ; longit. estimée 61° 20' ; route corrigée Est 1/4 N. E. 2° Nord ; chemin fait 20 lieues. L'après-midi, le vent au N. N. O. ; route à l'Est. Pendant la nuit, le vent a été très frais de la même partie et pluie continuelle. VENDREDI 21. — A 6 heures 1/2, le général a fait signal de rassembler la flotte. Toute la matinée, le temps très couvert. Route à l'Est. A 11 heures, le général a fait signal au Sévère de serrer la ligne. A midi, W. N. O. 5°. — Lat. estimée 3° 38' ; longit. estimée 63° 14' ; route estimée Est 1/4 N. E. 5° Est ; chemin fait 38 lieues 2/3. Le général a signalé la route à l'Est 1/4 S. E. Le reste de la journée, nous avons fait cette route ; le vent à l'Ouest. La nuit, grosse pluie. SAMEDI 22. — Le vent à l'O. N. O. Au jour, la pluie a cessé. A 8 heures 1/2, signal de rassembler la flotte. A midi, W. N. O. 3°, — Lat. observée 4° 16'; longit. estimée ; DU BAILLI DE SUFFREN 331 65° 8'; route corrigée depuis jeudi à midi Est 2° Sud; chemin fait 76 lieues. A midi 1/2, le général a signalé la route à l'Est. Dans l'après-midi, le général a demandé aux vaisseaux leur longitude observée Le Flamand a signalé 64° 48', — le Héros, 66° 8',— le général, 65° 44'. — La nuit, le vent a varié au N. N. O., petit. DIMANCHE 23. — Le vent au Nord, petit ; beau temps. A 6 heures, le général a mis notre flamme d'appel. Nous avons aussitôt mis un canot à la mer et il a été à son bord ; à 7 heures, il a été de retour. Nous avons profité du calme, ayant le canot à la mer, pour observer la direction des courants, et nous avons trouvé qu'ils nous portaient à l'Est 1/4 N. E., faisant environ deux noeuds. A . heures 1/2, nous avons mis toutes voiles dehors pour reprendre notre poste. A midi, W. N. O. 2° 4'.— Lat. observée 4° 4' ; longit. estimée 66° 22' ; route corrigée Est 1/4 N. E. 2° Est ; chemin fait 25 lieues. A 1 heure 1/2, le général a appelé le Diligent. A 3 heures 1/2, le général a demandé à l'Annibal sa longitude observée. A 5 heures, nous avons envoyé un canot à bord du général ; il a été de retour le soir et nous l'avons embarqué. Toute la nuit, route à l'Est. LUNDI 24. — Le vent au N. N. O. A 8 heures, nous avons mis un petit canot à la mer et nous avons observé la direction des courants ; ils portaient à l'Est 1/4 N. E., faisant environ un noeud. Lorsque le canot a été à bord, nous l'avons embarqué. A 9 heures, le général a fait signal à l'Hôpital de recevoir les malades de l'escadre; nous avons été exempts de lui en envoyer. Dans la matinée, MM. de Salvert et Beaulieu sont venus à notre bord. A 11 heures, nous avons mis le grand canot à la mer, et M. de Suffren a été à bord de l'Orient, dîner avec M. d'Orves. A midi, W. N. O. 1° 30'. — Lat. observée 4° 4' ; longit. estimée 67° 27' ; route corrigée Est; chemin fait 21 lieues 1/2 L'après-midi, la Pourvoyeuse a fait mettre en panne la tête de la flotte afin de la rassembler. A 6 heures 1/2, M. de Suffren a été de retour de l'Orient et nous avons embarqué le grand canot; A la même heure, nous avons pris un ris à chaque hunier. La nuit,.le vent au N. O., petit frais. Route à l'Est. MARDI 25. - Le vent au N. O., joli frais; même route; beau temps. Rien de remarquable dans la matinée. Amidi, W. N. O. 1°-38'. — Lat. observée 4°. 19'; longit. estiDécembre estiDécembre 332 JOURNAL DE BORD Décembre 1781. mée 69° 6' ; route corrigée Est 1/4 S. E. 4° Est chemin fait 33 lieues. A 6 heures du soir, la Subtile nous a envoyé son canot pour prendre du boeuf que nous devions lui donner. Pendant la nuit, le vent au N. O., joli frais. Route à l'Est. MERCREDI 26. — Même vent et même route. A 5 heures 1/2, le général a mis notre flamme d'appel. Nous avons mis notre canot à la mer et il a été à bord du général ; peu après il a été de retour. A 6 heures, le général a fait signal à la flotte de se rassembler davantage. Nous avons été en panne jusqu'à 7 heures V2. Ayant embarqué la yole, nous avons fait servir. A midi, W. N. O. 1° 2. — Lat. observée 4° 37'; longit. estimée 70° 31'; route corrigée Est 1/4 S. E. 3° Sud; chemin fait 28 lieues 3/4. A midi 3/4, le général a signalé la route à l'E. N. E. Tout l'aprèsmidi, le vent a été à la partie du N. O., petit. Nous avons gouverné à l'E. N. E., la nuit de même. JEUDI 27. — Le vent au N. N O., presque calme. A 6 heures, nous avons largué le grand hunier pour le raccommoder. A 8 heures, nous l'avons bordé. A 10 heures 1/2, nous avons mis la yole à la mer pour observer la direction des courants ; nous avons trouvé qu'ils portaient au S. E., filant un noeud 1/2. A midi, W. N. O. 0° 37'. — Lat. observée 4° 48' ; longit. estimée 71° 10'; route corrigée Est 1/4 S. E. 2° Sud; chemin fait 14 lieues 1/4. Différence Sud 8 lieues 2/3. Al heure, le général a signalé la route au Nord V4 N. E. L'après-midi et la nuit, nous ayons fait la même route, le vent petit au N. O. VENDREDI 28. — Le vent à l'O. N. O. A 6 heures, il a varié à l'E, S. E., petit; presque calme. A 8 heures, la Pourvoyeuse a fait signal à la flotte de tenir le vent. A midi, W. N. O. 0° 25'. — Lat. observée ; 4° 27'; longit. estimée 72° 4'; route corrigée E. N. E. 1° Nord; chemin fait 17 lieues 2/3 A 6 heures, nous avons pris un ris dans chaque hunier. La nuit, le vent a varié au S. O. Route au Nord 1/4 N. E. La nuit, même vent et même route, DU BAILLI DE SUFFREN 333 SAMEDI 29. — Le vent au S. O., petit; temps nuageux. Route au N. E. 1/3 Est. A 8 heures, avons demandé au général de lui parler. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 39 lieues à l'E. N. E. 4° Est. — Lat. observée 3° 58' ; longit. arrivée 73° 2'. A 1 heure, signalé la route à l'Est 1/4 N. E. A 2 heure 1/4, avons mis en panne, bâbord amures. A 1 heure V2, avons fait servir. A 9 heures, le vent a varié au N. O., frais. A 11 heures, le vent a varié du à l'O. petit frais; pluie et orage. DIMANCHE 30. — Le vent au N. O., petit frais; temps clair. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues 3/4 à l' E. 2° Est. —Lat. observée 3° 34'; longit. arrivée 74° 2'. Le général a signalé la route à l'Est du compas. Le vent à l'Ouest, petit; temps nuageux; pluie par intervalles. LUNDI 31. — Le vent à l'Ouest, petit ; temps nuageux et pluie par intervalles. Route à l'Est du compas. A 6 heures, nous avons eu un grain de pluie et le vent a fraîchi de. la partie du N. O. Route à l'Est du compas. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 24 lieues 2/3 à l'Est 3° Sud. — Lat. observée 3° 37' ; longit. arrivée 75° 18'. A 1 heure, le général a fait signal d'un homme tombé à la mer; aussitôt avons mis en panne. A 1 heure 1/4, avons fait servir. La nuit, même vent et même route. MARDI 1er JANVIER.— Le vent à l'Ouest, joli frais ; temps nuageux. Route à l'Est. A 5 heures, nous avons mis en panne pour attendre le canot de la Subtile. A 5 heures 1/4, nous avons fait servir. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 52 lieues 3/4 à l'Est 4° Nord. W. observée N. E. 1° 6'. —. Lat. osbervée 3° 23' ; longit. arrivée 76° 31'. Le reste la journée et pendant la nuit, même vent et même route. MERCREDI 2. — Le vent à l'O. S. O., très petit ; temps couvert et pluvieux. A 9 heures, le général a mis la flamme du Sévère. A 10 heures; le vent a varié à l'Est, très petit, et nous avons pris les amures a tribord. Peu après, le vent a repris à l'Ouest et nous avons remis en route. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a Décembre 1781. Route pour la côte de Coromandel, Janvier 1782. 334 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. valu 23 lieues 1/4 à l'Est 1/4 N. E. 5° Est. W. N. E. 1° 50. — Lat. observée 3° 13' ; longit. arrivée 77° 55'. Le reste de la journée, le vent à l'Ouest. Route à l'Est. La nuit de même. JEUDI 3. — Le vent à l'O. N. O., presque calme. Au jour, le vent se décide à l'Ouest, joli frais. A 10 heures, le Vengeur a tiré un coup de canon et fait une punition exemplaire. A 11 heures, le général a fait signal au convoi de se rassembler davantage. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues 2/3 à l'Est 1/4 N. E. 1° Nord. W. N. E. 1° 25'. — Lat. observée 2° 58' ; longit. arrivée 78° 59'. Nous avons 8' de différence Nord. A 6 heures du soir, M. du Chilleau est venu à bord avec plusieurs officiers passagers, embarqués sur le Sphinx; sur les 8 heures, ils sont retournés à leur bord. Pendant la nuit, le vent à l'O. N. E. Route à l'Est. VENDREDI 4. — Le vent au N. O. Au jour, le général nous a appelés pour nous donner la moitié d'un boeuf. Nous avons profité du canot que nous avions mis à la mer pour observer les courants ; ils portent à l'Est 1/4 N. E., filant un noeud. La matinée, M. de Galles est venu à bord, et, après être resté une demi-heure avec le général, il est retourné à bord de la Pourvoyeuse. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues 2/3 à l'Est 3° Nord. W. N. E. 1° 25'. — Lat. observée 2° 54' ; longit. arrivée 80° 7'. L'après-midi, le vent à l'O. N. O., petit. Route à l'Est. La nuit de même. SAMEDI 5. — Le vent petit de la partie de l'Ouest. A 7 heures 1/2, le général a fait signal au Flamand de lui passer à poupe. A 9 heures, nous avons signalé au général que notre longitude observée était de 34° 22'. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues 1/2 à l'Est 4° Nord. W. observée N. E. 1° 30'. — Lat. observée 2° 49' ; longit. estimée 81° 9'. L'après-midi, le vent à la partie de l'Ouest. Route à l'Est. La nuit de même. DIMANCHE 6. — Le vent toujours à l'Ouest, petit; beau temps. Même route. A 8 heures du matin, nous avons mis la yole à la mer et elle a été à bord du général pour y prendre la moitié d'un boeuf ; DU BAILLI DE SUFFREN 335 peu après, elle a été de retour. A 9 heures, le général a demandé au Flamand et à nous nos longitudes observées et il nous a signalé la sienne L'Orient 86° 30',— le Héros 85° 35', — le Flamand 85° 45'. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues à l'Est 3° Nord. W. observée N. E. 1° 50'. — Lat. observée 2° 46'; longit. estimée 82° 9'. L'après-midi, nous avons observé le courant, qui porte à l'Est 1/4 N. E., filant un quart de noeud. Pendant la nuit, le vent à l'Ouest et O. S. O., petit. Route à l'Est. LUNDI 7. — Le vent au S. S. O., presque calme. A 6 heures, il est venu à bord un canot au général et un de la Pourvoyeuse. A 7 heures; le général a fait signal à la flotte de se rassembler davantage. Les deux canots qui sont venus le matin sont retournés à leur bord dans la matinée. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 16 lieues 1/4 à l'E. N. E. 2° Nord. W, N. E. 1° 58'. — Lat. observée 2° 25' ; longit. arrivée 82° 53'. A 1 heure, le Vengeur a demandé au général de faire passer ses malades à bord de l'Hôpital ; le général le lui a permis et il a manoeuvré en conséquence. La huit, le vent à l'Ouest, très petit; gouvernant à peine. MARDI 8. — Le vent très petit et variable, presque calme. A 8 heures, nous avons cargué le petit hunier pour le raccommoder. Dans la matinée, le canot du général est venu à bord avec M. Bolle, major de l'escadre. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 9 lieues 2/3 au N. E. 2° Nord. W. N. E. 2° 5'.— Lat. observée 2° 3'; longit. estimées 83° 43'. L'après-midi, nous avons observé que lés courants portent au N. E, 5° Est, filant un noeud. Sur le soir, M. Bolle est retourné à son bord. Dans la journée, M. de Ruyter a fait une observation qui nous a donné 86° 36'. Toute la nuit, calme plat. MERCREDI 9. — Calme. A 9 heures, nous avons eu une petite brise de Nous avons fait route à l'Est. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 6 lieues 1/2 au N. E. 1/4 Est 2° Est. W. N. E. 2° 4'. — Lat. observée 1° 53'; longit. estimée 83° 29'. L'après-midi, le vent très petit. Même routé. Là nuit de même. Janvier 1782. 336 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. JEUDI 10. — Le vent à l'O. N. O., frais ; temps couvert et grains de pluie par intervalles. Route à l'Est. Dans la matinée, nous avons envoyé un canot à bord de la Pourvoyeuse et nous l'avons embarqué lorsqu'il a été de retour. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues â l'Est 2° Sud. — Lat. observée 1° 54' ; longit. estimée 84° 36'. L'après-midi, même temps. Toute la nuit, nous avons fait route sous les basses voiles serrées et les huniers cargués. Le temps pluvieux. VENDREDI 11. — Le vent au N. O., frais ; temps pluvieux. Au jour, nous avons fait voile des huniers. Peu après, le général a fait signal à la flotte de se rassembler davantage ; à 10 heures 1/2, il a signalé la route au N. E. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 60 lieues 2/3 à l'Est 1° Nord. — Lat. observée 1° 50' ; longit. estimée 86° 31'. L'après-midi, le vent a régné à l'O. N. O. Route au N. E. La nuit de même. SAMEDI 12. — Dans la matinée, le vent à l'O. S. O., petit ; beau temps. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues 2/3 au N. E. W. N. E. 2° 52'. — Lat. observée 1° 6'; longit. estimée 87° 15. A 1 heure, le général a signalé la route au N. N. E. Le reste de la journée et la nuit, le vent a régné à la même partie et même route. DIMANCHE 13. — Le vent à l'O. S. O., le temps couvert. Même route. A 6 heures 1/2, nous avons mis la yole à la mer et elle a été envoyée à bord du général ; étant de retour, on l'a embarquée. A 11 heures, le général a fait signal aux traînards de forcer de voiles. Nous avons eu de la pluie presque toute la matinée. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues au N. N. E. 2° Est. W. N. E. 2° 48'. — Lat. observée 00° 11' ; longit. arrivée 87° 40'. L'après-midi, le vent a passé au S. S. E. La nuit, de même. Route au N. N. E. LUNDI 14. — Le vent a pris au N. O. A la pointe du jour, nous avons gouverné au plus près, les amures à bâbord. A 11 heures, avons DU BAILLI DE SUFFREN 337 mis la yole à la mer et avons observé les courants ; ils nous portent au N. E., filant deux tiers de noeud. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 20 lieues au N. N. E. 2° Nord. W. N. E. 2° 18'. — Lat. observée 00° 47' ; longit. estimée 87° 58'. Nous avons eu 27' de différence Nord. L'après-midi, le vent a varié à l'E. N. E. ; nous avons pris les amures à tribord et nous les avons conservées de même pendant la nuit. MARDI 15. — Le vent au N. N. E., tribord les amures. A 10 heures du matin, le général a fait signal à l'escadre et à la flotte de virer de bord vent devant ; nous avons tous pris les amures bâbord. Depuis hier midi à là même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 14 lieues N. O. 1/4 Nord 5° Nord. W; N, E. 1° 30'. — Lat. observée 1° 24'; longit. estimée 27° 38'. Nous avons eu 15' de différence Nord. L'après-midi, nous avons changé le grand hunier pour le raccommoder. Le reste de la journée et la nuit, petit vent de la partie du Nord ; mêmes amures. MERCREDI 16.— Le vent au jour a passé au N. O. Nous avons continué de tenir le vent, les amures bâbord. A 6 heures, nous avons mis flamme de boeuf; le général et la Pourvoyeuse nous ont envoyé un canot pour en prendre. A 9 heures 1/2, le général a fait signal à la flotte de se rassembler davantage. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 12 lieues 2/3 à l' 4° Nord. W. N. E. 1° 30'. — Lat. observée 1° 40'; longit. estimée 88° 12'. A 5 heures, le général a fait signal au Vengeur de se mettre à son posté. Sur le soir, le vent à varié au S. E. Le temps s'est mis à l'orage et nous avons eu de fréquents grains de pluie. Toute la nuit, le temps a été nuageux et pluvieux, le vent variable et calme. JEUDI 17. — Au jour, le temps s'est éclairai et le vent s'est un peu décidé à la partie du Nord. Le général a fait signal de ralliement. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 5 lieues au N. E. 2° Est. W. N. E. 0° 29'. — Lat. observée 1° 50'; longit. estimée 88° 23'. A 1 heure, le vent a varié au O.; nous avons tenu les amures à bâbord. Le temps s'est remis à la pluie et à l'orage. Sur le soir, le vent a passé au Sud et la pluie n'en est devenue que plus forte. Pendant là nuit, même temps. Nous avons fait route au N. N. E. Janvier 1782. Route pour la côte de Coromandel. 338 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. VENDREDI 18. — A 4 heures, la pluie a cessé. Au jour, le temps était assez beau, le vent frais de la partie du Sud. A 9 heures 3/4, les frégates qui étaient au vent ont fait signal qu'elles voyaient la terre. Nous avons aussi cru l'apercevoir et par notre point nous jugions que c'était l'île aux Cochons ; mais, peu après, nous avons été détrompés en la voyant disparaître. Ce n'était que des nuages à l'horizon qui se sont dissipés ; les frégates ont fait signal d'annulement. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route estimée a valu 16 lieues 1/2 au Nord 3° Est. W. N. E. 2° 21'. — Lat. estimée 2° 40' ; longit. estimée 88° 25' L'après-midi, le vent a passé à l'Est. Nous avons fait route au Nord. A 2 heures, le général a fait signal à la flotte de se rassembler - davantage. La nuit, le vent à l'Est; route au Nord. SAMEDI 19. — Le vent à l'E. N. E., petit. A 6 heures, nous avons mis la yole à la mer ; elle a été à bord du général, et, lorsqu'elle a été de retour, nous l'avons embarquée. A 6 heures 3/4, la Pourvoyeuse a signalé un bâtiment étranger ; le général nous a fait signal de chasse dans le S. O.; même signal à l'Artésien. Nous avons tout de suite forcé de voiles, et, peu après, nous avons aperçu le bâtiment dans l'O. S. O. ; il avait les amures bâbord. Nous avons gouverné au Nord 1/4 S. O. et l'avons beaucoup approché dans le commencement. A 7 heures 1/2, le général a signalé qu'il laissait les chasseurs libres de faire la manoeuvre la plus convenable. A 9 heures 1/2, ce bâtiment, étant au plus à 3 lieues de nous, nous a fait des signaux de reconnaissance et nous lui avons répondu comme bâtiment de la Compagnie anglaise et tiré un coup de canon. Alors, ce bâtiment s'est méfié et a pris chasse, faisant la même route que nous toute la matinée. Nous l'avons gagné, mais moins vite depuis qu'il a pris chasse. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 30 lieues au Nord 1° Ouest. — Lat. observée 3° 21' ; longit. estimée 88° 22'. A 1 heure, nous étions assez près de ce bâtiment pour reconnaître qu'il était vaisseau de guerre. On lui voyait ses deux batteries de dessous le pont; il nous paraissait être de 50 canons. Nous avons fait un branle-bas général pour nous préparer au combat et nous avons fait signal à l'Artésien d'en faire de même. Le vent a passé, peu après, à l'E. S. E., ce qui nous a fait tenir le vent les amures, bâbord. A 1 heure 1/2 le vaisseau nous restait au S. E. et il a viré de bord DU BAILLI DE SUFFREN 339 vent devant. Nous avons aussitôt fait la même manoeuvre. A 2 heures, il a reviré, et nous avons aussitôt repris les amures à bâbord. De ce moment, nous n'avons plus approché ce bâtiment et il a recommencé à nous gagner. Nous avons continué la chasse jusqu'à 5 heures 1/2 du soir; il était alors à 2 heures 1/2 de nous. Comme il nous avait gagné dans l'après-midi, nous avons perdu l'espoir de le joindre dans la nuit, et M. de Suffren, ne voulant pas se séparer de l'escadre, a ordonné de virer de bord. Nous avons en même temps fait signal à l'Artésien de ralliement et de rétablir son branle-bas. A 6 heures, l'Artésien nous a envoyé son canot à bord pour demander l'explication d'un signal que nous avions fait et qu'il n'avait pas compris. Toute la nuit, nous avons fait route au Nord 5° Ouest pour rallier l'escadre. DIMANCHE 20. — Le vent à l'E. S. E. A 5 heures 3/4, l'Artésien a signalé quatre bâtiments au vent. Peu après, nous en avons compté douze et nous avons reconnu que c'était l'escadre; elle nous restait au N. E. 1/4 Nord, à la distance de 5 lieues. Nous avons tenu le vent les amures tribord. A 10 heures, nous avons viré de bord pour rallier l'escadre ; elle arrivait sur nous en dépendant. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 14 lieues 1/4 au Nord 1/4 N. O. 1° Nord. — Lat. observée 4° 3' ; longit. estimée 88° 15'. L'après-midi, nous avons viré plusieurs fois de bord, et, à 3 heures, nous étions ralliés et nous avons demandé à parler au général? il l'a accordé. Nous avons mis notre canot à la mer et M. de Suffren a été à son bord lui rendre compte de la chasse. A 5 heures, il a été de retour. A 5 heures 1/2, Ie vent ayant manqué tout à fait, nous avons mis tous les canots à la mer pour nous faire abattre sur tribord et nous écarter du général. A 6 heures, tous nos canots ont été à bord de l'Artésien pour l'écarter aussi du général. A 9 heures, le vent s'est décidé au N. N. E. Nous avons embarqué nos canots et fait route au plus près, les amures bâbord. LUNDI 21.— Le vent au N. N, E., frais. Au jour, nous avons aperçu un bâtiment sous vent, nous restant au S. E.; plusieurs l'ont signalé. Le général a aussitôt fait signal de chasse au Vengeur, à l'Artésien et à nous. Toute l'escadre et la flotte s'est mise à notre route. Dès que ce bâtiment a vu que nous le chassions, il a pris chasse, faisant la même route que nous; nous l'avons reconnu pour être le Janvier 1782. Vu un bâtiment étranger. Signal de chasse à l'Artésien, au Vengeur et au Héros. 340 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. même vaisseau que nous avions chassé le 17 et nous avons fait branlebas pour nous préparer au combat. A 8 heures 3/4; nous l'avions déjà un peu rapproché. L'Artésien a fait signal à l'escadre que l'on espère joindre. Le général a fait signal qu'il laissait les chasseurs libres de faire la manoeuvre la plus convenable. Toute la matinée, nous l'avons gagné, ayant l'avantage de marche sur l'Artésien et le Vengeur. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 12 lieues 1/3 au S. E. 1/4 Est 5° Sud. — Lat. observée 3° 39' ; longit. estimée 88° 43'. L'escadre nous reste au N. N. O., à la distance de 4 lieues, faisant notre même route. Le vaisseau chassé nous restait au S. E. 5° Sud, à la distance de 3 lieues. L'après-midi, le vaisseau nous a gagné de sorte qu'à 4 heures il a été presque aussi éloigné que ce matin. Cependant nous avons continué la chasse. Le vent s'est calmé peu après et nous l'avons assez approché pour le conserver dans la nuit. A 10 heures 1/2, la lune s'étant couchée, nous n'avons plus vu le vaisseau ; il nous restait au Sud 1/4 S. E., éloigné au plus de 2 lieues. A 11 heures, nous avons été en calme plat à ne pouvoir plus gouverner. Toute la nuit, nous avons eu un feu aux barres du grand perroquet. Les trois vaisseaux engagent la lutte. MARDI 22. — A 1 heure 3/4, le vent a varié au Sud et nous avons pris les amures bâbord. Au jour, nous avons vu le bâtiment dans la partie du S. S. E., à la distance de 2 lieues au plus. L'on voyait aussi l'escadre nous restant au N. N. O. 5° Ouest. A la même heure, avons mis deux canots à la mer pour nous aider à prendre les amures tribord; aussitôt que nous avons eu viré, nous les avons rembarques. L'Artésien a pris les amures bâbord. Le Vengeur était beaucoup sous le vent et tenait le même bord que nous. A 9 heures 1/2, le vaisseau ennemi. a viré de bord ; nous avons fait la même manoeuvre que lui. A 10 heures l/2, il a encore reviré ; nous en avons fait autant. Dans tous ces bords, ce vaisseau dérivait beaucoup plus que nous, de sorte que nous en étions déjà fort près. A 11 heures, nous avons eu un grain très favorable, le vaisseau étant presque en calme. Voyant qu'il allait être joint, il a laissé arriver et DU BAILLI DE SUFFREN 341 fait porter sur l'Artésien, qui était de l'avant et sous le vent à nous. A 11 heures 1/2, nous avons mis le pavillon de poupe et de commandement; ledit vaisseau a mis; pavillon et flamme anglais, et, quoique nous en fussions à plus d'une portée de canon, il nous a tiré sa bordée; nous n'avons reçu aucun de ses boulets et, sans lui riposter, nous avons continué de l'approcher. Il a continué à faire feu sur nous, et, lorsque ses boulets ont commencé à venir abord, nous lui avons tiré une bordée, et, après, nous avons retenu le vent pour l'approcher encore. A midi 1/2, sa mitraille venait à bord; nous avons cargué la grande voile pour arriver et lui présenter le travers. Dès qu'il a vu notre manoeuvre, il a amené son pavillon et ses voiles, L'Artésien, quoique fort loin, lui a tiré quelques coups de canon. Nous avons aussitôt mis tous les canots à la mer et fait signal d'amariner. M. de Suffren a envoyé M. de Ruyter abord de la prise pour l'amariner et en prendre le commandement. Le capitaine anglais est venu à bord avec tous ses officiers ; il nous a dit que son vaisseau était l'Annibal, de 50 canons, qu'il venait de Sainte-Hélène et allait à Madras. Il nous a dit aussi que c'était lui qui avait arrêté au Cap le convoi de la Bellone et qu'il n'en avait pris que deux bâtiments, le Necker et le Sévère. L'équipage de ce vaisseau est de 280 hommes, dont 80 attaqués par le scorbut. Nous ne lui avons tué ni blessé personne, et, quoique nous ayons reçu plusieurs de ses boulets, nous n'avons eu personne de touché. Son artillerie de 24, de 12 et de 6, perce de 11 sabords à la première batterie, et de 12 à la seconde. Il est en très bon état et est doublé en cuivre. Son équipage a été partagé entre nous, le Vengeur, l'Artésien et le Sphinx. Nous avons mis sur le vaisseau environ 50 hommes. M. Giloux y a été envoyé pour rester avec M. de Ruyter. Il y avait sur le vaisseau une jeune 23 Janvier 1782. Prise de l'Annibal anglais. 342 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. femme, mariée avec un officier d'infanterie, passager ; elle est restée sur le vaisseau. A 6 heures du soir, l'escadre nous restait au Nord 5° Ouest, distance 3 lieues. Nous faisions route pour la rallier. A 11 heures, nous avons tiré des fusées et le général nous a répondu. Nous avons fait route au Nord 1/4 N. E. pour rallier l'escadre. MERCREDI 23. — Dans la nuit, le vent a passé au N. E., frais; le temps couvert et pluvieux. Route au plus près, les amures tribord. A minuit 3/4, le général a tiré plusieurs fusées, auxquelles nous avons répondu. A 3 heures 1/2, nous étions ralliés à l'escadre et nous avons mis en panne. Au jour, tous les vaisseaux ont mis leurs pavillons. La prise a mis pavillon anglais renversé. M. de Suffren a été à bord du général. Lorsqu'il a été de retour, il nous a appris que l'intention du général était d'armer promptement ce vaisseau et que le commandement en était donné à M. de Villeneuve-Cillart, capitaine de la Bellone, et que M. de Ruyter commanderait la Bellone ; mais que ce changement n'aurait lieu qu'à l'atterrage. M. de Saint-Mandé doit y être en second et plusieurs vaisseaux doivent fournir des officiers et des hommes d'équipage. Nous avons eu ordre de lui donner 6 hommes, dont un maître canonnier, un aide-pilote et des quartiers-maîtres. Toute la matinée, on est resté en panne, pour que la communication se fît avec plus de facilité. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 6 lieues 2/3 à l'Est 4° Sud. W. N. E. 2° 5'. — Lat. observée 3° 38' ; longit. estimée 89° 00'. A midi 3/4, le général a fait signal de faire servir et signal à la flotte de passer sous le vent de l'armée. A 5 heures 1/2, signal d'ordre de marche sur deux colonnes, les généraux à la tête, l'Annibal prise à son poste dans notre colonne, entre le Sévère et l'Artésien. Dans la nuit, le vent variable du S. E. à l'Est. Route au Nord. L'Annibal anglais est mis sous les ordres de M. de VileneuveCillart. VileneuveCillart. DU BAILLI DE SUFFREN 343 JEUDI 24. — Le vent au N. N. E., petit; presque calme; le temps couvert; les amures tribord toute la. matinée. Il y a eu beaucoup de communications parmi tous les bâtiments. Depuis lundi midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 21 lieues 1/3 au Nord 1/4 N. E. W. N. E. 1° 45'. — Lat. observée 4° 43' ; longit. arrivée 88° 53'. A 2 heures, nous avons mis le canot à la mer ainsi que le bateau, qui ont été envoyés à bord de la prise chercher les gens de trop de notre équipage qui y étaient depuis le jour de sa prise, M. Giloux aussi est revenu. Le soir, nous avons rembarqué le canot. Toute la nuit, le vent à l'E. N. E., frais ; le temps couvert et pluvieux. VENDREDI 25. - Le vent au N. E., frais; même temps, tribord amures, A 6 heures, le Flamand a signalé une voile sous le vent. Le général nous a fait signal de chasse. Même signal au Sphinx et à la Bellone. En même temps, il a fait signal de ralliement à la nuit. A 7 heures, nous ayons reconnu que le bâtiment que nous chassions était la Fine, qui, dans la nuit, s'était fait escorter par l'escadre. Nous nous sommes ralliés à l'escadre de même que les autres chasseurs. Depuis hier midi, à là même heure aujourd'hui, la route, corrigée a valu 10 lieues au Nord 1/4 N. E. 5° Est. — Lat. observée 5° 39' ; longit. arrivée 88° 33'. L'après-midi, le vent à l'E. N. E. Route au Nord, A 4 heures, nous avons mis un canot à la mer qui a été à bord de la prise, l'Annibal, pour y prendre les gens de notre équipage qui ne devaient pas y rester. Sur le soir, étant de retour, nous l'avons rembarqué. Pendant la nuit, le vent au N. N. E. ; tribord amures. SAMEDI 26. — Le vent au N. E., petit frais; tribord amures. Dans la matinée M. de Suffren a envoyé un canot à bord du général pour savoir de ses nouvelles, ayant appris que depuis quelques jours il était indisposé. Au retour du canot, nous avons su qu'il était fort mal et qu'il était attaqué d'une maladie très compliquée et qui pouvait être très dangereuse s'il restait encore longtemps à la mer. Depuis hier à midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 16 lieues 1/2 N. O. 1/4 Nord 2° Ouest. — Lat. observée 6° 19'; longit. estimée 88° 4'. Nous avons eu 17' de différence. L'après-midi, nous avons eu les amures tribord ; même vent. Le soir, nous avons pris deux ris. La nuit, nous avons continué la même route. Janvier 1782. Maladie de M. d'Orves. 344 JOURNAL DE BORD Janvier 1782. DIMANCHE 27. — Le vent au N. B., joli frais; tribord amures. Dans la matinée, notre canot a été à bord du général et nous avons appris qu'il allait mieux aujourd'hui qu'hier. Depuis hier à midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 23 lieues 3/4 au N. O. 4° Nord. — Lat. observée 7° 18' ; longit. estimée 87° 17'. L'après-midi, le vent à la même partie ; mêmes amures. La nuit de même. LUNDI 28. — Le vent au N. E., petit frais ; tribord amures. Dans la matinée, mis le canot à la mer, et M. de Suffren a été à bord du général. Nous avons appris que M. d'Orves allait fort mal. Depuis hier à midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 19 lieues 1/2 au N. O. 4° Ouest. — Lat. observée 7° 49' ; longit. estimée 86° 31'. A 2 heures, le général a fait signal de virer de bord, vent devant, tous en même temps. Toute l'escadre a pris les amures bâbord. A 3 heures 3/4, nous avons appelé l'Hôpital pour lui remettre deux malades. A 5 heures, le général a encore fait signal de virer de bord, vent devant, tous en même temps. Tous les vaisseaux ont pris les amures tribord. Pendant la nuit, le vent au N. N. E., tribord amures. Route pour la côte de Coromandel. MARDI 29. — Le vent au N. N. E. Même route. A 8 heures, nous avons mis le grand canot à la mer et M. de Suffren a été à bord du général. Etant de retour, il nous a appris que M. d'Orves allait beaucoup mieux. A 11 heures 1/2, le général a fait signal de virer de bord, vent devant, tous en même temps; nous avons tous pris les amures bâbord. Depuis hier à midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 12 lieues au N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest. W. N. E. 1° 40'. — Lat. observée 8° 41' ; longit. estimée 86° 2'. L'après-midi le vent au N. N. E. et au Nord, les amures bâbord. La nuit de même. MERCREDI 30. — Le vent au N. N. E. — A 2 heures du matin, le général a fait signal de virer de bord, vent devant. Nous avons tous pris les amures bâbord. A 9 heures, notre bateau a été à bord du général. Lorsqu'il a été de retour, nous avons su que M. d'Orves allait assez bien. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a DU BAILLI DE SUFFREN 345 valu 18 lieues 2/3 au N. E. 1/4 Nord 2° Nord.— Lat. observée 8° 33'; longit. estimée 86° 15'. A 1 heure, la Pourvoyeuse a averti le général qu'il y avait des bâtiments qui ne pouvaient pas suivre et qui restaient de l'arrière ; alors le général a diminué de voiles, restant sous le hunier. Pendant la nuit, le vent au N. E. ; tribord amures. JEUDI 31. — Le vent au N. E., petit; tribord amures. A 6 heures 3/4, signal à la flotte de forcer de voiles. A 8 heures, nous avons mis le bateau à la mer et il a été envoyé à bord du général. A son retour, il nous a appris que M. d'Orves était plus mal qu'hier et qu'il avait passé une mauvaise nuit. A 10 heures, le bateau a été à bord de la Fine, avec M. le marquis de Fleury. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 29 lieues 1/2 au 1/4 Nord 3° Nord. —Lat. observée 9°49'; longit. estimée 85° 27'. Nous avons eu 25' de différence Nord. L'après-midi, notre bateau étant de retour, nous l'avons embarqué. Le reste de la journée et la nuit, même vent, même route et mêmes amures. VENDREDI 1er FÉVRIER. — Le vent au N. E., joli frais; tribord amures. A 9 heures 1/2, le général a fait signal à l'escadre de ne pas faire paraître des feux pendant la nuit. A 10 heures, un vaisseau a signalé une voile dans l'O. S. O. Le général nous a fait signal de chasse dans cette partie. Il a fait le même signal au Sphinx, à la Bellone et à la Fine. Nous avons forcé de voiles tous quatre. Dans la matinée, nous avions beaucoup approché le bâtiment. A 11 heures, la Fine à fait signal que le bâtiment était de commerce. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 28 lieues 2/3 au N. O. 5° Nord. — Lat. observée 10° 55'; longit. arrivée 84° 33'. A 1 heure, la frégate était fort près, de ce bâtiment. Nous avons mis pavillon et flamme anglais. A 1 heure 1/2, le bâtiment a été joint. Nous avons fait signal au Sphinx de tenir le vent pour se rallier à l'escadre. A 2 heures, nous avons mis pavillon blanc, et M. de Moissac, avec quatre fusiliers, a été à bord pour le visiter. A 2 heures 1/2, étant de retour, nous avons appris que c'était un banchou ou bâtiment des Maldives, qui venait, de Balassore et allait aux Maldives chargé de riz. Il y avait sur ce bâtiment une vingtaine de nègres, qui ne purent nous donner des nouvelles sur la situation des Anglais dans le Bengale et à Janvier 1782. février 1782. 346 JOURNAL DE BORD Février 1782. la côte de Coromandel. A 3 heures, nous avons embarqué notre canot. Fait signal de tenir le vent, laissant le banchou continuer sa route. Nous avons gouverné au N. N. O. 5° Ouest, afin de rallier l'escadre. A 7 heures du soir, nous étions ralliés et M. de Suffren a été à bord du général. A 8 heures il était de retour. Toute la nuit, route au plus près tribord amures. SAMEDI 2. — Le vent au N. N. E., frais. A 6 heures, le général a fait signal à la Bellone et à la Fine de chasser de l'avant. A 6 heures 1/2, il leur a fait signal d'annulement. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 26 lieues 1/2 au N. O. 1/4 Ouest. W. N. E. 1° 26'. — Lat. observée 11° 14'; longit. estimée 83° 26'. A midi 1/2, le général a fait signal à la Sylphide de lui passer à poupe. Cette corvette a porté des ordres au Flamand et à l'Ajax. A 5 heures, la Pourvoyeuse a fait signal de ralliement à la flotte. Pendant la nuit, vent frais du N. E. Route au N. O. M. d'Orves cède le commandement de l'escadre à M. de Suffren. DIMANCHE 3. — Le vent au N. E., frais, temps couvert. A 6 heures 1/2, nous avons mis le canot à la mer et M. de Suffren a été à bord du général. A 7 heures, le général nous a fait signal de prendre la tête de la ligne et de diriger la route de l'escadre en faisant les signaux convenables. A 8 heures, M. de Suffren étant de retour nous a dit que le général, se trouvant trop affaibli par sa maladie pour s'occuper de son escadre, l'avait chargé d'en prendre le commandement jusqu'à ce que sa santé fût un peu rétablie, et que son vaisseau serait notre matelot de l'arrière dans les circonstances de ligne de bataille. A 9 heures, le général a appelé l'Hôpital. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 42 lieues 2/3 à l'O. N. O. 2° Nord. — Lat. observée 13° 15'; longit. estimée 81° 54'. A 1 heure nous avons signalé la route à l'O. N. E. Tout l'aprèsmidi, nous avons fait cette route, le vent frais, du N. E. La nuit de même. LUNDI 4. — Le vent au N. E., joli frais; beau temps; gouvernant à l'O. N. O. A 6 heures 1/2, nous avons fait signal de mettre en panne, les amures à tribord; en même temps, fait signal pour appeler tous les capitaines commandants. A 9 heures, tous les capitaines étant à bord, on a tenu conseil sur les différentes manières dont on pouvait attaquer l'escadre anglaise au cas qu'on la trouvât mouillée à Madras. A 10 heures, DU BAILLI DE SUFFREN 347 M. d'Espinassy, colonel, commandant l'artillerie, et M. Aubert, capitaine du même corps, se sont débarqués de notre vaisseau et ont passé sur les Trois Amis, bâtiment de la flotte, par ordre du général. A 10 heures 1/2, plusieurs bâtiments ont signalé des voiles; nos gabiers ont même crié qu'ils découvraient 20 bâtiments. Aussitôt le conseil a été suspendu ; tous les capitaines sont retournés à leur bord et nous avons fait signal de chasse à la Bellone, à la Fine et au Vengeur. Il ne paraît en tout qu'un bâtiment; cependant à 11 heures, le Flamand en a signalé un autre. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 36 lieues à l'O. N. O. 2° Nord. — Lat. observée 14° 00' ; longit. estimée 80° 13'. A midi 1/2, la Bellone a joint le bâtiment que nous lui avons fait signal de chasser. Comme c'était un brick anglais, elle l'a amariné il venait de Bengale et était chargé de riz pour Madras. Peu après, la Bellone a signalé d'autres voiles. Nous lui avons fait signal de chasse. A 3 heures 1/2, nous avons fait signal de mettre en panne et signal de ralliement. A 4 heures, signal de faire servir ; à la même heure, signal au vaisseau le plus à portée du chasseur de répéter les signaux. A 5 heures, nous avons fait signal à l'escadre de faire branle-bas pour se préparer au combat. A 5 heures, nous avons fait signal de ligne de bataille, le général à la tête. La ligne étant formée, nous avons gouverné à l'Ouest. Dans la journée, les frégates ont fait quatre prises, toutes venant du Bengale et chargées de riz pour Madras. Pendant la nuit, le vent au N. E. Route à l'Ouest. MARDI 5. — Le vent à l'E. N. E., petit. A 6 heures, nous avons fait signal d'ordre de marche sur trois colonnes ; en même temps nous avons fait signal de chasse à la Fine. A 6 heures 3/4, lé Diligent a signalé des voiles; nous avons fait signala l'Artésien de chasser au vent pour ne rallier qu'à la nuit. A 9 heures, signal au Sphinx de chasser à l'Est. Dans là matinée, nos bâtiments à rames ont travaillé à déblayer une des prises afin de la couler bas, ne pouvant être d'aucune utilité; tous les autres sont dans le même cas, étant de fort mauvais bateaux, nommés champans ou parias. Nous avons débarqué et mis sur les Trois A mis M. Tristy, capitaine anglais. Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 22 lieues à l'Ouest 1/4 N. O. 5° Nord. — Lat. observée 14° 19'; longit. estimée 79° 6'. Février 1782. 348 JOURNAL DE BORD Février 1782. A midi 1/4 l'Artésien a signalé 15 bâtiments; peu après, nous avons jugé qu'il s'était trompé. Nous avons passé presque tout l'aprèsmidi à déblayer les prises. Tous les vaisseaux sont allés prendre abord de celle qui était le plus à portée leur riz, leur mantègue, leur gréement, les voiles et tout ce qui pouvait convenir. On en a coulé deux à fond. La journée a produit une douzaine de ces parias. Leurs équipages consistaient en nègres lascars, qui deviennent fort incommodes, d'autant plus que leur religion leur défend de rien prendre de la main de ceux qui ne sont pas de leur caste; en conséquence, ils préfèrent se laisser mourir de faim plutôt que de prendre les aliments que nous pouvons leur procurer. A 6 heures, nous avons fait signal de ralliement et de faire servir ; nous avons gouverné au S. O, 1/4 Ouest. A la même heure, l'Orient a signalé la terre à l'O. N. O. Nous ne l'avons pas aperçue et nous avons continué de gouverner' au S. O. 1/4 Ouest. Dans la nuit, nous avons sondé plusieurs fois sans trouver le fond. MERCREDI 6. — Au jour, nous avons vu la terre et reconnu les montagnes de Pullicate ; le vent au N. E., petit fond, par 29 brasses. Nous avons continué d'approcher; la côte est basse et couverte de cocotiers. A 8 heures, nous avons fait signal de virer de bord et nous avons tous pris les amures à bâbord. A 10 heures 1/2, vu le calme, nous avons fait signal à l'escadre et à la flotte de se préparer à mouiller avec une petite ancre. A 10 heures 3/4, nous avons fait signal de mouiller. Toute l'escadre a exécuté cette manoeuvre. Nous étions environ à deux lieues de terre, à la petite montagne de Pullicate, au S. O. 5° Ouest. Lat. observée 14° 11'; longit. estimée 78° 49'. Nous avons eu une très grande différence. A 4 heures 1/2, le vent étant à l'E. S. E., - petit, nous avons fait signal d'appareiller en abattant sur tribord. Nous avons fait route au N. E. A 6 heures, nous avons pris à la remorque une prise de la Fine; c'est un beau paria de 150 tonnes, chargé de légumes; blé et riz. Nous avons continué la même route jusqu'à 10 heures du soir. Nous avons fait signal de virer de bord et pris la bordée du Sud. Le vent petit à l'Est. JEUDI 7. — Le vent à l'Est et à l'E. S. E., petit; au lever du soleil, nous étions à environ 2 lieues de la côte. A 7 heures, nous avons fait signal de virer de bord, vent devant, et nous avons pris la bordée du Nord. Dans la matinée, nous avons encore vu beaucoup de parias Nous avons fait signal de chasse à là Subtile, à la Sylphide et au Diligent. La Fine a chassé un bâtiment hors de vue. Prise de nombreux parias. DU BAILLI DE SUFFREN 349 A midi, lat. observée 13° 56'. Le soir, la Fine nous a amené le bâtiment chassé. Il était parti de Madras depuis peu de jours. Nous avons su par les prisonniers que l'escadre anglaise n'était point à Madras; qu'elle en était partie pour aller attaquer Trinquemalay et qu'elle était composée de 9 vaisseaux de ligne et de plusieurs frégates. A 6 heures, nous avons fait signal de virer de bord et. fait route au S. E., étant éloignés de terre d'environ 5 lieues. VENDREDIS 8. — A 2 heures du matin, calme plat. Nous avons fait signal de mouiller et nous avons mouillé par onze brasses. Nous avons observé que les courants nous portaient un noeud au Nord. A 8 heures 1/2, le vent s'étant un peu déclaré, nous ayons fait signal d'appareiller. A 10 heures, le calme nous ayant repris, nous avons encore mouillé. Nous avons eu le même fond qu'auparavant. A midi, lat. observée 13° 53'. Nous n'avons pu gagner que 2 lieues dans l'espace de 24 heures, A 2 heures, il a mouillé deux bâtiments pris par la Fine, dont un portugais, chargé pour Madras. A 2 heures 1/2, nous avons fait signal d'appareiller et nous savons pris la bordée du S. E. A 4 heures1/2, nous avons mis en panne et fait signal de ralliement. A 5 heures,1/2 nous avons appelé la Bellone et le général lui a ordonné de passer à la queue du convoi et de s'occuper de le faire rallier. Sur le soir, on a coulé bas et brûlé plusieurs parias. A 11 heures du soir, la Fine nous a rallié. Elle nous a amené un brick chargé de marchandises, portant dix canons ; il avait environ 60 ou 80 blancs pour équipage ainsi que plusieurs officiers. Il venait de Mazulipatam; il se nommait le Retory. Le général en a donné le commandement à M. de Montalban, enseigne de vaisseau. SAMEDI 9. — A 4 heures du. matin; le vent ayant manqué, nous avons fait signal de mouiller étant par 15 brasses. Au jour, nous étant aperçus que la plupart des vaisseaux n'avaient pas mouillé et que le courant les avait portés beaucoup dans de Nord, nous leur avons fait signal de ralliement. A 8 heures, notre canot armé a été envoyé à bord d'un bâtiment anglais à trois mâts, qui était près de la côte. Le canot du Sphinx est arrivé avant le nôtre et s'en est emparé; il venait de Calcutta; chargé de riz et de légumes pour Madras. A 9 heures, nous avons fait signal aux vaisseaux qui étaient sous voiles de mouiller. À midi, lat. observée 13° 46'. Février 1782. 350 JOURNAL DE BORD Février 1782. Nous avons observé que le courant porte au Nord filant deux noeuds. A 4 heures, M. d'Orves est mort. L'Orient en a fait le signal par son pavillon en berne et ses vergues croisées. On a renvoyé au mouillage les honneurs à rendre à son enterrement. M. Duchemin, général des troupes de débarquement, et M. Bolle, lieutenant de vaisseau, intendant de l'escadre, sont passés de l'Orient sur notre vaisseau. Il nous est venu un canot de son bord pour en rendre compte à M. de Suffren. A 9 heures 1/2 du soir, notre canot a été à terre pour transporter 3 Maures qui se sont chargés de porter une lettre de M. de Suffren général au nabab Hyder-Ali. Dans la nuit, notre canot a été de retour. DIMANCHE 10. — Le vent au Sud, petit. Dans la matinée, nous étions au nombre 38 voiles. La Bellone a pris un bâtiment à trois mâts, venant du Bengale, nommé l'Union, richement chargé en biscuits, blé, riz et autres provisions. A 5 heures du soir, nous avons fait signal au convoi d'appareiller parce qu'il était fort de l'arrière. Sur le soir, nous avons mis tous les prisonniers noirs sur un grand paria et on l'a envoyé à la côte. Ils étaient plus de 200; ils nous ont tous témoigné la plus grande marque de joie et de remerciement en recouvrant leur liberté. LUNDI 11. — Le vent au Sud, petit. Au jour, nous avons aperçu que le convoi étant beaucoup de l'avant, a continué à faire sa même route. A la même heure, nous avons fait signal à l'escadre d'appareiller et nous avons pris la bordée de l'Est. A 9 heures, nous avons fait signal de ralliement. A midi, lat. observée 13° 46', distance environ 5 lieues de terre et 14 de Madras. A 2 heures 1/2, le vent ayant varié à la partie de l'Est, nous avons pris la bordée du Sud. A 3 heures, nous avons fait signal de ralliement au convoi. Dans l'après-midi, le Diligent se séparait de l'escadre ayant à son bord M. de Canaple, aide-maréchal général de camp, qui devait débarquer à Pondichéry pour aller chez le nabab. Sur le soir, le vent a varié au S. E. MARDI 12. — A 1 heure du matin, le vent ayant manqué et étant par 19 brasses, nous avons fait signal de mouiller. Au jour, le vent étant à la partie du Sud, nous avons fait signal d'appareiller et nous avons resté sous voiles le cap à l'Est jusqu'à 9 heures, heure à laquelle le calme nous ayant repris, nous avons fait signal de mouiller, étant DU BAILLI DE SUFFREN 351 par 31 brasses. Dans la matinée, le général à fait les changements ci-après pour les commandements M. de la Pallière, qui commandait le Sévère, a pris le commandement de l'Orient; M. de Cillart, qui commandait la Bellone, a eu le Sévère; M. de Galles, qui avait la Pourvoyeuse, a eu l'Annibal anglais ; M. de Ruyter, qui avait l'Annibal anglais, a eu la Pourvoyeuse ; M. de Beaulieu, qui avait la Subtile, a eu la Bellone; M. de Tromelin, qui avait la Sylphide, a eu la Subtile, et M. de Galifet, lieutenant de vaisseau, embarqué sur l'Orient, a eu le commandement de la Sylphide. A midi, lat. observée 13° 43'. A 1 heure, le vent étant à l'Est, petit, nous avons fait signal d'appareiller. Nous avons pris la bordée du Sud pour rallier le convoi. A 6 heures, n'étant plus que par 15 brasses, nous avons fait signal de mouiller. Le soir, le convoi et les prisés étaient parfaitement bien ralliés. MERCREDI 13. — Au jour, le vent étant à la partie du S. S. E., nous avons fait signal d'appareiller, prenant la bordée de l'Est. A 11 heures 3/4, nous avons fait signal de virer de bord, vent devant, tous en même temps. Le vent est à l'Est. A midi, lat. observée 13° 43' ; distance de terre environ 6 lieues. L'après-midi, nous avons appelé différents vaisseaux pour faire des distributions de biscuit et autres effets, provenant des prises. Sur le soir, la brise ayant fraîchi, nous avons fait route Sud 1/4 S. E. A 9 heures 1/2, nous étions par 40 brasses ; à 11 heures, par 38. JEUDI 14. — A minuit, étant par 24 brasses d'eau et presque en calme, nous avons fait signal de mouiller. A la pointe du jour, nous avons vu le fort de Pullicat, nous restant au S. O. 1/4 Ouest 4° Sud. Nous étions distant de terre d'environ 3 lieues. Le fort est simplement formé par une petite enceinte, flanquée de quelque tours carrées. Il y a une rivière qui passe au nord de la place et qui fait une bonne défense. A 9 heures 1/2, le vent étant à la partie du N. E., nous avons fait signal d'appareiller. A midi, lat. observée 13° 29'. Le mât de pavillon de Pullicat nous reste à l'O. S. O. 3° Ouest, distant de 2 lieues 3/4. Etant par 40 brasses, à 1 heure, nous avons gouverné au Sud. La Fine a eu ordre de chasse en avant pour reconnaître la rade de Madras. A 3 heures, lèvent frais à la partie du N. E. La Fine a signalé 11 bâtiments au Sud 1/4 S. E. et un au Sud 1/4 S. O. ; Février 1782. Mutations dans les commandements. 352 JOURNAL DE BORD Février 1782. elle a chassé sur ce bâtiment. A la même heure, nous avons fait signal à l'escadre de se préparer au combat; signal à l'Annibal anglais et à la Pourvoyeuse de diminuer de voiles pour escorter le convoi. En même temps, nous avons forcé de voiles, faisant signal à l'escadre de ne point faire attention aux manoeuvres. A 5 heures, nous avons reconnu l'escadre anglaise elle était mouillée sans ordre un peu au large de Madras. Il y avait 9 vaisseaux et 2 frégates. Un des vaisseaux portait pavillon bleu au mât de misaine et un autre un guidon rouge au grand mât. A la même heure, nous avons mis en panne pour attendre les vaisseaux de l'escadre qui étaient de l'arrière. A 5 heures 3/4, nous avons fait signal de mouiller dans l'ordre de bataille. A 6 heures, nous avons mouillé par 28 brasses. Le mont de Madras, nous restant au S. O. 2° Sud et le dernier vaisseau anglais au Sud 1/4 S. O. Toute la nuit, le vent à la partie du N. E., petit frais. VENDREDI 15. — Le vent au N. E., joli frais. A 5 heures 3/4, signal d'appareiller, et, peu après, signal de former la ligne de combat, bâbord amures. A 6 heures, signal à la Fine de chasser dans le Sud. A 7 heures, le vent a passé à l'E. N. E. en mollissant. Les vaisseaux anglais paraissent dans la même disposition qu'ils étaient hier, mouillés un peu au large ; mais, lorsqu'ils nous ont vus mettre sous voile, ils ont travaillé à se rapprocher des forts qui sont dans la partie du Sud de la ville. Au moment où nous avons mis à la voile, la Sylphide a chassé un brick qui faisait route pour Madras ; mais elle n'a pas pu l'empêcher de gagner le mouillage. A 8 heures, la ligne était bien formée et nous faisions route sur les ennemis. La Fine était de l'avant, pour nous signaler leur position. A 8 heures 1/2 elle nous a signalé qu'il y avait 9 vaisseaux de ligne et qu'ils étaient mouillés hors de portée des forts. Quoique nous en fussions plus éloignés qu'elle, nous les jugions au plus à une demi-portée de leurs batteries de terre; elle nous a cependant répété le même signal une seconde fois. L'escadre anglaise mouille à Madras DU BAILLI DE SUFFREN 353 A 8 heures 3/4, nous avons fait signal aux brûlots de se préparer à brûler l'ennemi. A la même heure, nous avons fait signal à l'escadre de faire route au A 9 heures 3/4, étant par 19 brasses, nous avons fait mettre en panne pour rallier les vaisseaux qui étaient de l'arrière. A 10 heures, le vaisseau de tête anglais nous restait au S. O. A la même heure; quoique la brise fût très faible, nous avons fait signal d'arriver par un mouvement successif au S. O. A 10 heures 3/4, le vent ayant passé à l'Est 1/4 N. E. et étant très faible, nous avons fait signal de tenir le vent, les amures bâbord. Le général jugeait qu'il n'était pas prudent de faire une attaque, que le manque de vent aurait pu empêcher de réussir en mettant l'escadre dans quelque position très désavantageuse. À 11 heures, nous avons fait signal à l'escadre de mouiller et, peu après, nous avons fait signal pour appeler tous les capitaines à bord ; nous avons mouillé par 12 brasses. Le pavillon du fort Saint-Georges nous reste à l'O. S. O. 5° Sud, distance 1 lieue 1/2 de terre. Les vaisseaux anglais étaient tous embossés, formant une ligne le long de terre dans la partie du Sud de Madras. Lorsque tous les capitaines ont été à bord, l'on a tenu conseil pour savoir d'eux s'ils jugeaient l'attaque possible ; tous ayant décidé qu'elle ne pouvait se faire sans causer les plus grands risques à l'escadre, ils ont retourné à leurs bords et nous avons fait signal d'appareiller, gouvernant au Sud 1/4 S. E. A 2 heures, fait signal à la Fine de chasser en avant sans perdre l'escadre de vue. A 2 heures 1/2, nous avons fait signal d'ordre de marche sur deux colonnes, A 5 heures l'escadre anglaise a mis sous voiles, prenant le bord au large. A 5 heures 1/2, nous avons fait signal à la flotte de tenir le vent et de forcer de voiles ; peu après nous avons fait signai que dans la nuit nous nous servirions des signaux Février 1782. 354 JOURNAL DE BORD Février 1782. sans coups de canon. A 6 heures, nous avons tenu le vent, tribord amures, et fait signal à la flotte de passer sous le vent de l'armée. A 6 heures 1/4, la Pourvoyeuse nous a envoyé son canot avec un officier pour demander au général l'explication des derniers signaux que nous avions faits et qu'elle n'avait pas pu distinguer. Le général lui dit qu'il voulait que le convoi passât sous le vent de l'armée par rapport à l'escadre anglaise, qui était sous voiles ; alors le canot a retourné à son bord. A 7 heures 3/4, la Pourvoyeuse nous a passé de l'avant, ayant son fanal de poupe; à 10 heures, elle a tiré une fusée et nous lui avons envoyé aussitôt le Pulvériseur pour lui demander ce que cela signifiait. A 11 heures 1/2, nous n'avons plus vu les feux de la Pourvoyeuse ni les bâtiments du convoi. SAMEDI 16.— Au jour, le vent à l'E. N. E., joli frais. Nous n'avons point aperçu le convoi et nous n'étions en tout que quatorze, dont douze vaisseaux, la Fine et une de nos prises. A 6 heures, la Fine a signalé deux voiles à l'Ouest; peu après, elle en a signalé dix à l'O. S. O., qui étaient de guerre. A 6 heures 1/2, nous avons signalé la route au S. O. A 7 heures 1/2, fait signal au Sphinx de nous passer à poupe et, en même temps, signal à ceux qui découvrent dés voiles de les chasser. A 7 heures 3/4, fait signal de ralliement absolu au convoi et en arrière de la Pourvoyeuse. A 8 heures, nous avons forcé de voiles au S. O. A 9 heures, signal à plusieurs vaisseaux de nous passer à poupe et le général leur a dit de nous suivre. Nous apercevions quatorze bâtiments nous restant au S. O. ; mais la brume nous empêchait de distinguer si c'était notre convoi. La manoeuvre qu'ils faisaient pour nous éviter nous donnait lieu de croire que c'était l'escadre anglaise, qui avait appareillé hier au soir et qui chassait notre convoi. DU BAILLI DE SUFFREN 355 Depuis hier midi à la même heure aujourd'hui, la route corrigée a valu 14 lieues 1/4 au Sud 1/4 S. E. — Lat. observée 12° 22' ; longit. estimée 78° 46'. A 1 heure, nous avons très bien reconnu que c'était l'escadre anglaise. Nous avons aussitôt fait signal à tous les vaisseaux de forcer de voiles. Comme nous gagnions beaucoup les derniers vaisseaux anglais, ils ont cessé de se disperser en chassant, dans la vue de se rallier et de nous attendre. A 5 heures, ils ont pris les amures bâbord, se formant en ligne sous petites voiles ils étaient neuf vaisseaux, deux frégates, dont une nous a paru fort dégréée et un gros bâtiment, que nous avons reconnu pour l'Oriston. A 5 heures 1/2, n'étant au plus qu'à une lieue et 1/2 des ennemis, nous avons mis en panne. L'intention du général était de rallier l'escadre, dont une partie des vaisseaux était à 3 ou 4 lieues de nous, et de conserver les ennemis pendant la nuit afin de les engager au combat demain matin. A la même heure, nous avons fait signal' de branle-bas à tous les vaisseaux. Au coucher du soleil, la tête de l'escadre anglaise nous restait au S. O. et la queue au Sud 1/4 S. O., à la distance d'une lieue 1/2. A 8 heures, ne voyant plus les ennemis, nous avons fait signal de faire servir et le général a ordonné à la Fine de s'approcher de l'escadre anglaise pour en reconnaître les mouvements et les signaler. A 8 heures 1/2, cette frégate a fait signal qu'elle découvrait l'escadre. Noue l'apercevions aussi; tous les vaisseaux avaient des feux ; la Fine nous a fait signal qu'ils avaient les amures bâbord. Toute la nuit, nous les avons conservés, nous restant au S. O. Nous avons tenu les amures bâbord, sous peu de voiles. DIMANCHE 17. — Le vent au N. E., faible; temps couvert. Au jour, l'escadre anglaise nous reste sous le vent, Février 1782. 356 JOURNAL DE BORD Février 1782. à la distance de 2 lieues. Nous avons fait signal de former la ligne de bataille dans l'ordre naturel. Ordre à tous les vaisseaux de répéter les signaux et de forcer de voiles. A 6 heures 3/4, signal de serrer la ligne. A 7 heures 3/4, signal d'arriver en même temps au S. S. E. A cette évolution, la ligne s'étant rompue, nous avons refait le signal d'ordre de bataille. A 9 heures, la Pourvoyeuse nous a rallié ainsi que les Bons Amis. A 9 heures 1/4, signal à l'escadre d'arriver par un mouvement successif au S. E.; à 9 heures 1/2, le même signal pour arriver au S. E. 1/4 Sud. A la même heure, nous avons eu des grains de pluie ; le vent fort. La ligne anglaise, ainsi que la nôtre, s'est rompue. A 10 heures, signal au Bizarre, chef de la ligne, de gouverner au et de forcer de voiles. Lorsque les Anglais ont vu que, par cette manoeuvre, nous les approchions, ils sont tous arrivés et ont fait courir grand largue. A 10 heures 1/2, signala l'Artésien de nous passer à poupe. A 11 heures, fait signal à toute l'escadre d'arriver au Sud. Peu après, signal à la seconde division de forcer de voiles. Combat de Madras. A midi, lat. estimée 11° 43'; longit. estimée 78° 48'. Nous avons fait signal d'arriver au S. S. O., tous en même temps. Jusqu'alors, les ennemis avaient couru largue pour nous éviter, et le calme étant survenu a mis le plus grand désordre parmi eux; il y avait entre autres deux des vaisseaux et l'Oriston, qui étaient en arrière et fort éloignés des autres. A 2 heures 1/2, nous avons fait signal aux vaisseaux doublés en cuivre de forcer de voiles, d'attaquer les ennemis à portée de pistolet et de former la ligne de combat dans l'ordre de vitesse. Dans le même temps, il est survenu un grain avec un peu de vent. Alors les Anglais ont tenu le vent, leurs vaisseaux de tête diminuant de voiles pour donner le temps à ceux de la queue de reprendre leur poste. A 3 heures, nous avons fait signal à DU BAILLI DE SUFFREN 357 l'Annibal, à l'Ajax et au Flamand de doubler les ennemis sous le vent pour les mettre entre deux feux. Nous avons continué de forcer de voiles vent arrière, portant un peu au vent du dernier vaisseau ennemi. Jusqu'à 4 heures 1/4, étant le plus près des ennemis et n'en étant qu'à une demi-portée de canon, nous avons tenu le vent, les amures bâbord, et engagé le combat avec le serre-file anglais. Par notre position dans ce moment, le vaisseau l'Orient était en arrière et au vent à nous; le Vengeur,le Sphinx et l'Annibal anglais étaient dans nos eaux; l'Artésien s'était laissé arriérer et le reste de l'escadre était au vent et encore un peu éloigné. Le vaisseau anglais nous a répondu en même temps de tous ses feux; nous avons continué le combat toutes voiles dehors, prolongeant la ligne ennemie et arrivant souvent pour combattre de plus près. L'Orient était par notre travers et cherchait à nous passer de l'avant pour prendre la tête de la ligne. Les officiers ne pouvant arrêter l'ardeur des canonniers, il nous a tiré dessus plusieurs coups de canon. Alors le général a envoyé M. Degois, enseigne de vaisseau, pour lui ordonner de se mettre dans nos eaux; aussitôt il a exécute cette manoeuvre. Nous avons cargué la grande voile lorsque nous avons été par le travers de l'amiral anglais, afin de le combattre particulièrement. Il avait trois vaisseaux de l'avant à lui qui ont continué à faire de la voile et qui arrivaient de temps en temps. A 5 heures 1/4, la nuit commençant à survenir et le général ne pouvant avoir aucune connaissance de ce qui se passait parmi ses derniers vaisseaux, il a ordonné qu'on fît le signal de faire cesser le combat. Nous l'avons cependant continué jusqu'à 6 heures, heure à laquelle les vaisseaux de tête ennemis ont viré de bord, vent arrière, et nous, vent devant. A 7 heures, nous avons fait signal à l'escadre de mettre en panne, tribord amures. A 11 heures, nous avons 24 Février 1782. 358 JOURNAL DE BORD Février 1782. fait signal de faire servir; peu après nous avons répété celui de mettre en panne. Quoique dans l'engagement nous ayons essuyé un feu très vif, nous n'avons cependant que trois hommes tués, dont un noir, et nous avons eu une douzaine d'hommes blessés, la plus grande partie légèrement. Le feu des ennemis était dirigé fort haut. Nous avons eu notre gréement fort endommagé notre mât de misaine a un fort coup de canon qui l'a percé de part en part audessous des jautereaux; le mât d'artimon a un coup de canon en avant, à 6 pieds au-dessus de la dunette, ses haubans ont été coupés ainsi que la plus grande partie des manoeuvres courantes, et nous avons eu 76 boulets qui ont donné dans le bord. Nous avons parlé le soir à l'Orient et au Sphinx, et il paraît qu'ils n'ont pas été plus maltraités que nous. Nous n'avons rien su de toute la nuit de ce qui s'était passé à l'arrière-garde. Les Anglais ont caché leurs feux toute la nuit et nous ne les avons point vus, ni aucun bâtiment ne les a signalés. LUNDI 18. — A minuit, nous avons eu un grain de vent et de pluie très frais. Au jour, nous n'avons plus vu l'escadre anglaise. Nous avons fait signal de ralliement et fait chasser la Fine et le Diligent sur un bâtiment que la frégate avait signalé. A 10 heures, nous avons fait signal de faire servir et nous avons gouverné au N. O., le vent étant au N. E., faible. Dans la matinée, les vaisseaux ont travaillé à réparer les dommages qu'ils avaient eus dans le combat ; l'Annibal anglais a changé son petit mât de hune. Dans toute l'escadre il y a eu une trentaine d'hommes de tués et environ 100 de blessés. Un officier auxiliaire de l'Annibal a eu une forte blessure à la cuisse et il a souffert l'amputation. Depuis le vendredi 15 à midi à aujourd'hui à la même heure, la route corrigée a valu 8 lieues 1/2 au S. S. O. 4° Sud. — Lat. observée 12° 41' ; longit. 78° 48'. Dans ces trois jours, nous avons été portés 66' au Nord par les courants, de sorte qu'à midi nous ne devions être, selon notre Pertes au combat de Madras. DU BAILLI DE SUFFREN 359 estime, qu'environ 3 ou 4 lieues dans l'E. N. E. de Pondichéry et, au - contraire, par la latitude observée il nous reste au S. O. 1/4 Ouest, à la distance de 24 lieues. A 1 heure, le général a ordonné de faire route au S. O., voulant aller à Pondichéry, où il espérait trouver les bâtiments de notre convoi qui étaient séparés. A 5 heures 1/2, nous avons vu un bâtiment dans l'Est qui avait des signaux de reconnaissance; nous avons jugé que c'était la Subtile. Le soir, nous avons fait signal de ralliement à la Fine. Au coucher du soleil, la terre nous restait au S. O. 1/4 Sud, à la distance de 5 lieues. Toute la nuit, nous avons gouverné au S. O., ayant la Fine en avant, qui signalait le fond de temps en temps. Même route et même vent. MARDI 19. — Le vent au N. E., faible. Au lever du soleil, nous avons relevé la terre à l'O. S. O., distance 3 lieues. A 6 heures, le vaisseau l'Annibal a mis son pavillon et a rendu les honneurs funèbres à l'officier qui avait été blessé dans le combat et qui est mort de sa blessure dans la matinée. Nous avons mis plusieurs fois en panne pour communiquer avec différents vaisseaux. A 10 heures, nous avons fait signal de faire servir et nous avons gouverné au S. O. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 12° 16'; longit. estimée 78° 18'. L'après-midi, nous avons fait route au S. S. O. A 1 heure, la Pourvoyeuse ayant signalé une voile dans l'Est a mis en panne pour l'attendre. Nous avons reconnu que c'était la Subtile et lui avons fait signal de ralliement. A 4 heures, la Fine, qui avait été envoyée de l'avant pour reconnaître s'il y avait des bâtiments mouillés à Pondichéry, a viré de bord pour se rallier ; elle a fait signal qu'il n'y en avait point. A 6 heures, M. de Salvert est venu à bord avec un Français qu'il a trouvé embarqué sur un bâtiment danois faisant route pour Pondichéry. Ce Français, marin de son métier, a dit au général qu'hier dans la matinée, étant mouillé à deux lieues dans l'Est de Pondichéry, il a vu passer l'escadre anglaise à 3 lieues de lui, et il a reconnu que, dans le nombre des vaisseaux de ligne, il y en avait un démâté de tout mât, un autre qui n'avait point de grand mât, et plusieurs autres qui manquaient de mâts de hune. Dans cet état, l'escadre faisait route au S. E. Il a dit aussi que, le 16, il avait vu notre convoi, au nombre de 15 voiles, faisant route à l'Est. Au soleil couché, le mât de pavillon de Pondichéry au S. O. 5° Ouest, distance environ 5 lieues. A 9 heures 1/4, nous avons fait signal de mouiller, étant par 11 brasses, fond de sable vaseux. La Subtile Février 1782. 360 JOURNAL DE BORD Février 1782. s'est ralliée avec un bâtiment qu'elle avait pris. Elle a été mouiller avec la Fine près de Pondichéry. Toute la nuit, même vent. MERCREDI 20. — Le vent au N. E., faible. Plusieurs habitants de Pondichéry sont venus à bord. Ils nous ont certifié avoir vu le 16 notre convoi de 15 bateaux. Une corvette est venue fort près de Pondichéry, faisant des signaux, puis elle a rallié le convoi qui a fait route à l'Est; le 17, on a entendu notre combat et le 18 on a eu connaissance de l'escadre anglaise. Elle était mouillée dans le N. E. et elle a appareillé de grand matin, faisant route au S. E. Ils nous ont assuré qu'il y avait un vaisseau démâté et plusieurs en fort mauvais état. Nous n'avons trouvé ici que 15 chelingues et l'impossibilité d'y faire de l'eau avec les chaloupes. Le général a décidé d'aller à Portonovo, où il y a 20 autres chelingues et où les chaloupes peuvent entrer dans la rivière. A 6 heures 1/2, nous avons fait signal d'appareiller et fait route au S. S. O. La Subtile est restée au mouillage, étant chargée de conduire les 15 chelingues à Portonovo. A midi, latitude observée 11° 54'. A la même heure, nous avons fait signal de ralliement à la Subtile, qui était sous voile, remorquant les chelingues. L'après-midi, nous avons vu le pavillon anglais de Goudelour ; au coucher du soleil, il nous restait au S. S. O., distance de la terre 1 lieue. A 11 heures 1/4, le vent ayant calmé, nous avons fait signal de mouiller. A la même heure, nous avons mouillé par 10 brasses. En partant de Pondichéry, nous avons embarqué un Français, pour servir de pilote sur cette côte. JEUDI 21. — Le vent à l'Est, petit; beau temps; belle mer. A 5 heures 3/4, signal d'appareiller en abattant sur bâbord. A la même heure, nous avons mis le pavillon. Le Diligent était de l'avant à nous, il nous a signalé le brassage. A 1 heure, nous avons mouillé par les 7 brasses d'eau, fond de vase. Relevé audit mouillage les pagodes de Chalambaram, à 2 lieues dans les terres S. O. 5° Sud; Portonovo, O. S. O. 5° Sud; distant de terre 2/3 de lieue. A 9 heures, M. de Moissac est descendu à terre avec le pilote pratique pour reconnaître la rivière. A 4 heures, appelé à l'ordre pour mettre les scorbutiques à terre. A 4 heures 1/2, la Subtile est arrivée de Pondichéry, ayant des chelingues à la remorque. L'on a distribué à tous les vaisseaux. DU BAILLI DE SUFFREN 381 VENDREDI 22. — Le vent à l'Est, petit frais ; beau temps; belle mer. A 5 heures 3/4, à la Subtile et au Diligent signal de chasse. A 6 heures 1/2, signal au Diligent de passer à poupe. A 7 heures, la Subtile a signalé 12 bâtiments. A la même heure, le général a fait signal de défendre la communication avec la terre. Nous avons mis pavillon en berne et tiré un coup de canon. A 10 heures, rendu libre la communication avec la terre. A 11 heures, le canot armé, avec M. de Pierrevert, a été reconnaître les bâtiments mouillés à Tranquebar. Signal aux vaisseaux les plus à portée des chasseurs de répéter les signaux du général aux chasseurs. L'après-midi, nous avons commencé à faire de l'eau. Toute la nuit le vent à l'Est. SAMEDI 23. — Au jour, nous avons débarqué les scorbutiques. M. de Ruyter, commandant la Pourvoyeuse, s'est démis de son commandement, qui a été donné à M. de Tromelin, et la Subtile à M. de Kermadek. Fait chasser au Diligent un bâtiment qui se trouvait bonne prise. A 5 heures du soir, M. de Pierrevert a été de retour de Tranquebar. Les bâtiments qu'il y a trouvés mouillés sont le Brisson, la Sainte-Anne, la Fille Unique et le bâtiment d'Hyder-Ali-Kan, Il devait mettre à la voile la nuit pour nous joindre. On continue toujours à faire de l'eau. DIMANCHE 24. — Ayant su que le Toscan, bâtiment servant d'hôpital à l'escadre, était allé mouiller à Négapatnam, où il avait été pris par un bâtiment anglais de la Compagnie, on a envoyé le Sphinx, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de le reprendre. Au jour, M. de Suffren et M. Duchemin sont descendus à terre. Les quatre bâtiments venant de Tranquebar ont mouillé dans la nuit. LUNDI 25. — On a envoyé quelques prises à Tranquebar avec la Pourvoyeuse, pour y être vendues ; on en avait laissé quelques-unes à Pondichéry. A cet effet, la colonie manquant de riz, la Bellone a été envoyée en croisière au Nord de Madras pour intercepter le bâtiment venant mouiller dans cette place. M. Pivron de Morjot, chargé des affaires du roi auprès du nabab Hyder-Ali-Kan, est arrivé du camp de ce prince. Il a été décidé que M. de Moissaç et M. de Canaple lieutenant-colonel, iraient pour complimenter le nabab de la part des deux généraux; ils sont partis le soir. M. Pivron, en débordant, a été salué de 11 coups de canon. MARDI 26. — Le gouverneur de Chalambaram pour le nabab est venu à bord. On continue toujours à faire de l'eau. On a à terre une Février 1782. Appareillé de Portonovo. 362 JOURNAL DE BORD Février 1782. garde de police et Baâder a envoyé 3,000 hommes pour nous défendre de la garnison de Goudelour, qui aurait pu nous inquiéter. Le Sphinx a mouillé à minuit, sans avoir pu réussir. Le bâtiment était mouillé trop près de terre pour que le Sphinx en approchât. MERCREDI 27. — Sur quelques voiles aperçues on a donné ordre à la Subtile et au Sphinx de se tenir prêts à appareiller. A 3 heures 1/2, la Subtile a appareillé. A 6 heures 1/2, deux bâtiments ont mouillé ; l'un danois et l'autre une prise chargée de vivres pour Madras. Le vent à l'E. S. E., petit. JEUDI 28. — La mer grosse en quelques endroits par la brise du large, donne plus de difficulté pour aborder à terre à cause de la barre. La chaloupe de l'Orient a chaviré dessus et a perdu 4 hommes. Mars 1782. VENDREDI 1er MARS. — La Bellone et la Fine ont mouillé dans l'escadre. La Bellone a pris ou détruit 13 bâtiments vivriers et pris la corvette du roi, le Chasseur, de 18 canons, commandée par M. Pierre Martenau, et il s'est rendu après 1 heure 1/2 de combat. La Bellone a peu souffert. La Fine n'a eu aucune nouvelle du convoi ; mais elle a pris ou détruit 3 bâtiments. Le commandement du Chasseur a été donné à M. de Boisgelin, enseigne de vaisseau en second, sur la Bellone. SAMEDI 2. — La brise du large, très fraîche. Nous avons beaucoup de difficultés pour faire notre eau ; les bâtiments à rames ne peuvent passer la barre. DIMANCHE 3. — Pendant la nuit, le Flamand a chassé et a demandé au jour des bâtiments à rames, qu'on lui a envoyés. Nous avons appareillé une grosse ancre que nous avions mouillée et resté sur celle de détroit. Le Flamand a mis sous voile pour reprendre son poste, étant trop près de terre. Plusieurs canots ont chaviré sur la barre dans ses fortes brises. M. Roche, lieutenant de vaisseau, prend le commandement de la prise la Betsi, destinée à aller à l'Ile-deFrance. LUNDI 4. — Le vent à l'E. S. E., petit frais ; beau temps; belle mer. Continué à faire de l'eau. MARDI 5.— La frégate la Pourvoyeuse est revenue de Tranquebar avec la Sainte-Anne, bâtiment de notre convoi, mais chargé pour le particulier. Pendant la nuit, le vent à l'O. S. O., petit frais. MERCREDI 6. — Le vent au S. O., petit. Le Vengeur a signalé une voile au S. S. E. Fait appareiller la Subtile et chasser dans cette partie. DU BAILLI DE SUFFREN 363 JEUDI 7. — Le vent au Sud, petit, presque calme ; beau temps ; belle mer. M. de Moissac et M. de Canaple sont revenus de chez le nabab. A 2 heures 1/4, signal à toute l'escadre de mouiller une grosse ancre. VENDREDI 8. — Fait appareiller la Bellone sur une voile qui a paru dans le N. E. Le vent variable du S. O. au S. E. SAMEDI 9. — On a donné ordre de mettre toutes les troupps à terre ainsi que les munitions de guerre et effets appartenant à l'armée. La Subtile et la Fine ont appareillé. Cette dernière a abordé l'Orient, le vent étant très faible. DIMANCHE 10. — On a débarqué toutes les troupes et on a travaillé à mettre à terre toutes les munitions de guerre. La Subtile croise dans le Sud, en vue de l'escadre. LUNDI 11. — Des prisonniers anglais ont enlevé un canot à bord de l'Artésien et se sont sauvés. Plusieurs, qui avaient été mis dans des hôpitaux à terre, ont aussi déserté. En conséquence, ordre qu'ils reviennent tous à bord. On a eu connaissance que les autres bâtiments du convoi étaient à Galles, port hollandais de l'île do Ceylan. MARDI 12.— Le vent au Sud, petit, presque calme. A 6 heures, la Bellone a mis sous voile pour aller à Galles dire aux bâtiments du convoi, à la Sylphide et au Pulvériseur d'y attendre les ordres du général. La prise la Betsi a aussi appareillé pour aller porter des dépêches à l'Ile-de-France. Le navire la Sainte-Anne a mis sous voile. La nuit, le vent petit du N. O. MERCREDI 13. — Il est venu quelques chelingues de Tranquebar qu'on avait demandées pour accélérer le déblaiement, et l'Artésien a signalé 4 bâtiments au S. E. La Subtile est toujours en croisière et au vent. On continue à décharger les flûtes. JEUDI 14. — On à aperçu un bâtiment que la Subtile a chassé. Il a mis pavillon danois. VENDREDI 15. — Continué le déchargement. SAMEDI 16. — Le vent au Sud, petit. On continue à décharger les bâtiments. DIMANCHE 17. — Le déchargement sera bientôt fini. MM. Duchemin et Pivron sont venus à bord. Le premier a été salué de 13 coups de canon. LUNDI 18. — Le vent au Sud, petit, presque calme. Pendant la journée, le vent a régné au S. S. E., joli frais. Mars 1782. 364 JOURNAL DE BORD Mars 1732. MARDI 19. — On a vu deux bâtiments dans la journée. Il paraît, par les ordres donnés, que l'on partira le 22 de ce mois. Les nouvelles de Madras sont que l'escadre anglaise y est arrivée, ayant dû partir de Trinquemalay le 4 mars. On dit aussi que le Sultan, de 74, et le Magnanime, de 64, sont arrivés avec un convoi. MERCREDI 20. — La Fine a rallié l'escadre venant de Pondichéry. On a aussi appelé et rallié la Subtile de sa station dans le Sud. Ordre à tous les vaisseaux de rembarquer les malades. Un petit brick danois a mouillé dans l'escadre, venant de Pondichéry. JEUDI 21. — On n'a laissé à terre que les malades qu'on n'a pu transporter à bord des vaisseaux. Ils sont remis aux soins des hôpitaux de l'armée de terre. VENDREDI 22. — On espérait que le fils d'Hyder-Ali-Kan viendrait au bord de la mer pour voir l'escadre. On avait donné l'ordre de pavoiser et de salve de canons ; mais il n'est point venu et a resté campé à une lieue et demie de Portonovo. A demain le départ. Nous ignorons les projets de M. Duchemin, s'il se portera à Négapatnam ou s'il unira ses forces à celles du nabab. SAMEDI 23. — Le vent à l'E. S. E., petit. A 6 heures, signal de se tenir prêt à appareiller ainsi qu'aux bâtiments du convoi. A 6 heures s/z, nous avons mis sous voile. A 7 heures, mis en panne, bâbord amures; à 7 heures 1/2, fait servir. A 8 heures 1/2, le vent ayant molli, signal de mouiller avec l'ancre de détroit et mouillé par les 12 brasses, à 1 lieue de terre. Portonovo nous reste à l'Ouest 1/4 S. O., distant 1 lieue. Le navire particulier la Sainte-Anne, venant de Pondichéry, a mouillé parmi l'escadre. Pendant la nuit, le vent au S. E., petit frais. DIMANCHE 24. — A 6 heures, le vent ayant varié au S. O., l'escadre et la flotte ont appareillé et fait route à l'E. S. E. A 10 heures 1/4, relevé le mât de pavillon à l'Ouest 1/4 N. O. ; la pointe Sud au S. O. 1/4 Sud ; distance de Portonovo 3 lieues. Le vent au N. E., petit. Route au S. E. A midi, lat. observée 11° 26'; longit. arrivée 77° 52'. Le mât de pavillon de Portonovo nous reste à l'O. 5° Ouest ; distant de terre 5 lieues. La sonde nous a donné 40 brasses, fond de vase. A 1 heure, signal de former l'ordre de marche sur deux colonnes. A 3 heures, la Fine a signalé un bâtiment au Sud. Au coucher du soleil, W. ; 00° 4' ; relevé la pointe de Tirpiralé, DU BAILLI DE SUFFREN 365 S. S. O. 3° Sud ; la terre la plus Nord, N. 0. 3° Ouest; distance de terre 2 lieues. Le vent à l'E. S. E. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 9 heures 1/4, étant par les 11 brasses, signal de mouiller avec l'ancre de détroit. Toute la nuit, calme. L'intention du général était de gagner le plus qu'il pourrait le Sud de Ceylan et d'envoyer ordre aux bâtiments mouillés à Galles de venir nous joindre. LUNDI 25. — Le vent au S. E., petit; presque calme ; temps couvert. Au jour, relevé la pointe de Tranquebar, Sud 5° Ouest; la pagode de Chiali, Ouest 5° Sud, distance de terre 1 lieue 1/4. A 6 heures 1/4, nous avons mis sous voile. Le vent à l'Ouest, petit. Route au La Pourvoyeuse a signalé 7 bâtiments mouillés à Tranquebar, A 9 heures, le vent ayant molli, nous avons mouillé par 15 brasses, fond de vase. A midi, le vent à l'Est, petit frais. Nous avons appareillé et tenu le vent, bâbord amures. A midi, W. N. E. 00° 6'. — Lat. observée 11° 30' ; longit. arrivée 77° 52'. Le mât de pavillon de Tranquebar, au Sud 1/4 S. O. ; distance de terre 1 lieue 1/2. A 1 heure, passant près de Tranquebar, nous avons mis pavillon à poupe et de distinction. Il y avait dans la rade plusieurs bâtiments danois et un portugais. A 3 heures, la Fine a signalé et chassé un bâtiment. A 4 heures, elle a mis pavillon et flamme anglais. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Tranquebar à l' O. 5° Ouest; le mât de pavillon de Négapatnam, Ouest 1/4 distance de terre 2 lieues 1/2. Le vent à l'Est, petit frais. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 6 heures, mis en panne pour rembarquer les bâtiments à rames. A 6 heures 1/2, fait servir. MARDI 26. — Le vent à l'Est, petit; beau temps. A 1 heure, fond trouvé, 19 brasses. Au soleil levé, relevé les mosquées de Nagur, 5° Sud; Négapatnam, S. O. 2° Sud ; distance de terre 2 lieues 1/4. A 6 heures 3/4, le vent ayant molli et dérivant dans le N. O., où les courants portent, nous avons mouillé par les 15 brasses. Relevé Négapatnam 5° Sud; les pagodes de Nagur, 1/4 Ouest 4° Ouest ; distance de terre 2 lieues 1/4. Il y avait deux bâtiments parias mouillés à Négapatnam, Mars 1782. 366 JOURNAL DE BORD Mars 1782. A midi, W. N. E. 00° 6'. — Lat. observée 10° 49'; longit. arrivée 77° 00'. A 2 heures, le vent ayant fraîchi à l'Est, nous avons appareillé. A 3 heures, l'Artésien a mis en panne pour attendre une chelingue ; qui paraissait vouloir nous parler. Aussitôt qu'il l'a eu jointe, il a demandé à parler au général et a envoyé un canot à bord avec un agent hollandais, qui allait à Jaffna et qui nous demandait l'escorte jusque par le travers de cette place. Nous l'avons gardé à bord et lâché la chelingue remorquée par l'Artésien. A 4 heures, signal à la flotte de tenir le vent. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Négapatnam la terre la plus Sud, O. 1/4 S. O. ; distance de terre 4 lieues. Le vent à l'E. N. E., joli frais. Route au plus près du vent, bâbord amures. Pendant la nuit, même vent et même route. MERCREDI 27. — Le vent au N. E., petit frais ; bâbord amures. A 6 heures, nous avons envoyé l'agent hollandais à bord de l'Artésien et il a aussitôt fait route dans la chelingue pour Jaffna. A midi, W. N. E. 0° 13'. — Lat. observée 10° 28' ; longit. arrivée 77° 16'. Depuis le relèvement d'hier au soir jusqu'à cette heure, la route corrigée a valu 7 lieues 3/4; différence Nord 5 lieues 1/3. A 2 heures, le Sphinx a signalé une voile au S. S. E. La Fine a aussitôt chassé, mettant pavillon et flamme anglais. A 5 heures 3/4 la Fine ayant atteint ledit bâtiment a envoyé un canot à bord avec le capitaine dudit bâtiment, qui était Français, qui venait du Pégou et portait pavillon braman. Il avait été visité par la Bellone ; il allait à la côte avee du riz et autres marchandises. A 7 heures, trouvé 13 brasses ; à 11 heures, 15 brasses; l'escadre a viré vent devant, et pris tribord amures. Le vent à l'Est, petit. JEUDI 28. — Le vent à l'Est, petit ; presque calme. Route au plus près du vent, tribord amures. A 1 heure 1/2, signal de virer vent devant. Nous avons pris bâbord amures. A 4 heures 1/2, trouvé 33 brasses. A 8 heures fait mouiller l'escadre avec l'ancre de détroit par les 18 brasses, gravier et coquillages. Le courant portant un noeud au N. O. A 11 heures, l'Ajax a signalé un bâtiment à l'E. S. E. Un quart d'heure après, il a répété le même signal. A midi, lat. observée 10° 20' ; longit. arrivée 78° 25' ; route DU BAILLI DE SUFFREN 367 corrigée S. E. 1/4 Est 4 lieues. Le cap Calimere nous reste à l'Ouest 1/4 10 lieues. Différence Nord, 2 lieues. Notre câble a été un peu rogné. A 4 heures 1/4, le venta l' E., avons appareillé. A 4 heures 3/4 , signal de ralliement et un coup de canon. Aussitôt nous avons reviré et mis le cap à l'O. S. O., pour rallier plusieurs bâtiments qui étaient' sous le vent. A 5 heures 1/2, pris les amures à l'autre bord. A 8 heures, trouvé 11 brasses 1/2, fond gravier et coquillage; à 9 heures 1/2, 9 brasses, même fond. Signal de virer, vent devant, et pris tribord amures. Le vent à l'E. S. E., petit. VENDREDI 29. — Le vent à l'E. S. E., petit frais. Route au plus près du vent, tribord amures. A minuit, trouvé 17 brasses, sable fin et petit coquillage ; à 1 heure, 26 brasses, même fond. A 2 heures, signal de virer vent devant et pris bâbord amures. Sondé, trouvé 30 brasses, même fond; à 4 heures, 32 brasses. A 7 heures 1/4, par les 22 brasses, gravier et coquillage. Le vent ayant molli, signal de mouiller et laisser tomber l'ancre de détroit. Les courants portant un noeud au N. O. A midi, depuis hier à 4 heures du soir, lat. observée 10° 24'; longit. arrivée 78° 32' ; route corrigée N. E. 1/4 Est 2 lieues 2/3; cap Comorin reste à l'Ouest 5° Sud, 12 lieues; la pointe N. E. de l'île Ceylan S. O. 1/4 Sud, 11 lieues ; différence Nord, 2 lieues 1/3. A 4 heures de l'après-midi, le signal fait, nous avons appareillé. Route au plus près du vent, bâbord amures. Le vent à l'E. N. E., petit frais. A 7 heures, mis le cap au S. S. O. pour rallier les vaisseaux sous le vent à nous. A 8 heures, tenu le vent, bâbord amures. A 8 heures 1/2, trouvé 15 brasses gravier et coquillage. A 10 heures, 12 brasses, même fond. A 11 heures, 10 brasses, même fond. SAMEDI 30. — Le vent à l'Est, faible. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 1 heure, nous avons fait signal de virer de bord, vent devant. Sondé, trouvé 8 brasses 1/2, fond gravier et coquillage. A 1 heure 1/2, signalé l'amure tribord. A 5 heures 1/4, l'Annibal a signalé une voile à l'Ouest 1/4 N. O. A la même heure, signal de ralliement et avons arrivé pour rallier les vaisseaux de dessous le vent. A 6 heures 1/4, signal au Vengeur de passer à poupe. A 6 heures 1/2, appelé les Bons Amis. A 7 heures 1/2, le canot du Vengeur est venu à bord. A 9 heures 1/2, le Vengeur a signalé un bâtiment au Nord 1/4 N. O. A 11 heures 3/4, signal et mis en panne, bâbord amures. A midi, W. N. E. 0° 34'. — Lat. observée 10° 32' ; longit. Mars 1782. Route pour Ceylan. 368 JOURNAL DE BORD Mars 1782. arrivée 78° 53'; le cap Calimere, Ouest 1/4 S. O., 17 lieues; la pointe N. E. de l'île Ceylan, S. O., 16 lieues; la route corrigée a valu E. N. E. 2° Est, 7 lieues 2/3. A 3 heures, signal de virer vent arrière. Nous avons fait servir et pris bâbord amures. A 9 heures, le vent à l'Est, petit frais. Signal de virer de bord vent devant. Sondé, trouvé 65 brasses, fond de vase. DIMANCHE 31. — Le vent au S. E.. petit ; presque calme ; au plus près tribord amures. A 6 heures, la Fine a signalé un bâtiment au N. E. Signal de chasse à la Fine. A la même heure, nous avons forcé de voiles et mis le bateau à la mer. A midi, lat. observée 10° 48' ; longit. arrivée 79° 16' ; la route corrigée a valu N. E. 1/4 Est, 7 lieues 2/3 ; le cap Calimere O. S. O. 6° Sud, 28 lieues ; la pointe N. E. de l'île Ceylan, Ouest 5° Sud, 27 lieues. Prises. A 6 heures, signal de ralliement ; mis en panne, bâbord amures. Dans l'après-midi, la Fine a amariné deux prises, l'une venant du Bengale et l'autre de Vizagapatnam. Elles étaient chargées de riz ; l'une avait de la poudre, des bougies, l'autre de la toile de Chatigan. Le général a fait décharger la poudre, montant à 200 barils, la toile, les bougies, et a envoyé les bâtiments à Tranquebar pour y être vendus avec le reste de leur cargaison. A 9 heures, signal et fait servir; à 9 heures 1/4, signal de virer de bord vent devant, et pris bâbord amures. A la même heure, une des prises a fait route pour Tranquebar. Avril 1788. LUNDI 1er AVRIL. — Le vent à l'Est, joli frais. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 5 heures 3/4, signal de ralliement. Plusieurs vaisseaux ont eu ordre d'aller chercher de la poudre. A midi, W. N. E. 0° 12'. — Lat. observée 10° 32' ; longit. arrivée 79° 20' ; route corrigée Sud 1/4 S. E. 5° Est, 5 lieues 1/2 ; le cap Calimere, Ouest, 5° Sud, 27 lieues 1/2 ; la pointe N. E. de l'île Ceylan, S. 0. 1/4 Ouest, 22 lieues 1/4; différence Nord 2 lieues 2/3. A 6 heures 1/2, la prise, évacuée de sa poudre, a fait route pour Tranquebar. A 7 heures, avons embarqué les bâtiments à rames et fait route au plus près, bâbord amures. Le vent à l'Est, petit frais. MARDI 2. — Le vent à l'Est, petit frais. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 1 heure, trouvé 37 brasses, vase ; à 3 heures, 32 brasses, même fond. Au jour, forcé de voiles. A 11 heures, signal à la Fine et à l'Annibal anglais de chasser. Le navire particulier la Sainte-Anne a fait route pour l'Ile-de-France. DU BAILLI DE SUFFREN 369 A midi, lat. observée 10° 8'; longit. arrivée 78° 28'; route corrigée S. S. E. 4° Sud, 8 lieues 1/2 ; l'île aux Pigeons nous reste au Sud 5° Ouest, 22 lieues. Le vent au N. E., petit. Route au Sud 1/4 S. E. A 1 heure, sondé 24 brasses, sable fin. A 3 heures, signal de ralliement. A 3 heures 1/2, la Fine a signalé, la terre. A 8 heures, trouvé 32 brasses, vase; à minuit, 28 brasses, même fond. MERCREDI 3. — Le vent à l'E. N. E., petit; presque calme. Route au plus près, tribord amures. A 5 heures 1/4 trouvé 20 brasses, sable et coquillage. A 6 heures, le vent très faible et le courant nous entraînant au N. O., signal de mouiller et mouillé par les 16 brasses, gravier et coquillage. A midi, lat. observée 9° 47'; longit. arrivée 79° 47'; route, S. E. 2° Sud, 2 lieues 1/2 ; l'île aux Pigeons. S. O. 1/4 Sud, 16 lieues. Vu la terre à 8 lieues. A 1 heure, signal d'appareiller et appareillé. A 7 heures, le vent ayant molli, signal de mouiller et laisser tomber l'ancre de détroit par 18 brasses, sable et gros gravier. JEUDI 4. — Le vent à l'E. S. O., petit; mouillé à 6 lieues de la côte. A 5 heures 1/2, signal d'appareiller et appareillé. Fait route à l'E. S. E. du compas. A 10 heures, le vent a varié à l'E. S. E., petit frais ; temps couvert et pluie ; pris les amures tribord. A 11 heures 1/2, le vent a varié à l'Est et au N. E., petit; viré vent arrière et gouverné à l'E. S. E. A midi, lat. observée 9° 47' ; longit. arrivée 79° 3' ; route corrigée Est 1/4 S. E. 4° Sud, 1 lieue. Vu la terre à grande distance. A 4 heures, trouvé 28 brasses, gros gravier. A 7 heures, le vent ayant molli, signal de mouiller et mouillé par 26 brasses, gros gravier. A 10 heures, le vent au S. O., petit. Signal de mettre sous voile et appareillé ; à 11 heures, signal d'amures tribord. VENDREDI 5. — Le vent au Sud, petit frais. Route à l'E. S. E. A 2 heures, le vent ayant varié au N. E., petit, pris bâbord amures. A 11 heures, trouvé 42 brasses, gros gravier. A midi, lat. observée 9° 47'; longit. arrivée 79° 18' ; route corrigée, Est 4° Nord, 5 lieues ; différence Nord 1 lieue. A 2 heures x/4, nous avons eu un grain de plaie. Le vent au N. E., petit, toujours bâbord amures. A 11 heures 1/2, trouvé 50 brasses, gravier. Avril 1782. 370 JOURNAL DE BORD Avril 1782 SAMEDI 6. — Le vent petit frais. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures 1/2, le vent ayant varié au S. S. E., petit, signal de virer de bord ; pris tribord amures. Sondé et trouvé 25 brasses, en vue de terre. A 7 heures 1/2, le vent ayant varié au N. N. E., petit, signal de virer de bord vent devant. A 8 heures 1/2, le vent a varié à l'Ouest. Route à l'E. S. E. A 9 heures, eu un grain de pluie et petit vent d'Ouest. A 11 heures, mis en panne pour rallier les traîneurs. Le vent à l'Est, petit frais. A midi, lat. observée 9° 32' ; longit. arrivée 79° 30' ; route estimée, S. E. 1/4 Sud 5° Est, 6 lieues 2/3 ; l'île aux Pigeons au S. 0. 1/4 Sud, 10 lieues 1/2. A 1 heure, le vent a varié au N. N. O., petit frais ; grain et pluie. A 1 heure 1/2, fait servir. Route à l'E. S. E. A 6 heures, le Vengeur a signalé une voile au S. O. Le vent à l'E. N. E., petit. Route au plus près, bâbord amures. DIMANCHE 7. — Le vent â l'E. N. E., petit. Route au plus près, bâbord amures. A minuit, eu un grain de vent et. de pluie ; à 10 heures, eu un autre grain. A 11 heures, signal de mettre en panne pour rallier les mauvais voiliers. A 11 heures 3/4, signal de virer de bord vent arrière. Fait route au Nord pour rallier le Sévère, qui était fort sous le vent. A midi, point de hauteur lat. estimée 9° 7' ; longit. arrivée 79° 50' ; route estimée, S. E. 1/4 Sud 2° Est, 10 lieues 1/3 ; l'île aux Pigeons à l'Ouest 1/4 S. O., 12 lieues 1/2. A 1 heure, fait route à l'E. S. E. A 2 heures, signal de virer et viré vent arrière. A 6 heures, nous n'étions qu'à 5 lieues de terre, le vent à l'Est. Route au plus près, bâbord amures. A 11 heures, le vent ayant varié au S. E., presque calme, signal de virer de bord et pris tribord amures. A la même heure, presque calme. Mis à la mer des bâtiments à rames pour nous écarter de quelques vaisseaux. Route pour Ceylan. LUNDI 8. — Calme, temps couvert. A 2 heures 3/4, le vent a soufflé du N. E., petit frais. Signal et pris bâbord amures. A 2 heures 1/2, nous avons embarqué les bâtiments à rames. A 6 heures, le Sphinx a signalé un bâtiment à l'E. S. E. A 9 heures, le veut ayant varié au S. E., petit, fait signal de virer de bord et pris tribord amures. A 10 heures 1/4. le Sévère a signalé une voile dans le Sud 1/4 S. O. A 11 heures, signal de virer. DU BAILLI DE SUFFREN 371 A midi, point de hauteur lat. estimée 9° 3'; longit. arrivée 79° 38' ; relevé la terre à l'Ouest, distance 6 lieues. Le vent à l'E. N. E., petit. A 1 heure, eu un grain de vent et de pluie dans la partie de l'Est. Fait signal de brume de virer vent arrière; pris tribord amures. A 1 heure 3/4, le temps s'étant éclairci, signal de ralliement et d'ordre de marche sur deux colonnes. Nous nous sommes aperçus que le Brisson, qui s'était séparé de l'escadre la veille, avec la Fille Unique et le Daliram, pour aller à Batavia, et qui étaient à trois ou quatre lieues sous le vent à nous, faisait signal de bâtiments suspects, ce qui a engagé le général à faire faire le N. N. O. à toute l'escadre pour nous approcher du Brisson; n'apercevant aucune voile, la Fine a chassé et amariné une prise. A 6 heures, les vigies ayant aperçu une voile de l'avant et le général imaginant que c'était ce qui avait occasionné le signal du Brisson, a fait signal de tenir le vent, bâbord amures ; mais le Brisson ayant continué le même signal et tiré un coup de canon, le général lui a envoyé le Sphinx pour savoir ce qui l'occasionnait. A 11 heures 1/4 M. de Bourdeilles, lieutenant de vaisseau, embarqué sur le Sphinx, est venu à bord et a rendu compte au général qu'à midi le Brisson avait découvert 14 voiles au N. N. O., faisant voile au N. N. E. ; qu'une d'elles avait fait voile sur lui jusqu'à 4 heures, qu'elle avait reviré pour rallier les autres. Dix de ces bâtiments lui avaient paru gros. A cela, nous avons signalé changement de route et gouverné au Nord 1/4 N. E., le vent à l'E. O. E. MARDI 9. — Le vent au Sud, petit, presque calme ; temps nébuleux. Route au Nord 1/4 N. E.. A 5 heures 1/2, signal de ralliement et à la Fine de passer à poupe. Au jour, nous avons vu 14 bâtiments de l'avant. Peu après, appelé tous les vaisseaux à l'ordre. Les bâtiments aperçus courant à bord opposé, nous les avons bientôt reconnus pour l'escadre anglaise, composée de 11 vaisseaux de ligne. Comme elle était au vent à nous, nous avons continué le même bord, les vents pour lors dans la partie de l'Est, jusqu'à ce qu'elle fût par notre travers. Alors, le général a fait signal de virer de bord et formé la ligne de bataille ordre naturel, bâbord amures, pour offrir le combat à l'ennemi, seul maître de l'engager par sa position, étant à 4 lieues au vent à nous ; mais il continua constamment à tenir le vent. Le général a fait signal et pris la tête de la ligne. A 11 heures, la Fine a mis le feu à la prise, par ordre du général. Avril 1782. Vu l'escadre anglaise. 372 JOURNAL DE BORD Avril 1782. A midi, lat. observée 9° 40' ; longit. arrivée 79° 42' ; route corrigée E. S. E. 4° Est, 8 lieues ; différence Nord 7 lieues l'île aux Pigeons au S. O. 1/4 Sud, 8 lieues. A la même heure, signal de serrer la ligne ; à 1 heure, celui de branle-bas et préparation au combat. La Fine ayant demandé de continuer la chasse sur des bâtiments aperçus, signal à elle de passer à poupe. A 3 heures 1/2, mis le pavillon blanc et de distinction. A 5 heures du soir, le vent ayant un peu donné, les meilleurs voiliers de l'escadre avaient considérablement approché les ennemis. L'amiral anglais fit diminuer de voiles à ses vaisseaux de tête pour laisser passer de l'avant un de ses mauvais voiliers qui était fort de l'arrière. A 6 heures, relevé la tête de l'escadre anglaise à l'Est 2° Nord ; les vaisseaux de la queue à l'Est 1/4 N. E. ; distance 3 lieues. Route au S. E. Toutes voiles dehors. A 6 heures 1/4, hêlé la Fine pour lui ordonner de chasser de l'avant et d'observer les manoeuvres de l'ennemi. A 7 heures, allumé tous les feux et diminué de voiles pour laisser approcher nos mauvais marcheurs, qui étaient fort de l'arrière. Pendant la nuit, vent variable de l'Est au S. E., petit frais. Route au plus près du vent, bâbord amures ; beau temps. Chassé l'escadre anglaise. MERCREDI 10. — Le vent à l'Est, petit. Route au plus près, bâbord amures. A 5 heures 3/4, on a aperçu l'escadre anglaise à l'Est 1/4 S. E. ; elle était éloignée de 5 lieues. A 6 heures, la Fine a signalé 4 bâtiments dans l'E. S. E. ; nous lui avons fait signal de chasser au Sud. La Fine a amariné un bâtiment, mais, ayant demandé à continuer la chasse, on lui a refusé, ayant besoin de cette frégate pour observer les mouvements de l'escadre anglaise, que nous savions toujours toutes voiles dehors. A 9 heures 3/4, signal de forcer de voiles à toute l'escadre. A 11 heures 1/4, le Diligent, toujours en chasse au Sud, ayant fait signal que le bâtiment chassé était supérieur au chasseur, on l'a fait rallier. A midi, lat. observée 9° 3' ; longit. arrivée 80° 1' ; route corrigée S. E. 1/4 Sud 2° Est, 14 lieues 1/3 ; l'île aux Pigeons, Ouest 1/4 S. O., 15 lieues 1/2 ; l'escadre anglaise, Est 5° Nord, 4 lieues 1/3. A 1 heure 1/2, signal à la division bleue de tenir le vent. A 1 heure 3/4, même signal à la division blanche. A 2 heures 1/2, fait virer l'escadre blanche. A 3 heures 1/4, fait revirer l'escadre blanche et prendre bâbord amures. L'escadre toujours en chasse et en ligne. DU BAILLI DE SUFFREN 373 Nous ayons fait signal de route libre. Par ordre du général, la Fine a brûlé la prise qu'elle venait de faire. C'était un seneau chargé de riz pour Madras, venant du Nord. Il avait touché à Trinquemalay et avait à son bord un Anglais de considération, nommé Hughes Boye. Il venait de chez le roi de Candy comme ambassadeur de la Compagnie anglaise, pour faire un traité contre les Hollandais; mais nous avons vu par ses papiers, qui ont été pris avec lui, qu'il n'avait pas réussi. A 6 heures, relevé l'armée anglaise, Est 5° Sud, 4 lieues ; la terre de Ceylan, S. O., 8 lieues. Nous avions les bonnettes depuis 4 heures et avions arrivé au S. E. 1/4 Est pour approcher les ennemis ; à 6 heures, nous les avons amenées, le vent ayant varié. Mis le cap au S. E. A 8 heures, ayant eu un grain de vent et de pluie dans la partie du S. E., avons amené les huniers et fait signal de prendre tribord amures. A 8 heures, répété le même signal. A 9 heures 1/4, le grain passé, le vent à l'Est, signal de prendre les amures bâbord. Route au S. S. O. JEUDI 11. — Le. vent à l'Est, petit, presque calme ; temps couvert. Route au plus près, bâbord amures. Au jour, aperçu l'escadre anglaise au S. E. 1/4 Est, à la même distance que la veille, courant le même bord que nous. Signal à l'Ajax de forcer de voiles. A 6 heures 1/2 , signal de chasse générale au S. E. 1/4 Est. A 10 heures 3/4, mis le cap au S. E. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 8° 48'; longit. arrivée 80° 17'; route corrigée S. E. 2° Sud, 7 lieues 1/2 ; l'île aux Pigeons, Ouest 1/ 20 lieues. La Fine chassait un bâtiment au S. S. O. — A 1 heure, mis le cap au S. S. E. et viré un pavillon bleu au mât de misaine pour tromper le bâtiment aperçu et nous faire prendre pour l'escadre anglaise. A 1 heure 1/2, quelques vaisseaux de l'escadre ont signalé deux voiles au Sud. A 2 heures, mis le cap au S. E. 1/4 Est. Peu après, le bâtiment chassé par la Fine a mis pavillon anglais ; il s'est rendu après quelques coups de canon. C'était un gros marchand, venant de Pégou, richement chargé, et que sa marche a permis de conserver. A 5 heures 1/4, signal à l'Artésien de ralliement. Nous avions fort approché l'escadre anglaise. A 5 heures 3/4, le vent variable du Sud à l'Ouest; grande pluie et orage. Fait virer l'escadre vent arrière et pris, tribord amures. 25 Avril 1782. 374 JOURNAL DE BORD Avril 1782. A 6 heures, relevé le centre de l'escadre ennemie, S. E. 2° E., à la distance de 3 lieues 1/2. Le vent au Sud, petit. A 7 heures 3/4, signal de prendre les amures bâbord. A 8 heures, mis le cap au S. E. 1/4 Sud. A 10 heures, la Fine nous ayant passé à poupe, le général lui a fait dire au porte-voix de passer de l'avant de l'escadre à 1 heure environ, et, si elle s'apercevait de quelques mouvements dans l'escadre anglaise, de les signaler. Combat de Providien. VENDREDI 12. — Le vent à l'E. N. E.. petit. Route au plus près du vent, bâbord amures. A 1 heure, la Fine a tiré deux fusées. A 2 heures, elle a répété le même signal, auquel nous avons toujours répondu. On apercevait les feux de l'escadre anglaise et même on avait vu des amorces, ce qui avait fait juger au général qu'elle était arrivée pour nous passer de l'avant. Nous avions aussitôt fait porter pour ne pas les éloigner. A 2 heures 1/2, le vent a varié au S. O., petit grain et pluie ; pris tribord amures. Au jour, le vent petit, dans la partie du N. E. Vu l'escadre anglaise sous le vent à nous, au S. 1/4 S. O., à 2 lieues de distance. Elle avait effectivement arrivé pendant la nuit, sans doute, pour gagner Trinquemalay et éviter le combat ; mais le calme et le vent variable l'en avaient empêchée. Nous avons mis notre pavillon de commandement. A 6 heures, signal à l'escadre de forcer de voiles. A 6 heures 1/4, nous avons rendu notre manoeuvre indépendante et mis en panne, tribord amures. A 7 heures, relevé la terre de Ceylan, au S. O. 5° S. ; distance 8 lieues. En même temps, nous avons fait servir. A 7 heures 1/4, signal de chasse générale et nous avons porté au Sud. L'escadre anglaise a continué toujours cependant chasse, toutes voiles dehors. Enfin, à 9 heures, le vent bien établi au N. E., l'amiral anglais se voyant fort approché et sans espoir d'éviter le combat, a tenu le vent sous petites voiles DU BAILLI DE SUFFREN 375 et formé la ligne de bataille, tribord amures. Nous avons pour lors arrivé tous en même temps au S. 1/4 S. O. et formé la ligne de bataille, ordre naturel, tribord amures, et, peu après, signalé le S. S. O. A 9 heures 1/2 , le Bizarre n'étant pas à son posta, on lui a fait signal d'arriver, les vaisseaux de l'arrière-garde étant fort éloignés. A 9 heures 3/4, signal au Vengeur de tenir le vent et de former la ligne de bataille, ordre naturel, tribord amures. A 10 heures, répété le signal au Bizarre d'arriver; en même temps, nous avons mis le pavillon de poupe. Les Anglais ont amené le pavillon à queue bleue et viré celui à queue rouge. A 10 heures 3/4, signal au Vengeur de diminuer de voiles; il a mis en panne. Une demi-heure après, les vaisseaux de l'arrière commençaient à s'approcher. Signal au Vengeur de faire servir. A 11 heures 1/4, signal au Diligent de passer à poupe. Le général a fait ordonner à M. Malé d'aller dire au bizarre de doubler pendant le combat, si la position le permettait, le vaisseau de queue de la ligne anglaise pour le mettre entre deux feux. A 11 heures 3/4, la ligne étant formée, signal d'arriver tous en même temps à l'O. S. O. — A midi, signal de courir en échiquier, tribord amures. A midi 1/2, signal à l'arrièregarde et à l'Orient de forcer de voiles. A midi 3/4, signal à l'Artésien de faire servir. Peu après, signal au Vengeur, au Sévère, à Artésien et à l'Orient de forcer de voiles. A 1 heure, nous commencions à approcher les ennemis; notre avant-garde, composée des meilleurs voiliers, était déjà à portée. A 1 heure 1/4, les vaisseaux de tête de l'escadre anglaise ont commencé à tirer; le Vengeur et l'Artésien, chefs de ligne, ont riposté en tenant le vent. Le général leur a fait signal d'arriver ; il leur a fait le même signal un quart d'heure après. Signal à la seconde division de forcer de voiles. Avril 1782. 376 JOURNAL DE BORD Avril 1782. A 1 heure 40, à portée de pistolet de l'amiral anglais et après avoir reçu quelques bordées sans tirer, nous sommes revenus au vent et avons commencé le feu. Le dessein du général était de combattre l'amiral ; mais des bras coupés nous ayant empêchés de coiffer nos huniers, nous l'avons dépassé et couru jusque par le travers de son matelot, que nous avons combattu. A 1 heure 3/4, signal d'approcher l'ennemi à portée de pistolet. A 2 heures 40, le vaisseau que nous combattions a été démâté de son mât d'artimon et de son grand mât. Le Héros lui-même avait été très maltraité et hors d'état de manoeuvrer. Le vaisseau de l'amiral serrait de très près clans nos eaux et portait même au vent à nous. Nous vîmes alors à son bord une grande explosion, mais qui ne parut pas avoir de suites. Nous dirigeâmes sur lui des canons de retraite et fîmes signal à l'arrière-garde, à l'Orient, notre matelot d'arrière, d'arriver; mais le vaisseau ayant fait signal d'incommodité, nous signalâmes aux frégates de lui donner du monde. Il arriva en même temps, suivi du Brillant, et l'amiral anglais laissa alors arriver tout plat et passa même sous le vent du vaisseau démâté. Peu après, il vira de bord vent arrière, avec toute son escadre, soit à cause de l'approche de terre, soit pour secourir le vaisseau démâté, qui restait sans gouverner entre les deux escadres de l'arrière-garde. Le Vengeur vient de signaler 14 brasses de fond. A 3 heures 1/4, le général fait signal de virer lof pour lof, tous en même temps, et de forcer de voiles pour tâcher de couper le vaisseau démâté. Cette manoeuvre, après un combat chaud, ne put être ni bien prompte, ni générale. Mis les flammes de l'Annibal et du Bizarre avec le même signal. Nous avons viré à l'aide du bâtiment à rames et crié à l'Artésien de se porter sur le vaisseau démâté. DU BAILLI DE SUFFREN 377 Quelques vaisseaux de notre arrière-garde combattaient de près le centre de la ligne anglaise et approchaient même le vaisseau démâté, lorsqu'un vaisseau de l'arrière-garde ennemie lui a envoyé une remorque par un bâtiment à rames et l'a conduit sous le vent de la ligne. A heures 1/2, le petit mât de hune du Héros est tombé. Les deux escadres, combattant toujours, couraient sur terre et le fond diminuait rapidement. Le général a fait alors signal de diminuer de voiles, et, voyant son vaisseau absolument désemparé et hors d'état de manoeuvrer, il a passé sur l'Ajax, où il a arboré son pavillon, et fait signal à la Fine de lui passer à poupe. M. du Moissac est resté pour commander le Héros. Le général a amené avec lui M. Bolle, chargé du détail général de l'armée, et M. Degois, enseigne de vaisseau, aide-major. A 6 heures, signal de cesser le combat; mais le feu n'a cessé de part et' d'autre que lorsque la nuit n'a plus permis de discerner ledit objet. A 7 heures 1/4, signal de nuit de prendre les amures tribord. A 8 heures, signal à toute l'escadre de mouiller. A 7 heures 7s, après avoir essayé inutilement de virer vent devant ou vent arrière, le vaisseau était entièrement dégréé et hors d'état d'être réparé en peu de temps avec son petit mât de hune bas, toutes les voiles criblées, les manoeuvres qui en dépendent et tous les haubans de misaine. Nous avons été obligés de mouiller par le peu de fond et dérivant toujours ; avons mouillé par 7 brasses, fond de corail, au milieu de l'escadre anglaise, et assez près d'un de ses vaisseaux pour en distinguer les voix. Le vent toujours au N. N. E, presque calme. Dans le même moment, M. Degois vint à bord, envoyé par le général, pour savoir si ce n'était pas nous qui avions tiré trois coups de canon. M. de Moissac lui dit qu'il croyait que c'était l'amiral anglais, dont ce pouvait être le signal du mouillage. Il le Avril 1782. 378 JOURNAL DE BORD Avril 1782. pria d'instruire le général de notre situation désagréable. Peu après, la Fine, envoyée par le général, est venue pour nous remorquer. Elle nous a passé de l'avant et envoyé une haussière. L'amarrage fait, nous allions couper le câble, lorsque l'Orient vint passer entre la frégate et nous, rompit l'amarre et nous dit en même temps que la Fine était abordée avec un vaisseau anglais. Nous entendions effectivement des voix françaises et anglaises se disputer vivement, et tout cependant se passa en paroles et la secousse occasionnée par l'Orient en cassant l'amarre sépara les deux bâtiments. La frégate alla s'échouer un peu plus loin, fit signal d'incommodité, mit le feu dans le portehaubans, l'éteignit et se remit à flot. Pour nous, nous restâmes mouillé à côté du vaisseau anglais. Nous étions alors dans la circonstance la plus critique, mouillé au milieu de l'escadre anglaise et sans aucun moyen d'informer le général de notre position. Tous les bâtiments à rames brisés, ne pouvant être mis à l'eau, et des signaux de secours ou de détresse eussent averti les ennemis de notre proximité. Pour notre dernière ressource, nous frappâmes une embossure sur le câble pour faire abattre le vaisseau si le vent permettait d'appareiller, ou pour présenter le travers à l'ennemi en cas que le calme ou le vent contraire nous retînt dans la même position jusqu'au jour. A 9 heures 1/2, il s'éleva heureusement, dans la partie du S. O., un grain, qui donnait en plein dans les lambeaux de notre misaine ; nous coupâmes les câbles et embossures et gouvernâmes sur le général, par le travers duquel nous avons mouillé. A 10 heures 1/2, fond de sable et corail. SAMEDI 13. — Vent variable, temps couvert et pluie. Au jour, les deux escadres mouillées à 3/4 de lieue l'une de l'autre ; quelques vaisseaux ennemis à portée de canon, à DU BAILLI DE SUFFREN 379 toute volée ont appareillé pour s'éloigner. Le général a fait signal à des vaisseaux mal mouillés de changer de mouillage. Les frégates la Fine et le Chasseur étaient encore sous voile. A 7 heures 1/2, le général est venu à bord. Relevé la pointe Sud, S. E. 1/4 Sud ; la pointe Nord, N. E. 1/4 Nord ; distance de terre 1/2 lieue. L'escadre anglaise dans le très près de terre, dans un petit enfoncement. Les vaisseaux l'Orient, le Sphinx, l'Ajax avaient touché la veille à plusieurs reprises ; il paraît que cet endroit est rempli de bancs de corail. La Subtile nous a envoyé 40 matelots pour nous aider à nous regréer. Les deux escadres sont occupées à se réparer. Nous avons vu, sur les débris de mâture qui ont passé à portée, que le vaisseau démâté était le Montmouth, de 64; il est mouillé à terre des autres vaisseaux de l'escadre, qui font beaucoup de mouvements pour pouvoir peut-être former une ligne et s'embosser au besoin. A midi, lat. observée 8° 8'; l'île Provédien me reste au N. Nord, à 2 lieues de distance. Dans l'après-midi, le général a envoyé un officier en parlementaire à l'amiral anglais, pour lui proposer le change de M. Degois, enseigne de vaisseau, aide-major, qu'on présume être dans son escadre. En effet, le soir du combat, il avait été, par ordre du général, dans plusieurs vaisseaux pour savoir qui avait tiré les trois coups de canon, que nous présumâmes être le signal du mouillage fait par l'amiral. Il était à bord de la Fine lors de son abordage avec le vaisseau anglais l'Isis, et la position de cette frégate l'engageant à la quitter, il s'était rembarqué aussitôt dans son canot pour retourner à bord du général ; mais la nuit étant très noire et orageuse, trompé d'ailleurs par les feux de l'amiral anglais, pareils à ceux de l'Ajax où le général était, il était monté à bord du Superb. L'amiral répondit Avril 1782. Les deux escadres sont mouillées en présence. 380 JOURNAL DE BORD Avril 1782. effectivement que cet officier était à son bord ; mais qu'il ne pouvait le changer avant qu'un traité de change eût été arrêté par la présidence de Madras. A 5 heures 1/2, signalé pour mot d'ordre Saint-Philippe et Poitiers. » Les frégates ont donné des munitions aux vaisseaux qui en manquaient. Le Héros n'étant pas encore regréé, le général a été sur le Vengeur pour la nuit. La Fine et le Chasseur ont mouillé au large de l'escadre. Dans la journée, tous les vaisseaux ont envoyé rendre compte de leur situation et de la perte qu'ils avaient faite en hommes. Elle a été assez considérable. Pertes au combat de Providien. Ligne de bataille Capitaines Tués Blessés Le Vengeur Forbin 0 2 L'Artésien. . Maurville 12 20 L'Annibal anglais De Galles 6 19 Le Sphinx Du Chilleau 22 74 Le Héros Suffren, Moissac.. 12 38 L'Orient La Pallière 25 71 Le Brillant Sain-Félix 15 33 Le Sévère Cillart 12 20 L'Ajax Bouvet 4 11 L'Annibal Tromelin 14 29 Le Flamand Cuverville 3 12 Le Bizarre Lalandelle 12 28 137 357 Officiers tués le comte de Bulk, suédois, enseigne de vaisseau sur le Héros ; — le baron de Rochemore et Coäton, enseignes de vaisseau, sur l'Annibal ; — Bourdeilles et Lanechierna, suédois, lieutenants de vaisseau, sur le Sphinx ; — Le Rancur, auxiliaire, sur l'Artésien. DIMANCHE 14. — Le général sur le Vengeur a fait signal au Héros de changer de mouillage ; aussitôt, nous nous sommes préparés pour appareiller. Le fond où nous étions était rempli de corail et de roches et nous étions assez près des bas-fonds. Le vent au N. E., petit, DU BAILLI DE SUFFREN 381 presque calme. A 9 heures 3/4, le général est venu à bord. Le temps calme; nous n'avons point appareillé. A 2 heures, le Diligent a mis sous voile pour sonder dans le Sud ; il a trouvé plusieurs bancs sur lesquels il a sondé 4 brasses et 4 brasses 1/2. Lorsqu'il s'est approché de l'escadre anglaise, on lui a tiré deux coups de canon, auxquels il a riposté. Nous avons envoyé un canot e parlementaire pour porter les effets de M. Degois. A 5 heures 1/2, signalé pour mot d'ordre Saint-Antoine et Embrun », L'Artésien et le Sphinx ont changé leur grand mât de hune. A 6 heures 1/2, grain de vent et pluie dans la partie de l'E. S. E. La nuit, même temps. LUNDI 15. — Le vent au Sud, petit ; beau temps. Au jour, le vaisseau l'Ajax a changé de mouillage. Nous avons jumelé le mât de misaine, percé de plusieurs boulets, ainsi que la grand'vergue et vergues sèches et guindé le petit mât de hune. A 4 heures 1/2, pour mot d'ordre Saint-Denis et Digne ». A 8 heures, reçu un grain de la partie de l'Est. Notre câble a cassé. Mouillé une autre partie de l'Est. Notre câble a cassé.. Mouillé une autre ancre et chassé un demi-câble. Sondé 6 brasses, fond gravier et roches. L'orage a duré jusqu'à 9 heures 1/2. Nous envoyons toute la nuit une chaloupe et un canot de bivouac. MARDI 16. — Petit vent au Sud. A 5 heures 72, signal d'envoyer toutes les chaloupes avec des ancres et des grelins à bord du général. A 6 heures, appelé tous les canots. Peu après, nous avons appareillé et remorqué par tous les canots. Nous avons mouillé plus au large par 12 brasses, gravier et coquillage. Nous avons reçu de la Pourvoyeuse des boulets de 18. Relevé la pointe l'a plus Nord, N. O. 1/4 Nord ; la pointe Sud, S. E. 1/4 Sud 5° Sud ; distance de terre 2/3 de lieue. A 2 heures, étant dans le dessein d'envoyer les Bons Amis et la prise le London à l'Ile-de-France, signalé permission d'écrire. A 5 heures, signalé pour mot d'ordre Saint-Fiacre et Francfort ». A 7 heures, petit grain dans le S. G. MERCREDI 17. — Le vent à l'Est, petit frais; temps couvert. A 6 heures, plusieurs vaisseaux ont changé de mouillage. Les Bons Amis et la prise le London ont appareillé pour. l'Ile-de-France, A 5 heures 1/2, signalé pour mot d'ordre Saint-Gratien et Gaëte », A la même heure, le Diligent a mis sous voile avec ordre de gagner Avril 1782. 382 JOURNAL DE BORD Avril 1782. Batacalo, au plus Sud même s'il pouvait, pour porter des lettres du général au gouverneur de Ceylan et au commandant de nos bâtiments à Galles. A 6 heures 1/4, grain de pluie et orage dans la partie du S. E. Plusieurs vaisseaux anglais ont repassé des mâts de hune. L'amiral paraît avoir été très maltraité, ayant été plusieurs jours avec les siens amenés. On travaille à mater le Montmouth avec des mâts de hune. Il paraît qu'ils ont communiqué à terre, ayant vu quelques canots aborder. La nuit, petit vent variable du S. O. au Sud. JEUDI 18. — Le vent au Sud, petit. Au jour, les trois bâtiments appareillés la veille paraissaient encore. Signal à l'escadre de rester mouillée sur une petite ancre, comptant mettre sous voiles le lendemain. A 5 heures, signalé pour mot d'ordre Saint-Mériadech et Morlaix ». A la nuit, nous avons envoyé notre grand canot au bivouac et guindé nos huniers. A 7 heures 1/2, grain de pluie, orage dans la partie du S. O. Nous avons laissé tomber une grosse ancre. A 8 heures, calme. VENDREDI 19. — Le vent au Sud, petit; presque calme. A 6 heures, nous avons appareillé la grosse ancre mouillée la veille. A 7 heures, signal à tous les vaisseaux de se tenir prêts à appareiller. A 7 heures 1/2, de virer à pic. A 8 heures 1/4, signal d'appareiller. Relevé le morne de milieu de terre, S. O. 5° Ouest. A 8 heures 72, signal de former l'ordre de bataille dans l'ordre naturel, la première division à la queue. A la même heure, mis sous voile et fait route à l'Est, le vent au S. O., presque calme. A 10 heures, le vent est venu dans la partie du S. E. Signal de virer de bord ; en même temps, pris tribord amures. W. N. E. 1° 22'. — Lat. observée 8° 12'; longit. arrivée 79° 40'; la terre la plus Sud, S. S. E. 5° Sud ; la terre la plus Nord, N. O. 3° Nord. Sondé 17 brasses. A 1 heure, signal de ligne de combat dans l'ordre naturel, le général à la tète de la ligue. A la même heure, signal au Sphinx de faire servir ; à 2 heures, de serrer la ligne ; à l'Ajax et au Sévère de se mettre à leur poste. Nous approchions les ennemis. Ils craignent peut-être d'être attaqués, car ils ont viré le pavillon à queue rouge et amené celui à queue bleue et nous ont présenté le travers par le moyen de leurs embossures. Si la chose eut été possible le général sans doute l'eût tentée ; mais des bas-fonds qui se trouvaient là, sur lesquels plusieurs de nos vaisseaux avaient touché et que nous avions fait sonder par le Diligent, nous ôtaient la possibilité de le L'escadre française appareille et présente le combat à l'escadre anglaise. DU BAILLI DE SUFFREN 383 faire qu'avec désavantage. A 3 heures, étant à grande portée de l'escadre ennemie, nous avons fait signal et viré de bord par la contre-marche. Sondé 15 brasses, petit gravier. Peu après ordre de marche sur deux colonnes. A 4 heures 1/2, signal de virer de bord vent devant, tous en même temps. A 6 heures, relevé la terre la plus Sud, au Sud ; la terre la plus Nord, au N. O.; l'escadre anglaise mouillée et embossée Sud 5° Ouest ; distance de terre 3 lieues. Le vent à l'E. S. E. petit. Route au plus près du vent, bâbord amures. A la même heure, signal de virer de bord vent devant, tous en même temps ; pris tribord amures. A 6 heures 1/4, embarqué les bâtiments à rames. Toute la nuit, même vent et mêmes amures. SAMEDI 20. — Le vent au petit. Route au plus près, tribord amures. A 5 heures, le vent a varié au N. N. O., presque calme. Route au S. S. E. A 5 heures 3/4, signal à toute l'escadre de forcer de voiles. L'intention du général était de s'élever jusqu'à Batacalo pour écrire à Galles à nos bâtiments de venir nous y joindre. A midi depuis hier à 6 heures W. N. E. 0° 43'.— Lat. observée 8° 23'; longit. arrivée 80° 5'; chemin corrigé E. N. E. 4° Nord, 8 lieues 1/3; Trinquemalay à l'O. N. O., 18 lieues ; différence Nord 5 lieues ; distance de terre 9 lieues. A midi 3/4, la Fine a signalé la terre à l'O. S. O. A 5 lieues, on a découvert l'escadre anglaise toujours au même mouillage. A 6 heures, relevé l'escadre anglaise, 5 lieues. A la même heure, signal et viré de bord, vent devant. Pendant la nuit, le vent a varié du Sud au S. S. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. DIMANCHE 21. — Le vent au S. S. O., petit frais ; beau temps ; belle mer. Route au plus près, tribord amures. A 5 heures 3/4, signal à la Fine de chasser en avant de l'escadre pour ne se rallier qu'à la nuit. A midi, lat. observée 8° 4'; longit. arrivée 80° 54'; route corrigée E. S. E. 5° Sud, 17 lieues ; distance de terre 22 lieues. A 1 heure 74, signal de virer de bord par la contre-marche ; pris tribord amures. A 5 heures, la Pourvoyeuse a signalé une voile dans le S. O. 1/4 Ouest. A 8 heures 1/2, serré le perroquet de fougue. A 10 heures, signal de virer de bord vent arrière, tous en même temps ; pris tribord amures. Le vent au Sud; pendant la nuit, variable du Sud au S. O. Avril 1782. 384 JOURNAL DE BORD Avril 1782. LUNDI 22. — Le vent au S. O., joli frais ; beau temps; belle mer. Au jour, nous n'avons plus vu la Fine, en chasse depuis hier. A 6 heures 72, signal de ralliement. A 8 heures 1/2, le Brillant a fait signal d'incommodité qui pouvait se réparer à la mer ; il a amené son petit mât de hune. A midi depuis hier à la même heure aujourd'hui, lat. observée 7° 53'; longit. arrivée 81° 00' ; route corrigée S. E. 1/4 Sud 4° Est, 4 lieues 1/2 ; distance de terre 22 lieues. Route pour Batacalo. A 1 heure, signal de virer vent arrière, tous en même temps. A 11 heures, le vent ayant varié au S. S. O., signal de virer de bord vent arrière ; pris tribord amures. MARDI 23. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 10 heures, mis le bateau à la mer pour envoyer à bord du Chasseur. A 11 heures, avons mis en panne; rembarqué le bateau. A la même heure, le Chasseur s'est séparé de l'escadre afin de faire route pour l'Ile-de-France. M. Bolle, chargé ci-devant du détail général de l'escadre, a passé dessus pour raison de maladie. A midi, lat. observée 7° 54' ; longit arrivée 81° 1' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 1° Nord, 1/3 de lieue; différence Nord 4 lieues 1/3. A 2 h. 3/4, pris le deuxième ris dans les huniers. A 4 heures, serré le perroquet de fougue. Pendant la nuit, même vent et mêmes amures. MERCREDI 24. — Le vent au S. S. O., beau temps. Route au plus près, tribord amures. Au jour, l'Orient a envoyé rendre compte qu'il avait une voie d'eau et beaucoup de malades. A midi, lat. observée 7° 19' ; longit. arrivée 81° 50' ; route corrigée S. E. 1/4 Est 1° Sud, 20 lieues; différence Nord 2 lieues 2/3. A la même heure, signal de virer de bord vent devant; pris bâbord amures. Le vent au S. S. O., joli frais. A 5 heures 1/2, arrivé pendant quelque temps à l'O. N. O., pour rallier l'escadre. Pendant la nuit, même vent et mêmes amures. JEUDI 25. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 5 heures 1/2, arrivé pendant quelque temps à l'O. N. O. pour rallier quelques vaisseaux de l'escadre. A midi, lat. observée 7° 40' ; longitude arrivée 80° 31' ; route corrigée Ouest 1/4 N. O. 4° Nord, 26 lieues; différence Nord 2 lieues 1/3 ; éloigné de terre 12 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 385 A 5 heures 1/2, signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 6 heures, relevé Le Froc, distance de terre 6 lieues 1/2. Le vent au S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. Toute la nuit de même. VENDREDI 26. — Le vent toujours au S. O. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, le vaisseau l'Annibal anglais n'était point en vue. Signal au Vengeur de chasser au vent, pour ne se rallier qu'à la nuit ; forcer de voiles et faire route au S. -E. 1/4 Est. A 6 heures 72, signal à l'Artésien de chasser sous le vent de l'escadre; à 6 heures 3/4, à l'Orient de nous passer à poupe. A la même heure, vu l'Annibal de l'avant et sous le vent de l'escadre, venant au bord opposé. Signal de ralliement au Vengeur et à l'Artésien. A 11 heures 1/2, signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A midi, latitude observée 7° 39' ; longit. arrivée 80° 30' ; route corrigée Sud 5° Ouest 73 de lieue ; différence Nord 6 lieues 1/3. A midi 1/4, signal de virer de bord, pris bâbord amures, le vent à l'O. S. O., petit frais. A 4 heures, signal de ralliement. A 5 heures, le cahot de l'Artésien est venu à bord. Pendant la nuit, même vent et même route. SAMEDI 27. — Le vent au S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée 6° 56'; longit. arrivée 81° 3'; route corrigée Sud 1/4 S. E. 4° Est, 18 lieues ; différence Nord 2 lieues 1/3 ; distance de terre 24 lieues. A 1 heure 1/2, signal de virer de bord; pris bâbord amures. A 4 heures 72, arrivé à l'O. pour rallier les bâtiments de dessous le vent. A 5 heures, ralliement ; pris le deuxième ris aux huniers. A 11 heures, le vent ayant fraîchi au S. S. O., amené les huniers. DIMANCHE 28. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au plus près ; pris bâbord amures. A 6 heures, signal aux bâtiments de dessous le vent de faire des bords, pour se' rallier, et de forcer de voiles. A 7 heures, largué un ris. A midi, lat. observée 7° 27' ; longit. arrivée 80° 3' ; route corrigée O. 5° Nord, 20 lieues 73 ; différence Nord 1 lieue ; distance de terre 6 lieues. A 6 heures, signal de virer de bord ; pris tribordamures. Le vent à l'O. S. 0. A 10 heures, le vent a varié au Sud. Signal de virer et pris bâbord amures. Avril 1782. 386 JOURNAL DE BORD Avril 1782. LUNDI 29. — Vent au Sud, petit ; beau temps. A 10 heures, signal de virer et pris tribord amures. A la même heure, le Brillant a signalé une voie d'eau, qu'il pouvait réparer à la mer. A 10 heures 1/4, viré de bord et mis en panne. Appelé la Subtile pour l'envoyer savoir l'état du Brillant. A midi, lat. observée 7° 46' ; longit. arrivée 80° 12' ; route corrigée N. O. 3° Nord, 9 lieues ; différence Nord 6 lieues 1/2 ; distance de terre 6 lieues; relevé la terre au S. O. A la même heure, l'Annibal a envoyé un canot à bord. A midi 7s, la Pourvoyeuse a signalé une voile dans le S. O. 1/4 Ouest. A la même heure, signal de chasse au Vengeur. A 1 heure 1/2, nous avons fait servir. A 2 heures 1/2, la Pourvoyeuse a signalé que le bâtiment aperçu faisait des signaux.; ordre de faire des signaux de reconnaissance. A 4 heures 3/4, ayant reconnu le bâtiment chassé pour le Pulvériseur, nous avons mis pavillon ; signal de manoeuvre indépendante et arrivé sur lui. Signal de ralliement au Vengeur. A 6 heures 1/2, mis en panne et envoyé un canot, qui est revenu avec M. de Joyeuse. Il avait été dépéché de Galles par M. de Beaulieu, qu'il avait laissé avec la Sylphide et les autres bâtiments du convoi pour chercher l'escadre sur Batacalo et porter au général des paquets de la Cour, venus à Galles par l'Ile-de-France, sur un bâtiment hollandais. La corvette l'Expédition était partie en même temps de l'Ile-de-France avec le même paquet; mais on n'en avait aucune connaissance. Il avait laissé la Fine séparée de l'escadre depuis le 22, mouillée à Batacalo. Il nous a dit que M. de Beaulieu avait pris, en venant à Galles, un bâtiment venant de Chine, richement chargé. A 7 heures, signal de faire servir. A 8 heures, sondé 38 brasses, fond cailloux et corail. A 10 heures, par 20 brasses. Signal de mouiller. Laissé tomber l'ancre par 20 brasses, même fond. MARDI 30. — Le vent au Sud, petit. Au jour, vu la Fine mouillée dans l'escadre. A 6 heures, nous avons appareillé. Relevé la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. E. ; la terre la plus Nord, N. O. 5° Ouest; le Capuchon, S. O. 1/4 Ouest ; éloigné de terre 1 lieue 72. A 6 heures 1/2, mis le grand canot à la mer. A 11 heures, appelé la Subtile et tous les bâtiments de l'escadre. A midi, lat. observée 7° 35'; longit. arrivée 79° 53'. A midi 1/4, le général ayant dessein d'envoyer le Subtile à l'IleBatacalo. l'IleBatacalo. DU BAILLI DE SUFFREN 387 de-France, a fait signal pour permettre d'écrire. A 1 heure 3/4, le vent à l'E. N. E. Signal d'appareiller; mis le cap au N. O. pour gagner le mouillage. A 4 heures 72, signal de se préparer à mouiller et mouillé un quart d'heure après par 17 brasses, fond gravier et corail. A la nuit, envoyé un officier à terre pour faire compliment au gouverneur hollandais. Pendant la nuit, le vent du N. O., petit, presque calme. MERCREDI 1er MAI.— Le vent au S. S. O., petit. A 5 heures, mis la chaloupe à la mer. Donné 6 barriques d'eau à la Subtile. Appelé à l'ordre tous les vaisseaux. Toutes les chaloupes ont été envoyées à l'eau, qu'on fait assez commodément dans un étang qui est à 200 pas du rivage, à main droite en entrant dans la rivière. On roule les barriques jusqu'à l'étang. On fait aussi du bois très commodément, les arbres croissant jusqu'au bord de la mer. Le général est descendu à terre. A midi, lat. observée 7° 45'; longit. arrivée 79° 55'. Le relèvement du mouillage le mât de pavillon de fort, Sud 5° Ouest ; le Capuchon, S. S. O. 3° Ouest ; l'entrée de la rivière, S. S. O. 3° Ouest ; la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. E. ; la terre la plus Nord, N. N. O. ; éloigné de terre 3/4 de lieue. A 1 heure, la Subtile a mis sous voile pour l'Ile-de-France. Nous avons appris que la corvette l'Expédition, commandée par M. de Maurville-Delangle, avait été forcée par l'escadre anglaise de se jeter à la côte près de Tranquebar, le 1er jour d'avril. Pendant la nuit, le vent au Nord, petit. JEUDI 2. — Le vent au N. N. O., petit frais. Nous avons appareillé pour prendre un meilleur mouillage. A 10 heures, mouillé par 12 brasses, fond motte et gravier. Enfourché E. S. O. avec une petite ancré qui a été portée à l'Est, 13 brasses, même fond. Relevé le bâton de pavillon, Sud 5° Est; le Capuchon, S. S. O.; la terre la plus Nord, N. O. S. S. O. 5° Nord ; la terre la plus Sud, S. S. E. 5° Est ; l'entrée de la rivière, S. O. 1/4 Ouest ; distance de terre 2/3 de lieue. Le vent au S. E., petit. A 10 heures, signal d'affourcher avec une petite ancre. Nous avons établi des hôpitaux dans des maisons qui sont près du fort et fait débarquer tous les malades et blessés de l'escadre. Le fort est éloigné de l'entrée de la rivière à environ 2/3 de lieue. La garnison ne consiste qu'à une cinquantaine d'Européens. On peut se procurer des boeufs à assez bon compte. Toute l'escadre travaille à faire de l'eau et du bois. Avril 1782. Mai 1782. 388 JOURNAL DE BORD Mai 1782. VENDREDI 3. — Le vent au Sud, petit, presque calme. Le commandant hollandais est venu à bord. Nous avons changé un jautereau au grand mât. SAMEDI 4. — Petit vent du N. E. Au jour, nous avons mis sur le côté pour frotter la flottaison. Continué à faire de l'eau et du bois. DIMANCHE 5. — Au jour, calme. Dans la journée; le vent au petit frais ; la nuit, au Sud. LUNDI 6. — Nous avons changé notre ancre d'affourche et porté à l'O. S. O. par 10 brasses. MARDI 7. — Le vent au S. O., petit frais. Dans la journée, au S. S. E., joli frais. MERCREDI 8. — Le vent à l'Ouest, petit; presque calme. A 6 heures 3/4, la Fine a mis sous voile pour aller croiser au Sud. Dans la journée, le vent au S. E. ; la nuit calme. JEUDI 9. — La nuit, vent de terre au S. O.; le jour, vent du large dans la partie du S. E. VENDREDI 10. — Même vent de terre et du large. Toujours de l'eau et du bois sans discontinuer. SAMEDI 11. — Des espions venus de Trinquémalay disent que l'escadre anglaise y est venue mouiller. Travaillé toujours à faire de l'eau et du bois. DIMANCHE 12. — Vent de terre et du large toujours dans la même partie. LUNDI 13. — Le vent au S. S. E., petit. Au jour, le Vengeur a signalé 5 voiles à l'Est. A 5 heures 3/4, signal de faire revenir de terre tous les bâtiments à rames. A 6 heures, signal au Vengeur, au Sphinx, à l'Artésien et à l'Annibal anglais de se tenir prêts à appareiller. A la même heure, avons désaffourché. A 7 heures, signal de virer à pic. Voyant les bâtiments tâchant de s'éloigner, signal aux 5 vaisseaux d'appareiller en même temps ; avons appareillé. A 3 heures 1/2, nous avons embarqué nos bâtiments à rames. A 4 heures, l'Annibal a signalé une voile dans le Sud; c'était apparemment la Fine. A 4 heures 72, l'Artésien a fait signal que les bâtiments chassés faisaient des signaux. A 4 heures 1/2, le milieu de notre escadre nous restait au Sud 5° Ouest ; le Capuchon, S. S. O. 3° Sud ; la terre la plus Nord, O. S. O. A 4 heures 3/4, fait signal de reconnaissance des bâtiments delà Compagnie anglaise. A 5 heures, approchant les bâtiments, nous avons DU BAILLI DE SUFFREN 389 fait branle-bas. L'Artésien étant le vaisseau le plus de l'avant, nous lui avons fait signal de chasse pour se rallier à la nuit. A la même heure, averti l'escadre qu'on se servirait pendant la nuit de signaux sans coup de canon. Les bâtiments nous faisaient toujours des signaux de reconnaissance et un d'eux s'était même détaché ; il chassait sur nous. Nous savions que ces 5 bâtiments devaient partir de Bombay ; c'étaient des transports de l'escadre anglaise, parmi lesquels le SanCarlos, qu'on disait de 64 et armé en guerre. A 6 heures, nous n'étions guère qu'à 2 lieues 1/2 de ce bâtiments; mais, comme il nous paraissait impossible de les conserver pendant la nuit et que le général ne jugeait point qu'il fût prudent de mettre l'escadre anglaise entre les deux divisions, on a levé chasse. Fait signal à l'Artésien, qui était à environ 3/4 de lieue de l'avant à nous, de se rallier ; en même temps, avons cargué la grande voile et mis sur le mât de perroquet de fougue. A 6 heures 1/2, viré de bord vent arrière. Route au S. S. O. et allumé nos feux. A 7 heures, ne voyant pas l'Artésien, fait signal à coups de canon de bâbord amures. A 7 heures 1/4, tiré deux fusées. A 10 heures 1/2, le vent ayant varié au S. O., signal avec des feux de prendre tribord amures ; mis le cap au S. E. MARDI 14. — Le vent au S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. Au jour, aperçu un bâtiment au 1/4 Est ; avons arrivé sur lui. Au lever du soleil, relevé notre escadre, Sud 1/4 S. O. 3° Sud ; la terre la plus Nord, Ouest 5° Nord ; la terre la plus Sud, Sud 2° Ouest ; le Capuchon, S. distance de terre 3 lieues 1/2. Le vent à l'Ouest, petit; presque calme. A 6 heures 1/4, nous avons reconnu pour la Fine le bâtiment chassé. Aussitôt, tenu le vent et fait route pour le mouillage. En même temps, signal de ralliement. A 6 heures 3/4, sondé par 53 brasses, gros gravier. A midi, lat. observée 7° 50' ; longit. arrivée 79° 58' ; la terre la plus Nord , O. N. O. ; la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. O. ; le Capuchon, 5° Ouest; le milieu des vaisseaux mouillés, O., 3 lieues. Le vent à l'E. N. E., petit. Route au Sud. A 2 heures, mouillé par 13 brasses, fond motte et gravier, et porté l'ancre d'affourche au S. S. O., par 11 brasses. Relevé le bâton de pavillon du fort, Sud 5° Est ; la terre la plus Nord, N. O. ; la terre la plus Sud, S. S. E. 5° Est ; le Capuchon, S. S. O. ; distance de terre 2/3 de lieue. Mai 1782. 390 JOURNAL DE BORD Mai 1782. Le vent ayant varié au S. O., l'Artésien étant beaucoup enarrière, a été obligé de mouiller à 1 lieue dans le Nord. La Fine a envoyé son canot à bord et a eu ordre de retourner en arrière dans le Sud, au-devant de nos bâtiments venant de Galles. Il est fâcheux qu'elle n'ait pas vu des bâtiments anglais ; elle fût venue nous avertir et nous eussions pu appareiller pour nous trouver sur leur passage. Batacalo. MERCREDI 15. — Le vent au S. O., petit. Au jour, l'Artésien est venu mouiller dans l'escadre. A 9 heures 74, le Flamand a signalé une voile au S. E. JEUDI 16. — Le vent au N. O., petit, presque calme. A 5 heures 1/2, l'Artésien a signalé une voile au S. S. E. Quelque temps après, la Pourvoyeuse en a signalé 3 dans la même partie. A 2 heures 1/4, nous en avons vu 6. Nous n'avons plus douté que ce ne fussent nos bâtiments venant de Galles. A 4 heures, ayant reconu la Fine, nous lui avons fait signal de venir mouiller. A 5 heures 1/2, la Fine, la Bellone et la Sylphide ont mouillé dans l'escadre. A 10 heures, les Trois Amis et le Maurepas ont aussi mouillé. Le sixième était un bâtiment hollandais nous portant quelques munitions de guerre. A la nuit, nous ne l'avons plus vu. Gardé tous nos feux. VENDREDI 17. — Au jour, M. d'Espinassy, commandant l'artillerie, embarqué sur les Trois Amis, est venu à bord. A 7 heures 1/2, la Bellone a mis sous voile pour aller chercher le bott hollandais qui ne paraissait pas. La prise anglaise faite par la Bellone a été vendue 500 mille livres. A midi, le Maurepas a salué au mouillage de trois cris de vive le roi ! » ; rendu un. A midi 1/2, l'Artésien a signalé une voile au Nord. A 2 heures, appelé tous les vaisseaux à l'ordre. SAMEDI 18. — Le vent au S. S. E., petit. Au jour, la Fine a signalé un bâtiment dans le Nord. Nous l'avons reconnu pour la Bellone, ayant le bott hollandais à la remorque. Le soir, le vent au Sud, joli frais ; grains et pluie. La Bellone a été obligée, à cause du courant, de mouiller à 4 lieues dans le Nord de l'escadre avec le bott. DIMANCHE 19. — Le vent au Sud, joli frais; temps couvert. M. d'Espinassy est venu s'établir à bord. La Bellone a mouillé à peu près au même endroit qu'hier. Les courants sont très forts. LUNDI 20. — Le vent au S. S. O., petit. Comme nous manquions de poudre et de boulets, les vaisseaux ont reçu ordre d'en prendre à DU BAILLI DE SUFFREN 391 bord des transports. Nous avons embarqué 35 canonniers et un officier qui était sur le Maurepas. A 10 heures du soir, la Bellone et le bott ont mouillé dans l'escadre. Pendant toute la nuit, le vent a soufflé au S. O., petit. MARDI 21. — On travaille à décharger le bott hollandais de ce dont il est chargé pour l'escadre, comme poudre et boulets. Il a aussi des canons et le train d'artillerie de terre que M. d'Espinassy a obtenu du gouverneur de Ceylan, pour remplacer ce qui avait été pris sur l'Oriston. MERCREDI 22. — Pendant la nuit, le vent au S. S. O.; le jour, au S. S. E. JEUDI 23. — Le vent à l'O. S. O., petit; presque calme. Petite pluie et orage. Au jour, nous avons viré à pic de notre grosse ancre pour visiter le câble. VENDREDI 24. — Envoyé des canonniers à bord du hollandais pour en décharger les canons. SAMEDI 25. — Donné ordre aux vaisseaux d'entretenir un feu chacun à son tour sur la pointe du large de la rivière pour faciliter l'entrée des bâtiments de rames pendant la nuit. DIMANCHE 26. — Le vent à l'O. S. O., petit; presque calme. Au jour, vu_ les bâtiments sous le vent dont deux, étaient hollandais un bott et un brick, et l'autre un vaisseau de la Compagnie danoise, qui nous a salué de 9 coups de canon; rendu 7. Il venait d'Europe et était parti du Cap depuis plus de deux mois. Les Hollandais ont mouillé dans l'après-midi ; ils venaient de Galles et avaient des munitions de guerre et de bouche pour l'escadre. LUNDI 27. — Le vent à l'O. S. O., petit. A 5 heures 1/2, le Flamand a signalé une voile au S. S. E. Fait appareiller la Fine et la Bellone. Signal de chasse à la Fine. A 3 heures 1/2, la Pourvoyeuse a signalé une autre voile dans le S. S. E. MARDI 28, MERCREDI 29, JEUDI 30, VENDREDI 31, SAMEDI 1er JUIN. — Le départ est arrêté pour le 3. Les bâtiments hollandais déblayés sont entrés dans la rivière, étant obligés d'attendre la mousson du pour retourner à Galles. DIMANCHE 2. — Des espions revenant de Trinquémalay nous ont dit que l'escadre anglaise y était encore mouillée ; que trois vaisseaux étaient entrés dans le port pour s'y radouber et qu'on faisait une mâture neuve au Montmouth. Il leur mourait beaucoup de monde Mai 1782. Juin 1782. 392 JOURNAL DE BORD Juin 1782. tant des maladies que des blessures du dernier combat. Tous nos hôpitaux ont été déblayés, les malades rembarques. Nous embarquons aussi des boeufs. Nous avons appris, par des nouvelles venues de Jaffna, que M. Duchemin s'était emparé de Goudelour, où était notre armée et le dépôt général. Route pour la côte. LUNDI 3. — Le vent au Sud, petit. A 5 heures 1/2, signal de désaffourcher. Même signal aux transports. Le danois qu'on avait retenu a eu permission de partir ; il allait à Tranquebar. A 9 heures 3/4, signal d'appareiller et appareillé. Fait route au N. N. O. 5° Ouest. L'intention du général est d'aller à Goudelour en passant par Tranquebar. Nous avons appris que les 3 vaisseaux de la Compagnie hollandaise envoyés de Batavia pour porter des effets nautiques, des ancres et de l'argent à l'escadre, ne sachant point Trinquémalay pris par les Anglais, s'étaient présentés devant le port et y avaient été trois jours en croisière, sans que les Anglais eussent fait sortir aucun bâtiment. Enfin, le commandant hollandais s'était avancé dans un canot pour reconnaître les bâtiments et les ayant reconnus pour anglais, il avait pris le parti d'aller à Tranquebar. A 11 heures 3/4, signal d'ordre de marche sur deux colonnes. A midi, W. N. E., 1° 2'. — Lat. observée 7° 46' ; longit. arrivée 79° 56' ; le mât de pavillon de Batacalo, Sud ; l'entrée de la rivière, S. S. O. 5° Ouest; le Capuchon, S. S. O. ; distance de terre 1 lieue 73. Trouvé 22 brasses, gros gravier. Appelé la Sylphide pour lui ordonner de passer de l'avant de l'escadre et de signaler le fond. Au soleil couché, relevé la terre la plus Nord, N. O. ; la terre la plus Sud, Sud 5° Est ; distance de terre 3 lieues 72. Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 7 heures, sondé 25 brasses, gros gravier ; allumé un feu. A 8 heures, route au N. O. 1/4 Nord. A 9 heures, sondé 16 brasses, roche. Mis le cap au N. N. O. A 10 heures, la Sylphide étant au vent à nous, a signalé 10 brasses. Nous étions par 26 brasses. A 11 heures, sondé 13 brasses, roche. Gouverné au N. O. 74 Ouest. Vu l'escadre anglaise mouillée à Trinquémalay. MARDI 4. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. Après avoir dépassé Trinquémalay, la Fine nous a hélé et nous a dit voir les feux de l'escadre anglaise dans l'O. S. O., qui lui paraissait être sous voile. Le général lui a fait dire d'aller prévenir tous les vaisseaux de l'escadre et faire faire branle-bas. DU BAILLI DE SOFFREN 393 En examinant les feux, il nous a paru que les vaisseaux étaient mouillés, vu que nous les doublions et perdions de vue sensiblement. Au jour, nous n'avons rien vu. Relevé la terre la plus Nord, N. O.; la terre la plus Sud, Sud 74 S. E. ; éloigné de terre 1 lieue. Le vent au S. O. Route au N. O. 1/4 Nord. A 6 heures, la Pourvoyeuse a signalé une voile au S. S. O. Ordre à la Fine de virer de bord et de chasser dans le Sud. Tiré deux coups de canon pour lui faire apercevoir le signal. A 7 heures, signal de chasse à la Bellone, 2 lieues en avant de l'escadre, et de ralliement à la Pourvoyeuse. A 7 heures 72, sondé 14 brasses, vase. A 8 heures, la Bellone étant de l'avant à nous, a signalé le fond, 6 brasses. Sondé, trouvé 13 brasses. A midi, lat. observée 9° 29' ; longit. arrivée 78° 48' ; route corrigée, N. O. 1/4 Nord 5° Nord, 39 lieues; différence Nord 13 lieues 1/3; éloigné de terre 3 lieues. Le vent à l'O. N. O., petit; bâbord amures. A 1 heure 1/2, signal de virer de bord; pris tribord amures. A 5 heures, même signal ; pris bâbord amures. Le vent au S. O., petit. Route au Nord 1/4 N. O. A la même heure, signal d'ordre de marche sur deux colonnes. A 8 heures, trouvé 17 brasses; à 9 heures, 15; à minuit, 16. Route au N. O. 5° Nord. MERCREDI 5.— Le vent au S. O., beau temps. Route au N. O. A 7 heures 74, signal à la Bellone et à la Fine de chasser en avant, à 2 lieues de distance. A 9 heures 1/2, le Pulvériseur a signalé la terre. A 10 heures, sondé 13 brasses, vase. A midi, lat. observée 10° 27'; longit. arrivée 78° 00 ; route N. O. 2° Nord, 26 lieues 73; différence Nord 4 lieues 1/3; la pointe Calimere S. O. 1/1 4° Sud. A 1 heure, la Fine a signalé deux voiles dans la partie du Nord. Signal de chasse à la Bellone, à la Fine, à l'Artésien et au Sphinx. A 3 heures 1/2, rendu la manoeuvre du général indépendante pour parler à une chelingue. Signal aux vaisseaux chasseurs de ne rallier qu'à la nuit. A4 heures, tiré un boulet à une chelingue pour la faire venir à bord. A 5 heures, signal de tenir le vent à toute l'escadre. À 6 heures 1/2, étant près de Tranquebar, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 7 heures 1/2, nous avons mouillé par les 7 brasses, vase. Pendant la nuit nous avons gardé nos feux allumés. Le vent au S. O., petit. Juin 1782. Mouillé à Trinquémalay. 394 JOURNAL DE BORD Juin 1782. JEUDI 6. — A 6 heures, le Brillant a signalé une voile au S. E. 1/4 Sud. Relèvement dudit mouillage le mât de pavillon de Tranquebar O. N. O. 5° Ouest; distance de terre 2/3 de lieue. Nous avons trouvé au mouillage 4 vaisseaux danois, les 3 hollandais chargés pour l'escadre et plusieurs parias ou bâtiments de côte. A 7 heures 1/2, le Brillant a signalé deux voiles au N. N. E. A la même heure, les trois hollandais ont salué de 15 coups de canon ; rendu 7. Un danois a salué de 13 coups; rendu 11. A 8 heures 3/4, permis à l'escadre, par signal, de communiquer avec la terre. A 9 heures 1/4, l'Orient a signalé deux voiles au S. S. E. La Sylphide a mis sous voile pour être en station dans le Sud et en vue de l'escadre. Les deux bâtiments vus dans la partie du Nord sont mouillés environ à 4 lieues. Il nous est venu à bord des biscuits de terre, provenant du blé des prises que nous avons envoyées ici. La nuit, le vent au S. O., petit frais. VENDREDI 7. — Le vent au S. S. O., petit frais. A 5 heures 3/4, le Flamand a signalé deux bâtiments au Nord. Au soleil levé, vu 4 bâtiments mouillés à 4 lieues de distance au Nord et la Sylphide dans le Sud. A 10 heures 72, le général est descendu à terre. Il a été salué, en débarquant, de 21 coups de canon. A 11 heures, le Vengeur a signalé 6 voiles à l'E. N. E. La Sylphide a fait des signaux qu'on n'a pu distinguer. Le général a dîné chez M. Abestit, gouverneur. Les santés du roi ont été bues au bruit du canon de la place. Le général, en retournant à bord, a encore été salué de 21 coups de canon. Pendant la nuit, le vent au S. O. Tranquebar. SAMEDI 8. — Au jour, nous avons salué la place de 17 coups de canon, qu'elle a rendus. La Sylphide avait fait des signaux que nous ne pouvions distinguer. A 9 heures, l'Artésien, qui était en vue, a signalé quatre bâtiments. Signal à l'escadre de se tenir prête à appareiller et d'embarquer les chaloupes, et au vaisseau qui a signalé des voiles, de les chasser. Peu après, signal de ralliement, ayant reconnu les voiles aperçues pour être des bâtiments de l'escadre ; annulé tous les signaux. Dans la journée, la Bellone, la Fine, le Sphinx et l'Artésien ont mouillé avec une prise anglaise, transport de l'escadre de l'amiral Hughes de 12 obusiers en batterie et commandé par un lieutenant de la marine royale. Le bâtiment, nommé le Raikes, chargé de riz, de poudre et quelques munitions navales, était parti de Madras, Prise. DU BAILLI DE SUFFREN 395 lui cinquième, pour aller à Trinquémalay porter les effets à l'escadre anglaise. Les bâtiments chasseurs ont rendu compte que dans la nuit du mercredi au jeudi 6, en donnant chasse aux deux bâtiments, les frégates les avaient joints et les avaient reconnus l'un pour un brick et l'autre pour un vaisseau ayant les deux batteries ; le brick se tenait toujours à portée de la voix du vaisseau. Sur les 11 heures, l'Artésien était prêt à le joindre, mais il avait d'un coup diminué de voiles et s'était rallié au Sphinx, qui était fort de l'arrière et ne voyait plus les chassés ni les chasseurs. Les deux frégates ont conservé les deux bâtiments ennemis sous petites voiles, espérant toujours être suivies et allumant pour cet effet des feux et tirant des fusées ; mais une ou deux heures avant le jour, ne voyant venir aucun des vaisseaux, elles avaient levé chasse. Le bâtiment était sans doute le San-Carlos avec le brick le Rodney, faisant partie des cinq bâtiments partis de Madras. Avec le Raikes on a fait une autre prise, qui a été envoyée à Portonovo ; elle n'avait que quatre barriques d'arack. Il était parti de Tranquebar dans la nuit que nous y mouillâmes, dans le doute si nous ne prendrions pas sur cette rade. A 4 heures 74, un vaisseau danois venant du Bengale, a mouillé dans la rade. Pendant la nuit, le vent au S. S. O., petit frais. DIMANCHE 9. — Le vent au S. O., joli frais. Le Sphinx, l'Annibal anglais, la Bellone ont appareillé pour aller en arrière dans le Sud, tâcher d'intercepter les bâtiments anglais qui vont à Trinquémalay. A 5 heures 3/4, l'Artésien a signalé deux voiles dans le S. E. Le gouverneur de Tranquebar est venu à bord dîner; la santé du roi a été bue au bruit du canon. A son départ, il a été salué de 17 coups de canon. Pendant la nuit, le vent au S. S. O., joli frais. LUNDI 10. — Le vent au S. S. O., joli frais. Au jour, l'Artésien, la Fine et le Vengeur ont appareillé sur deux voiles aperçues. Peu après, nous les avons reconnues pour la Sylphide et une prise anglaise faisant route pour le mouillage. Tout de suite, annulé le signal aux deux vaisseaux; la Sylphide a mouillé à 7 heures 1/2. A 7 heures 3/4, le Vengeur a mis sous voile pour se rapprocher et a mouillé plus à terre. A 10 heures 3/4, la prise a mouillé. C'était un des transports partis de Madras pour Trinquémalay avec des munitions pour l'escadre anglaise; il s'appelait la Résolution, le même qui avait fait le tour du monde avec le capitaine Cook. Il portait 16 canons et était doublé en cuivre. C'était le Sphinx qui l'avait amariné. M. de Moissac a eu ordre du Juin 1782. 396 JOURNAL DE BORD Juin 1782. général de se rendre à Goudelour dans une chelingue, pour aller à l'armée de Hyder-Ali-Kan avec des instructions. A 7 heures 72, la Fine a mouillé et a annoncé le Diligent. A la nuit, nous avons allumé nos feux et répondu à des fusées tirées par le Diligent, qui a mouillé à 9 heures. Le bâtiment qui avait été dépêché à Batacalo avait trouvé du gros temps et la grosse mer lui avait fait faire beaucoup d'eau ; il avait été obligé d'entrer dans une calangue inhabitée de l'île de Ceylan pour se radouber et caréner. Toujours le vent au S. O. MARDI 11. — A 11 h. 3/4, le Flamand a signalé 4 voiles dans la partie du Sud. A 1 heure, 3 de ces bâtiments ont pris la bordée du large, l'autre a fait route pour le mouillage, où il est arrivé à 5 heures. Il portait pavillon danois et a salué la place. A 8 heures, le vent au S. O., frais. Nous avons mouillé avec une grosse ancre. Pendant la nuit, le vent frais par rafales. MERCREDI 12. — Le vent au S. O., bon frais. Au jour, vu trois bâtiments mouillés dans le S. S. E., qui ont mis sous voile peu après. A 8 heures, le vent ayant beaucoup molli, nous avons serpé notre grosse ancre. On travaille toujours à décharger les hollandais. L'Artésien, qui avait chassé dans la nuit, a mis sous voile pour se rapprocher. La Bellone a mouillé à la nuit en tête de la rade. Elle escorte un bâtiment portugais. JEUDI 13. — La Fine a mis sous voile avec ordre d'aller à Goudelour. Elle a porté quelques malades de l'escadre. A 6 heures, vu 3 bâtiments au S. S. E. La Bellone a mis sous voile et fait route pour le large et le portugais pour le mouillage. Il nous a salué de 13 coups de canon; rendu 11 coups. Nous avons reçu beaucoup de boeufs envoyés par Hyder-Ali-Kan. Ils ont été répartis sur tous les bâtiments de l'escadre. La prise le Raikes est allée mouiller près d'un vaisseau hollandais pour le décharger et prendre à bord les effets qu'il a ; elle est destinée à l'escadre comme flûte. A 7 heures, le vent frais dans la partie du S. O. Nous avons chassé un demi-câble. A 11 heures, chassant encore, nous avons laissé tomber une petite ancre. VENDREDI 14. — Le vent au S. O., joli frais. A 2 heures 1/2, le Sévère a chassé. Au jour, le vent variable du Nord à l'Ouest., nous avons allongé une touée pour nous remettre en place. A 8 heures 1/2. mouillé une grosse ancre par 9 brasses, vase. Affourché avec une petite ancre au N. N. E. par les 9 brasses. Le commandement de la prise a DU BAILLI DE SUFFREN 397 été donné à M. Malé, lieutenant de frégate commandant le Diligent. Pendant la nuit, petit vent du S. O. et pluie. SAMEDI 15. — Le vent au S. O., joli frais; temps couvert et pluie. Dans la journée, le Sphinx, l'Annibal anglais, la Bellone ont mouillé dans l'escadre. Ils venaient de croiser dans le Sud et n'avaient rien vu. Le commandement du Raikes a été donné à M. Giloux, lieutenant de frégate. Le bâtiment est destiné à rester comme transport à la suite de l'escadre. DIMANCHE 16. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Au jour, on a fait appareiller la Bellone sur un bâtiment au S. E. 1/4 Sud. A 10 heures, la Bellone et le bâtiment chassé ont mouillé; il était portugais, venant d'Europe. A 4 heures 3/4, le vent à soufflé très fort dans la partie du N. E. ; grosse pluie et orage. Nous avons mouillé une troisième ancre. A 5 heures 1/2, le vent a calmé ; mais les éclairs, le tonnerre et la pluie ont continué. A 8 heures, le temps s'est éclairci. Nous avons relevé la troisième ancre. LUNDI 17. — Le vent à l'O. S. O., joli frais; temps couvert et petite pluie. Nous ayons acheté des biscuits d'un vaisseau danois venant du Bengale et beaucoup de toile, cordages et autres effets de marine dans le magasin de la Compagnie danoise. Pendant la nuit, le vent au S. O., petit frais. MARDI 18. — Le vent au S. O., joli frais ; temps couvert. Pendant la nuit, le vent au S. O. MERCREDI 19. — Le vent à l'O. S. O., frais ; continué toujours à décharger les vaisseaux hollandais, dont les effets sont répartis sur les vaisseaux de l'escadre. Nous avons pris à bord du Héros l'argent, monnayé et en lingots, qu'ils avaient pour nous. JEUDI 20. — Le vent au S. S. O., petit. Au jour, signal à l'escadre et à la flotte d'appareiller. A 8 heures, nous avons appareillé. Deux des bâtiments hollandais qui ne sont pas tout à fait déchargés, viennent avec nous à Goudelour. La Bellone et la Résolution ont resté au mouillage pour des effets restant à bord du troisième hollandais. Nous avons resté en panne pour attendre nos bâtiments de rames. A 8 heures 3/4, l'escadre a fait servir et route au Nord 1/4 N. E. Le vent au S. O., joli frais. A midi, lat. observée 11° 11' ; longit. arrivée 78° 8'. A 1 heure 1/2, la vergue sèche a cassé nous l'avons remplacée par celle de civadière. A 3 heures, le Brillant a signalé trois bâtiments au Juin 1782. Départ de Tranquebar. Route pour Goudelour. 398 JOURNAL DE BORD Juin 1782. Nord 1/4 N. O. Signal de chasse au Vengeur et à l'Annibal anglais. A la même heure, l'Artésien, après avoir demandé à parler au général, a envoyé un canot avec une lettre de M. Salvert, capitaine de la Fine. A 2 heures 3/4, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. Les bâtiments chassés ont été reconnus pour la Fine et deux prises. A 5 heures, signal de mouiller avec une grosse ancre. A 6 heures 1/2 , nous avons mouillé à Goudelour par les 8 brasses, vase. Nous avons trouvé audit mouillage la Fine avec les deux prises, dont l'une à deux mâts ayant des vivres, et l'autre de trois mâts de 4 ou 500 tonneaux. Le dernier bâtiment était prise intéressante, il se nomme le Yarmouth, bâtiment de côte appartenant à la Compagnie, ayant 16 canons de 12 en batterie et 6 obusiers de 18. Il était chargé d'artillerie de siège et de campagne, poudre et autres munitions de guerre destiné pour le Tanjaour. Il devait décharger à Négapatnam. Il avait à bord 16 officiers d'artillerie et 100 hommes d'équipage. Mouillé à Goudelour. Relèvement du mouillage la rivière de Goudelour, Ouest 74 N. O. ; le Gouvernement de Goudelour, N. O. 5° Ouest; le mât de pavillon du fort Cook, N. O. 5° Nord; la pointe la plus Nord, Nord 5° Est; distance de terre 72 lieue. Affourché avec une petite ancre dans le N. E. par les 8 brasses, même fond. Le vent au S. S. E., joli frais toute la nuit. VENDREDI 21. — Le vent au Sud, joli frais. Tous les vaisseaux ont eu ordre de débarquer les malades. M. de Moissac est arrivé le soir à Goudelour. Il est venu tout de suite à bord voir le général. Il a trouvé l'armée du nabab dans les meilleures intentions pour l'escadre. Il consent avec le plus grand plaisir à l'opération que M. de Suffren voulait tenter sur Négapatnam. Il donne ordre à un corps de 3,000 hommes qui se trouve dans le Sud de se mettre sous ses ordres. Il avait la plus grande envie de voir M. de Suffren et de conférer avec lui et renvoyer l'entrevue au retour de l'expédition de Négapatnam. Il s'en fallait beaucoup qu'il fût aussi bien avec l'armée qui, pour lors, campée à Villenour, n'avait point joint la sienne et n'avait même point pris de part aux avantages qu'il venait de remporter sur les Anglais et à la prise de la forteresse de Permacoulle, attaquée et prise par le nabab en personne. La Fine a mis sous voile pour aller croiser sur Madras. SAMEDI 22. — Le vent au presque calme. Dans la matinée, la Résolution, venant de Tranquebar, a mouillé dans l'escadre. La DU BAILLI DE SUFFREN 399 Bellone est restée en croisière dans cette partie. M. le comte d'Hofflize, commandant l'armée de terre pendant la maladie de M. Duchemin, est venu à bord. A 3 heures, nous avons fait un salut de 21 coups de canon, en réjouissance des avantages remportés par Hyder-Ali-Kan sur les Anglais. Il nous est venu plusieurs prisonniers, échappés des prisons de Madras. DIMANCHE 23. — Le vent au S. O., joli frais. La Sylphide a mis sous voile et chassé au S. E. 1/4 Sud un bâtiment qui était en vue. Signal au Sphinx de se tenir prêt à appareiller. A 11 heures 3/4 , ayant reconnu le bâtiment pour n'être qu'à un mât, annulé le signal au Sphinx. Le Vengeur et l'Artésien ont été à Pondichéry chercher des biscuits qu'on y fait pour l'escadre. Le bâtiment chassé est un petit bott, pris par la Bellone sur la rade de Négapatnam. L'aidepilote qui le commandé a rendu compte que cette frégate avait brûlé toutes les grosses chelingues qu'elle avait trouvées en rade. LUNDI 24. — Tous les vaisseaux font de l'eau, ce qui ne peut aller bien vite. Ils sont forcés de se servir de chelingues, nos bâtiments de rames ne pouvant entrer dans la rivière. On travaille à déblayer le Maurepas et les Trois Amis. MARDI 25. — A 7 heures du soir, ayant entendu des coups de canon au large, nous avons allumé nos feux et fait signal de branlebas, voyant un bâtiment qui venait sur nous ; c'était la Bellone. A 8 heures 72, M. de Beaulieu est venu à bord. Il a rendu compte qu'il avait aperçu l'escadre anglaise un peu au Sud de Négapatnam et avait été chassé par quelques vaisseaux. On présume qu'elle aura mouillé à Négapatnam. Aussitôt le général a expédié pour Pondichéry le bott appelé le Négapatnam, pour prévenir les deux vaisseaux qui y sont mouillés. MERCREDI 26. — Le vent au S. O., petit. Les volontaires de Bourbon et la légion de Lauzun ont été embarqués sur les vaisseaux de l'escadre. Vu deux voiles dans le Nord. On a su par des bâtiments venus de Tranquebar que l'escadre anglaise est mouillée à Négapatnam. JEUDI 27. — L'Artésien et le Vengeur ont mouillé dans l'escadre. Le biscuit qu'ils ont apporté a été réparti entre tous les vaisseaux de l'escadre. VENDREDI 28. — Le vent au S. O., petit frais. On a embarqué sur l'escadre un détachement du régiment d'Austrasie, dont nous avons pris une partie sur le Héros. Le bott le Négapatnam fait des voyages Juin 1782. Goudelour. 400 JOURNAL DE BORD Juin 1782. à Pondichéry pour en apporter du biscuit à mesure qu'on le fait. La Bellone est revenue et a laissé l'escadre anglaise mouillée à Négapatnam. Une prise faite par la Fine a été envoyée au large pour gagner le mouillage. SAMEDI 29. — Le vent au Sud, petit. A 11 heures, la prise de la Fine a mouillé près de nous. C'est un bâtiment de la Compagnie nommé la Fortitude, portant 24 canons de 12 en batterie sur les gaillards. Il a été pris sur Madras, après quelques coups de canon tirés. Il vient de Bengale, ayant à bord un million de riz, blé ou légumes et quelques marchandises sèches. La Fine a mouillé à Pondichéry, d'où elle a appareillé pour rejoindre l'escadre. Il est venu un général d'Hyder, qui a été salué de 5 coups de canon. La Bellone croise au vent de l'escadre. DIMANCHE 30. — M. d'Espinassy, commandant l'artillerie, s'est embarqué sur le Héros pour commander le siège de Négapatnam, au cas qu'il ait lieu. Nos prisonniers augmentant tous les jours, étant obligés de les garder à bord des vaisseaux, même lorsqu'ils sont malades, puisqu'ils désertent des hôpitaux; n'ayant aucune place forte pour les mettre en sûreté, ni des bâtiments pour les envoyer à l'Ilede-France ; sans espérance d'ailleurs d'un cartel de change, après de nombreuses démarches, M. le commandeur a décidé d'en confier la garde à Hyder-Ali-Kan, qui possède plusieurs places fortes dans la province. On a pris des mesures pour qu'il soit fourni, tant aux officiers qu'aux soldats, une subsistance honnête, et un commissaire a été nommé pour veiller à leur traitement. Plusieurs compagnies de cipayes ont été embarquées sur l'escadre. Juillet 1782. LUNDI 1er JUILLET. — Le nabab Hyder-Ali-Kan a envoyé beaucoup de vivres pour l'escadre, tant en vivres frais qu'en légumes, mantèque, etc. A 5 heures, signal de désaffourcher et ordre d'embarquer les convalescents. MARDI 2. — Le vent au S. S. O., petit frais. A 6 heures 72 , signal de se préparer à appareiller. Tous les bâtiments du convoi doivent rester à Goudelour, sous la protection de la Pourvoyeuse. La Bellone a mouillé sur le soir. Elle a laissé l'escadre anglaise mouillée à Négapatnam. MERCREDI 3. — Notre escadre a à bord environ 700 hommes de troupe blanche de différents corps et 800 cipayes, tant pour compléter les équipages en cas d'affaires que pour entreprendre le siège de Néga- DU BAILLI DE SUFFREN 401 patnam, si la position le permet. Avons mis sous voile à 9 heures, le vent au S. O., petit. Nous avons laissé au mouillage la Pourvoyeuse, la Résolution, la Fortitude, le Yarmouth, un brick prise, les Trois Amis et le Maurepas. A midi, lat. observée 11° 36' ; longit. arrivée 77° 49'; le mât de pavillon de Goudelour, Nord 1/4 N. E. ; le mât de pavillon de Portonovo, S. S. O. 5° Sud; distance 1 lieue 1/4. A 2 heures, le vent ayant fraîchi dans la partie du S. S. O., signal de se préparer à mouiller; à 2 heures 1/2, mouillé par les 8 brasses, sable fin. Relevé le mât de pavillon de Portonovo, S. S. O, ; celui de Goudelour, Nord 5° Nord; la terre la plus Nord, Sud 1/4 S. E. ; la terre la plus Nord, Nord. La Fine a chassé dans la partie de l'Est ; on lui a fait signal de né pas perdre l'escadre de vue. A 4 heures, elle a mouillé en tête de l'escadre. Au soir, le vent au Sud ; pluie et orage. Pendant la nuit, même vent, joli frais. JEUDI 4. — Le vent au Sud, petit frais. A 5 heures, signal d'appareiller. A 6 heures 1/4, nous avons mis sous voile. A 9 heures 1/2, signal de ralliement à la Fine et de nous passer à poupe. On lui a envoyé un canot avec des ordres. Elle a aussitôt fait routé pour Tranquebar. A 11 heures, le vent au S. E., joli frais. Signal de virer de bord vent devant ; pris bâbord amures. A 11 heures 1/2, signal à la Bellone de chasser au Sud. A midi, lat. observée 11° 29' ; longit. arrivée 77° 55' ; le mât de pavillon de Portonovo, S. O. 5° Ouest; le mât de pavillon de Goudelour, N. O. ; la terre la plus Sud 2 lieues 1/2 ; distance de terre 2 lieues 72. A 3 heures, le vent à l'Est, joli frais ; signal de mouiller et mouillé par 15 brasses, vase. Relevé le mât de pavillon de Portonovo, Ouest; la terre la plus Nord, N. O. ; les pagodes de Chalambaram, S. O. 1/4 Ouest; la terre la plus Sud, Sud ; éloigné de terre 2 lieues. Pendant la nuit, le vent au S. S. O., petit frais. VENDREDI 5. — Le vent au S. O., petit frais, temps brumeux. A 5 heures 74, l'escadre a mis sous voile et fait route au plus près, tribord amures. A la même heure, le Bizarre a signalé une voile dans le Nord. A 8 heures 72, nous avons rendu notre manoevre indéJuillet indéJuillet Route pour Négapatnam. L'escadre ennemie. 402 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. pendante de celle de l'escadre, pour aller parler à une chelingue sur laquelle on a tiré des coups de canon pour la faire diminuer de voiles. Elle porte pavillon danois et venait de Tranquebar. A 10 heures 72, signal de branle-bas. A la même heure, la Fine, mouillée à Tranquebar, nous a signalé l'escadre ennemie au mouillage. A 11 heures, signal de former la ligne de combat, tribord amures, ordre naturel et le général à la tête de la ligne. A 11 heures 1/4, signal à la Fine de mettre sous voile. A midi, lat. observée 11° 00' ; longit. arrivée 77° 55' ; le mât de pavillon de Tranquebar, O. S. O. ; distance de terre 1 lieue. Route pour Négapatnam. A 1 heure, signal que le général rend sa manoeuvre indépendante. A la même heure, nous avons aperçu l'escadre anglaise au mouillage entre Nagur et Négapatnam, le vent d'Ouest en nous faisant serrer la côte nous permettait de porter dessus. A 2 heures 3/4, approchant beaucoup l'ennemi, il a appareillé. A 3 heures, le vaisseau l'Ajax a démâté de son grand mât de hune et de son perroquet de fougue dans un tourbillon ou grain blanc, qui, quoique la ligne fût assez serrée, n'a été ressenti que par lui. On lui a fait signal de prendre la queue de la ligne et à la Bellone de le conserver. Le vent avait dépassé au S. S. O. et nous avait mis conséquemment sous le vent de l'armée ennemie. Nous imaginions, que, vu l'avarie arrivée à l'Ajax, elle arriverait pour nous combattre ; mais elle a tenu toujours le vent, le cap au large. A 4 heures, appelé la Bellone et la Sylphide pour leur ordonner de donner tous les secours possibles au vaisseau l'Ajax, afin que son avarie pût être bientôt réparée. A 4 heures 3/4, fait diminuer de voiles au Vengeur, qui conduit la ligne. A 5 heures 3/4, répété le même signal au Vengeur, Peu après, signal général de mettre en panne, tribord amures. Relevé le pavillon de Négapatnam, O. S. O. 5° Ouest; les pagodes de Nagur, Ouest 5° Nord ; distant de terre 3 lieues 1/2. A 6 heures 1/4, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit; peu après, appelé les voiles. A 6 heures 3/4, l'escadre a mouillé par 17 brasses, vase. L'escadre anglaise avait reviré à terre. A 6 heures, elle était environ à 3 lieues de nous. Nous avons tout de suite envoyé à bord de l'Ajax ; on espère qu'il sera réparé demain. Pendant la nuit, le vent au S. S. O. La Fine a resté sous voile pour observer l'ennemi. SAMEDI 6. — Le vent au S. S. O. ; joli frais. A 5 heures, signal de nuit de mettre sous voile. Au point du jour, même signal avec des DU BAILLI DE SUFFREN 403 pavillons abattant sur tribord. A 5 heures 3/4, ordre de former la ligne de bataille ordre renversé, bâbord amures. Le vaisseau l'Ajax n'étant pas encore réparé, a fait signal qu'il ne pouvait exécuter le signal. Ordre à la Bellone de conserver le vaisseau incommodé. Relevé Négapatnam, S. O. 1/4 Ouest ; distance 3 lieues. L'escadre anglaise, an jour, nous restait au S. S. O., 2 lieues 1/2. Elle forma la ligne de bataille, bâbord amures et arriva en dépendant sur nous. A 6 heures, le général fit passer l'Orient à la queue de la ligne pour avoir un vaisseau de force à l'arrière-garde en cas que les ennemis y eussent porté leurs efforts. À 6 heures 1/4, répété le signal de ligne de bataille, ordre renversé, bâbord amures, et à l'Annibal de forcer de voiles. A 6 heures 50, ordre à la division blanche de tenir le vent; à 7 heures, ordre à la Bellone de passer à poupe pour savoir l'état de l'Ajax et lui ordonner de le conserver. Ce vaisseau n'ayant eu ni sa hune ni ses barres brisées, il était très extraordinaire qu'il n'eût pas encore réparé un mât de hune. A 7 heures 1/2, l'Ajax a demandé à relâcher ; le général l'a refusé. A la même heure, ordre à la division bleue de serrer la ligne, A 7 heures 35, signal à l'escadre de virer de bord vent devant. Par la contre-marche, le général espérait passer à l'arrière-garde des ennemis; mais le Bizarre, vaisseau de tête, ayant manqué à virer, a retardé l'évolution. Les vents étaient pour lors dans la partie de l'Ouest. A 8 heures, ordre à la division bleue de serrer la ligne. A la même heure, le vaisseau de tête a viré. A 8 heures 1/4, signal au Bizarre de diminuer de voiles, peu après au Sphinx de serrer la ligne. A 8 heures 1/2, le Bizarre, étant en panne, a eu ordre de faire servir. A la même heure, nous avons donné vent devant. A 8 heures 3/4, ordre au Bizarre de tenir le vent. Le vaisseau ayant pris le signal pour tenir le, vent, bâbord amures, a viré vent arrière; le général lui a Juillet 1782. Combat de Négapatnam. 404 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. donné ordre de prendre poste entre le Vengeur et l'Orient. En même temps, signal à l'escadre de tenir le vent, tribord amures, et au Sphinx de serrer la ligne. L'Ajax étant toujours sous le vent, notre ligne n'était formée que de 11 vaisseaux. L'escadre ennemie courant le bord opposé à deux portées de canon au vent à nous, se trouvant à 9 heures 30 par notre travers, a viré de bord vent devant, toute en même temps. A 10 heures 1/4, fait serrer la ligne à la division bleue. A 10 heures 10, l'escadre ennemie a fait porter en dépendant sur notre escadre. A 10 heures 50, on a hissé le signal de commencer le combat. L'avant-garde anglaise était alors à un quart de portée de canon; mais son arrière-garde était bien à une portée et demie. A midi 3/4, le Brillant, notre matelot d'avant, a été démâté de son grand mât ; nous avons déjà fait de la voile pour le couvrir. Le vaisseau l'Annibal étant au vent de la ligne, le général lui a fait signe d'arriver. A près d'une heure, le vent a sauté dans la partie du S. O. Plusieurs vaisseaux ayant été coiffés ont abattu sur tribord. A 1 heure 10, signal de virer vent arrière, tous en même temps. A 1 heure 3/4, signal de former une ligne sans avoir égard au poste indiqué. Cette saute de vent avait mis beaucoup de désordre dans notre ligne. Le Brillant et le Sévère, qui avait été loffé, étaient très près de quelques vaisseaux ennemis. Nous avons tenu le vent très près. Fait le même signal à l'escadre blanche et avons doublé le Brillant au vent. Le Sévère était alors à portée de pistolet d'un 74 ennemi. Son pavillon même était amené, ce qui nous causait de l'inquiétude ; mais nous le vîmes bientôt continuer à faire feu sur le vaisseau ennemi et arriver dans la ligne. D'ailleurs, nous étions assez près de lui pour pouvoir le secourir en cas d'accident. La ligne anglaise n'était pas moins en désordre. DU BAILLI DE SUFFREN 405 Plusieurs vaisseaux étaient, pêle-mêle et à des bords différents. Le premier vaisseau de leur ligne, qui était un 74, combattu par le Flamand, avait quitté le combat depuis longtemps et faisait route pour Négapatnam, sans doute très maltraité. Un vaisseau nous a passé à petite portée de pistolet au vent et à bord opposé; il a reçu nos bordées sans riposter un seul coup de canon et a couru fort au large sans rallier son escadre. Le Vengeur et l'Artésien combattaient encore un vaisseau ennemi que le général espérait couper, s'ils parvenaient un peu à le dégréer, lorsque nous avons vu l'Artésien en feu après une explosion et le vaisseau arriver tout plat. Le général, à cette manoeuvre qui pouvait communiquer le feu de l'arrière à l'avant et embraser tout le vaisseau, lui a fait signal de tenir le vent. A 2 heures 50, le feu a cessé de part et d'autre. L'escadre anglaise s'est ralliée et a tenu le vent. La plupart des vaisseaux paraissaient maltraités. L'Orient et le Bizarre n'ont point eu de part au combat, l'arrière-garde anglaise étant toujours restée éloignée. Après avoir rallié nos vaisseaux, nous avons fait route pour serrer la côte. Le petit Annibal a signalé une voie d'eau qu'on pouvait réparer à la mer. L'Ajax était enfin parvenu à se regréer. On lui a fait signal d'arriver. A 5 heures 1/4, signal à toute l'escadre de se préparer à mouiller et, à 5 heures 3/4, celui de mouiller, et avons mouillé par 7 brasses, fond de vase. Relevé le pavillon de. Tranquebar, N. O. 5° Nord ; le pavillon de Négapatnam, S. S. O. 3° Ouest; l'escadre anglaise 2 heures 1/2. Mouillé entre Nagur et Négapatnam à 5 heures 72; distant de terre 1 lieue 72. L'escadre anglaise était déjà mouillée, à l'exception du vaisseau qui nous avait passé très près à la fin du combat et qu'on avait perdu de vue, louvoyant toujours au large. Le vent pour lors au Sud, joli frais; pendant la nuit au S. O. Plusieurs vaisseaux sont venus rendre compte. 27 Juillet 1782. 406 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. DIMANCHE 7. — Le vent au S. O., petit frais; temps beau. Au jour, le Flamand a signalé une voile dans le S. E. M. Ravenel, lieutenant de vaisseau et de port, chargé du détail général de l'escadre, est allé à Tranquebar en canot, pour des achats de munitions navales et autres affaires, relatives à l'escadre. L'escadre anglaise était encore mouillée. Le vaisseau qu'on avait perdu de vue à la nuit était mouillé à 3 lieues, sous le vent à elle. A 7 heures, signal d'appareiller. A 8 heures, nous avons tous été sous voile. La Bellone a donné la remorque au Brillant. A 8 heures, appelé la Fine. A midi, lat. observée 11° 00' ; longit. arrivée 77° 55' ; le mât de pavillon de Tranquebar, S. S. O.; la terre la plus Nord, N. N. O. 5° Ouest; distant de terre 1 lieue. Parlementaire. Route au N. O. 1/4 Nord. A la même heure, nous avons eu connaissance d'un brick avec pavillon de parlementaire venant sur nous de la partie du Sud. Aussitôt nous avons diminué de voiles et rendu notre manoeuvre indépendante. Le généra] a envoyé à son bord M. de Moissac. L'amiral Hughes envoyait le capitaine Watt, du vaisseau le Sultan, porter une lettre au général et lui demander le vaisseau le Sévère, qui avait amené son pavillon au dernier combat et s'était rendu au vaisseau le Sultan, contre lequel il avait ensuite tiré sans pavillon. Le général, à qui M. de Cillart n'avait point encore rendu compte, a répondu à l'amiral que sans doute une drisse de pavillon coupée avait pu faire imaginer que le vaisseau avait amené ; mais que ce n'avait jamais été son intention et que d'ailleurs il était lui-même dans ce moment-là assez près pour le secourir et même pour le reprendre en cas qu'il se fût rendu. Le capitaine Watt ayant demandé à présenter ses hommages au général a été refusé. Il a pris les amures pour rejoindre son escadre. Au coucher du soleil, relevé le mât de pavillon de Portonovo, Ouest; Goudelour, N. O. 1/4 Nord; distant de terre 2 lieues. Le vent au S. S. O., joli frais. Route au N. N. O. 5° Ouest. DU BAILLI DE SUFFREN 407 A 7 heures 1/4, le vent ayant varié au N. O., petit, grains, et pluie, avons fait signal de mouiller avec une grosse ancre. A 8 heures, mouillé par les 12 brasses, fond de vase. Le vent étant tombé tout à fait, la Fine avait eu ordre de forcer de voiles et d'aller mouiller à Goudelour, pour, en se couvrant de feux, nous indiquer le mouillage; Ligne de bataille Canons Capitaines Tués Blessés Le Flamand 50 Cuverville..... 13 56 La Sylphide ... . ...... Galifet 0 0 L'Annibal . . ...... 74 Tromelin....... 28 80 Le Sévère. 64 Cillart... ... .... 20 77 Le Brillant 64 Saint-Félix..... 47 187 Le Raikes flûte.......... — Giloux. ....... — — La Fine 36 Salvert........ 0 0 Le Héros 74 Suffren, Moissac 25 72 Le Sphinx...... ..... ... 64 Du Chilleau... .19 85 L'Annibal anglais......... 50 De Galles...... 5 13 L'Artésien . 64 Maurville .. 12 38 Le Vengeur 64 Forbin. 8 44 Le Bizarre. ....... 64 Lalandelle..... .0 . 0 Brûlot . Joyeuse...... . 0 0 La Bellone 36 Beaulieu ... 0 0 L'Orient .. 74 Pallière ... 1 0 178 602 L'Ajax n'était point au combat. Officiers tués De Reines, lieutenant de frégate, sur l'Artésien; — Levasseur, lieutenant de frégate auxiliaire, sur le Flamand; — Duvivier, officier au régiment d'Austrasie, sur le Héros ; — de Mélicourt, officier de Lauzun, sur le Brillant; — Degrigni, auxiliaire, mort de ses blessures, sur l'Annibal; — Degennes, auxiliaire, sur le Sévère. LUNDI 8.— Le vêntau S. O., petit frais. A 6 heures 1/4, l'escadre a mis sous voile et fait route au plus près, bâbord amures. A 8 heures, appelé la Pourvoyeuse. A 8 heures 3/4, nous avons mouillé à Goudelour par les 8 brasses, vase. Relevé la rivière, O. N. O. 5° Ouest ; le mât de pavillon, N. N. O. 5° Ouest ; le Gouvernement, N. O. 5° Nord ; distant de terre 72 lieue. Juillet 1782. Pertes au combat de Négapatnam. Mouillé à Goudelour. 408 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. Affourché au S. E. par 8 brasses. Appelé à l'ordre tous les vaisseaux. On a sur-le-champ travaillé à se réparer. Le soir, le vent au S. O. ; grains et pluie ; la nuit, à l'O. N. O., petit. MARDI 9. Le vent au S. O. Ordre à tous les vaisseaux de débarquer les blessés. A 6 heures 3/4, la Bellone a appareillé pour aller faire son eau à Portonovo. La Fine a fait route au Nord, pour aller à Pondichéry. Le soir, le vent à l'O. N. O., frais; orage. La nuit, le vent au N. O. Destination de quelques bâtiments. MERCREDI 10. — Nous sommes fort embarrassés pour avoir des mâts de hune, en ayant perdu beaucoup dans les trois combats. Le général a ordonné que le grand mât de la Pourvoyeuse avec ses mâts de hune, vergues, voiles, etc., soit donné au Brillant. La Fortitude, prise, donnera son grand mât à la Pourvoyeuse et son mât d'artimon, pour un mât de hune de vaisseau. La Sylphide donnera son grand mât, qui peut faire un mât de hune, et mettra à sa place un mât de la Fortune. Le Pulvériseur donnera ses deux bas mâts, qui peuvent faire des mâts de hune, et sera remâté avec ceux de la prise le Yarmouth. L'intention du général est d'envoyer la Pourvoyeuse à Malacca, où elle fera un grand mât et chargera des mâtures que les Hollandais font couper dans le détroit. La prise la Fortitude ira au Pégou, commandée par M. Gelin, enseigne de vaisseau pour la campagne, et y fera un grand mât et chargera du bois de toutes dimensions pour les besoins de l'escadre. La prise la Résolution est destinée pour Manille, où elle prendra du bois, du biscuit, des agrès et engagera des matelots, si elle peut y en trouver. La Sylphide partira pour l'Ile-deFrance et la prise le Yarmouth sera vendue. Tous les changements de mâtures et radoubs demandant la plus grande diligence, vu la position de l'escadre anglaise au vent à nous, le général a ordonné qu'on y mît la plus grande célérité et qu'on travaillât nuit et jour. Cependant, toutes ces ressources donneront à peine un mât de rechange à chaque vaisseau. Encore plusieurs sont-ils avariés ou courts. Dans la soirée, vent au joli frais; grains et pluie. La nuit à l'O. petit. JEUDI 11. — Les vents à l'Ouest, petit. La Pourvoyeuse a démâté son grand mât. Le soir, pluie et orage de la partie du Nord. La nuit au N. O., petit. VENDREDI 12. — Le général est descendu à terre et a été salué du canon. Le Brillant a démâté son grand mât. Le vent a soufflé du S. S. E., pendant le jour. DU BAILLI DE SUFFREN 409 SAMEDI 13.— La Fine a joint l'escadre avec le Yarmouth, prise, qui avait été décharger ce qu'elle avait à Pondichéry. Il nous est venu un bâtiment de Tranquebar, envoyé par M. de Ravenel, portant des effets pour l'escadre. La mer, qui grossit quelquefois par le vent du large, rend très difficile les démâtements et remâtements et oblige à plus de précautions. Les lettres de Tranquebar disent l'escadre anglaise fort maltraitée et nomment particulièrement le Superb. La Bellone a mouillé à 7 heures, ayant achevé son eau. Pendant le jour, le vent a soufflé du S. E. et la nuit du S. O. DIMANCHE 14. — La Bellone a mis sous voile, pour le Sud afin d'avoir des nouvelles de l'escadre ennemie. On travaille toujours aux démâtements et remâtements avec la plus grande activité, ainsi qu'aux autres réparations nécessaires. La Fortitude a démâté son grand mât. A 4 heures, grains, vent et pluie de la partie de l'Est. La nuit il a passé au S. O. LUNDI 15.— Au jour, nous avons porté notre ancre d'affourche à l'O. N. O. par 7 brasses. La Pourvoyeuse a maté son grand mât. Nous avons jumelé notre grand mât et mât d'artimon, percés par plusieurs boulets. Débarqué les troupes appartenant à l'armée de terre. Il nous est encore arrivé une chelingue envoyée de Tranquebar par M. de Ravenel, ayant des effets à l'escadre. MARDI 16. — Dans la matinée, la Bellone a rallié l'escadre. Elle a laissé l'escadre anglaise à Négapatnam, dont plusieurs vaisseaux avaient encore leurs mâts de hune amenés. Le vent au S. E., pendant le jour, a fraîchi le soir au S. O. et la nuit passé à l'O. N. O., petit. MERCREDI 17. — Le vent au S. O., petit. Venu un bâtiment de Tranquebar avec des cordages, petites mâtures et autres effets pour l'escadre. Les réparations continuent avec célérité. JEUDI 18. — Le général a jugé à propos de démonter M. de Cillart, commandant le Sévère, qui avait effectivement amené son pavillon dans le dernier combat et avait crié au capitaine du Sultan qu'il était rendu. Ses officiers, son brave équipage, étonnés de l'action lâche de leur capitaine, n'avaient pas voulu consentir à la reddition du vaisseau et avaient continué à tirer sur l'ennemi. M. de Forbin et M. de Maurville ont aussi reçu l'ordre de quitter leurs vaisseaux, Juillet 1782. Capitaines démontés. 410 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. ces deux capitaines s'étant mal conduits dans toutes les affaires. M. Bouvet a demandé de quitter le sien, pour raison de maladie, ce qui a occasionné un changement dans le commandement des vaisseaux de l'escadre. L'Artésien a été donné à M. de Saint-Félix; le Vengeur, à M. de Cuverville; le Flamand, à M. de Salvert; le Brillant, à M. de Beaulieu; le Sévère, à M. de Maurville de Langle ; l'Ajax, à M. de Beaumont; la Bellone, à M. de Pierrevert ; et la Fine, à M. de la Cosne. Le bott de Négapatnam a fait plusieurs voyages à Pondichéry pour en apporter le biscuit qui s'y fait pour l'escadre et du blé que nous a donné Hyder-Ali-Kan. Le vent au S. O. VENDREDI 19. — Le vent au S. O., petit. M. de Ravenel est revenu de Tranquebar, où il était pour les affaires de l'escadre occasionnées par des ventes de prises ou. achat de munitions. SAMEDI 20. — Le vent au S. O., frais. A 5 heures 1/2, la Bellone a appareillé. Au jour, elle a signalé une voile à l'E. N. E. et a reçu ordre de chasser. Il nous vient souvent des boeufs, moutons et autres vivres, envoyés à l'escadre par Hyder-Ali-Kan. La nuit, vent au petit frais. DIMANCHE 21. — Le vent au S. E., petit. A 9 heures, la Bellone s'est approchée de l'escadre. A 9 heures 1/2, M. de Pierrevert est venu à bord et a rendu compte qu'il avait été chassé par un vaisseau qu'il n'avait point reconnu pour être un de ceux de l'escadre, anglaise, et qu'il avait même de l'avantage sur lui. A 10 heures, la Bellone a reviré au large et a remouillé le soir. LUNDI 22. — Le vent au S. O., petit. Au jour, la Bellone a mis sous voile. A 6 heures 1/2, vu deux bâtiments dans le S. E. 74 Est. A 7 heures, la Pourvoyeuse, la Résolution, les 2 hollandais, le Trois Amis ont mis sous voile pour leur destination. Le Trois Amis va à Batavia pour son compte. Les hollandais ont salué de 17 coups de canon ; rendu 11. A 3 heures, on s'est aperçu que la Bellone était chassée par un vaisseau anglais. A. 4 heures, signal à l'Artésien d'appareiller et à la Fine; mais elle n'a pu être sous voile qu'à 4 heures 3/4. Nos bâtiments qui avaient mis sous, voile le matin, ont Plusieurs capitaines changent de commandement. DU BAILLI DE SUFFREN 411 reviré à terre, excepté la Pourvoyeuse, qui a chassé. A 4 heures 1/2, l'Artésien a fait signal d'espérance de joindre et peu après, que les bâtiments chassés étaient supérieurs en force à celle des chasseurs. Le bâtiment anglais, qu'on voyait alors de dessus le pont, nous a paru un 64; il faisait des signaux de reconnaissance et prenait chasse du côté de Madras. La nuit, le vent au S. O., petit. MARDI 23. — Le vent au petit. Signal à 5 heures à l'Artésien et à la Fine de se rallier. A la même heure, l'Artésien a signalé une voile dans le Sud 1/4 S. E. A 6 heures 1/2, la Fine a mouillé, à 7 heures 72, l'Artésien ; la Bellone a resté sous voile. Le bâtiment chassé ayant de l'avantage, on avait abandonné la chasse. On a embarqué un détachement d'Ausfrasie et les troupes de la légion qui ont été réparties sur différents vaisseaux, ainsi que les volontaires de Bourbon. MERCREDI 24. — Le vent au S. O., petit. Au jour, la Fine a signalé un bâtiment au Signal de chasser à la Fine. La Bellone, qui était à Portonovo, a chassé aussi dans cette partie. A 9 heures 1/2, on les a perdus de vue. JEUDI 25. — Le nabab Hyder-Ali-Kan est arrivé avec toute son armée, composée de près de hommes, et a campé à 2 petites lieues dans le Nord de Goudelour. Il vient exprès pour voir et conférer avec M. le commandeur. A 11 heures, à terre, 21 coups de canon en son honneur. Nous l'avons aussi salué par un salut général de tous les vaisseaux. A 1 heure 1/2. vu une voile dans le N. N. E. On a embarqué environ 600 cipayes, qui ont répartis sur les vaisseaux de l'escadre. VENDREDI 26. — Vent variable du S. O. au N. O. Dans la matinée, la Bellone a mouillé et a rendu compte que la Fine avait pris un brick, parti de Madras il y avait près de deux mois, portant, le colonel Horn à Négapatnam, destiné à commander l'armée du Sud. Le capitaine du brick appelé l'Indou ayant eu ordre de gagner Négapatnam par le large pour nous éviter, n'avait jamais pu remonter. A 1 heure 1/2, le général est descendu à terre, accompagné de plusieurs capitaines de son escadre, pour aller chez le nabab. En débarquant à Goudelour, il a été salué par le canon de la place. Il s'est rendu au camp de l'armée franJuillet franJuillet Goudelour. Arrivée d'Hyder-Ali. 412 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. çaise chez M. Duchemin, qui est malade depuis longtemps. Là, le nabab lui a envoyé deux chefs de son armée avec un corps considérable de cavalerie pour l'escorter. Il avait, en outre, des grenadiers de l'armée et toutes les cérémonies d'usage chez les grands. A son arrivée au camp, toutes les troupes du nabab étaient sous les armes. Il est descendu à la tente de M. Pivron, chargé des affaires de France auprès du nabab. A la nuit, il a été à la tente d'Hyder-Ali-Kan, qui a reçu M. de Suffren avec la plus grande considération et lui a dit les choses les plus flatteuses. M. de Suffren lui ayant témoigné ses regrets sur ce qu'il n'était pas à portée de voir l'escadre, Hyder lui a répondu qu'il aimait bien mieux voir celui qui la commandait et qui la commandait si glorieusement. Après une audience très longue, le bétel et le parfum donnés, le nabab a fait des présents à tous ceux qui accompagnaient M. de Suffren; ces présents consistaient en bijoux et argent. M. de Suffren a eu 10,000 roupies et tous les autres 1,000. Ces présents sont d'usage dans toutes les cours de l'Inde et ne peuvent être refusés. Il a engagé M. de Suffren à venir le lendemain matin déjeuner chez lui où ils parleraient affaires, ne s'étant entretenus dans cette première audience que des choses générales. Le général a couché chez M. Pivron, où le nabab avait fait tendre une tente exprès. SAMEDI 27. — La Fine a rallié l'escadre avec la prise l'Indou. A 8 heures du soir, le général est venu à bord, après un grand déjeuner chez le nabab dans le goût indien. Ils avaient été renfermés longtemps tète à tête. Il paraît qu'Hyder a la plus grande confiance en lui; sa démarche de venir de 50 lieues avec hommes pour le voir, le prouve assez. On a appelé à l'audience des chefs de notre armée pour des arrangements à prendre à son égard. Le général doit retourner au camp, à cet effet, demain matin. DIMANCHE 28. — A 5 heures du matin, M. de Suffren est descendu à terre pour aller chez Hyder-Ali-Kan. Il a DU BAILLI DE SUFFREN 413 dîné chez M. Pivron, où le nabab avait envoyé un dîner à l'indienne et beaucoup de fruits. Il a eu ensuite audience et est res é à coucher au camp, devant retourner au dorbar le lendemain et avoir son audience de congé. La Bellone est arrivée aujourd'hui de Tranquebar, ayant à bord M. de Launay, commissaire général de l'armée de M. de Bussy. Il a dit que M. de Bussy était arrivé à l'Ile-de-France avec les vaisseaux le Saint-Michel de 60 canons, l'Illustre de 74 et le cutter le Lézard, et l'avait envoyé sur le cutter jusqu'à Galles, d'où il était venu par terre jusqu'à Jaffna et de là à Tranquebar avec des paquets pour M. de Suffren et M. Duchemin. Les vaisseaux arrivés devaient partir quelques jours après lui de l'Ile-de-France avec la Consolante, des transports avec des vivres et munitions navales, et 600 hommes du régiment de l'Ile-de-France aux ordres de M. de Suffren; L'escadre anglaise n'est plus à Négapatnam; elle en est partie pour aller à Madras. Il ne paraît pas qu'elle eût envie de nous rencontrer, ayant passé hors de vue. LUNDI 29. — M. de Suffren a eu son audience de congé du nabab Hyder-Ali-Kan. Ce prince, ayant la plus grande confiance en lui, s'est enfin décidé à rester à la côte, — quoique ses affaires l'appelassent à la côte Malabar pour défendre son pays contre une armée anglaise que le consul de Bombay avait envoyée, — sur l'espérance que M. de Suffren lui a donnée de puissants secours partis de France. L'arrivée de M. de Launay n'a pas peu servi à le lui persuader. On a pris des arrangements définitifs pour qu'il fournît de l'argent et des vivres à l'armée. Il avait toujours donné à l'escadre et avec la plus grande célérité ce que nous lui avions demandé; mais il n'en était pas de même pour notre armée avec laquelle il n'était pas toujours dans la meilleure intelligence. Le général a couché à Goudelour. Juillet 1782. Arrivée de M. de Bussy à l'Ile-de-France. 414 JOURNAL DE BORD Juillet 1782. MARDI 30. — A 11 heures du matin, M. de Suffren est arrivé à bord. Le départ est fixé au 1er août. L'intention de M. de Suffren est de remonter à Batacalo, pour s'y joindre avec les vaisseaux et secours venant de l'Ile-de-France et de là faire une tentative sur Trinquémalay. C'est à cet effet que nous avons embarqué quelques troupes et une compagnie de canonniers. M. des Roys, chef du génie, passe à notre bord. Nous avons su qu'un convoi parti de France avec 2 vaisseaux et 5,000 hommes de troupes, destiné pour l'Inde pour faire partie de l'armée de M. Bussy, qui doit commander terre et mer, avait été attaqué et dispersé sur les côtes de France par une escadre anglaise. Deux transports arrivés aux Iles-de-France assurent que plusieurs ont été pris et que les autres doivent être entrés dans les ports de France. Août 1782. Départ de Goudelour. MERCREDI 31. — Le vent au S. O., petit frais. Au jour, la Bellone a mis sous voile et a fait route pour le Sud. JEUDI 1er AOUT. — Le vent au S. O., petit. Au jour, signal de désaffourcher. Nous laissons au mouillage la Fortitude, qui doit aller au Pégou , et deux prises pour être vendues. A 11 heures, toute l'escadre a mis sous voile. Nous avons resté en panne pour attendre quelques chelingues et nous avons fait servir. A midi 3/4, route au plus près, tribord amures. A 5 heures, signal et viré de bord, tous en même temps. Au coucher du soleil, relevé Portonovo, O. S. O., 2 lieues ; Goudelour, N. N. O. 5° Ouest. Le vent au S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 7 heures, après le signal, nous avons fait mouiller par 13 brasses, fond de vase, avec l'ancre de détroit. Vent au S. O. VENDREDI 2. — Le vent au S. O., petit. A 1 heure 1/2, nous avons mis sous voile. Route au plus près du vent, tribord amures. Le vent a varié à l'O. S. O. Au jour, le Diligent était encore au mouillage. Le Sévère ayant signalé une voile dans l'Est 1/4 S. E., signal à la Fine de chasser. Au soleil levé, relevé Portonovo, N. O. 1/4 Ouest 3° Nord; distant de terre 2 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 415 A 6 heures, nous avons rendu notre manoeuvre indépendante et arrivé sur la Sylphide pour lui donner des paquets. Elle a fait route pour l'Ile-de-France, ayant à bord M. de Maurville et quelques prisonniers. A près de 8 heures, appelé la Fine. A 11 heures 1/2, signal et viré vent devant ; pris bâbord amures. A midi, lat. observée 11° 12' ; longit. arrivée 73° 00' ; Tranquebar, S. O. 5° Sud, 4 lieues. Le vent au S. S. E., joli frais. Route au plus près, bâbord. A 1 heure, signal de virer. Pris les amures à tribord ; vent au S. O., joli frais. A 1 heure, vent variable ; pris bâbord amures. A 3 heures, signal de virer ; pris tribord amures. A 3 heures 1/2, pris encore bâbord amures. A 4 heures 3/4, signal de mouiller; laissé tomber l'ancre par les 10 brasses, fond de vase. Relevé Tranquebar, Sud 5° Ouest, 4 lieues 1/2. Le vent au S. E., joli frais. A 6 heures, appelé le Maurepas avec deux coups de canon. Nous n'avons point vu le Diligent depuis le jour du départ ; il était destiné pour l'Ile-de-France. SAMEDI 3. — Le vent au S. E., petit; beau temps. A 3 heures du matin, la Bellone a mis sous voile avec ordre de porter des lettres du général à Batacalo, pour nos vaisseaux, en cas qu'ils fussent arrivés à Galles, et de s'élever ensuite au Sud de Ceylan. Au jour, signal d'appareiller, abattant sur bâbord. L'escadre a mis sous voile. A 9 heures, étant devant Tranquebar, le capitaine du" vaisseau hollandais est venu à bord. Avons mis en panne. A 9 heures 72, nous avons fait servir et rendu notre manoeuvre indépendante. A 11 heures 1/2 , signal de diminuer de voiles. A midi, lat. observée 10° 53'; longit. arrivée 77° 51'; le pavillon de Tranquebar, O. N. O., 1 lieue 1/2 ; pagodes de Nagur, S. S. O. 5° Sud.; le pavillon de Négapatnam, Sud 1/4 S. O. A la même heure, signal à l'escadre de diminuer de voiles. A midi 1/2, calme plat; 1/4 d'heure après, il s'est déclaré à l'Ouest, petit. Nous avons forcé de voiles pour rejoindre l'escadre. A 3 heures 1/2, le vent a varié au Sud. Sondé 17 brasses. A 6 heures, nous avons mouillé par 7 brasses 1/2. Relevé Négapatnam, Ouest 5° Nord, 1 lieue 1/2 ; les pagodes de Nagur, N. O. 1/4 Ouest 5° Nord. Le vent au S. S. E., joli frais. Le Maurepas a fait route pour l'Ile-de-France ; il y a passé M. de Forbin, des officiers de l'armée et Août 1782. Route pour Batacalo. 416 JOURNAL DE BORD Août 1782. le colonel Horn, avec plusieurs autres prisonniers. Nous n'avons plus vu le Diligent depuis notre départ ; il devait aller à l'Ile-de-France. DIMANCHE 4. — Le vent au S. O., petit. A 5 heures 74, nous avons mis sous voile. A 6 heures, le Brillant a visité une chelingue neutre. A midi, W. N. E. 00° 37'. — Lat. observée 10° 23' ; longit. arrivée 78° 15' ; distant de terre 4 lieues 72. A midi, le vent au Sud, petit frais. Mouillé par 8 brasses 72, fond de vase. Même vent le reste de la journée et pendant la nuit. LUNDI 5. — Le vent au S. O. Au jour, fait appareiller l'escadre le plus près, bâbord amures. A midi, lat. observée 10° 8' ; longit. arrivée 78° 22'. Sondé 13 brasses et coquillage. A midi 72, le Vengeur a signalé la terre à l'O. N. O. Le vent ayant varié au Sud, nous avons arrivé pour rallier la queue de l'escadre et fait mouiller par 9 brasses, sable et gravier. Le vent toujours au Sud, petit. MARDI 6. — A4 heures, le vent au S. O., joli frais. Fait appareiller l'escadre et fait route au S. E. 1/4 Sud. A 8 heures, relevé la pointe Nord de Ceylan, S. S. E., 7 lieues. A 9 heures 1/2, le vent a varié au N. O., joli frais. Signal de ralliement à la Fine, et à l'Artésien de tenir le vent. A midi, lat. observée 9° 52' ; longit. arrivée 78° 41 ; la terre à l'Ouest 6 lieues. Sondé 13 brasses, gros gravier et coquillage. Le vent à l'Ouest, petit. A 8 heures 72, calme. Fait mouiller l'escadre par 12 brasses, gravier et coquilage. A 9 heures 1/4, fait appareiller l'escadre. Le vent s'ètant élevé au S. O., gouverné au S. E. 1/4 Sud ; belle mer. MERCREDI 7. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. La Fine a donné des boeufs à l'escadre, qu'elle avait pris en passant à Tranquebar, où Hyder les avait fait venir. A 7 heures, l'Orient, courant à bord opposé, s'est rencontré avec la Fine et lui a cassé son beaupré et démâté sa guibre. A ce même moment, fait signal de panne, tribord amures. Sondé 30 brasses. A 7 heures 3/4, nous avons arrivé vent arrière pour aller donner la remorque à la Fine ; mais le grelin ayant cassé, nous lui avons dit de faire route pour l'escadre avec toutes les voiles qu'elle pouvait faire. Le vent à l'Ouest, petit. Nous avons gouverné au Sud. DU BAILLI DE SUFFREN 417 A midi, lat. observée 9° 52'; longit. arrivée 78° 41'; terre à l'Ouest 6 lieues. Sondé par 13 brasses d'eau. Le vent à l'Ouest, petit. Route au S. S. E. A 1 heure 1/2, route au S. E. 1/4 Sud. Au coucher du soleil, relevé la montagne de Trinquémalay, Sud 5° Ouest; la pointe Nord de ladite baie, Sud 5° Est ; la terre la plus Sud, S. S. E. ; distant 2 lieues. A la nuit, les vents ont varié au S. O. Route au plus près, tribord amures. JEUDI 8. — Le vent au S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. Au lever du soleil, relevé la pointe Sud de Trinquémalay, O. S. O. 5° Ouest ; la montagne Ronde, Ouest 5° Sud ; distant de terre 3 lieues. A 9 heures, le Vengeur a demandé à parler au général. Nous l'avons approché et il a envoyé un canot avec un officier envoyé par M. d'Aymar, commandant les vaisseaux arrivés à Galles, pour chercher l'escadre le long de la côte et informer le général de son arrivée. A midi, lat. observée 8° 12' ; longit. arrivée 79° 52 ; distant de terre 5 lieues 72. A 1 heure 8/4, signal aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles. A 2 heures 1/2, signal de ralliement. A 4 heures 72, l'Artésien a signalé une voile à l'E. S. E. à laquelle il a fait les signaux de reconnaissance. A 7 heures, le vent à l'E. S. E., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 2 lieues de la côte, fait mouiller l'escadre par 17 brasses, sable fin. A 9 heures 1/2, le général a envoyé un canot avec un officier à Batacalo porter des dépêches pour Galles. Pendant la nuit, le vent à l'O. S. O., joli frais. VENDREDI 9. — Le vent à l'Ouest, joli frais. Au jour, fait appareiller l'escadre et gouverné au S. S. E. Le bâtiment aperçu hier était la Consolante, commandée par M. de Péan, faisant partie de la division de M. d'Aymar. Ayant manqué le mouillage de Galles, elle était venue mouillera Batacalo, où elle avait vu la Bellone, qui lui avait donné des nouvelles de l'escadre. A 7 heures, elle nous a passé à poupe et salué de trois cris de vive le roi ! » ; rendu un. A 10 heures, l'escadre a mouillé à Batacalo par les 10 brasses, sable rougeâtre. Relevé le bâton de pavillon de Batacalo, S. S. E. 3° Sud ; l'entrée de la rivière, S. S. E. 5° Est; le Cap, S. S. E. 5° Sud; la Août 1782. Mouillé à Batacalo. 418 JOURNAL DE BORD Août 1782. terre la plus Sud, S. E. 5° Est; la terre la plus Nord, 5° Nord; distant de terre 1/2 lieue. Affourché au N. E. par 9 brasses 1/2, même fond. La Fine travaille à se radouber. La nuit, le vent au S. O. SAMEDI 10. — Tous les vaisseaux ont envoyé à l'eau et au bois. DIMANCHE 11. — A 6 heures, le général est descendu à terre. Pendant le jour, les vents au S. S. E. LUNDI 12. — Le vent à l'O. S. O. A 9 heures, l'Ajax a signalé une voile dans l'E. S. E. Fait signal à l'Artésien d'appareiller, qui a mis aussitôt pavillon en berne et tiré deux coups de canon pour appeler ses bâtiments à rames. A 9 heures 1/2, nous avons vu deux bâtiments, dont l'un manoeuvrait pour rallier l'escadre et l'autre prenait du large. Signal au Vengeur de mettre sous voile et à l'escadre de se tenir prête à appareiller. A 9 heures 1/4, presque calme; un peu d'air au S. O. Signal d'envoyer les bâtiments de rames pour remorquer les bâtiments qui ont ordre d'appareiller. A la même heure, répété le signal d'appareiller au Vengeur et à l'Artésien. A 10 heures, le fort a tiré deux coups de canon pour signaler des voiles au large. Les deux vaisseaux ont mis sous voile. Le vent a passé à l'Est et l'E. S. E., petit frais. A 11 heures 3/4, un des bâtiments, reconnu pour la Bellone, a fait signal de bâtiments ennemis. A 2 heures, la Bellone a mouillé dans l'escadre. Un officier est venu rendre compte au général que le bâtiment en vue était une frégate de 28 canons, avec laquelle il s'était battu la veille près des basses ; qu'une supériorité de mousqueterie et beaucoup de mitraille jetée par des obusiers avaient dégréé la Bellone dès le commencement du combat et fait perdre l'avantage que devaient lui donner le nombre et la force de ses canons. Ne pouvant plus manoeuvrer, M. de Pierrevert, commandant la frégate, avait été tué au commencement de Combat de la Bellone contre une frégate anglaise. DU BAILLI DE SUFFREN 419 l'affaire; M. Boucher, officier auxiliaire, qui avait pris le commandement après, avait aussi été tué et M. Stéfanos, officier napolitain, grièvement blessé. La frégate anglaise s'était en allée après une heure de combat et avait laissé la Bellone dans l'impossibilité de la poursuivre. Elle avait eu 40 hommes hors de combat. On ne se louait point de l'équipage. On a présumé que c'était le Cowentry, qui était attendu venant de la côte de Malabar avec un renfort de matelots pour l'escadre anglaise. A 4 heures, ralliement aux chasseurs. Le vent à l'E. S. E.. a passé la nuit à l'O. S. O. MARDI 13. — La Consolante a mis sous voile pour aller croiser sur les brassés au-devant du cutter le Lézard. Le Vengeur et l'Artésien ont rallié l'escadre. MERCREDI 14. — Nous avons mis sur le côté pour changer de doublage des bordages de la flottaison qui ne sont pas doublés en cuivré. A 8 heures du soir, pluie et orages dans le N. N. O. JEUDI 15. — Nos bâtiments ont travaillé à notre doublage. La Fine a mâté au beaupré. VENDREDI 16. - Le vent à l'Ouest, petit ; a varié dans la journée au N. E. et à l'Est et lé soir a passé au S. O., joli frais et orage. SAMEDI 17. — Nous avons achevé de doubler les tribords. Mis sur le côté pour commencer bâbord. Le soir, pluie et orage dans le N. N. O. DIMANCHE 18. — A 4 heures du soir, il a paru un bâtiment dans le Sud, faisant des signaux de reconnaissance, auxquels nous avons répondu. A 7 heures, il a mouillé dans l'escadre. C'était le cutter le Lézard, qui était resté dans un petit port au Sud de Ceylan, jusqu'aux ordres qu'il a reçus de M. de Suffren de venir le joindre. Il est doublé en cuivre; porte 18 canons et est commandé par M. de Saint-Georges, enseigne de vaisseau. LUNDI 19.— La Consolante a rallié l'escadre et a mouillé à 3 heures. M. de Beaulieu a quitté le commandement du Brillant pour prendre celui de la Bellone, plus en activité. Le commandement du. Brillant a été donné à M. de Kersauson, lieutenant de vaisseau. A 7 heures 1/2, nous avons eu un grain très fort dans la partie de Août 1782. 420 JOURNAL DE BORD Août 1782. l'O. N. O. La Bellone a chassé. Le Vengeur a cassé son câble et plusieurs vaisseaux ont cassé leurs grelins d'affourche. Nous continuons de raccommoder notre doublage. Arrivée de deux vaisseaux et d'un convoi. MARDI 20. — Nous avons fini de doubler les deux bords. MERCREDI 21. — Dans la nuit, le cutter le Lézard a appareillé avec ordre d'aller chasser la rade de Trinquémalay et venir en rendre compte. A 8 heures, on a donné la cale à un contre-maître de l'Annibal, convaincu d'avoir insulté et blessé un habitant à terre. A 1 heure, nos vaisseaux venant de Galles et le convoi ont paru dans le S. E. 1/4 Sud. A 5 heures, la Fortune qui les précédait a fait des signaux de reconnaissance, auxquels nous avons répondu. Elle est venue au mouillage et a salué de trois cris de vive le roi ! » Un peu avant le coucher du soleil, les deux vaisseaux de guerre et les bâtiments du convoi ont salué du canon ; nous avons rendu 17 coups. A 9 heures, tous les bâtiments étaient mouillés. Le Saint-Michel, de 60 canons, doublé en cuivre, commandé par M. d'Aymar, capitaine de vaisseau ; l'Illustre, de 74, par M. de Bruyères, capitaine de vaisseau, et sept bâtiments marchands, dont deux hollandais, chargés de munitions de guerre et de bouche et ayant 600 hommes du régiment de l'Ile-de-France; la Fortune, 18, commandée par M. de Lusignan, lieutenant de vaisseau. JEUDI 22. — Le départ est fixé pour demain. Nous avons déferlé le petit hunier et tiré un coup de canon. Le Saint-Michel, mouillé un peu au large, a mis sous voile pour se rapprocher et nous a salué de trois cris de vive le roi ! » ; rendu un. Départ de Batacalo. VENDREDI 23. — Le vent à l'O. N. O. A 10 heures, signal de désaffourcher; nous avons embarqué une compagnie de malais hollandaise pour l'expédition de Trinquémalay, que le général compte aller attaquer. A 1 heure 3/4, signal d'appareiller à l'escadre et à la flotte. Nous avons pris à bord une compagnie du régiment de l'Ile-de-France, embarquée sur les transports. A 4 heures, l'escadre a mis sous voile. La Bellone et la Consolante ont resté au mouillage pour prendre quelques fascines qu'on a fait faire à terre. Le vent à l'Est. Fait route au Nord 1/4 N. O. Route pour Trinquémalay. A 6 heures, relevé le pavillon de Batacalo, S. S. E. Route au N. N. O. ; la Fine en avant. A 11 heures 73, le vent a varié au Nord, petit. A minuit, signal à l'escadre et à la flotte de mouiller. DU BAILLI DE SUFFREN 421 SAMEDI 24. — A minuit 1/4, nous avons mouillé par les 13 brasses, vase et sable. A 5 heures 1/2, le vent ayant varié au S. O., petit, fait appareiller l'escadre et la flotte. La Bellone à rallié dans la nuit. A 7 heures, nous avons eu connaissance du cutter. A 8 heures 1/2, le vent a varié au N. O. Sondé 15 brasses, sable vaseux. A midi, lat. observée 8° 13' ; longit. arrivée 79° 42' ; la pointé Sud de Trinquémalay; N. O., 13 lieues. A 1 heure 1/4, le vent petit au S. O. Nous avons rendu notre manoeuvre indépendante et arrivé au Nord pour joindre le cutter. A 3 heures, il a envoyé un canot à bord et a rendu compte qu'il avait été jusqu'à portée des batteries de Trinquémalay et qu'il n'y avait pas un bâtiment mouillé. Nous avons pris les amures à bâbord pour rallier l'escadre. Les vents ayant varié à l'O. S. O., gouverné au N. O. 74 Nord. A 4 heures, signal à la Bellone de chasser 2 lieues en avant de l'escadre pour ne se rallier qu'à la nuit. A 6 heures, signal de virer de bord vent devant ; pris bâbord amures. Relevé la pointe Sud de la baie de Trinquémalay, O. 5° Nord ; la pointe Nord, N. O. 1/4 Ouest 3° Nord ; distant de terre 2 lieues. Le vent au S. O. A 7 heures 1/2, signal et mouillé par 26 brasses, gros gravier et motte. A 8 heures, s'étant aperçu que nous chassions, avons mouillé une grosse ancre par 31 brasses. A 10 heures, la Consolante a rallié l'escadre. DIMANCHE 25.— Le vent à l'O. S. O., petit frais. Au soleil levé, relevé la pointe Nord de Trinquémalay, N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest ; la pointe Sud, O. N. O. 3° Nord ; distant de terre 2 lieues 1/2. A 6 heures, nous avons relevé notre grosse ancre. A la même heure, signal de se préparer au combat et peu après signal d'appareiller. A 7 heures, signal de ligne de bataille, ordre naturel n° 1. À 7 heures 1/4, le général va prendre la tête de ligne. A 11 heures, ne pouvant attraper le mouillage de Trinquémalay de la bordée* signal de virer de bord vent devant, par la contremarche. En virant, l'Artésien nous a abordés par l'arrière et enfoncé un peu notre galerie sans autre avarie de part ni d'autre. A 11 heures 3/4, signal de route libre, et à la même heure de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. A midi, pris hauteur et relevé lat. observée, 8° 40'; le. fort d'Austimbourg, S. O. 5° Sud ; le mât de pavillon, S. O. 1/4 Ouest, 28 Août 1788; 422 JOURNAL DE BORD Août 1782. 1 lieue ; la pointe Sud de la baie, S. E. 1/4 Sud ; la pointe Nord, N. O. 5° Nord ; le mouillage, Ouest 5° Nord. Trinquémalay. Le vent au S. O., joli frais, par rafales ; louvoyant pour mouiller dans l'arrière-baie, à 1 heure, signal de virer de bord. A 1 heure 1/2 , nous avons mis nos pavillons. A 3 heures, viré de bord ; pris bâbord amures. A 3 heures 3/4, reviré ; pris bâbord amures, étant obligés, pour attraper le mouillage, de passer assez près de la batterie du pavillon. Elle a tiré sur plusieurs de nos vaisseaux ; le Sphinx, l'Annibal anglais et le Saint-Michel ont été touchés, mais sans avaries marquées ni personne touché. Le Saint-Michel a tiré deux ou trois volées, qui ont fait retirer les ennemis qui étaient sur la montagne. Nous lui avons fait signal de serrer le feu. A 4 heures 1/2 , signal de mouillage à la flotte. A 5 heures 1/2, nous avons mouillé par 10 brasses, sable vaseux. Relevé la pointe Sale, S. E. 5° Est ; le mât de pavillon, S. S. E. 5° Sud ; le fort de Trinquémalay, Sud 5° Est ; le fort d'Austimbourg, Sud 1/4 S. O. 2° Sud ; la pointe Nord avec ses écueils, N. N. O. ; distant de terre 2/3 de lieue. A 6 heures, le vent ayant tourné au S. S. E., les bâtiments qui avaient mouillé au large se sont tous rapprochés. A 7 heures, on a envoyé un canot armé à terre, avec un officier, pour chercher un endroit propre à la descente. Il fut décidé qu'elle se ferait à environ 1 lieue au Nord du fort, où les canots pouvaient aborder assez près de terre. L'officier qui y avait été y avait hissé un gros arbre sec pour l'indiquer. Aussitôt les ordres furent donnés dans tous les vaisseaux pour que les troupes fussent prêtes à descendre. A 3 heures du matin, le rendez-vous de tous les bâtiments à rames était à bord du Héros. Le Lézard eut ordre d'aller mouiller près de terre pour protéger la descente. Débarquement de troupes Siège de Trinquémalay. LUNDI 26. — A 3 heures, toutes les troupes ont été mises à terre, sans opposition de la part de l'ennemi. Elles étaient au nombre d'environ 2,300 hommes, dont 600 cipayes et 500 hommes de troupes de marine, sous les ordres de M. Dupas, lieutenant de vaisseau. J'ai descendu en qualité d'aide-major des troupes de marine. M. d'Agout, lieutenant-colonel de la légion de Lauzun, commandait les troupes, M. Duvis, le génie, et M. Fontaine, l'artillerie. DU BAILLI DE SUFFREN 423 A 5 heures, M. de Suffren est descendu à terre. On a été reconnaître la place et marquer l'emplacement pour les batteries. On a travaillé à débarquer des canons de 18, des boulets, de la poudre, trois mortiers et des bombes. Quelques bombardiers de l'escadre ont été mis à terre pour le service des mortiers. Il est arrivé une chelingue de Jaffna, avec des lettres pour le général. A midi, la Fortitude a mis sous voile pour la pointe de Pedro, pour de là envoyer des lettres du général à Jaffna et demander des troupes malaises. Dans l'après-dîner, le fort a tiré quelques coups de canon et, vers les 10 heures, deux bombes. Le général est venu à bord. MARDI 27. —- Vers minuit, il y a eu une petite alerte, qui a retardé les travaux des batteries et tranchées qu'on ouvre devant la place. On a pris un sergent anglais, qui a été envoyé à bord. On n'a trouvé aucun habitant dans la ville, ayant tous décampé à notre approche ou s'étant retirés dans le fort. A 5 heures du matin, le général est descendu à terre avec le projet d'y rester pendant le siège, pour être plus à portée de donner les ordres nécessaires et mettre de l'activité dans les travaux. A 11 heures, les ennemis ont fait une sortie d'environ 100 hommes, dont le résultat a été de mettre le feu à quelques broussailles qu'ils croyaient couvrir nos travailleurs, mais sans déranger les ouvrages, qui se faisaient avec d'autant plus de diligence et de sûreté qu'on était à couvert par des maisons et des arbres. Sur le soir, le fort a tiré des coups de canon et des bombes, mais sans succès. MERCREDI 28.— On travaille toujours avec la plus grande célérité aux batteries, qu'on espère être finies demain matin et pouvoir commencer à tirer. A 7 heures, la Bellone a mis sous voile pour Batacalo ; elle doit en rapporter des boeufs. Dans l'après-dîner, il est arrivé une chelingue Août 1782. 424 JOURNAL DE BORD Août 1782. venant de Batacalo. Les ennemis ne font pas grand feu ; ils se réservent sans doute pour quand nos batteries seront démasquées. Tous les bâtiments à rames de l'escadre sont occupés à débarquer continuellement des munitions de guerre et des vivres pour l'armée. On a envoyé à terre quelques charpentiers pour construire les plates-formes. Le vent dans la partie du S. O., petit. JEUDI 29. — A 6 heures 1/4, nos batteries ont tiré sur la place. Le feu a été très vif de part et d'autre. Dans l'après-midi, on a envoyé quelques blessés à bord. Le feu des ennemis commençait à diminuer et nos boulets à faire effet sur les murs. Le général se propose d'établir une autre batterie, à laquelle on commence à travailler. Nous n'avons dans le moment que 4 canons en batterie, dont trois de 18 et un de 12, et une batterie de 3 mortiers, dont deux de 12 pouces et un de 8 pouces. Nous avons envoyé deux canots armés, à la nuit, croiser dans la baie des Hollandais, au Sud du fort, pour intercepter des chelingues, sur des indices qu'on avait eus que le commandant du fort devait passer avec sa garnison à celui d'Austimbourg; mais on a été jusqu'à portée de fusil sans rien trouver. Les vents dans la partie du S. O. Capitulation du fort. VENDREDI 30. — Nous avons fort peu tiré cette nuit, ayant été occupés à réparer nos batteries. Au jour, notre feu a recommencé jusqu'à 8 heures, que M. de Suffren a envoyé sommer le gouverneur. Après quelques pourparlers, on est convenu d'une capitulation. La garnison sortira avec les honneurs de la guerre et sera transportée à Madras. La même capitulation aura lieu pour le fort d'Austimbourg,au cas cependant que le commandant dudit fort voulût y consentir. A 5 heures du soir, la Bellone a mouillé avec 2 botts hollandais venant de Galles. Nos troupes se sont emparées des portes du fort, où elles ont passé la nuit. DU BAILLI DE SUFFREN ,425 SAMEDI 31. — A 4 heures, le Lézard a mis sous voile, pour Tranquebar, afin de porter des lettres du général' et d'avoir des nouvelles de l'armée. Au jour, le général a envoyé un détachement pour occuper la hauteur voisine du fort d'Austimbourg et prendre poste hors de la portée du canon; mais l'officier commandant, contre les ordres, s'étant trop approché de la place, il en a résulté une canonnade et une fusillade où nous avons eu deux ou trois hommes tués ou blessés. M. de Suffren s'est aussitôt approché et a sommé le gouverneur de se rendre. Ce n'a été que le soir, qu'il a consenti à la même capitulation que Trinquémalay. Ils ne devaient pas s'attendre sans doute à des termes si honorables ; mais la possession d'une place de si grande importance pour nous et à si peu de frais, et surtout l'escadre anglaise, dont l'arrivée devait être très prochaine, ne permettaient pas de traîner cette affaire en longueur. La garnison de Trinquémalay est sortie ce matin au nombre de 150 blancs et 300 cipayes, qui ont été répartis sur les vaisseaux de l'escadre, jusqu'à ce que nous ayons des bâtiments prêts pour les transporter à Madras. La Bellone a mis. sous voile à 6 heures du matin pour Batacalo. A 9 heures du matin, la Fortune a mouillé. Elle a amené M. Waurendon, secrétaire du Conseil de Jaffna. Il nous vient des Malais de cette placé par terre. A 3 heures, un portugais, parti de l'Ile-de-France depuis 36 jours, a mouillé en rade. Il avait des lettres pour le général. Il nous a appris que la division de M. Peynier, composée de 4 vaisseaux, dont 2 en flûtes, et beaucoup de transports portant des troupes, était arrivée au Cap lors de son départ des îles. La frégate la Clêopâtre, faisant partie de cette division, était à l'Ile-de-France avec 11 transports. A la nuit, le général est revenu abord. Août 1782. Capitulation d'Austimbourg. 426 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. Pertes au siège de Trinquémalay. DIMANCHE 1er SEPTEMBRE. — Les troupes de la garnison d'Austimbourg ont été embarquées sur les vaisseaux de l'escadre, à peu près dans le même nombre que celles du fort de Trinquémalay. Nous avons eu, dans le courant du siège, 25 hommes tués ou blessés. Le portugais a mis à la voile pour aller à la côte; nos transports se sont rapprochés du fort. Le général est occupé aux arrangements qu'exige notre nouvelle possession. Le pavillon français est arboré sur le fort; M. des Roys est nommé commandant. LUNDI 2. — Le vent au S. O., petit frais. A 3 heures après-midi, on a eu connaissance de plusieurs voiles dans l'E. S. E., qu'on a bientôt reconnues pour l'escadre anglaise portant sur Trinquémalay. Nous en avons fait le signal et tiré deux coups de canon pour en avertir le général, qui était à terre. On a rembarqué une partie des troupes blanches et noires. A 5 heures 1/4, le général étant à bord, on a fait signal de se préparer au combat et de se tenir prêts à appareiller. A 6 heures, l'escadre anglaise nous restait à l'E. N. E. ; distance 3 lieues. Le vent au S. O. Combat de Trinquémalay. MARDI 3. — Le vent au S. O., joli frais. L'escadre anglaise, dont nous voyions les feux, a manoeuvré toute la nuit pour s'approcher de la rade. A 4 heures 1/2, nous avons embarqué la chaloupe et fait signal de virer à pic. Au point du jour, l'escadre anglaise nous restait au Nord, à 2 lieues de distance, travaillant à former sa ligne, tribord amures. A 5 heures 3/4, signal d'appareiller, en abattant sur bâbord. Le pavillon blanc était arboré sur le fort. A 6 heures, fait signal de ligne de bataille dans l'ordre naturel n° 1, tribord amures, et en même temps de tenir le vent. La Bellone, venant de Batacalo, a rallié l'escadre fort heureusement, en rangeant de près les vaisseaux ennemis. A 7 heures 1/4, l'Annibal anglais nous a abordés DU BAILLI DE SUFFREN 427 par l'avant et notre beaupré s'est trouvé engagé dans ses haubans d'artimon. Le général a fait signal de se parer à mouiller avec une grosse ancre, dans le cas où nous eussions eu quelque avarie de conséquence; mais, peu après, les deux vaisseaux se sont dégagés; nous avons seulement perdu notre bout-dehors de beaupré. A 7 heures 72, donné ordre à la Bellone d'arriver sur les ennemis et de signaler le nombre de vaisseaux à deux batteries. Tous nos vaisseaux sous voile travaillaient à former la ligne; les ennemis faisaient porter. A 7 heures 55, la Bellone a signalé 13 vaisseaux. Aussitôt nous avons fait signal d'arriver tous en même temps et répété le signal de ligne de bataille. Les vents fraîchissaient à l' par rafales, et notre ligne ne se formait point; le signal d'ordre de bataille a été répété pour la troisième fois et celui de forcer de voiles à l'avant-garde, qui restait au vent et sans ordre en mettant les flammes de l'Artésien, de l'Orient, du Saint-Michel et de l'Annibal anglais. A 8 heures 3/4, répété le signal de laisser arriver tous en même temps. A 9 heures 10, le général a fait faire signal de panne, tribord amures, pour laisser former la ligne ; dix minutes après, d'arriver à l'arrière-garde, qui était fort au vent. Nous avons pris des ris; plusieurs vaisseaux en ont fait autant. La brise était très fraîche et la mer houleuse. A 9 heures 1/2, ordre à l'escadre d'arriver tous en même temps à l'E. courant en échiquier. A 9 heures 3/4, fait forcer de voiles au Sévère et au Sphinx. A 9 heures 50; l'escadre anglaise faisant toujours porter, ordre de gouverner à l'Est tous en même temps et, à 11 heures 3/4, signalé l' A 11 heures 1/2, fait tenir le vent à toute l'escadre pour essayer de former la ligne, qui cependant ne se formait point. Nous étions alors à environ 1 lieue 1/2 des ennemis, Septembre 1782. 428. . JOURNAL DE BORD Septembre 1783. qui, courant toujours largue de l'E. S. E. au S. E., nous avaient conduits à 6 lieues de la côte. Ils n'avaient que 12 vaisseaux en ligne; le 13me, qu'on avait pris pour un vaisseau, n'était apparemment qu'un gros transport. Leur ligne était assez mal formée et surtout point serrée. Le dernier vaisseau était très éloigné de son chef de file. Ail heures 30, fait le signal de gouverner à l'E. N. E. et au Vengeur et à la Consolante de porter leurs efforts sur l'arrière-garde ennemie. Toutes nos voiles étaient à sarayer ou sur le mât pour attendre notre arrière-garde encore éloignée. A midi, appelé la Bellone, à laquelle on a donné l'ordre d'aller dire aux vaisseaux de l'avant-garde et particulièrement à l'Artésien qu'il paraissait que l'intention des ennemis n'était point de combattre au plus près, mais vent arrière au largue ; qu'on formerait donc la ligne parallèle à celle des ennemis et qu'il fallait, par conséquent, que l'avant-garde se tînt beaucoup plus arrière. Nous étions alors à environ 7 à 8 lieues de terre. A midi 1/2, signal à l'avant-garde d'arriver et, peu après, à l'Artésien et au Saint-Michel de forcer de voiles, A 1 heure 1/2, ordre à l'avant-garde d'arriver ; peu après, à l'Illustre de serrer la ligne. Elle ne se formait point encore. Le Sphinx, le Brillant et le Sévère étaient par le travers du centre et de l'arrière-garde mal en ordre. A 1 heure 1/4, fait arriver l'Annibal anglais et le Sphinx. A 1 heure 55, le vaisseau l'Artésien, qui avait arrivé tout à plat, se trouvait à demi-portée de canon des vaisseaux de tête de la ligne ennemie. On a fait alors le signal de tenir le vent dans les eaux des vaisseaux de tête en mettant la flamme de l'Artésien. D'après l'ordre porté par la Bellone, le général espérait que l'Artésien ne reviendrait au vent que parallèlement à la ligne ennemie, ce qui, d'après le signal, faciliterait la formation de la ligne ; DU FAILLI DE SUFFREN 429 mais le vaisseau ayant trop pris du lof et mis par là plus! de vent dans ses voiles, s'est éloigné de la ligne ennemie dé l'avant et au vent, ainsi que quelques vaisseaux qui le suivaient. A 2 heures, signal au Vengeur et à la Consolante de doubler l'ennemi par la queue. Les deux bâtiments ont aussitôt arrivé. A 2 heures 1/4, nous avons laissé arriver en faisant le signal général. A 2 heures 1/2, répété le même signal à l'arrière-garde en virant peu après les flammes de l'Annibal et du Flamand. Nous étions à près d'une demi-portée de canon de l'ennemi et notre ligne commençait à se former. Le général ayant voulu faire appuyer le signal d'arriver par un coup de canon, nos. deux batteries ont tiré. Nous avons arrêté le feu. Le général était dans l'intention de ne le commencer que de très près; mais il était devenu général dans toute l'escadre. Nous avons donné alors le signal d'approcher l'ennemi à portée de pistolet. L'escadre anglaise courait toujours grand largué en combattant. Quelques vaisseaux de notre avant-garde, trop en avant, étaient devenus inutiles. A 3 heures 20, le général a fait faire le signal de doubler l'avant-garde ennemie, et peu après, à notre avant-garde d'arriver. A 3 heures 27, signal à l'arrière-garde d'arriver; mais tous le ssignaux n'ont pas été exécutés et nous avons été exposés seuls avec l'Illustre et l'Ajax au feu de toute l'escadre ennemie. Notre avantgarde et premier vaisseau de corps de bataille avaient éloigné l'escadre ennemie de l'avant et au vent. Les vaisseaux le Vengeur et la Consolante avaient retenu le vent, mais sans doubler l'ennemi, et se trouvaient alors par notre travers au vent, avec le Flamand et tous les vaisseaux de l'arrière-garde. Le feu ayant pris au mât d'artimon dû Vengeur, il en a coupé le mât. A 4 heures 25, toujours dans la même position, très maltraité par le feu général Septembre 1782. 430 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. de l'ennemi, le lui rendant de notre mieux, ayant l'Illustre pour notre matelot d'arrière et l'Ajax de l'avant, le général a fait faire signal de virer par la contremarche, dans l'espérance que nos vaisseaux s'approcheraient et nous délivreraient de la fâcheuse position où nous nous trouvions. Les ennemis formaient un demi-cercle autour de nous et nous enfilaient de l'avant et de l'arrière dans les abattées, ayant la barre sous le vent, nos manoeuvres coupées et nos voiles en lambeaux ne nous servant plus. A 4 heures 1/2, nous avons appelé nos frégates ; mais elles étaient assez loin au vent. A 5 heures, fait signal de prendre la queue de la ligne, y joignant peu après celui de l'avant-garde, dont quelques vaisseaux étaient le plus près. La mer avait alors fort diminué, et le vent ayant calmé, avait passé au S. S. E. Les ennemis ont alors viré vent arrière ; s'ils l'eussent fait vent devant, nous étions tous trois coupés et sans doute détruits. Nous avons redoublé notre feu pour gêner leur manoeuvre. Notre équipage, désespéré de la mauvaise manoeuvre de nos vaisseaux, n'en était cependant pas découragé, et nous avons toujours répondu avec la même vivacité au feu des 12 vaisseaux ennemis, que nous recevions alors à bord opposé, réparti sur l'Ajax, l'Illustre et nous. Le signal d'arriver était toujours virer ; mais nos vaisseaux, qui avaient enfin mis le cap sur nous, venaient lentement. Nous avons fait signal aux frégates de venir donner la remorque aux vaisseaux incommodés et les retirer du feu. Elles étaient encore loin. L'Illustre, très maltraité, avait été obligé de passer de l'avant à nous, mais nous secondait toujours vivement ; il était démâté de son grand mât de hune et mât d'artimon. Peu après 6 heures, notre grand mât criblé, sans aucun hauban qui le retînt, est enfin tombé. Nous avons combattu dans cet état jusqu'à 6 heu- DU BAILLI DE SUFFREN 431 res 3/4, heure où les ennemis se sont éloignés et où nous ! avons enfin été joints par nos vaisseaux. L'Artésien, arrivé le premier, s'est mis au même bord que l'armée anglaise et a encore tiré quelques coups de canon. Les ennemis ont couru au S. O. et nous avons gardé la bordée du S. E. et E. S. E. Le général a passé sur le vaisseau l'Orient et a laissé M. de Moissac capitaine du vaisseau. Le Sphinx nous a pris à la remorque. A 8 heures, l'Illustre a démâté de son grand mât. A 9 heures, signal de mettre en panne, tribord amures. Les vents étaient alors au S. O., petits. MERCREDI 4.— Le vent au petit frais. Route au S. E. 1/4 Est. Au jour, le général a fait signal de donner la remorque aux vaisseaux incommodés. Aussitôt le Sphinx s'est approché et nous a. envoyé un grelin. Le petit Annibal a donné la remorque à l'Illustre. A 6 heures 3/4, vu et relevé les montagnes de Batacalo, S. O. 5° Sud, 12 lieues. A 8 heures, le général a fait signal de panne, tribord amures. Nous avons resté avec du vent dans les voiles, c'est-à-dire le Sphinx, pour nous approcher de l'escadre dont nous étions un peu éloigné. Nous travaillons à mettre un peu d'ordre dans nos manoeuvres, qui sont absolument toutes coupées. A 9 heures, la Bellone a été envoyée à Trinquémalay. A midi, lat. observée 8° 0' ; les montagnes de Batacalo, S. 0. 5° Sud, 12 lieues. Le vent au S. E., petit. Route à l'Ouest 1/4 S. O. pour gagner Trinquémalay, où il était à craindre que les ennemis n'eussent été mouiller. A midi 74, nous avons envergué une misaine. A 3 heures 3/4, le général a encore fait signal de panne pour rallier l'escadre et signalé la route à l'Ouest. A 5 heures 72, il a signalé à l'O. N. O. A 9 heures 1/2. signal de virer de bord. Nous avons pris les amures à bâbord. LIGNE DE BATAILLE MORTS ET BLESSÉS A L'AFFAIRE DU 3 SEPTEMBRE Frégates Canons La Fine .36 La Bellone 36 Le Pulvériseur .64 La Fortune 18 Capitaines Tués Blessés La Cosne, lieutenant.... 0 0 Beaulieu, ...... 0 0 Joyeuse, capit. de brûlot. 0 0 Lusignan, lieutenant... 0 0 Septembre 1782 432 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. Vaisseaux Canons Capitaines Tués Blessés L'Artésien 64 De Saint-Félix, capitaine 4 12 L'Orient 74 De la Pallière, » 0 0 Le Saint-Michel 60 D'Aymar, » 2 0 Le Sévère 64 De Langle, lieutenant. 0 0 Le Brillant 64 Kersauson, » ... 5 8 L'Annibal 50 De Galles, capitaine... 0 0 Le Sphinx 64 Du Chilleau, » ... 0 8 Le Héros 74 Suffren, G. Moissac, lieutt 30 72 L'Illustre 74 Bruyères, capitaine 24 82 Le Flamand 50 Salvert, lieutenant 1 13 L'Ajax 64 Beaumont, lieutenant... 10 24 La Consolante 40 Péan, » ... 3 8 L'Annibal 74 Tromelin, capitaine 0 0 Le Vengeur 64 Cuverville, » 1 20 Le Bizarre 64 Lalandelle, » 2 16 Total 82 255 Morts et blessés. Officiers tués Péan, lieutenant, commandant la Consolante; — Voutron, lieutenant de vaisseau, sur l'Illustre; — Saint-Légier, enseigne de vaisseau, sur l'Illustre; Officiers grièvement blessés Dubusquet, lieutenant de frégate, sur le Héros, une jambe emportée mort de ses blessures ; — Amielh, auxiliaire, sur le Héros, le gras de jambe emporté ; — Dulac, auxiliaire, sur le Héros, perdu l'oeil droit ; — Dankarloo, lieutenant suédois, sur l'Illustre, une cuisse emportée; — La Grandière, enseigne de vaisseau, sur le Bizarre, forte contusion à la jambe mort de ses blessures. Blessés légèrement De Bruyères, commandant l'Illustre ;— De Beaupoil, enseigne, sur l'Illustre ; — La Tourhody ; — De Seguin, officier dans l'Ile-de-France. Route pour Trinquémalay. JEUDI 5. — Le vent au S. S. O., petit, presque calme. Route au plus près, tribord amures. A 2 heures, signal de virer de bord ; pris bâbord amures. Route à l'O. N. O. DU BAILLI DE SUFFREN 433 Au soleil levé, relevé le Capuchon, S. O. 5° Sud ; distant de terre, 6 lieues. A 9 heures 1/4, le général, toujours sur l'Orient, a fait signal de chasser à la Fine. A 11 heures 72, nous avons eu la brise du large au S. E., petit. A midi, lat. observée 7° 55'. Le vent au S. E., petit. Route au N. O. A 1 heure, vu le mât de pavillon de Batacalo Sud 5° Ouest, 4 lieues. A 2 heures, le vent a varié au N. O., petit frais. Notre remorque a cassé. Nous avons mâté un grand mât de hune pour nous servir de grand mât. Sondé 35 brasses, gros gravier. A 3 heures 72, le vent s'est décidé au S. E., petit frais. Le Sphinx nous à alors envoyé la remorque. A 4 heures, signal de panne pour attendre l'Illustre, qui était loin de l'arrière. A 4 heures 1/4, signal de faire servir. Au soleil couché, relevé le Capuchon, Sud 1/4 S. O. ; la terre la plus Nord, N. O. 1/4 Ouest. Le vent au S. E., petit. Route au N. O. A 7 heures, signal de virer de bord; pris tribord amures. A 8 heures, signal de mouiller, dans l'ordre où l'on se trouve. A 9 heures 1/4, largué la remorque et mouillé par 3 brasses, sable et vase. Le vent à l'Ouest. VENDREDI 6. — Le vent au S. O., petit. A 5 heures 1/2, signal d'appareiller. A 5 heures 3/4, relevé le Capuchon, Sud 1/4 S. O. ; distant de terre 8 lieues. A 6 heures, nous avons mis sous voile. Le Sphinx nous a pris à la remorque. A 8 heures, le général est venu à bord. Appelé la Fine et la Fortune. A 11 heures, envergué un grand hunier pour grande voile. A midi, lat. observée 8° 11' ; longit. arrivée 79° 45' ; la montagne Sud de Trinquémalay, N. O. 1/4 Ouest; distant de terre 4 lieues. Le vent à l'Ouest, joli frais. Route au plus près, bâbord amures; A midi 1/2, l'Annibal a signalé une voile au N. O. ; signal de chasse à l'Artésien. Peu après, nous l'avons reconnue pour le cutter. Nous avons mis le pavillon de commandement. A 3 heures, le Lézard est venu nous parler. A 4 heures 3/4, signal de ralliement. Au soleil couché, avons relevé la pointe Sud de la baie, Ouest; le mât de pavillon, Ouest 1/4 N. O. 2° Ouest ; la pointe Nord, O. N. O. 5° Ouest ; distant de terre 3 lieues, Septembre 1782. 434 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. Le vent à l'O. S. O., petit frais. Route au plus près, bâbord amures. A 7 heures, allumé les trois feux de poupe et celui de hune. A 11 heures 3/4 signal de virer de bord; pris tribord amures. Mort de M. Duchemin. L'armée anglaise devant Goudelour. Le cutter le Lézard nous a rassuré sur Trinquémalay, ayant eu connaissance de l'escadre anglaise sur la pointe de Pedro. Il avait appris à Tranquebar la mort de M. Duchemin, arrivée le 11 d'août, à la suite d'une longue maladie. M. le comte d'Hofflize avait pris le commandement de l'armée. Le général Coote avait marché sur Goudelour, où notre petite armée s'était renfermée, et l'on croyait qu'il n'attendait que des munitions par mer pour en faire le siège. On disait Hyder-Ali-Kan hors d'état, pour le manque de fourrages, de se porter sur Goudelour. Cette nouvelle nous inquiétait d'autant plus que nous étions hors d'état, au moins pour quelques jours, d'aller au secours de notre armée. SAMEDI 7. — Lèvent à l'O. S. O., joli frais, par rafales; route au plus près, tribord amures. A 3 heures, trouvé 35 brasses, sable et vase. L'Orient échoué. A 5 heures, nous avons entendu plusieurs coups de canon tirés par un vaisseau échoué sur la pointe Sale ; aussitôt nous avons fait signal d'envoyer des secours au vaisseau incommodé. Peu après, nous l'avons reconnu pour l'Orient. A 6 heures, signal au Saint-Michel et à la Consolante de forcer de voiles pour s'approcher de l'Orient. A 6 heures 1/4, signal d'envoyer des ancres et des grelins au vaisseau incommodé. Le vent à l'O. S. O., joli frais; faisant route pour mouiller près de l'Orient et pouvoir lui donner du secours. A 6 heures 3/4, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. Nous avons crié au Sphinx d'arriver sur le vaisseau échoué et, à 7 heures 1/4, de larguer l'amarre. A 8 heures, nous avons mouillé par 15 brasses, fond de sable, gravier et corail. Relèvement la pointe Sud de la baie, S. E. 5° Est ; le mât de pavillon, O. N. O. 5° Nord ; la pointe Nord de la baie, N. O. 1/4 Nord. Le vent à l'O. S. O., joli frais. Le Vengeur, le Flamand, l'Ajax et le Bizarre ont mouillé au large de l'arrière-baie. Tous les vaisseaux ont aussitôt envoyé leur chaloupe, des grelins et des ancres à bord de l'Orient. La Consolante s'est mouillée très près de lui, pour qu'au besoin on pût virer sur elle ; mais le vent bon frais et la mer nuit beaucoup à la manoeuvre des chaloupes qui portent les ancres, et nous fait craindre pour le sort de ce vaisseau, qui est DU BAILLI DE SUFFREN 435 absolument sur les roches et d'où il paraît qu'on peut le tirer difficilement, étant déjà beaucoup sur le côté. A 5 heures, mis les flammes de l'Annibal, au Sphinx, du Saint-Michel, du Brillant. A la nuit, l'Orient était toujours dans la même position et l'on désespère de le sauver ; le vent soufflant toujours bon frais du S. S. O. et S. O. A 5 heures 1/2 du soir, le Lézard a mis sous voile pour la côte. DIMANCHE 8. — Le vent à l'O. S. O., toujours bon frais. Au jour, l'Orient a fait signal pour demander les bâtiments à rames. Le vaisseau était sur le côté bâbord jusqu'à la seconde batterie et était crevé par les roches. Toute espérance de le sauver est perdue. On va en retirer le monde et tous les effets qu'on pourra. Il serait à désirer qu'on pût le démâter; ses mâts serviraient du moins aux vaisseaux démâtés ; mais sa position très penchée rend cette manoeuvre très difficile pour ne pas dire impossible. Tous les bâtiments de rames de l'escadre ont été à bord. Au jour, signal de ralliement aux vaisseaux qui étaient mouillés au large. Le Vengeur a fait signal qu'il ne pouvait exécuter l'ordre, A 9 heures 74, le Brillant & fait signal d'incommodité, en demandant des ancres. Il n'avait que celle qui était à la mer. Le général lui a fait faire signal d'appareiller, pour s'approcher. La Bellone, venant dans le moment au mouillage, est tombée sur nous de l'avant, nous a obligés de filer notre câble par le bout et nous a cassé notre bâton de fer. Nous avons mouillé une grosse ancre et avons tenu. A 10 heures 3/4, des soldats du régiment d'Austrasie embarqués sur l'Orient sont venus à bord. Pendant la journée, le vent toujours au S. O., bon frais ; grosse mer. Les bâtiments de rames ont beaucoup de peine à naviguer. Le Brillant court des bords pour venir mouiller dans l'escadre. Même vent la nuit. LUNDI 9. — Le vent toujours au S. O., bon frais. Au jour, le grand mât de l'Orient est tombé, ses haubans ayant manqué au vent par la force qu'il faisait. Le vaisseau était toujours plus penché. Le Sévère et le Bizarre sont venus mouiller près de nous. Le Brillant a demandé des ancres et est toujours à louvoyer. L'après-midi, le Flamand a aussi mouillé. On continue à déblayer l'Orient ; mais la grosse mer rend cette opération très difficile. Même vent pendant la nuit. MARDI 10. — Le vent au S. O., frais, par rafales. A 6 heures, la Consolante a mis sous voile pour entrer dans la baie d'Austimbourg. Nous avons reçu à bord 70 hommes, provenant de l'Orient. Septembre 1782. Trinquémalay. 436 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. Nous allons travailler à démâter le mât d'artimon de l'Orient et l'on coupera le mât de misaine ras du premier pont, en ouvrant le côté du vaisseau pour le faire tomber à l'eau. Pendant la nuit, le vent au S. O., joli frais. MERCREDI 11. — Le vent au S. O., joli frais. Au jour la Bellone a mis sous voile pour aller à l'arrière-baie, et, de là, â la côte. Tous les vaisseaux envoient toujours à bord de l'Orient pour en sauver tout ce qu'on peut. A 6 heures, le Brillant a signalé une voile au Nord. Pendant la nuit, le vent au S. O., joli frais. JEUDI 12. — Le vent au S. O., petit frais; beau temps. A 6 heures, le Flamand a signalé une voile au N. O. Vu un petit bâtiment hollandais mouillé. On a envoyé des corvées de plusieurs vaisseaux pour travailler à démâter l'Orient. A 4 heures après-midi, on a démâté le mât d'artimon de l'Orient. La Fortune a mouillé à Back-Bay. A 4 heures 72, le cutter est mouillé près de nous, venant de la côte. La nuit, le vent au S. O., joli frais. Nouvelles. Le cutter nous a donné l'agréable nouvelle que l'amiral anglais, après le combat, avait été à Madras sans s'arrêter, non sans crainte d'être poursuivi par l'escadre française, dont douze vaisseaux devaient être sans aucune avarie. Le général Coote, à ces nouvelles, était parti précipitamment du coteau de Perimbé, où il était campé, attendant le secours de son escadre pour s'avancer de Goudelour, et s'était retiré au Grand-Mont. La prise de Trinquémalay l'avait aussi fort affecté, de sorte que notre combat, tout malheureux qu'il est, a encore été la cause du salut de Goudelour. On dit l'escadre anglaise plus maltraitée que nous devons nous y attendre. VENDREDI 13. — Le vent au S. O., joli frais. Envoyé du monde de corvée à bord de l'Orient, de plusieurs vaisseaux. Nos maîtres et charpentiers travaillent pour le démâtement du mât de misaine. A midi 1/4, le Lézard a mis sous voile pour l'arrière-baie, et la Fortune pour Batacalo. La nuit, même vent. SAMEDI 14. — Le vent au S. O., joli frais. A 7 heures 1/2, le Sévère a signalé une voile au Nord. Signal à la Fine d'être prête à appareiller. A 6 heures du soir, démâté le mât de misaine de l'Orient. La nuit, le vent au S. O., frais par rafales. DMANCHE 15. — Le vent au S. O., bon frais. Le Vengeur, ayant chassé, a mis sous voile pour s'avancer dans l'arrière-baie. On travaillé toujours à sauver des effets de l'Orient et surtout les ancres et les DU BAILLI DE SUFFREN 437 câbles ; mais les derniers donnent beaucoup de peine. Pendant la journée et la nuit, même vent. LUNDI 16. — Le vent au S. O., joli frais. Au jour, aperçu un bott hollandais, mouillé près de nous. A la même heure, signal à la Fine d'appareiller. A 1 heure 1/4, l'Annibal a mis sous voile pour aller à l'arrière-baie. A 3 heures, le vent a varié au N. E., petit grain et pluie par intervalles. On a remorqué à bord les mâts de misaine et d'artimon, ainsi qu'un bossoir dont nous avions besoin, le nôtre ayant été cassé dans le combat. A 8 heures, le vent a varié au S. O., joli frais. MARDI 17. — Le vent au S. O., petit. A 6 heures 1/4, signal d'appareiller. Nous avons maté un grand hunier factice et mis un perroquet de fougue pour petit mât de hune. A 6 heures 1/2, nous avons mis sous voile. A 9 heures 74, nous avons mouillé à l'arrière-baie par 10 brasses d'eau, fond sable et coquillages. Relèvement du mouillage la pointe Sud de la baie. S. E. 1/4 Est; le mât de pavillon, S. S. E. 5° Sud, 4 câbles ; le débarcadère, Sud; le fort d'Austimbourg, Sud 1/4 S. O.; la pointe Nord de la baie, N. N. O. 1° Ouest. Laissé mouiller près de l'Orient l'Artésien pour en apporter le beaupré et tous les gens qui y sont en corvée. A 11 heures 1/2, le vent a varié à. l'Est, petit frais. A midi 1/2, la Fine a mouillé, ayant des mâtures de l'Orient à la remorque. A 3 heures, l'Illustre a appareillé pour mouiller plus en dedans. Le Bizarre a fait de même. A 4 heures, l'Artésien a mis sous voile. A 6 heures, étant en calme et fort près de terre, il a demandé des bâtiments à rames. Aussitôt fait signal de les envoyer; mais le vent s'étant déclaré au S. O. a annulé le signal. A 6 heures, affourché au N. O. avec une petite ancre par 8 brasses 1/2, même fond. A 7 heures, grains de la partie du S. S. O., pluie et orage. Pendant la nuit, petit vent du S. O. et S. S. O. MERCREDI 18. — Le vent an S. O., petit. A 6 heures, le Sphinx a signalé une voile à l'Est. A 7 heures, signal au Saint-Michel d'appareiller en filant le câble par le bout. A 9 heures 1/4, le Saint-Michel a signalé français le bâtiment chassé. Annulé le signal de chasse et fait celui de ralliement. Reconnu la Fortune. A 11 heures 1/2, le vent a varié à l'E. N. E., petit. A midi, le Saint-Michel a mouillé au même poste. A 3 heures, la Fortune a mouillé avec un bott hollandais, venant tous les deux de Batacalo. Nous travaillons avec toute la dili29 dili29 Septembre 1782. 438 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. gence possible à nous réparer. L'Illustre doit prendre le grand mât du Bizarre, qui prendra celui de la Consolante, qui aura en échange celui d'un bâtiment hollandais. Il prendra le mât d'artimon de l'Orient. Nous enterons le mât de misaine de l'Orient sur le tronçon de notre grand mât et nous ferons encore servir notre mât de misaine et mât d'artimon, quoique très endommagés, en mettant dessus de fortes jumelles. Nous avons changé tous les haubans de misaine, dont la plupart étaient boutonnés jusqu'à trois fois. Nous avons embarqué deux mâts de hune provenant de l'Orient, qui nous serviront de bigues pour mettre notre grand mât. A 7 heures, le vent a varié au S. O. La nuit, de même. JEUDI 19. — Le vent au S. O., petit. On a envoyé un bott à bord de l'Orient pour en sauver quelques canons de sa seconde batterie. Nous avons travaillé à placer les bigues. Le Bizarre travaille à démâter son grand mât. L'Illustre élève des bigues pour se mater. Il nous est venu un lotty marron de Goudelour avec des lettres de l'armée, mais de vieille date. Le vent au S. O. VENDREDI 20. — Le vent au S. O., petit, presque calme. A 2 heures lJ2, variable ; pluie et orage ; la nuit, au S. O., petit frais. Dans la journée, le Bizarre a démâté son grand mât. SAMKDI 21. — Le vent au S. O., petit. Au jour, la Fortune a mis sons voile. Le Raikes étant destiné à aller en Europe, on lui a fait un équipage et on travaille à le mettre en état. Le Bizarre a maté son grand mât. A 6 heures, nous avons eu de l'orage. DIMANCHE 22. — Le vent au S. O., petit ; temps couvert. Le bott est venu de l'Orient avec des canons de sa seconde batterie. Pendant la. journée, le vent a varié au S. E. Nous avons mâté notre grand mât, enté sur le tronçon de l'ancien, au premier pont. L'Illustre a aussi maté le sien. Dans la nuit, le vent au S. O. Capitaines malades ; leurs commandements donnés à d'autres capitaines. LUNDI 23. — Le vent au S. O., petit. A 2 heures après minuit, la Bellone a paru courant de bord à bord pour venir au mouillage. A 5 heures, elle a mouillé, venant de la côte. A 2 heures, le vent a varié à l'Est, petit frais ; à 6 heures, à l'Ouest, petit frais ; grains de pluie. M. de Tromelin a demandé à quitter son vaisseau pour vaquer à ses affaires à l'Ile-de-France et de là aller en Europe. MM. de SaintFélix, de Lalandelle et de Galles, étant très incommodés, ont demandé à quitter leurs vaisseaux, pour aller à l'Ile-de-France rétablir leur santé. DUBAILLI DE SUFFREN . 439 Le grand Annibal est donné à M. d'Aymar et le Saint-Michel à M. Dupas, lieutenant de vaisseau; l'Artésien, à M. de Vignes, capitaine de vaisseau ; le Bizarre, à M. Tréhouset, lieutenant de vaisseau ; l'Annibal anglais, à M. de Beaulieu ; la Bellone, provisoirement à M. de Joyeuse, capitaine de brûlot ; la Fine, à M. de Saint-Georges; le Lézard, à M. Dufrainaux, lieutenant de frégate, et le Pulvériseur, destiné pour l'Ile-de-France, à M. Le Fer, lieutenant de vaisseau. M. de la Cosne, commandant la Fine, prend le commandement du Raikes, destiné pour l'Europe. A 9 heures 72, le Pulvériseur a mis sous voile pour l'Ile-deFrance. MM. de Tromelin, de Saint-Félix, de Galles et de Lalandelle sont passagers dessus. M. de la Pallière, commandant l'Orient, et M. Bouvet, qui est malade à terre, attendent une autre occasion. MARDI 24. — Le vent au S. O., petit frais; pendant la journée, il a varié au Sud. Nous avons affourché avec une grosse ancre. La saison des vents de N. E. approchant, nous avons guindé le petit mât de hune. Tous les vaisseaux travaillent à se réparer, à faire des vivres, de l'eau et du bois. A 5 heures, le vent a varié au S. S. O., grains, pluie et orage. Le Sphinx, en chassant, est tombé sur nous, mais sans aucune avarie. Le tonnerre est tombé à bord de l'Ajax, sans faire dommage essentiel. L'orage a duré jusqu'à 7 heures, que le vent a passé au S. O. MERCREDI 25. — Le vent au S. O., petit. A 6 heures, vu un bâtiment au large ; fait signal à la Bellone d'être prête à appareiller. A 7 heures, appelé le capitaine du Lézard. A 8 heures, présenté le grand mât de hune. A 9 heures, le cutter a mis sous voile pour Tranquebar. Le vent au S. O. JEUDI 26. — Le vent au S. O. Le bâtiment aperçu la veille court des bords pour s'approcher du mouillage, ayant pavillon hollandais. A 2 heures, guindé le mât de perroquet de fougue. VENDREDI 27.— Le vent au S. O., petit. A 9 heures 72, appelé à l'ordre. A midi, le vaisseau de la Compagnie hollandaise, nommé la Pallas, venant de Tranquebar, a salué de 15 coups de canon rendu 11 et a mouillé en dehors de la baie à 1 heure 72. Pendant la nuit, le vent a régné au S. O. SAMEDI 28. — Le vent au S. O., petit. Donné ordre aux vaisseaux d'envoyer les soldats anglais de la garnison de Trinquémalay à bord des bâtiments qui doivent les conduire à Madras. A 10 heures, la Septembre 1782. Départ du Pulvériseur pour les îles. Le Lérasd va à Tranquebar 440 JOURNAL DE BORD Septembre 1782. Fortune a mouillé dans l'escadre, venant de Batacalo. A midi, le vent à l'Ouest, petit, et petite pluie. Nous avons envergué nos voiles. Le navire français la Betsi a mis sous voile pour Madras, en parlementaire, portant une partie de la garnison de Trinquémalay. Parlementaire parti pour Madras. DIMANCHE 29. — Le vent au S. O., petit. Au jour, vu une voile à l'Est ; signal à la Fine d'être prête à appareiller. A 9 heures, la Concorde, bâtiment hollandais, est partie pour Madras en parlementaire, portant le reste de la garnison anglaise de Trinquémalay. A 4 heures 1/4, le vent au N. N. O. et petite pluie. A 5 heures 3/4, un portugais, venant de Galles, a mouillé dans l'escadre, ayant pour nous des vivres et cordages du Caire. A 6 heures 3/4, appelé à l'ordre. LUNDI 30.— Le vent au S. O., petit frais. Le départ est fixé à demain pour Goudelour. Le Raikes doit partir pour l'Europe deux jours après notre départ. M. de Châteaubourg, lieutenant de vaisseau, repasse en Europe pour raison de santé. Pendant le jour, le vent à l'Est, petit frais ; le soir et la nuit, au S. O. Octobre 1782. Appareillé de Trinquémalay. Route pour Goudelour. MARDI 1er OCTOBRE. — Le vent au S. O., petit. A 4 heures, signal de désaffourcher. A 8 heures 1/4, signal d'appareiller. A 9 heures, appelé la Fortune. A 10 heures, viré à pic. A midi, nous avons mis sous voile ; resté en paune jusqu'à 1 heure 1/4, que nous avons fait servir. A 3 heures 3/4, le vent a varié à l'E. S. O., petit frais. Envergué une grande voile. Route au Nord 1/4 N. O. A 4 heures 3/4, embarqué nos bâtiments de rames et fait route au N. N. O. Au coucher du soleil, relevé le pavillon de Trinquémalay, S. S. E. 5° Sud ; la terre la plus Nord, Nord 1/4 N. O. ; l'île aux Pigeons, Sud 5° Est ; distance 2 lieues.' Le vent à l'Est, petit frais. Route au N. O. 1/4 Nord. A 9 heures, vent au S. O., joli frais; pluie et orage. Sondé 25 brasses, fond de roches. MERCREDI 2. — Le vent au S. O. Route au N. N. O. A 4 heures, mis le cap au N. N. O. A 5 heures, signal à la Fine de chasser en avant de l'escadre. A 5 heures 1/2, sondé 25 brasses. A 8 heures, route au N. O. 5° Ouest. Trouvé 16 brasses, gros gravier. A midi, W. 0° 21' N. E. — Lat. observée 9° 40' ; longit. arrivée 78° 29'; route corrigée depuis hier à 6 heures du soir N. O. 1/4 Nord 3° Ouest, 20 lieues 2/3 ; distant de terre 8 lieues ; fond, 30 brasses. Le vent à l'O. S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. DU BAILLI DE SUFFREN 441 A 1 heure 3/4, le vent au S. O. 1/4 Ouest. Signal à la Fortune de nous passer à poupe. A 5 heures 1/4, ralliement à la Fine. A 6 heures, le vent à varié au S. S. O. ; petit frais. Route au N. O. 1/4 Ouest. La nuit, vent variable du S. S. O. au S. O. et Sud, petit frais. Route au N. O. JEUDI 3. — Le vent au Sud, petit frais. A 4 heures, mis le cap au N. O. 1/4 Ouest. A 5 heures 3/4, sondé 35 brasses, sable et vase; A 6 heures, route au N. O. A 6 heures 3/4, la Fine a signalé la terre. A 7 heures 3/4, elle a signalé le fond à 14 brasses; nous avons sondé, et trouvé 15. A 9 heures 3/4, la Fine a signalé/un bâtiment au N. O. 1/4 Nord; signal de chasse. A 11 heures, signal de chasse à l'Artésien et à l'Annibal anglais. Le bâtiment chassé était anglais et courait à terre un peu au Nord de Négapatnam. A 11 heures 1/4, signal de chasse au Sphinx. Le bâtiment chassé s'est échoué toutes voiles dehors. Alors signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre et d'attaquer l'ennemi. Les chasseurs ont manoeuvré pour s'approcher. Nous avons vu des chelingues aller à bord et retourner à terre. A midi, lat. observée 10° 32' ; longit. arrivée 77° 53' ; relevé le pavillon de Négapatnam, O. N. O. 5° Nord, 3 lieues; les pagodes de Nagur, N. O. A midi 1/2, l'Artésien, le petit Annibal et la Fine ont mouillé à portée de canon du bâtiment et ont commencé à le eanonner. A 1 heure, nous avons mouillé par 6 brasses, vase. Relevé le pavillon de Négapatnam, O. S. Sud ; les pagodes de Nagur, N. O. 74 Ouest ; distant de terre 1 lieue 1/2. Le vent à l'E. S. E., joli frais. Le vaisseau échoué ayant toujours son pavillon et ne ripostant pas sur nos vaisseaux qui tiraient, à 1 heure 1/2, nous avons envoyé notre grand canot armé à bord du bâtiment, avec ordre à M. le chevalier de La Tour du Pin de voir ce que c'était et d'y mettre le feu au cas qu'il ne fût chargé de rien d'essentiel et propre aux besoins de l'escadre. A 4 heures, le feu a été mis au bâtiment, qui a sauté en l'air avec une très grande explosion. Le fort de Négapatnam a tiré plusieurs coups de canon ; mais les boulets ne venaient point jusqu'à nos vaisseaux. A la même heure; signal de se tenir prêts à appareiller, et, peu après, de mettre sous voile. Le canot de retour à bord, nous avons su que le bâtiment était chargé de munitions de guerre, comme poudre, canons, mortiers, Octobre 1782. 442 JOURNAL DE BORD Octobre 1782. bombes, boulets, et de riz. Le général aurait désiré qu'on l'eût conservé, d'autant mieux que, n'étant échoué que dessus la vase, on l'eût aisément retiré. Tout le monde s'était sauvé à terre. Le bâtiment portait 24 canons et était doublé en cuivre, appartenant sans doute à la Compagnie. A 5 heures, signal aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles. A 5 heures 1/2, nous avons mis sous voile. Route au Nord 1/4 N. O. Au soleil couché, relevé les pagodes de Nagur, 5° Nord'; Négapatnam, S. O. 5° Ouest; Tranquebar, Nord 1/4 N. O.; distant de terre 1 lieue 1/2. Le vent au S. E. Route au Nord 5° Ouest. Pendant la nuit, le vent au S. E., Sud et S. O. par 10 brasses, vase. VENDREDI 4. — Le vent au S. O., petit frais. Route au Nord 1/4 N. O. A 3 heures 1/2, mis le cap au N. N. O. A 4 heures, sondé 20 brasses. Au jour, vu un bâtiment à tribord ; signal au Saint-Michel et à l'Annibal anglais de chasser à l'E. N. E. Au soleil levé, relevé Portonovo, O. S. O. 3° Sud, 1 lieue 1/2 ; les pagodes de Chalambaram, S. O. Le vent au S. S. O., petit. Route au N. O. 1/4 Nord. A 6 heures 1/2, l'Artésien a signalé une voile au Nord 1/4 N. E. ; nous lui avons fait signal de chasse. A 7 heures, signal de se préparer ' à mouiller avec une grosse ancre. A 7 heures 1/2, ralliement au petit Annibal. A 9 heures, le Saint-Michel a signalé neutre le bâtiment chassé. A 9 heures 1/4, ordre au Saint-Michel d'amener au général le bâtiment chassé ami ou neutre. A 10 heures 1/2, nous avons mouillé à Goudelour par 7 brasses, sable et vase. Relèvement le pavillon de Goudelour, N. N. O. 5° Ouest; la rivière, O. N. O. 3° Ouest; le Gouvernement, N. O. 1/4 Nord; la terre la plus Nord, Nord 1/4 N. E.; la terre la plus Sud, Sud ; distant de terre 1/3 de lieue. Le Bizarre perdu à la côte. Le vent au S. S. E., petit frais. A 10 heures 3/4, appelé à l'ordre. A 11 heures 3/4, le vaisseau le Bizarre, en venant au mouillage, s'est échoué sur la barre. Il a fait aussitôt signal de secours, demandant des ancres et des grelins ; fait signal d'envoyer les secours demandés ; à 3 heures 3/4, signal d'envoyer les bâtiments de rames au vaisseau incommodé. On a, aussitôt que le bâtiment a été échoué, élongé une touée et viré de dessus l'Artésien, mais sans pouvoir le retirer. Le peu de mer qui venait du large le jetait de plus en plus à la côte et, en DU BAILLI DE SUFFREN 443 roulant, lui faisait faire un lit dans le sable. Il avait aussitôt calé les basses vergues et mât de hune. Les coups de talon qu'il donnait faisaient craindre pour sa mâture. Enfin, à 5 heures, malgré tous les soins qu'on s'est donnés, soit en l'allégeant, soit en virant de plusieurs ancres, il n'y a plus d'espoir de le sauver, s'étant crevé en tâtonnant et rempli d'eau. Nous avons appris que le bâtiment que nous avions fait sauter à Négapatnam était un corsaire que la Compagnie avait frété à Madras pour porter des secours en munitions de guerre et de bouche à Négapatuam et destiné pour l'armée de Tanjaour. Il y avait été escorté par le vaisseau de guerre le Sultan, qui, en retournant, avait enlevé le cutter le Lézard, en rade de Tranquebar, où il était mouillé sur la foi des traités, et l'avait conduit à Madras. Le fait s'était passé deux jours avant notre apparition à Négapatnam. Pendant la nuit, le vent à soufflé du S. O. et S. S. O., petit. SAMEDI 5. — Nous trouvant un peu trop près de terre pour la saison, nous avons appareillé et avons mouillé un peu plus au large. La rivière, O. S. O., 2/3 de lieue; le Gouvernement, N. O. 5° Ouest ; le pavillon, N. O. 5° Nord. On a envoyé tous les bâtiments de rames à bord du Bizarre pour en sauver tout ce qu'on pouvait, le vaisseau étant décidément perdu. Pendant la nuit, vent au S. O., petit frais. DIMANCHE 6. — Même vent. Plusieurs vaisseaux ont mis sous voile pour mouiller plus au large. Après midi, le vent à varié au S. Ê. On continue à déblayer lé Bizarre. La nuit, vent au S. O. LUNDI 7. — Nous avons débarqué les soldats d'Austrasie, de la légion de l'Ile-de-France et les volontaires de Bourbon, qui ne faisaient point partie des garnisons des vaisseaux. L'équipage du Bizarre a été réparti sur les vaisseaux de l'escadre. On va travailler à le démâter de ses mâts majeurs, si cela est possible, car le vaisseau est déjà très penché. A 8 heures 1/4 du matin, la Fine a mis sous voile pour le Sud. L'après-midi, le vent a varié à l'E. S. E. MARDI 8, MERCREDI 9. — Le général avec M. de Moissac ont été en canot à Pondichéry. Ils sont revenus le soir par terré. On continue à travailler au démâtement du Bizarre. Le jour, vent au S. E. la nuit, au S. O. JEUDI 10, VENDREDI 11. — Le vent au N. N. O. L'Annibal anglais a mouillé plus au large. A 1 heure, la Fine a mouillé dans l'escadre, venant de Tranquebar. On a démâté le Bizarre de son Octobre 1782. Le Lézard pris en rade de Tranquebar. Goudelour. 444 JOURNAL DE BORD Octobre 1782. grand mât. Pendant la journée, le vent à l'E. N. E., petit frais ; la nuit, au N. N. O., petit. SAMEDI 12. — Le vent au N. petit; mer de N. E.; la barre mauvaise. Le général a pris le parti, vu la saison qui s'avance, d'aller mouiller plus au rivage. A 1 heure 1/2 après-midi, signal aux vaisseaux mal mouillés d'appareiller pour changer de mouillage. A 2 heures, signal à l'Ajax et au Brillant d'appareiller. A 3 heures 3/4, nous avons mis sous voile, le vent à l'E. N. E., petit; temps couvert, orageux, et l'horizon très chargé. A 4 heures, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre ; à 5 heures, de virer de bord ; pris tribord amures. A 5 heures 1/2, même signal; repris l'amure à bâbord. A 7 heures 1/2, nous avons mouillé par 12 brasses, vase. Le vent au N. N. E. ; petite pluie et orage toute la nuit. DIMANCHE 13. — Le vent au N. petit; grosse pluie. Au jour, signal de ralliement à l'Artésien et à l'Annibal anglais, qui étaient restés à l'ancien mouillage ; ils ont mis sous voile. Trois de nos vaisseaux, qui sont restés sous voile, font des bords pour prendre le mouillage ; l'Artésien et l'Annibal anglais ont mouillé près de nous. A 9 heures 1/2, quelques vaisseaux sous le vent ont mis sous voile pour s'approcher de nous. Relevé le pavillon, N. O. 1/4 Nord 2° Ouest, 1 lieue 2/3 ; le Gouvernement, N. O. 2° Nord. De midi à 4 heures, le vent au N. N. E., joli frais ; temps orageux et chargé. A 4 heures 1/2, vu deux bâtiments au N. E. faisant route au Sud. Dans la journée, il est venu plusieurs chelingues à bord, ayant du monde à l'escadre qui était resté à terre. Une chelingue a chaviré sur la barre ; il s'est noyé quelques personnes. Dans la nuit, le vent du N. E. au Nord, joli frais ; pluie et orage. LUNDI 14. — Le vent au Nord, petit frais. Au jour, vu un bâtiment au mouillage, à 2 lieues, mettant sous voile ; signal à la Fine d'appareiller et d'amener le bâtiment au général. A 11 heures, il a mouillé dans l'escadre ; c'était un danois, venant du Bengale ; il avait vu l'escadre anglaise en rade de Madras; il allait à Tranquebar. Le reste du jour et de la nuit, vent de l'E. N. E. au N. N. E. Appareillé de Goudelour. MARDI 15. — Le vent au N. E., joli frais. A 3 heures, grain de la partie du Nord et N. N. O., joli frais, avec pluie; au jour, apparence de mauvais temps. La partie du Nord et N. E. étant très DU BAILLI DE SUFFREN 445 chargée, la mer grosse, le général s'est résolu à appareiller et à quitter la côte. A 8 heures 1/2, mis le pavillon en berne et tiré trois coups de canon pour appeler nos bâtiments à rames ; à 9 heures 1/4 , nous' les avons embarqués. A 10 heures 72, signal de se préparer à appareiller ; peu après, de virer à pic, et, à 11 heures, d'appareiller, le vent alors au N. N. E., joli frais, grosse mer du N. E, Nous avons eu beaucoup de peine pour aller sur l'ancre et la déraper; mais enfin, à midi, nous avons appareillé. A midi 1/4 , l'apparence du temps étant toujours plus mauvaise, et voyant plusieurs vaisseaux qui ne pouvaient avoir leur ancre, fait signal de couper les câbles en laissant une bouée. A midi 1/2, fait route à l'E. S. E. A 1 heure 3/4, signal à tous les bâtiments de l'escadre de mettre leur numéro ; nous avons dépassé les mâts de perroquet et calé la vergue d'artimon ; le vent au la mer augmentant toujours. A 3 heures, fait route à l'E. 1/4 S. E. A 3 heures 3/4, le Brillant a signalé une voie d'eau ne pouvant se réparer à la mer. A 5 heures 1/2, le vent ayant passé au N. fait route à l'Est. A 10 heures, le vent a varié au S. O., petit frais; beau temps. La mer diminuant, continué la même route. L'intention du général est de faire route pour Achem, où nous devons hiverner, et nous joindre avec la division de M. de Peynier et l'armée de M. de Bussy, ainsi que les renforts nous venant d'Europe, qui doivent, dit-on, trouver des ordres au Cap, pour y venir en droiture. La Bellone et la Fortune, laissées à Trinquémalay, ne nous ayant pas joints à Goudelour, sans doute à cause du vent du Nord, y trouveront des ordres, laissés par le général, de venir nous joindre à Achem. MERCREDI 16. — Le vent au S. O., petit; beau temps ; belle mer. Route à l'Est. Travaillé à réparer les mâts, de perroquet. Au jour, appelé la Fine. A 6 heures, le Vengeur et le Brillant ont demandé à parler au général ; accordé. A 7 heures, le vent a varié au Sud, petit. A 10 heures, gouverné au N. E. 1/4 Nord. Appelé les canots de plusieurs vaisseaux pour leur remettre des personnes de leurs équipages que nous avions à bord. A midi, lat. observée 11° 5' ; longit, estimée 79° 3'; route corrigée depuis hier midi E. S. E., 26 lieues 2/3. Le vent au S. S. E., presque calme. Route au plus près, tribord amures. L'après-midi, le vent a passé au Sud. Route à l'Est. Octobre 1782. Route pour Achem. Rendez-vous général. 446 JOURNAL DE BORD Octobre 1782. JEUDI 17. — Le vent au S. O., presque calme. Route à l'Est. A 2 heures 72, le vent a varié à l'Ouest, petit frais ; grain et pluie par intervalles. A 10 heures, le vent a varié au Nord, petit, et petite pluie. A midi, point de hauteur. W. N. E. — Lat. estimée 11° 5'; longit. estimée 79° 37'; route estimée Est, 11 lieues. Le vent au N. petit. Route à l'Est. A 3 heures, petit, grain et pluie dans la partie du Nord. A 10 heures 72, le vent a passé à l'Est. Signal de virer de bord vent devant ; pris tribord amures. VENDREDI 18. — Le vent à l'Est, joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, petit grain et pluie. A midi, pris hauteur. Lat. observée 10° 55'; longit. estimée 80° 8'; route estimée depuis avant-hier Est. 1/4 S. E. 2° Sud, 20 lieues 2/3 diff. Sud 8 lieues. A midi 1/2, le Sévère nous a envoyé quatre hommes de notre équipage, qu'il avait à son bord. A 2 heures, signal aux vaisseaux de tête de diminuer de voiles, et ralliement. A 7 heures, le vent ayant passé à l'E. N. E., signal de virer de bord; pris tribord amures La nuit, nous avons eu le même temps. SAMEDI 19. — Vent variable du N. E. au N. N. E. par grain. Route au plus près, bâbord amures. A 4 heures, le vent a sauté à l'E. S. E. et nous avons coiffé. A 5 heures, le vent ayant varié au N. E., fait signal d'amures à bâbord. A 6 heures 72, ordre de marcher sur trois colonnes. A midi, point de hauteur. W. par azimut 1° 52° N. E. — Lat. estimée, 10° 36; longit. estimée, 80° 47; route estimée, E. S. 3° S., 14 lieues 74. A 4 heures, signal de ralliement à la Fine. A la même heure, nous avons arrivé pour rallier les vaisseaux de dessous le vent; pris les bas ris aux huniers. Jusqu'à minuit, vent variable au N. E., joli frais ; grain et pluie par intervalles. DIMANCHE 20. — Le vent au S. E. N. E., petit frais ; grain et pluie. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, le vent a varié dans la partie de l'Est ; signal de virer de bord; pris tribord amures et allumé nos feux. A 6 heures, arrivé pour rallier le Sévère, qui était sous le vent. A 6 heures 3/4, signal de ralliement au Saint-Michel. A midi, point de hauteur. Lat. estimée 10° 22'; longit. estimée 81° 3; route estimée S. E. 1/ 4 Est, 7 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 447 A 3 heures, signal au Brillant de forcer de voiles. A 6 heures, le vent à l'E. N. E., petit ; signal de virer de bord vent arrière ; pris bâbord amures. A 10 heures 1/2, le vent ayant varié, à l'E, S. E., petit frais, grains et pluie, signal de virer de bord vent devant ; pris tribord amures. LUNDI 21. — Le vent à S. E., joli frais ; pluie par intervalles ; au plus près, tribord amures. A 2 heures, vent au S. S. E., joli frais ; vent et pluie ; à 6 heures 1/2, il a varié à l'Ouest, petit grain et pluie. Route à l'Est. A 7 heures, signal de ralliement à toute l'éscadre ; le vent a varié au Sud. A 11 heures 1/4, signal aux vaisseaux de l'arrière de forcer de voiles. A midi, point de hauteur. Lat. estimée 10° 28'; longit. estimée 81° 25'; route estimée E. N. E. 4° Est, 7 lieués 1/3. Le vent au S. S. O., petit. Route à l'Est, A 1 heure, signal aux vaisseaux de l'arrière de forcer de voiles ; mis le cap à l'E. N. E. A 6 heures 1/4, le vent a varié au Sud, petit; allumé nos feux. A 10 heures 1/2, le vent au S. S. E., joli frais ; à 11 heures, au S. S. O.; toujours grain et pluie. MARDI 22. — Le vent au S. O., joli frais; pluie. Route au S. E. S. E. A 6 heures, signal de panne, tribord amures et ralliement. A 3 heures 3/4, fait servir et fait route à l'Est. A midi, pris la hauteur. W. par azimut 5° 40' N. E. ; W. 1° 39' N. E.— Lat. observée, 11° 11'; longit. observée, 82° 51' ; route corrigée depuis vendredi, Est 5° Nord; 53 lieues 2/3. Vent au S. S. O. A 1 heure 3/4. l'Ajax a signalé un homme à la mer. A 2 heures, signal de panne ; à 2 heures 1/2, de faire' servir. Remis en route, vent variable du S. O. au S. S. O., petit; MERCREDI 23. — Le vent au S. O. joli frais. A 4 heures, petit grain de pluie. Route à l'Est. A 5 heures, signal aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles; à 10 heures, signalé la route à l' A midi, lat. observée 11° 11' ; longit. observée 84° 51' ; route corrigée Est, 40 lieues 2/3 ; différence Nord 3 lieues 1/2. A 1 heure, signalé la route au S. E. 1/4 Est. Le reste du jour, le vent à l' O. JEUDI 24. — Vent au S. O., joli frais. Route au S. E. 1/4 Est. A 6 heures 1/2, fait route à l'E. S. E. à 7 heures 1/2, signal de ralliement ; à 10 heures, route à l'Est 1/4 S. E., le vent toujours dans la partie du S. O. Octobre 1782. Route pour Achem. 448 JOURNAL DE BORD Octobre 1782. A midi, lat. observée 10° 3' ; longit. arrivée 86° 51' ; route corrigée S. E. 1/4 Est, 45 lieues 1/3 ; différence Nord 2 lieues. Signalé la route à l'Est. A 1 heure 1/2, grain et pluie, même vent. Pendant la nuit, vent à l'O. S. O., joli frais. Route à l'Est 3° Sud. VENDREDI 25. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. A 4 heures, petit grain de pluie. A 6 heures 1/4, fait route à l'Est 1/4 S. E. Signal à la Fine de chasser à 4 lieues en avant de l'escadre. A midi, lat. observée 9° 45' ; longit. estimée 89° 17' ; route corrigée Est 1/4 S. E, 4° Est, 48 lieues. Le vent à l'O. S. O., joli frais; grain par intervalles. Route à l'Est. A 9 heures du soir, la Fine a rendu compte qu'elle n'avait point vu la terre. Sa longitude estimée était 91° pendant la nuit, à l'O. S. O., frais. Route à l'Est. SAMEDI 26. — Le vent à l'O. S. O., joli frais; temps couvert; pluie par intervalles. Route à l'Est. A 6 heures 1/4, croyant avoir dépassé l'île Carnicobar, les courants, selon M. Dapris, portant à l'Est, nous avons fait route au S. E. 1/4 Est et l'avons signalé. A 6 heures 1/2, signal à la Fine de chasser en avant de l'escadre. Nous avons demandé en même temps la longitude observée des vaisseaux de l'escadre. N'ayant point de signal pour demander l'estime, aucun n'a répondu. Depuis notre départ de Goudelour, le temps toujours couvert nous a empêchés de faire des observations. A 7 heures, mis le cap au S. E. A midi, point de hauteur. Longit. estimée 9° 20' ; lat. estimée 91° 50' ; route estimée Est 1/4 S. E., 50 lieues 1/2. Le vent au S. O., joli frais. Route au S. S. E. A 2 heures, signal de tenir le vent. Nous avons arrivé pour rallier les vaisseaux de dessous le vent. A 2 heures 3/4, nous sommes revenus au vent ; pris le plus près, tribord amures, et signal de ralliement. A 4 heures, le Phénix a signalé la terre au N. E. ; plusieurs vaisseaux ont fait le même signal. A 4 heures 1/4, appelé le Phénix. Carnicobar. Relevé la terre la terre la plus Nord, N. E. 5° Nord ; la terre la plus Sud, Est 1/4 S. E. ; distant de la terre 6 lieues. Le Phénix nous a dit qu'il croyait cette terre l'île de Carnicobar; en effet, par sa position, ce ne pouvait être que cette île. A la même heure, signal de virer de bord ; pris bâbord amures, voulant passer au Nord de Carnicobar. Pendant la nuit, vent au S. O., joli frais ; grain et pluie. Route au plus près, bâbord amures. DU BAILLI DE SUFFREN 449 DIMANCHE 27. — Le vent au S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 6 heures, étant à l'Est 1/4 S. E. de Carnicobar, distant de 15 lieues, fait signal d'arriver. Route à l'Est 1/4 N. E. A 8 heures, vu la terre au S. E. 1/4 Est, distante de 8 lieues. Gouverné à l'Est ; à 9 heures, à l'Est 1/4 S. E. ; à 9 heures 1/2, à l'E. S. E. A 11 heures, signal à la Fine de chasser 4 lieues en avant de l'escadre. Diminué de voiles pour attendre les traîneurs. A midi, lat. observée 9° 21' ; longit. estimée 90° 35'. Relevé le milieu de l'île, S. O. 1/4 Sud; la pointe Nord, O. S. O.; la pointe Sud, S. S. O. 5° Sud ; distant de terre 2 lieues 1/2. D'après la hauteur, cette île est marquée sur la carte à 5 lieues 2/3 plus Nord ; différence Ouest depuis le départ de Goudelour 35 lieues. A 2 heures, le vent a varié à l'Ouest, petit grain et pluie; A 5 heures 1/2, le cap au S. E. 1/4 Est; à 6 heures 3/4, pris les bas ris aux huniers; petit grain et petite pluie par intervalles. A 9 heures, la Fine a rendu compte qu'elle avait, au soleil couché, la terre à 9 lieues au S. S. E. C'est sans douté l'île Talichan. LUNDI 28. — A 2 heures, le vent a varié à l'O. N. O., frais; grain et pluie. A 8 heures, signal de tenir le vent; pris le plus près, tribord amures; à 9 heures 1/2, le Flamand a signalé la terre au S. E. A midi, point de hauteur. — Lat. estimée 8° 18'; longit. estimée 91° 47' ; route estimée S. E. 3° Est, 32 lieues. Vent à l'O. S. O., joli frais; grain et pluie par intervalles. A 4 heures, signalé la route Sud 1/4 S. E. Vent à l'Ouest, joli frais. A 4 heures, vu la terre. Relevé l'île Nacaravy, O. S. E., 7 lieues. A 5 heures 3/4, vent à l'O. S. O., petit frais. Même route. Relevé l'île Souvy, 1/4 Sud; l'île Nacaravy, Ouest, 8 lieues. Pendant la nuit, vent variable du S. O. à l'Ouest, petit. MARDI 29. — Le vent au S. O., presque calme petite pluie. Route au plus près, tribord amures. A 4 heures 1/2, le vent a varié à l'Ouest, petit frais ; grain et pluie. Route au Sud 1/4 S. E. A 6 heures, le vent a varié au S. O., petit. A 9 heures 1/4, un soldat de la marine est tombé à la mer ; nous sommes aussitôt venus, avons coiffé toutes nos voiles et mis le bateau à la mer, mais sans pouvoir le trouver. A 10 heures, nous avons rembarqué le bateau et fait route au Sud 1/4 S. O. A midi, pris hauteur. — Lat. observée 7° 9'; longit. 92° 16' ; route corrigée, depuis le 27, S. E. 1/4 Sud 3° Est, 55 1ieues. Octobre 1782. Route pour Achem. 450 JOURNAL DE BORD Octobre 1782. L'île grande Nicobar. nous reste à l'Ouest 1/4 N. O., 9 lieues. Le vent à l'O. S. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. A 1 heure 3/4, mis le cap au Sud 1/4 S. E. A 2 heures, grain frais de la partie de l'Ouest. A 4 heures, relevé l'île Nicobar, Ouest 1/4 N. O., 9 lieues. A la même heure, le vaisseau le Flamand a signalé la terre à l'O. S. O. et S. O., petit frais ; grain par intervalles. Route au Sud 1/4 S. E. ..... MERCREDI 30. — Le vent au S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, relevé l'île Ronde, S. E. 1/4 Sud, 8 lieues. A 6 heures, signal à la Fine de nous passer à poupe.. A 7 heures 3/4, relevé l'île Ronde, S. E. 1/4 Est, 4 lieues. A 8 heures, la Fine a envoyé un canot à bord avec un officier; le général a donné ordre à M. de Saint-Georges de forcer de voiles et de prendre connaissance de la rade d'Achem, après quoi de venir lui rendre compte. A 11 heures, signal de virer; pris bâbord amures. A midi, point de hauteur et relevé lat. estimée 6° 0'; longit. estimée 93° 0'; le milieu de l'île Ronde, Est 1/4 S. E., 2 lieues ; la pointe N. O. de Pulo Way, S. E. ; la pointe N. O. de Pulo Brasse, Sud 2° Est. Vent au S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, signal de. virer vent devant, tous à la fois ; pris tribord amures. La Fine a fait route pour Achem. A 4 heures 1/4, l'Illustre a signalé un homme à la mer. A 5 heures 1/4, signal de ralliement ; à la même heure, signal à l'Ajax de virer de bord. Au soleil couché, relevé l'île Ronde, 5° Est, 3 lieues. 1/2 ; le plus en dehors, E. S, E. 2° Sud ; la pointe N. O. de Pulo Way, S. E. 2° Est ; la pointe N. O. de Pulo Brasse, Sud 5° Est. A la même heure, signal de virer vent arrière, tous en même temps ; avons arrivé pour rallier l'escadre. A 7 heures, pris le plus près, bâbord amures ; le vent toujours au petit frais. JEUDI 31, - Le vent au S. O. et O. S. O., petit frais. Route au plus près, les amures à bâbord. A minuit, signal de virer de bord; pris tribord amures. A 3 heures 1/2, le vent ayant varié au Sud, joli frais, signal de virer de bord; pris bâbord amures. En même temps, un grain de la partie de l'Ouest et l'O. S. O. A 6 heures 3/4, signal de virer de bord ; pris tribord amures. Vent au S. O., petite pluie. DU BAILLI DE SUFFREN 451 A midi, hauteur. Lat. observée 6° 23'; longit. observée 93° 3'; relèvement de l'île Ronde, Sud 5° Est, 8 lieues; la pointe Ouest de Pulo Way, S. S. E. 5° Sud; la pointe Ouest de Pulo Brasse, Sud 1/4 S. O. 3° Sud. Calme plat au coucher du soleil. Relevé l'île Ronde, Sud 5° O., 8 lieues; la pointe N. O. de Pulo Way, Sud 1/4 S. E. ; la pointe de Pulo Brasse, Sud 1/4 Le vent au S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. VENDREDI 1er NOVEMBRE.— Le vent à l'O. S. O., petit; belle mer. Route au plus près, tribord amures. Au soleil levé, relevé l'île Ronde, N. O. 1/4 Nord ; la pointe N. O. de Pulo Way, S. O. 1/4 Ouest ; la pointe S. E. S. S. E. ; distant de Pulo Way 3 lieues. Le vent à l'Ouest, petit. Nous avons côtoyé l'île du côté de l'Est, à 1 heure de distance, pour entrer dans la passe de Malacca ; à 7 heures, mis les pavillons et tiré un coup de canon. A midi, relevé la pointe S. E. de Pulo Way, l'île Ronde, O. N. O. 5° Nord ; la pointe de Pedro, Sud 3° Est ; la pointe du Roi, S. S. O. 5° Ouest ; distant de Pulo Way 2 lieues. Le vent au petit. A 2 heures, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. À 2 heures 1/4, permis de prendre le mouillage aux vaisseaux qui en sont à portée. A 2 heures 3/4, pris les amures à bâbord. A 3 heures, reviré, pris tribord amures. A 4 heures 3/4, sondé 17 brasses, sable fin et corail, étant pour lors â 2/3 de lieue S. S. E. de Pulo Bouro. La Fine, en mouillant à Achem, nous a envoyé sa chaloupe; la Bellone et la Fortune étaient au dit mouillage. Au coucher du soleil, relevé la pointe Ouest de Pulo Brasse, O. N. O. 5° Ouest ; la pointe Est de Pulo Nancy, O. S. O.; la pointe du Roi, S. O. 5° Sud; le mouillage d'Achem, S. O. 1/4 Sud; Pulo. Bouro, N. E. 1/4 Est; la pointe Sud de Pulo Way, N. N. O. 5° Ouest ; distant de la terre 1 lieue. Vent à l'Ouest, petit ; courant du bord pour prendre le mouillage. A 7 heures, nous avons mouillé par 20 brasses, sable noir ; distant de terre 1 lieue. Même relèvement qu'au coucher du soleil. SAMEDI 2. — Le vent à l'Ouest, petit presque calme. A 10 heures 3/4, le vent ayant passé au N. O., petit frais, signal d'appareiller ; nous avons aussitôt mis sous voile et mouillé, à 3 heures, à la rade d'Achem, par 27 brasses, fond sablé et petit coquillage. Octobre 1782. Novembre 1782. 452 JOURNAL DE BORD Novembre 1782. Relèvement corrigé l'entrée de la rivière, E. S. E.; la pointe de Pedro, E. N. E. 5° Nord ; Pulo Bouro, N. E. 5° Est ; la pointe Sud de Pulo Way, N. N. O. 2° Ouest; la pointe N. O. de Pulo Brasse, O. N. O.; la pointe du roi, S. O. 1/4 Ouest 3° Ouest; distant de terre, 1/2 lieue. Trouvé la Bellone et la Fortune. Affourché Nord et Sud avec l'ancre de détroit; mouillé au Sud par 15 brasses, même fond ; la Bellone et la Fortune étaient arrivées depuis quelques jours ; il y avait encore au mouillage d'Achem, trois petits bâtiments danois et trois petits bâtiments appartenant au roi d'Achem. L'Annibal, le Flamand, et l'Ajax sont encore mouillés au large. Pendant la nuit, calme. DIMANCHE 3. — Le vent an Sud, presque calme. Nous avons envoyé à l'eau, qu'on fait très commodément dans la rivière. M. de Moissac a été envoyé à la ville d'Achem, à environ 1 lieue 1/2 dans la rivière, pour faire part au roi de notre arrivée et lui présenter les respects du général. Comme on ne voit point. Sa Majesté, il s'est adressé au shabaudar ou ministre, qui a fait la commission, à laquelle le roi a répondu qu'il était bien aise de notre arrivée et nous offrait tout ce qui dépendait de lui et, en même temps, nous envoyait quelques boeufs et fruits en présents. A 11 heures du matin, la Bellone a mis sous voile pour Malacca, possession hollandaise, afin dé tâcher de s'y procurer des vivres et agrès pour l'escadre. Tous les vaisseaux ont gagné le mouillage ; le vent à O. S. O.; la nuit Sud. Achem. LUNDI 4. — Le vent au Sud, presque calme. Appelé le capitaine du Saint-Michel. A 10 heures, le vent s'est déclaré à 0. S. 0., petit frais. A 3 heures 1/2, un bâtiment danois, venant de Tranquebar, a mouillé dans la rade. La nuit, vent au Sud. MARDI 5. — Le vent au S. S. E., petit frais. L'après-midi, appelé le capitaine de la Fine. Pendant la journée, le vent à l'O. S. 0., petit frais ; la nuit, au S. S. 0., petit, et petite pluie. MERCREDI 6. — Le vent au S. S. 0., petit frais. A 6 heures du matiu, appelé le capitaine de la Fortune. A midi, la Fine a appareillé avec ordre d'aller à Gueda, côté de l'Est, pour y acheter tout le riz qu'elle pourrait porter et venir ensuite nous rejoindre. Tous les DU BAILLI DE SUFFREN 453 vaisseaux font de l'eau. Pendant la journée, les vents à Ouest et O. S. O., joli frais ; la nuit, à l'O. S. O., petit, et petite pluie. JEUDI 7. — Le vent au S. S. O., petit ; temps couvert. A 6 heures, signal à la Fortune d'appareiller; à 6 heures 1/2, elle a mis sous voile avec ordre d'aller croiser au vent dans la partie de l'Ouest, pour pouvoir nous avertir en cas que l'escadre anglaise eût aussi fait le projet de venir hiverner à Achem. Elle doit rester' en croisière jusqu'au renversement de la mousson. A 4 heures, le Brillant a signalé une voile au N. E. Pendant le jour, le vent à l'O. S. O.; la nuit, calme. VENDREDI 8. — Le vent au S. S. E., petit frais ; le temps beau. A 9 heures, le Flamand a signalé une voile au N. E.; à 9 heures 1/2, le Flamand a signalé une voile à l'E. N. E ; au même instant, signal au Saint-Michel de se tenir prêt à appareiller. A 11 heures, il amis sous voile; mais lés courants le portant sur le Brillant, il a été obligé de remouiller pour ne pas l'aborder, et n'a mis sous voile qu'à 5 heures 72 du soir, faisant route pour la passe de Malacca, en' chasse du bâtiment aperçu, mais qu'on ne voyait, plus, ayant doublé la pointe de Pedro. Pendant là journée, le vent à l'O., petit ; la nuit, au S. S. O. SAMEDI 9. — Le vent au S. O., petit frais ; beau temps. A 11 heures, il a varié à l'E. N. E., petit.; la nuit, il a soufflé à l'E. S. E. DIMANCHE 10, — Le vent au S. E., petit; temps nébuleux. A 6 heures 1/2, le Flamand a signalé deux voiles au S. S. O. A la même heure, un bâtiment danois a mis sous voile. A 7 heures, le vent a passé à l'E. N. E ; temps couvert et petite pluie. Les bâtiments aperçus ont été reconnus pour le Saint-Michel et une prise, manoeuvrant pour gagner le mouillage. A 4 heures 1/2, le Saint-Michel a mouillé. Pendant la journée et la nuit, vent à l' E., petit. LUNDI 11. — Le vent au S. E., petit ; temps,couvert. Un bâtiment du pays a mis sous voile. A 7 heures, le vent a passé à l'Est, petit, et petite pluie; la prise du Saint-Michel était encore à 4 heures du mouillage. A 1 heure 1/2, un bâtiment du pays a mouillé en rade. La prise du Saint-Michel est un brick, nommé le Nautilus, venant du Bengale à Achem, chargé d'opium, toile et tabac. Dans la nuit du jour qu'il avait paru, il avait envoyé un canot à terre vers la pointe de Pedro, pour savoir qui nous étions, et, ayant su que nous étions Français, il avait repiqué au Nord et avait été aperçu dans la nuit par 30 Novembre, 1782. Prise. 454 JOURNAL DE BORD Novembre 1782. le Saint-Michel, qui l'avait chassé jusqu'à l'île Ronde, où il l'avait pris. Dans la journée, le vent a soufflé au N. E., petit frais. La prise a mouillé. Pendant la nuit, le vent à l'E. S. E. MARDI 12. — Le vent à l'Est, petit frais; temps nébuleux. A 6 heures 72, le Saint-Michel a mis sous voile pour aller croiser dans la partie de l'Est sur Pulo Way. A 10 heures, nous avons eu un grain de vent et de pluie dans la partie de l'E. N. E. A 1 heure, appelé le capitaine du Flamand. Deux parents du roi sont venus à bord pour complimenter le général de sa part et lui apporter quelques présents, consistant en boeufs, légumes et fruits ; en quittant le bord, ils ont été salués de 5 coups de canon. A 5 heures, le Saint-Michel a mouillé, ayant les courants contre lui. Le vent à l'E. S. E., petit. MERCREDI 13. — Le vent au S. E., petit frais; petite pluie. A 6 heures, le Saint-Michel a mis sous voile avec un bâtiment du pays. A 5 heures du soir, le général a fait faire signal au Saint-Michel de mouiller, ayant les vents et les courants contre, pour s'élever dans l'Est. La nuit, vent au S. E., petit. JEUDI 14. — Vent au S. E., petit frais ; petite pluie par intervalles. A 6 heures, le Saint-Michel a mis sous voile. Pendant la journée, les vents ont soufflé au N. E. ; la nuit, au S. E., petit. Inquiétudes du roi d'Achem. Il paraît, par les manières froides et les réponses ambiguës du shabaudar lorsque nous demandons quelque chose pour l'escadre, que le roi et ses sujets sont dans une très grande inquiétude sur notre compte, n'ayant jamais vu des forces aussi considérables dans leur rade ; ils craignent que nous n'ayons quelques projets d'établissement dans le pays, ayant su surtout que nous attendions des forces de l'Ile-deFrance. Nous espérons que nos bonnes raisons et plus encore nos piastres, dont le roi retire une très grande quantité par les achats de boeufs et autres provisions que nous faisons journellement, établiront la bonne intelligence et dissiperont ces craintes mal fondées. VENDREDI 15. — Le vent au S. E. E., petit; temps couvert. Au jour, le Saint-Michel a appareillé. A 7 heures 1/2, la prise a mis sous voile pour rallier l'escadre. A 6 heures 3/4, nous avons embarqué la chaloupe pour la raccommoder. DU BAILLI DE SUFFREN 455 SAMEDI 16. — Le vent au S. E., petit ; presque calmé ; dans la journée et pendant la nuit, variable au S. S. E. DIMANCHE 17. — Le vent au S. S. E., petit frais; beau temps. A 1 heure, l'Ajax a signalé une voile au N. E. 1/2 Est. A 2 heures, fait signal au bâtiment aperçu de mettre son numéro. A 2 heures 1/2, fait les signaux de. reconnaissance ; nous avons reconnu le bâtiment pour être la Pourvoyeuse, venant de Malacca ; elle a mouillé à 6 heures 3/4; elle était chargée de bois de mâture du pays pour l'escadre et autres munitions ; à son arrivée à Malacca, ayant appris que les 5 bâtiments particuliers allant à la Chine étaient dans le détroit, elle avait été les chercher et les avait attaqués ; mais les bâtiments ayant fait bonne contenance et s'étant défendus en ligne, la frégate les avait abandonnés, les croyant sans doute trop forts pour être réduits. Pendant la nuit, le vent à l'E. S. E., petit. LUNDI 18. — Le vent à l'E. S. E., petit frais; beau temps. A 9 heures 1/2, appelé à l'ordre. A midi 3/4, l'Ajax a signalé une voile à l'E. N. E. ; nous l'avons reconnue peu après pour le SaintMichel, auquel nous avons fait signal de mouillage. Le vent à l' petit frais. A 5 heures, l'Ajax a signalé une voile à l'E. N. E., petit frais. A 8 heures 1/2, la Fortune a mouillé. La nuit, le vent au S. E., petit. MARDI 19. — Le vent au S. E., petit, temps couvert. A 8 heures, appelé à l'ordre. A 10 heures, nous avons eu un grain; petit vent et pluie dans la partie du S. E. A 2 heures; aperçu, une voile dans le N. E. 1/4 Est., que nous avons reconnue pour le Saint-Michel. A 5 heures, il a mouillé. MERCREDI 20. — Le vent au S. E., petit frais; beau temps. Dans la journée, appelé plusieurs vaisseaux. La nuit, le vent au S. E. JEUDI 21, VENDREDI 22. — Le vent au S. E., petit. Au jour, nous avons envoyé faire du bois sur Pulo Way. A 10 heures, l'Artésien a mis sous voile pour aller en croisière au vent. A 7 heures 1/2, les courants l'ont obligé de mouiller. La nuit, le vent au S. E. SAMEDI 23. — Le vent à l'E. S. E., petit frais; beau temps. A 5 heures, l'Artésien a mis sous voile pour s'élever au vent. A 7 heures, le Vengeur a signalé une voile au N. O. ; aussitôt fait signal à la Fortune d'être prête à appareiller. A 1 heure, il est venu du large, par la grande passe, un canot avec un officier, provenant de la corvette du roi le Duc de Chartres, venant de l'Ile-de-France. M. de KerNovembre KerNovembre 456 JOURNAL DE BORD Membre 1782. saint, faisant fonctions de lieutenant, qui la commandait, avait envoyé son canot pour s'informer si l'escadre était à Achem ; il devait rester en l'attendant à l'Ouest des îles ou mouiller à la pointe du Roi. A 3 heures, nous avons envoyé la chaloupe à la pointe du Roi pour voir s'il y était, et la Fortune a appareillé, à 4 heures, pour le chercher au cas où il serait resté sous voile. Le vent au S. E., petit. DIMANCHE 24. — Le vent à l'E. S. E., petit frais ; beau temps. A 9 heures, appelé à l'ordre tous les vaisseaux. A 2 heures, le vent à vàrié à l'E. N. E. L'Artésien a mis sous voile. Arrivée du Duc de Chartres Notre chaloupe est revenue avec les paquets pour le général, et le Duc de Chartres est entré par la passe de Surate ; M. de Kersaint avait eu une très belle traversée, avait touché à Galles, à Trinquémalay, à Goudelour et avait eu connaissance de l'escadre anglaise faisant route pour Bombay; M. de Bussy, retenu à l'Ile-de-Frauce par des maladies, malade lui-même, n'avait point encore fixé le moment de son départ et semblait encore attendre des nouvelles de M. de Suffren. Nous avons appris les malheurs arrivés à l'armée du comte de Grasse et au convoi destiné pour l'Inde. Le Duc de Chartres, navire mâté en brick, doublé en cuivre, et parti de Brest en juin, avait apporté les nouvelles ; il était chargé de vin, eau-de-vie et de quelques munitions navales. Le bâtiment avait été acheté par l'administration à l'Ile-de-France tout chargé et nous avait été dépêché avec la Nayade, partie de l'Ile-de-France un jour avant lui. Il l'avait laissée à Galles, où on envoyait à l'escadre 25,000 piastres sur les deux bâtiments. Le Duc de Chartres avait laissé les siennes partie à Trinquémalay et partie à Goudelour. Le départ de M. de Bussy, le convoi de M. de Soulange pris ou rentré dans les ports, nous réduisaient à des forces bien médiocres vis-à-vis de celles de l'amiral Hughes, renforcées par la division de Bikerton, et nous nous trouvions encore heureux de les savoir sur la DU BAILLI DE SUFFREN 457 route de Bombay, d'où elles ne pourraient guère revenir qu'à la fin de mars. A minuit, le brick a mouillé près de l'escadre. LUNDI 25. — Le vent au S. E., petit; beau temps. A 3 heures après-midi, nous avons amarré un homme sur un canon, coupable de désertion. Peu après, appelé à l'ordre. A 7 heures, petit grain et pluie dans la partie du S. E. La nuit, le vent de la même partie, petit. MARDI 26. — Le vent petit au S. E. L'Artésien, cherchant toujours à s'élever, est obligé souvent de mouiller à cause des courants; on travaille à répartir le chargement du Duc de Chartres sur les vaisseaux de l'escadre ; l'intention du général est de le renvoyer à l'Ile-de-France. MERCREDI 27. — Le vent au S. E., petit frais. L'Illustre a signalé une voile, à 10 heures, au N. E. 1/4 Est. A 10 heures 1/2, signalé un autre, bâtiment au Nord 1/4 N. O. A 2 heures, l'Artésien a fait des signaux de reconnaissance au premier bâtiment signalé ; nous l'avons reconnu pour la Fine, venant de Gueda. A 4 heures, elle a mouillé, dans l'escadre ; elle avait acheté autant de riz qu'elle en pouvait porter, lequel va être réparti sur l'escadre. Peu après, la Fortune a rallié et mouillé dans l'escadre ; elle n'avait rien vu au large. Pendant la huit, le vent a régné au S. E., petit. JEUDI 28. —. Le vent au S. E., petit. A 5 heures, sur des nouvelles qu'il avait paru des voiles le long de la côte de l'Ouest nous avons envoyé un canot à la découverte à la pointe du Roi, qui n'a rien. vu. A 5 heures, signal de ralliement à l'Artésien; il a mouillé dans l'escadre à 7 heures. VENDREDI 29, — Le vent au S. S. E., petit; beau temps. A 7 heures, la Fortune a mis sous voile pour croiser au vent. A 8 heures 1/2, signal pour permettre d'écrire. A 4 heures, l'Ajax a signalé une voile au Nord et quart, de Nord. A 5 heures, nous avons arboré pavillon de poupe, ayant reconnu le bâtiment pour braman. Pendant la journée, le vent au N. E., petit ; dans la nuit, au S. S. E. Le navire a mouillé. Novembre; 1782. 458 JOURNAL DE BORD Novembre 1782. Départ du Duc de Chartres Décembre 1782. SAMEDI 30. — Le vent au S. S. E., petit frais. A 9 heures, le Duc de Chartres a mis son pavillon pour l'Ile-de-France ; dans la journée il a été obligé de remouiller à cause du calme. Belle nuit 1. DIMANCHE 1°r DÉCEMBRE. — Dans la nuit, le Duc de Chartres a mis sous voile. Pendant le jour, le vent au N. N. E., petit ; dans la nuit, au S. S. E. LUNDI 2. — Vent variable, avec vent et pluie ; la nuit, petit, à l'Est. MARDI 3, MERCREDI 4. — La Pourvoyeuse ayant fait à Malacca un mât de 4, a eu ordre de démâter pour le donner au Brillant, qui rendra celui de la Pourvoyeuse ; en conséquence les deux bâtiments travaillent à démâter. JEUDI 5. — Le vent au S. E., petit. A 6 heures, le Sévère a signalé une voile au N. N. O. ; peu après, annulé le signal. A 4 heures, le Saint-Michel et l'Ajax ont signalé une voile au N. E. Pendant la nuit, le vent à l'Est, joli frais. VENDREDI 6, SAMEDI 7, DIMANCHE 8. — Le vent à l'Est, joli frais; A 3 heures 1/4, l'Ajax a signalé un bâtiment à l'E. N. E.; nous l'avons peu après reconnu pour la Fortune ; elle a mouillé dans l'escadre. LUNDI 9, MARDI 10. — Le vent au S. E., petit frais ; beau temps. A 9 heures, l'Ajax a signalé un bâtiment à l'E. N. E.; peu après, il l'a signalé suspect. A 11 heures, le bâtiment a été reconnu pour la Bellone; elle a mouillé à midi venant de Malacca. La nuit, au S. E. MERCUEDI 11. — Le vent au S. S. E., petit frais. Appelé tous les vaisseaux à l'ordre; le Vengeur fait beaucoup d'eau. JEUDI 12. — Le vent au S. E., petit ; temps couvert. A 1 heure, nous avons eu un grain dans la partie de l'Est, joli frais, mêlé de pluie. 1. Lettre de M. de Suffren à Mme de Seillans Rade d'Achem, ce 30 nov. 1782, à bord du Héros. — J'ai eu un grand combat le 12 Je me porte fort bien aujourd'hui 18. Je me porte fort bien, ma chère amie, c'est la seule bonne nouvelle pour vous que j'aie à vous mander. Il est à craindre que les malheurs d'Europe et d'Amérique n'influent prodigieusement sur notre situation. Une malheurense épidémie qu'à eue la division de M. de Peynier a fait tout manquer. Si je me tire bien de l'Inde, ce sera un grand bonheur. J'étais ici en attendant huit vaisseaux et autant de mille hommes ; arrive un aviso qui m'apprend qu'un convoi pour l'Inde est pris et que l'autre est arrêté par la maladie. En vérité, c'est trop de malheurs à la fois. » Ortolan, Monit. Univers., 5 nov. 1859. DU BAILLI DE SUFFREN 459 A 5 heures, le vent a fraîchi à l'E. N. E. ; grain et pluie; Le câble d'affourche a rompu. Pluie jusqu'à minuit. VENDREDI 13, SAMEDI 14. — Le vent à l'E. S. E., petit frais. A 6 heures, nous avons eu un grain dans la partie de l'Est. Peu après, nous avons affourché avec une petite ancre. A 3 heures, rappelé à l'ordre ; nous travaillons à bord à larder une misaine pour le vaisseau le Vengeur, qui fait toujours beaucoup d'eau. DIMANCHE 15. — Le vent au S. E., petit frais; beau temps. A 5 heures 3/4, l'Ajax a signalé un bâtiment au 1/4 Est; c'était un petit bâtiment hollandais, chargé de riz pour l'escadre, venant de Malacca, que la Bellone avait laissé dans le détroit; Nous attendons aussi un grand bâtiment de la Compagnie, chargé de riz pour nous. La nuit, le vent au S. E. LUNDI 16. — Le vent au S. E., petit ; beau temps. Le Vengeur et la Pourvoyeuse ont mis sous voile pour Trinquémalay. La bonnette lardée n'ayant pas diminué l'eau de ce vaisseau, peut-être à cause de son doublage en cuivre, le général s'est déterminé à l'envoyer à Trinquémalay pour qu'il fût vite mis en état ; là Pourvoyeuse l'escortait en cas d'accident. Tous les. vaisseaux ont eu ordre d'envoyer à bord du Vengeur un calfat et charpentier pour aider à sa carène et radoub. MARDI 17, MERCREDI 18, JEUDI 19. — Le vent au petit; couvert. A 3 heures 1/2, appelé à l'ordre. Le départ est fixé pour demain ; le général compte atterrer à la côte le plus Nord possible et venir, en la longeant, jusqu'à Goudelour. Nous espérons que les prises nous fourniront du riz en abondance, tant pour nous que pour l'armée et Trinquémalay. L'Annibal anglais et la Bellone doivent aller croiser sur les Brasses, pour intercepter tout ce qui entrera et sortira du Gange ; la Fortune attendra le vaisseau hollandais venant de Malacca pour lui donner ordre d'aller à Trinquémalay. Achem est un excellent port d'hivernage, tant pour la sûreté que pour les rafraîchissements, qu'on y trouve en abondance. L'eau s'y fait dans la rivière et très aisément, Décembre 1782. Achem. 460 JOURNAL DE BORD Décembre 1782. en calculant la marée ; il n'est pas même nécessaire de la monter bien haut pour trouver l'eau douce. On nous avait permis de faire du bois sur Pulo Way, en payant ; ordinairement on vous l'apporte de la ville dans des bateaux, et alors il est très cher. Les bâtiments seuls doivent tout trouver à meilleur compte qu'une escadre ; les boeufs nous ont coûté 10 piastres, les volailles 6 à 8 à la piastre ; on y trouve assez abondamment des légumes et des fruits particuliers au pays. C'est le shabaudar, ou ministre, avec qui l'on traite pour les achats de boeufs, bois, etc. Le reste se trouve au bazar ou marché, qui, cependant, dépend de lui. Je ne crois pas que l'air y soit bien sain ; nos malades ont augmenté au lieu de diminuer. Cela vient peut-être des marais, dont le pays est rempli, et coupé de ruisseaux. Dans les moindres pluies, la campagne est noyée ; les maisons ou cases sont, pour cette raison, élevées sur des pilotis qui montent à 4 ou 5 pieds de terre, et l'on ne va plus alors qu'en pirogue. Il s'en faut de beaucoup que les Malais, habitants du pays, aient la douceur et l'apathie des Indiens ; toujours prêts à percer de leur cric ceux qui les insultent ou simplement les contrarient, il faut avoir la plus grande attention à ce que les gens de l'équipage ne se disputent point dans la campagne. Ils professent la religion mahométane et sont très jaloux de leurs femmes, qui ne sont pas cependant d'une beauté tentante. Leur roi n'a qu'une ombre d'autorité et craint plus ses sujets qu'il n'en est craint. Départ d'Achem. VENDREDI 20. — Le vent au S. E., petit ; temps couvert et pluie. A minuit, signal de désaffourcher ; à 4 heures, signal d'appareiller. La Fortune reste au mouillage pour attendre le hollandais venant de Malacca. Le capitaine de la Fine a eu ordre de rester pour aller réclamer quelques déserteurs de l'escadre restés à terre. La Fine DU BAILLI DE SUFFREN 461 devait ensuite rallier l'escadre. A 7 heures, nous avons mis sous voile et gouverné au Nord 1/4 N. O. du compas. L'Annibal anglais et la Bellone ont fait route pour leur croisière, passant à l'Est des îles Nicobar. A midi, relevé la pointe Sud de Pulo Way, Est 1/4 S. E. ; la pointe N. N. E. 2° Nord ; l'île Ronde, Nord 1/4 N. O. ; l'écueil le plus en dehors de Pulo Brasse, Ouest 1/4 S. E. ; la pointe N. E. de Pulo Brasse, O. S. O. 2° Ouest; la pointe de Pedro, 1/4 Est; le mouillage d'Achem, S. E. 1/4 Sud 3° Sud corrigé ; distance de terre. 2 lieues. Le vent au S. E., joli frais. Route au N. O. A 1 heure, les vents ont varié à l'Est, petit frais. A 1 heure 1/4, embarqué nos bâtiments à rames. A 2 heures, signal de ralliement au Sévère. A 2 heures, relevé la pointe Nord de Pulo Way, Est 1/4 N. E. 5° Nord ; l'île Ronde, Nord 1/4 N. E. 2° Est; l'écueil le plus en dehors de Pulo Brasse, S. O. 5° Sud ; la pointe N. O. de Pulo Brasse, S. O. 5° Sud ; distance de Pulo Way 3 lieues corrigé. Le vent à l'E. N. E., petit frais ; route au N. O. du compas. A 4 heures 1/2, pris des ris dans les huniers. Au soleil couché, relevé l'île Ronde, Est 1/4 N. E. 3° Nord ; la pointe N. E. de Pulo Brasse, S. E. 3° Sud ; la pointe Nord de Pulo Way, Est 1/4 S. E. 2° Sud ; distant de l'île Ronde 8 lieues corrigé. Le vent au N. E., petit frais ; route au N. O. A 10 heures, nous avons eu un grain dans la partie de l'Est ; vent variable, presque calme. SAMEDI 21. — Calme ; temps couvert et pluie, A 4 heures, le vent s'est élevé au S. O., petit. Route au N. O. Au lever du soleil, relevé l'île Ronde, E. S. E. 5° Sud, 8 lieues. Au jour, nous n'avons plus vu l'Annibal anglais et la Bellone. Tous les vaisseaux ayant eu ordre d'exercer un certain nombre de matelots au maniement des armés pour les faire servir en cas de besoin comme troupes de débarquement, nous avons commencé à les exercer. A 10 heures, le vent a varié au N. N. O., petite pluie ; pris tribord amures. A 11 heures, nous avons reviré et pris bâbord amures; le vent à l'Ouest, petit. A midi, point de hauteur. — Lat. estimée 6° 8' ; longit. arrivée 92° 46' ; route estimée depuis le dernier relèvement, au N. O. 1/4 Nord 5° Ouest, 9 lieues 1/3 ; l'île Ronde à l'E. S. E., 8 lieues 1/3. Décembre 1782. Route pour la côte d'Orixa. 462 JOURNAL DE BORD Décembre 1782. Le vent à l'Est, petit, et petite pluie. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure, nous sommes arrivés au N. E. pour rallier les vaisseaux tombés sous le vent. A 1 heure, le Saint-Michel a signalé la terre à l'Ouest 1/4 N. O., que nous avons reconnue peu après pour la grande Nicobar, et nous l'avons relevée au N. O. 5° Ouest. Le Le vent au petit, et pluie. A 4 heures 1/4, signal de ralliement. Le vent au Nord, petit; pris le plus près du vent, bâbord amures. A 4 heures 1/2, ordre de marcher sur deux colonnes pour tenir les vaisseaux plus ralliés. Au même instant, viré de bord ; pris tribord amures. Au coucher du soleil, relevé la pointe de la grande Nicobar, N. O. 1/4 Ouest ; la pointe Est, N. O. 1/4 Nord ; distant de la terre 10 lieues corrigé. Le vent au Nord, petit. Route à l'O. N. O. A 11 heures 1/2, le vent a varié au N. O., petit frais ; temps nébuleux. DIMANCHE 22. — Le vent au N. O., petit, presque calme. Route au plus près, tribord amures. A minuit, relevé la pointe Sud de la grande Nicobar, N. O., 4 lieues. A 6 heures, le vent a varié à l'E. N. E. ; mis le cap au N. N. O. Au lever du soleil, relevé la pointe S. E. de la grande Nicobar, N. E. 2° Est; la pointe Ouest, Nord 1/4 N. O., 3 lieues 1/2. Pirogues venues à bord. A 9 heures, changé le petit hunier. A 10 heures, trois pirogues du pays, à baleiniers, sont venues abord avec quelques noirs ayant des cocos et d'autres fruits ; ils parlaient une langue absolument inconnue et ne voulaient que du tabac en échange de leurs fruits. A midi, lat. observée 6° 50' ; longit. arrivée 91° 24' ; la pointe S. E. de la grande Nicobar, Est 1/4 N. E. 3° Nord ; la pointe de la grande Nicobar, N. N. E. 5° Nord ; la pointe Est de la petite Nicobar, Nord 1/4 N. E. ; la pointe de la petite Nicobar, Nord 3° Est; distance de la grande Nicobar 4 lieues 1/2. Le vent au N. N. O. Route au plus près, tribord amures. Au coucher du soleil, relèvement corrigé la pointe de la grande Nicobar, Est 5° Nord ; la pointe N. O. de la grande Nicobar, N. N. E. 5° Nord ; la pointe Ouest de la petite Nicobar, Nord 5° Est ; distant de la grande Nicobar 5 lieues. Vent de N. O. Route au plus près, tribord amures. DU BAILLI DE SUFFREN 463 LUNDI 23. — A 1 heure, le vent a passé à l'O. S. O., petit. Fait signal de virer de bord et pris bâbord amures. A 1 heure 3/4, route au N. N. O. Jusqu'à 9 heures, vent variable de l'Ouest au S. 0; Petite pluie à midi. Point de hauteur. — Lat, estimée 7° 1'; longit. arrivée 91° 15'; la pointe S. E. de la grande Nicobar, Est 5° Sud; la pointe N. 0. de grande Nicobar, N. E. 5° Est; la pointe S. E. de la petite Nicobar, N. E. 5° Nord ; la pointe N. 0. de la petite Nicobar, N. E. 1/4. Nord ; distant de la grande Nicobar 6 lieues 1/2. Le vent au N. 0., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. Au soleil couché, relèvement corrigé la pointe S. E. de la grande Nicobar, Est 5° Est; la pointe de la grande Nicobar, 4° Est ; la pointe de la grande Nicobar, N. E. 1/4 Nord ; distant de terre 5 lieues. A 7 heures 1/4, gouverné au N. 0. 1/4 Nord; le vent à l'O. S. 0. sous les huniers; vent petit, variable. MARDI 24. — De minuit à 4 heures, vent variable du S. 0. au S. S. E. Au lever du soleil, relèvement corrigé la pointe N. 0. de la petite Nicobar, E. N. E. 4° Est ; la pointé S. E. de la petite Nicobar, Est 1/4 N. E. 3° Est ; la pointe N. 0. de la grande Nicobar, Est 3° Nord ; distant de terre 6 lieues. Vent au petit frais. Route au N. N. 0. A 6 heures 1/2, l'Artésien a signalé une voile à l'Est ; on lui a fait signal de chasser, mais il à annulé celui de bâtiment ; c'était une roche. A midi, lat. observée 7° 40'; longit. arrivée 90° 59'; route corrigée depuis le relèvement d'hier soir à 6 heures, N. 2° Ouest; chemin 14 lieues 2/3. Le vent au S. E., petit frais. Route au N. N. 0. A 3 heures 1/2, le vent avarié au S. S. 0.; joli frais; pluie. Peu après, il a repris au S. S. E. Route au N. 0. 1/4 Nord, De 4 heures à minuit, vent frais au S. S. E. ; grain et grosse pluie, MERCREDI 25. — Le vent au S. S. E., joli frais; temps couvert et pluie. Route au 1/4 Nord. A 6 heures, gouverne au Nord 1/4 N. 0. A 5 heures 74, le Sphinx a signalé une voile au S. S. E. Le vent très frais par grain et grosse pluie. Reconnu le bâtiment Décembre 1782. Route pour la côte d'Orixa. 464 JOURNAL DE BORD Décembre 1782. aperçu pour la Fine; à 11 heures, elle a rendu compte qu'elle ramenait les déserteurs laissés à Achem. A midi, point de hauteur. Lat. estimée 9° 12' ; longit. estimée 90° 15'; route estimée N. 5° Ouest, 34 lieues ; la pointe Ouest de Carnicobar, N. E., 5 lieues 1/2. A 1 heure, fait de la voile ; le vent à l'E. S. E., joli frais. Route au Nord 1/4 N. O. Le reste de la journée, le vent à l'E. N. E., joli frais ; grain et petite pluie. Même route. JEUDI 26. — Le vent à l'E. N. E., joli frais; temps couvert. Route au Nord 1/4 N. O. A 3 heures, le vent a passé au N. E. Route au plus près, tribord amures. A 9 heures 1/2, notre vergue a cassé par le milieu. Au même instant, le Sévère a démâté de son petit mât de hune. L'Annibal a signalé un homme à la mer. Nous avons amené de la voile et appelé la Fine, qu'on a envoyée savoir si l'avarie du Sévère n'avait eu aucune suite fâcheuse. Nous avons travaillé à gréer une autre vergue barrée. A midi, lat. observée 10° 55'; longit. arrivée 89° 35'; depuis mardi, route corrigée N. 1° Nord, 70 lieues ; différence Nord 8 lieues 1/2 ; la petite Andaman, E. N. E., 6 lieues 2/3. Le vent à l'E. N. E., frais ; grosse mer du N. E. ; grain et pluie par intervalles. Route au plus près, tribord amures. A 1 heure 1/2, signal de ralliement au Brillant. Même vent et route. VENDREDI 27. — Le vent variable de l'Est à E. N. E., joli frais; temps couvert et pluie. A 3 heures, la Fine nous a passé à poupe et nous a rendu compte que le Sévère venait de faire de la voile. Au même instant, avons amure la misaine et fait signal à l'escadre de faire servir. Route au plus près, bâbord amures. A midi, lat. observée 11° 25'; longit. arrivée 88° 51'; route corrigée N. O. 1/4 Ouest 3° Nord, 16 lieues 1/3. Pendant la journée, le Sévère a guindé un petit mât de hune. A 7 heures, gouverné au N. N. O. Le vent à l'E. N. E. SAMEDI 28. — Le vent au N. N. E., joli frais; beau temps. Route au plus près, tribord amures. A midi, W. N. E. 1° 11'. — Lat. observée 12° 13'; longit. arrivée 88° 14' ; route corrigée N. O. 1/4 Nord 3° Ouest ; chemin corrigé 20 lieues 1/2. A 3 heures 3/4, arrivé pour rallier l'Annibal. A 6 heures, signal à DU BAILLI DE SUFFREN 465 ce vaisseau de forcer de voiles, au Brillant d'arriver, et de ralliement à la Fine. Pendant la nuit, au N. E., tribord amures. DIMANCHE 29.' — Le vent au N. N. E,; joli frais; temps couvert ; route au plus près, tribord amures. A 6 heures 72, signal de virer de bord; pris bâbord amures. A midi, lat. observée 12° 52'; longit. estimée 87° 49'; route corrigée N. 0. 1/4 Nord 1° Nord ; chemin corrige 15 lieues 1/3. Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 5 heures, signal de ralliement à la Fine, et aux vaisseaux de tête de diminuer de voiles; le reste de la journée, même vent et route. LUNDI 30. — Le vent au N. N. E.,joli frais ; temps couvert. Route au plus près, bâbord amures. A 6 heures, arrivé pour rallier les mauvais voiliers. A 7 heures 1/2, remis au plus près. A 10 heures 1/2, signal de virer vent arrière ; pris tribord amures. A midi, W. N. E. 1° 4'. — Lat. observée 12° 38'; longit. estimée 88° 48' ; route corrigée Est 1/4 S. E. 3° Sud, 19 lieues 2/3. Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A la même heure, signal de ralliement; à 5 heures, au Brillant, qui courait à bord opposé, de virer de bord ; la nuit, même vent et route. MARDI 31. — Le vent au N. E., joli frais ; beau temps. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures 72, le Brillant a fait signal d'incommodité. A la même heure, signal et mis en panne, tribord amures. Appelé la Fine pour savoir l'état du Brillant, qui. faisait beaucoup d'eau et dont le beaupré avait besoin d'être jumelé. À 8 heures 3/4, signal de faire servir et d'ordre de marche sur deux colonnes. A midi, lat. observée 13° 26'; longit. arrivée 88° 2'; route corrigée N. O. 2° Nord, 22 lieues ; différence Nord il lieue 2/3. Le reste de la journée, même vent et route. MERCREDI 1er JANVIER.— Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures, le Sévère a fait signal d'homme à la mer, et, peu après, qu'il était sauvé. A midi, lat. observée 14° 6' ; longit. arrivée 87° 19' ; route corrigée N. O. 1° Nord, 19 lieues. A 2 heures, signal aux vaisseaux de forcer de voiles. A 9 heures, vent à l'Est, joli frais ; mis le cap au Nord 1/4 N. O. JEUDI 2. — Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. Décembre 1782. Route pour la côte d'Orixa. Janvier 1783. 466 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. A midi, point de hauteur. — Lat. observée 15° 3' ; longit. arrivée 86° 45' ; route estimée N. O. 1/4 Nord 4° Nord, 21 lieues. Le reste du jour et de la nuit, même vent et route. VENDREDI 3. — Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 7 heures, le Sphinx a signalé un homme à la mer et, peu après, qu'il était sauvé. A midi lat. observée 15° 31' ; longit. arrivée 86° 22" depuis mercredi, route corrigée N. O. 1/4 Nord 1° Nord, 34 lieues ; différence Sud 9 lieues. Le reste de la journée et pendant la nuit, même vent et route. SAMEDI 4. — Le vent à l'E. N. E., joli frais. Route au N. N. O. A 6 heures, signal d'ordre de marche sur deux colonnes ; à 6 heures 1/2, au Sphinx et au Flamand d'être à leur poste. A midi, lat. observée 16° 50' ; longit. arrivée 85° 45' ; route corrigée N. N. O. 1° Nord, 29 lieues ; différence Nord 1 lieue 2/3. A midi 1/4, signal à la Fine de passer à poupe. A 1 heure, répété le même signal avec un coup de canon. A 2 heures 1/2, ordonné à la Fine de chasser 4 lieues en avant de l'escadre. A 4 heures, ordonné au Saint-Michel de se tenir à 2 lieues en avant de l'escadre pour répéter les signaux de la Fine. Le reste du jour, le vent au N. E. et à l'E. N. E. Route au Nord 74 N. O. DIMANCHE 5. — Le vent au N. E., petit, beau temps. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée 18° 1' ; longit. estimée 85° 14' ; route corrigée O., 25 lieues 1/2 ; différence Nord 6 lieues 2/3. Le vent au N. N. E., petit frais. Route au plus près, tribord amures;, à 4 heures 1/2, signal de ralliement à la Fine. Le reste du jour et la nuit, même vent et route. LUNDI 6. — Au jour, calme ; beau temps ; belle mer. A midi, lat. observée 18° 30' ; longit. arrivée 85° 1' ; route corrigée N. N. O., 10 lieues 1/2. Petit vent au S. S. O. Route au Nord 1/4 N. O. A 5 heures, diminué de voiles pour attendre les traînards ; à 5 heures 3/4, mis en panne. A 7 heures, sondé sans trouver de fond; à 11 heures, étant ralliés, fait servir et gouverné au N. N. O.; le vent au S. S. E., petit. MARDI 7. — Le vent au S. S. O., petit; temps nuageux. Route au N. N. O. De 4 à 6 heures, vent variable du S. S. O. au Nord, DU BAILLI DE SUFFREN 467 presque calme. A 6; heures, sondé sans trouver fond. A 7 heures, le vent a varié au S. E. Route au N. N. 0. A midi, point de hauteur. W. N. E. 00° 33'. — Lat. estimée 19° 10' ; longit. arrivée 84° 49' ; route estimée Nord 1/4 N. O. 2° Ouest, 13 lieues ; les pagodes blanches au N. O. 5° Ouest, 22 lieues. A 5 heures 1/4, la Fine a signalé un bâtiment au N. O. 1/4 Nord ; signal de chasser à la Fine. A 6 heures, sondé, point de fond. A 6 heures 1/2, route au 1/4 Ouest. Peu après, la Fine a joint le bâtiment chassé ; nous avons ordonné à l'Artésien, au porte-voix, d'aller prendre la prise à la remorque et de dire à la Fine de venir rendre compte. MERCREDI 8. — Le vent au S. E., joli frais; beau temps. A 1 heure, sondé, trouvé 60 brasses, vase. Gouverné à l'Ouest 1/4 S. O. A 3 heures 1/2, sondé par 40 brasses, même fond. Le bâtiment pris, à un mât, venait du .Bengale, chargé de riz et d'un peu d'opium, allant à Madras. A 4 heures, mis le cap à l'O. S. O. Au jour, nous avons vu la terre à 5 lieues. A 6 heures 3/4, le Flamand a signalé des voiles au Nord; signal au Saint-Michel de chasser à cet air de vent; à 7 heures, nous avons envoyé un canot à la prise; à 7 heures 1/2, ayant demandé au Saint-Michel s'il espérait joindre, il a répondu que les bâtiments étaient mouillés ; nous lui avons fait signal de ralliement. A 8 heures 1/2, signal de manoeuvre indépendante ; à la même heure, mis en panne et signal au Flamand de passer à poupe. Nous ne reconnaissions pas la terre, et, croyant être au Nord de Gangeau, nous craignions de l'avoir dépassé. A 9 heures 1/4, fait servir et signal à l'escadre de forcer de voiles. La Fine, ayant passé à portée, nous a dit que nous avions laissé Gangeau au Nord. Nous avons envoyé chercher le capitaine de la prise pour nous en assurer ; il nous a dit la même chose. Nous voyions en même temps dans le Sud deux ou trois parias mouillés devant une aidée. A 11 heures 1/2, signal de virer de bord par la contremarche. A midi, lat. observée 19° 7' ; longit. arrivée 84° 11' ; depuis lundi, route corrigée N. O. 1/4 Ouest 3° Nord, 20 lieues ; relevé Gangeau Nord 5° Est, 5 lieues. La Fine a eu ordre d'aller aux bâtiments qu'elle voyait dans le Sud. Fait signal de ralliement à l'Artésien. A 3 heures, signala l'escadre de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. Le fort de Gangeau a tiré quelques coups de canon. A 4 heures 1/2, le SainiJanvier SainiJanvier Côte d'Orixa. 468 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. Mouillé à Gangeau. Michel a mouillé et a tiré sur les bâtiments qui étaient en rade ; nous lui avons fait signal de serrer le feu et de mettre ses bâtiments de rames à la mer ; nous avons mis nos pavillons. A 5 heures 1/4, nous avons mouillé à Gangeau par 12 brasses, sable vaseux mêlé de coquillages. Nous avons trouvé audit mouillage trois bricks, cinq petits bâtiments à un mât, nommés parias, et quelques grosses chelingues ; plusieurs parias dans la rivière et sur les chantiers. Relèvement du dit mouillage le cap de Gangeau, N. N. O. 5° Ouest ; la pagode noire, N. O. 1/4 Ouest ; le mât de pavillon de la ville, O. N. O. 5° Ouest; la rivière, N. O. 5° Ouest; éloigné de terre 3/4 de lieue. Prises. Les canots du Saint-Michel armés sont venus à bord; le général a envoyé M. de Ravenel, chargé de détail général de l'escadre, pour s'emparer des bâtiments mouillés ; on n'y a trouvé personne. Tous les bâtiments sont chargés ou à moitié chargés de riz, d'un peu de blé et de mantèque ; un des bâtiments étant des Maldives, le général a ordonné qu'on n'y touchât point, quoique ses propriétaires se fussent sauvés à terre. La nuit, le vent E. N. E. JEUDI 9. — Le vent au Nord, petit frais; beau temps. A 5 heures du matin, le général a été dans un petit canot voir l'entrée de la rivière ; elle ne paraît pas praticable pour nos bâtiments à rames. Au jour, tous les vaisseaux qui avaient mouillé au large ont appareillé pour s'approcher. A 11 heures, l'Annibal a signalé un bâtiment au N. E. ; une demi-heure après, l'Ajax en a signalé un à l'E. S. E. A 1 heure, l'Ajax a signalé une autre voile au Sud 1/4 S. E. Nous avons viré le pavillon anglais et mis le pavillon bleu au mât de misaine, distinction de l'amiral Hughes. Signal à l'Ajax d'envoyer son canot armé à bord du général. A 2 heures 1/2, nous avons envoyé notre canot armé à bord des deux bâtiments en vue, longeant la côte; à 5 heures, ils ont mouillé ; un des deux était à deux mâts et l'autre à un mât, venant du Bengale, chargé de riz. A 5 heures, l'Artésien a signalé une voile au Sud 1/4 S. O. ; nous l'avons jugée devoir être la Fine. Le vent à l'Est, petit; la nuit, au N. N. O., petit frais. VENDREDI 10. — Le vent au N. N. O., petit frais. A la plus petite pointe du jour, nous avons vu un bâtiment mouillé à 3/4 de lieue dans le S. E. ; nous avons cru d'abord que c'était la Fine ; mais, en l'examinant mieux, et le jour se faisant, nous l'avons reconnu pour frégate anglaise. On a envoyé sur-le-champ ordre au Saint-Michel de mettre DU BAILLI DE SUFFREN 469 sous voile ainsi qu'au Sphinx; mais les bâtiments ayant un peu tardé et la frégate nous ayant reconnus, a appareillé aussitôt et pris chasse toutes voiles dehors devant nos deux vaisseaux. A 7 heures, signal aux deux vaisseaux dé forcer de voiles. Pendant la journée, le vent à l'Est, petit. Tous les vaisseaux ont ordre de prendre le plus de riz possible à bord des prises ; On a mis le feu à quelques-unes déchargées. Il nous paraît qu'on craint d'être attaqué à Gangeau ; on y remue de la terre et on traîne quelques canons. Nos vaisseaux continuent la chasse, mais sans avantage. SAMEDI 11. — Le vent au N. N. O., petit ; beau temps. Au jour, nous avons aperçu la Fine, venant du mouillage. A 10 heures 1/2, l'Ajax a signalé un bâtiment au Sud, A 1 heure, la Fine a signalé une voile au Sud ; nous lui avons fait signal de chasser ; mais, ayant demandé à parler au général, on le lui a accordé; à 1 heure 1/4, signal à l'Artésien de mettre sous voilé, le vent pour lors au Sud. A 2 heures, le capitaine de la Fine est venu à bord ; il a rendu compté qu'il avait pris du riz et détruit les bâtiments mouillés dans le Sud ; qu'ensuite, en ralliant l'escadre, il avait chassé et joint le soir un bâtiment de la Compagnie anglaise, qu'il avait attaqué et combattu très longtemps, sans que le bâtiment, à qui il paraissait faire beaucoup de mal, se rendît, mais au contraire qu'il ripostait, quoique faiblement, en allant toujours à terre; que, le fond diminuant beaucoup et n'ayant plus que 200 ou 300 coups de canon à tirer, il avait cessé le feu et attendu le jour pour l'attaquer, avec plus d'avantage ; mais que, le lendemain, ayant vu au large deux gros bâtiments venant sur lui, il avait rallié l'escadre, vu le peu de munitions qui lui restaient. M. de Saint-Georges est retourné à son bord, avec ordre de chasser avec l'Artésien. Tous les bâtiments en cuivre étant en chasse, nous nous sommes préparés à appareiller en cas qu'il parût Janvier 1783. Gangeau. 470 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. quelque bâtiment. A 5 heures 1/4, vu deux bâtiments dans le S. S. O. A 10 heures, beau clair de lune. Nous avons aperçu un bâtiment venant au mouillage, toutes voiles dehors ; nous avons aussitôt viré à pic, guindé nos huniers et envoyé ordre à tous les vaisseaux d'être préparés à tirer. A 10 heures 1/2, nous l'avons reconnu pour frégate anglaise, bien étonnés de sa sécurité; elle était à peine à une demi-lieue, toujours toutes voiles dehors . A 11 heures, l'Ajax a fait feu dessus avec l'Illustre et le Brillant; elle a voulu alors, voyant sa méprise, essayer de manoeuvrer pour s'éloigner; mais le calme, la proximité de nos vaisseaux, n'étant guère qu'à une petite portée de fusil, l'ont décidée à se rendre. A 11 heures 1/2, le capitaine a été conduit à bord. La frégate se nommait le Cowentry, de 28 canons, dont 22 de 9 en batterie. Ayant rencontré la veille le vaisseau de la Compagnie qu'avait combattu la Fine, le capitaine dudit bâtiment lui avait dit qu'il avait eu affaire avec un corsaire français, qui avait pris la route de Gangeau; ayant parlé, d'ailleurs, à quelques bâtiments de la Compagnie qui devaient mouiller à Gangeau, le capitaine Wolseley, du Cowentry, nous avait pris pour eux et n'avait pas hésité à venir pour savoir des nouvelles du prétendu corsaire; il avait en effet envoyé un canot avec un officier à bord de l'Ajax, vaisseau mouillé le plus en dehors; l'officier anglais ayant été hélé en anglais, avait abordé et été fait prisonnier. Ce qu'il y a eu de plus particulier encore, c'est que le général ayant envoyé un canot à bord de l'Illustre, le patron ivre avait été droit à la frégate anglaise ; mais on y était si persuadé de l'existence du corsaire, qu'on les avait pris pour de ses matelots et, leur parlant ironiquement, — car on les regardait déjà comme une DU BAILLI DE SUFFREN 471 proie assurée, — on les avait envoyés à l'entre-pont, où ils avaient été déshabillés proprement. Au premier coup de canon, on les avait montés et on leur avait demandé quels étaient les bâtiments mouillés; on peut juger de leur surprise, lorsqu'ils apprirent que c'était M. de Suffren avec son escadre. Tout le monde se précipita alors dans la cale et le capitaine, resté seul sur le gaillard, avait été obligé de se rendre. Nous avons su que l'escadre anglaise, obligée, dans le coup de vent qui nous avait fait appareiller de Goudelour, de mettre sous voile, y avait été fort maltraitée et que le vaisseau de l'amiral avait été démâté de son mât de misaine ; qu'elle avait aussitôt fait route pour Bombay, où on la savait arrivée ; que le commodore Bikerton avait paru deux jours après à Madras avec son escadre et en était parti pour rejoindre l'amiral à Bombay. On nous donnait aussi la fâcheuse nouvelle que Hyder-Ali-Kan était mort le 7 décembre, d'un abcès au côté. Son fils était alors à la côte Malabar; mais on ne pouvait rien nous apprendre sur ce qu'était devenue son armée et l'armée française; l'amiral Hughes, en passant par Bombay, avait laissé, pour protéger le commerce de la côte de Coromandel, le San-Carlos, le Cowentry et la Médée, frégate qui avait mouillé la veille dans l'escadre. DIMANCHE 12. — Le vent au N. N. E., petit frais ; beau temps. A 9 heures, on a aperçu deux bâtiments mouillés au S. O. 1/4 Sud. A la même heure, signal à tous les vaisseaux d'amener leurs pavillons qui étaient au sec. A 9 heures 1/2, les bâtiments aperçus ont mis sous voile. A la même heure, appelé à l'ordre et arboré pavillon anglais. A 9 heures 3/4, nous avons appareillé seul. Donné ordre qu'on fournît 150 hommes au Cowentry, dont le commandement a été donné à M. d'Herly, enseigne de vaisseau, avec ordre de mettre sous voile dès qu'il serait prêt, et de nous suivre. Nous ayons fait route au Janvier 1783. Nouvelles Mort d'Hyder-Ali-Kan 472 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. S. S. O. sur les bâtiments aperçus, dont nous jugions l'un des deux être le vaisseau de la Compagnie attaqué par la Fine, que le Cowentry nous avait dit avoir été laissé dans le Sud et occupé à se regréer. A 10 heures 1/2, le Cowentry a mis sous voile. A midi, lat. observée 19° 18' ; le mât du pavillon de Gangeau Nord 5° Ouest ; distant de terre 1 lieu 1/2. Prise. Le Cowentry nous a gagne très rapidement et nous a dépassé ; à 4 heures, nous avons mis notre pavillon et celui de distinction. Le Cowentry avait déjà tiré quelques coups de canon sur les bâtiments qui ont alors amené ; nous avons aussitôt envoyé des canots pour les amariner avec M. de Ravenel, chargé de détail général de l'escadre ; un des deux était vaisseau de la Compagnie, nommé le Blandford, qui allait au Bengale, venant de Madras, où il avait déchargé; il n'avait plus à bord qu'une centaine de ballots de drap et d'autres petites marchandises ; l'autre était un brick, allant au Bengale sur son lest, qui s'était arrêté pour donner du secours au Blandford. Les bâtiments, manquant de Madras depuis fort longtemps, ne savaient aucune nouvelle. A 5 heures, relevé les vaisseaux au mouillage, N. E., 6 lieues. Le vent à l'E. S. E., petit, faisant route pour l'escadre au plus près, bâbord amures. Vent à l'E. S. E. LUNDI 13. — Le vent au N. O., petit; beau temps. Route au N. E. 1/4 Nord. Au soleil levé, relevé l'escadre, Nord 1/4 N. E., 4 lieues. Vent au Nord, presque calme. Route au plus près du vent, bâbord amures. A la même heure, découvert une voile dans le N. E.; nous avons mis notre numéro et l'avons reconnue pour le Sphinx, auquel nous avons fait signal de passer à poupe; M. du Chilleau est venu à bord ; il a rendu compte que la frégate chassée le 10 avait été au moment d'être jointe ; mais qu'ensuite, le vent étant tombé et passé au large, elle avait eu alors beaucoup d'avantage sur eux, étant au vent, et s'était éloignée. Le Saint-Michel chassait un petit bâtiment. A midi, lat. observée 19° 19'; le mât de pavillon N. N. O. 5° Ouest, 3 lieues. Le vent à l'Est, petit ; route au nord. A midi 3/4, l'Ajax a signalé une voile dans l'Est 1/4 N. E. A 2 heures 1/2, l'Annibal en a signalé au S. E. 1/4 Sud. A la même heure, signal de ralliement et viré de bord sur l'escadre. DU BAILLI DE SUFFREN 473 Le Sphinx, par ordre du général, est allé conserver les prises qu'il devait escorter ou remorquer au mouillage. A 6 heures, nous avons mouillé par 14 brasses, vase. Relèvement le mât de pavillon, O. N. O. 5° Nord ; la montagne de Gangeau, Nord 1/4 N. E.; l'entrée de la. rivière, N. 0. 5° Nord; distant de terre 1 lieue. A 8 heures 1/2, l'Artésien, le Sphinx, la Fine ont mouillé près de l'escadre. Le Saint-Michel a mouillé aussi, ayant un paria à la remorque, venant du Bengale pour Gangeau et ayant à bord des canons, affûts de rempart et autres effets d'artillerie, quelques caisses de fusils, ainsi que des sacs de salpêtre. Il y avait dessus quelques officiers d'artillerie ; mais ils s'étaient sauvés à terre dans un petit canot. On travaille toujours à décharger les prises et autres bâtiments, auxquels l'on met le feu après. MARDI 14. — Le vent au N. N. 0., petit.; beau temps. Au. jour, nous avons aperçu trois parias. La Fine a mis sous voile et a envoyé un canot pour en amariner deux, qui étaient au vent ; nous lui avons fait signal de chasser celui qui était au Sud. A 7 heures, appelé à l'ordre. La Fine a mouillé sur le soir, ayant joint et pris à la remorque le troisième bâtiment. Chaque vaisseau prend le plus de riz qu'il peut. Pendant la-nuit, le vent au N. N. 0., petit. MERCREDI 15. — Le vent au N. N. 0., petit; beau temps. Au jour, signal à l'escadre d'appareiller ; l'intention du général était de se rendre tout de suite à Goudelour, où nous pouvions être de la plus grande utilité à l'armée, suivant la tournure qu'auraient prise les affaires après la mort d'Hyder-Ali-Kan. A 7 heures 1/2, avons mis sous voile, faisant route au S. S. 0. Le Phénix remorquerait le Blandfort, l'Artésien un paria, et le Saint-Michel le petit bâtiment chargé d'artillerie. A midi, lat. observée 19° 14'; relevé le bâton de pavillon, de Gangeau, Nord 1/4 N. 0., 5 lieues. Le vent au S. S. E., petit. Route au plus près, tribord amures. A 1 heure, signal de virer de bord; pris bâbord amures. Le vent au S. S. 0. JEUDI 16. — Le vent au S. S. 0., petit; beau temps. Route au plus près du vent, bâbord amures ; à 7 heures, nous avons embarqué nos bâtiments à rames. A midi, lat. observée 18° 35' ; longit. observée 82° 50. Route, Janvier 1783. Prise. Appareillé de Gangeau. Route pour Goudelour. 474 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. S. E. 1/4 Est 1° Sud, 11 lieues 2/3 ; à 13 lieues de terre, depuis le relèvement du soleil couché, que la montagne de Gangeau me restait au N. E. 5° Nord ; distant de terre 1 lieue. Le vent à l'O. S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. A 3 heures 1/2, signal de virer de bord, tous en même temps; pris bâbord amures. Vent variable du S. S. O.; au S. O. le reste de la journée. VENDREDI 17. — Le vent au S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures 1/2, les vents ont varié à l'O. S. O. Signal de virer de bord ; pris tribord amures ; à 7 heures, calme ; à 9 heures, il s'est décidé à l'E. S. E., petit. Route au S. O. 1/4 Ouest. A 11 heures, le Sévère a signalé la terre à l'Ouest. A midi, lat. observée 18° 22' ; longit. 82° 33 ; route S. O. 1/4 Ouest 5° Sud, 7 lieues. A midi 1/4, le Sévère a signalé une voile à l'Ouest 1/4 S. O. A 2 heures 1/2, mis en panne et fait le signal â l'escadre. A 2 heures 3/4, fait chasser la Fine à l'Ouest 14 S. O.; trouvé fond à 65 brasses. A 10 heures 1/4, l'escadre ralliée ; signal de faire servir. Les vents au S. O. Route au plus près, les amures à bâbord. SAMEDI 18. — Le vent à l'Ouest, petit ; presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure, le vent ayant varié au Nord, signalé tribord amures. Au jour, vu un bâtiment de levant à nous. A 6 heures 1/2, le Brillant a signalé un bâtiment au N. O. ; peu après que le bâtiment était mouillé. Signal à l'Artésien et au SainTMichel de chasser ; à 7 heures, à l'Artésien de chasser au N. O. Le Saint-Michel a largué la remorque du petit bâtiment chargé d'artillerie et a pris bâbord amures. Signal au Saint-Michel de virer de bord ; à 8 heures, même signal à l'Artésien et de chasser au vent. A midi, lat. observée 18° 12' ; longit. 82° 20' ; route, 1/4 Ouest 5° Sud 5 lieues 1/2. Le vent au S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. A 1 heure, signal de virer de bord ; pris bâbord amures, toutes voiles dehors. Le Saint-Michel chassait toujours le bâtiment, qui paraissait très bien marcher, car il le gagnait peu. A la même heure, signal au Cowentry de tenir le vent ; peu après, au Cowentry de virer de bord, A 3 heures, mis les bonnettes hautes et basses; les vents au Sud. Route à l'Ouest 5° Nord, forçant de voiles pour être intermédiaire entre les chasseurs et l'escadre. La chasse nous conduisant à terre, DU BAILLI DE SUFFREN 475 signal de se préparer à mouiller avec une petite ancre. A 6 heures, signal au Cowentry de continuer la chasse. A la même heure, mouillé par 13 brasses, vase ; distant de terre 2 lieues. A 8 heures 1/2, le Cowentry a tiré sur le bâtiment chassé, qui a enfin été joint et pris ; nous y avons envoyé un canot. Le bâtiment etait une palme ou gourabe percée de 18 canons, venant de Madras et allant au Bengale sur son lest. Pendant la nuit, le vent au N. O., petit. DIMANCHE 19. — Le vent au N. O., petit; temps brumeux, A 5 heures, signal d'appareiller. Route au S. O. A 9 heures 1/2, le brouillard s'étant dissipé, le Sévère a signalé une voile au Sud ; fait chasser la Fine et le Cowentry. A 9 heures 1/4, le Sévère a signalé une voile au N. O., et, peu après, qu'elle était mouillée. A 10 heures, gouverné au S. S. O. A midi, lat. observée 18° 5'; longit. 81° 58' ; route O. S. O. 5° Sud, 7 lieues 1/3 ; distant de terre 2 lieues. Le vent au Sud, petit. Route au plus près, bâbord amures. A 4 heures 1/2, le bâtiment chassé, joint par le Cowentry, a amené; fait signal au Cowentry de le prendre à la remorque et au. Saint-Michel de reprendre à la remorque le petit bâtiment chargé d'artillerie que le Brillant avait remorqué depuis la chasse de la veille. A 9 heures, le vent au S. O., petit frais. Fait signal de mouillage, et mouillé par 16 brasses, vase. Le bâtiment pris, mâté en brick, allait au Bengale sur son lest, venant de Madras ; le général l'a fait couler. Ces bâtiments de tôle marchant très mal, il est Impossible de les conserver, attendu le chemin qu'ils feraient perdre à l'escadre. LUNDI 20. — Le vent à l'O. S. O., petit. Signal d'appareiller. A 3 heures 1/4, mis sous voile; pris le plus près, tribord amures. A 6 heures 1/2, l'Ajax a signalé un bâtiment au Sud. A midi, lat. observée 17° 56' ; longit. 81° 44' ; route S. O. 1/4. Ouest 3° Ouest, 5 lieues 1/2; distant de terre 7 lieues. A 2 heures, signal de virer de bord, tous en même temps. A 4 heures, la Fine a fait deux prises, bâtiments à deux mâts, sur leur lest. A 10 heures 1/2, par 19 brasses, vase, fait signal de mouillage et mouillé par le même fond. MARDI 21. — Le vent au N. O., petit; belle mer. A 6 heures, signal d'appareiller; à 6 heures 1/2, à la Fine de chasser en avant. A la même heure, signal de mouillage à l'escadre. Ayant aperçu beaucoup de parias qui longeaient la côte, nous ayons envoyé tous les canots Janvier 1783. Prises. 476 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. armés pour les amariner aves celui de l'Ajax, qui a eu ordre de venir à bord ; nous avons mis le pavillon anglais avec le guidon rouge au grand mât. A 9 heures, signal à la Fine de brûler les prises; la palme nommée le Blek marchant assez bien, a été conservée. A 11 heures 1/2, l'Ajax a signalé une voile au S. O. A midi, lat. observée 17° 52' ; longit. 81° 3' ; relevé Biblipatnam, Ouest 5° Sud, 3 lieues. Route pour Goudelour. Le vent au S. S. O., petit. A 4 heures 1/2, lait rallier le Cowentry. A 6 heures, Y Artésien a appareillé pour aller prendre un paria à la remorque et en prendre le riz à bord ; tous les vaisseaux en avaient une grande quantité. Si nous étions arrivés à la côte trois semaines plus tôt, nous eussions absolument affamé Madras ; mais il en était déjà passé, et tous les bâtiments pris sur leur lest retournaient au Bengale pour faire un second chargement. MERCREDI 22. — Le vent au N. O., petit. A 2 heures 1/2, signal d'appareiller, le vent au N. E., petit. Route au S. O. 1/4 Ouest. A 6 heures, rendu notre manoeuvre indépendante pour attendre notre canot, qui était allé couler une prise. A 8 heures, notre canot étant venu à bord, nous avons fait servir. Route au S. O. A 2 heures, le Brillant a signalé deux voiles dans le S. O. ; signal de chasse à la Fine et au Cowentry ; A 11 heures, le vent a varié dans la partie du S. E., petit; pris les amures bâbord. Route au S. S. O. A midi, lat. observée 17° 50' ; longit. observée 81° 3' ; relevé Biblipatnam, O. N. O., 2 lieues. Le vent au S. S. E. Route au plus près du vent, bâbord amures. Au soleil couché, relevé Biblipatnam, N. O. 5° Ouest ; la terre la plus Sud, S. O. 5° Ouest ; distant de la terre 21 lieues 1/2; 21 brasses, vase. Le vent à l'E. S. E., petit. Route au S. S. O. A 10 heures 1/2, le vent au Sud, petit ; fait signal de mouillage et mouillé par 20 brasses, vase. JEUDI 23. — Le vent au N. O., petit frais. A minuit, signal d'appareiller ; à midi 3/4, mis sous voile, le cap au S. S. O. Au soleil levé, relevé Biblipatnam, N. O. ; la terre la plus Sud, S. O. ; distant de terre 2 lieues, 25 brasses. A 9 heures 1/2, signal de ralliement à la Fine. A midi, lat. observée 17° 40' ; longit. arrivée 80° 51' ; Biblipatnam, N. N. O. ; Vizagapatnam, Ouest; distant de terre 3 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 477 Calme. A 7 heures 1/2, appelé le capitaine de la Fine, pour lui donner ordre d'aller en toute diligence à Goudelour annoncer l'escadre et nous donner les nouvelles à notre arrivée. Au coucher du soleil Biblipatnam, Nord 5° Ouest ; Vizagapatnam, N. O. 1/4 Ouest; la terre la plus Ouest, O. S. 0. ; distant de terre 3 lieues. Le vent à l'E. S. E., petit. Route au S. S. 0. Sondé 36 brasses. VENDREDI 24. — Le vent au N. N. E., petit ; presque calme. Route au S. S. 0. A 7 heures, mis le cap au Sud. A midi, lat; observée 17° 0'; longit. arrivée 80° 48'; Vizagapatnam, N. O. 3° Nord ; distant de terre 3 lieues 1/2. A 2 heures 1/2, le vent s'est décidé au S. O., petit.; signal de virer de bord; pris tribord amures ; à 3 heures 1/4, ralliement à l'escadre. Au soleil couché, relevé Vizagapatnam au 1/4 Ouest, 5 lieues. La nuit, vent variable du Sud au S. O., presque calme. SAMEDI 25. — Le vent au S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 10 heures, vent au S. E., petit. Signal de virer de bord, pris tribord amures ; nous avons longé la côte jusqu'alors, parce que le premier rendez-vous pour l'Annibal anglais, la Bellone et la Fortune était dans ces parages ; mais la grande utilité dont notre présence pouvait être à Goudelour depuis la mort d'Hyder-Ali exigeant de s'y rendre le plus tôt possible, de général a décidé de prendre le large comme la route la plus prompte, dans l'espérance d'y trouver le vent des moussons. Il avait quelques projets sur les possessions anglaises de cette partie; mais la fâcheuse circonstance le force de les abandonner pour aller au plus utile. A midi, W. N. E. 1° 19'. — Lat. observée 17° 16' ; longit. arrivée 80° 57'. Depuis le dernier relèvement, route S. S. E. 3° Est, 4 lieues 1/2 ; différence Sud 2 heures 1/2. Le vent au S. S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. La nuit, les vents à l'O. S. O., petit. DIMANCHE 26. — Le vent au S. 0., petit. Route au S. S. E. A 6 heures, vu un bâtiment à deux mâts de l'avant à nous, qui a mis pavillon danois; fait signal au Cowentry de le visiter. A 8 heures, le capitaine dudit bâtiment est venu à bord. Etant parti depuis longtemps du Bengale pour Tranquebar, nous lui avons donné de l'eau dont il manquait. A 9 heures, mis le cap au Sud 1/4 S. E.; à 10 heures, au S. S. E. Le vent à l'O. S. O., petit frais. Janvier 1783. 478 JOURNAL DE BORD Janvier 1783. A midi, W. N. E. 0° 50'. — Lat. observée 16° 30'; longit. arrivée 81° 29' ; route, S. E. 1/4 Sud, 18 lieues 1/2. A la même heure, fait route au Sud ; le vent à l'Ouest, petit frais. A midi, signal au Sphinx de prendre le Blandfort à la remorque, qu'il avait largué dans les petits vents. A 2 heures 1/2, mis le cap au Sud 1/4 A 4 heures 1/2, mis en travers pour attendre les traînards. A 5 heures, signal à l'Ajax d'arriver. A 5 heures 1/2, nous avons fait servir. A 6 heures, route au Sud. La nuit, petit, au S. O. au plus près, tribord amures. Route pour Goudelour. LUNDI 27. — Le vent à l'O. S. O., petit ; beau temps. Route au plus près, tribord amures. A midi, W. N. E. 0° 54'. — Lat. observée 16° 14'; longit. observée 81° 33' ; corrigée par les courants 81° 49 ; route Sud 1/4 2° Est, 5 lieues 1/2; route corrigée par les courants 5° Est, 8 lieues 1/2 ; différence Nord 8 lieues. Le vent au S. O., petit; route au plus près, tribord amures. A 9 heures 1/4, le vent ayant passé dans la partie du S. S. E., signalé bâbord amures. MARDI 28. — Le vent au S. O., petit; beau temps. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure 1/2, signal de virer ; pris tribord amures. A midi, W. N. E. 1° 34'. — Lat. observée 16° 27'; longit. 81° 19' ; route N. N. E. 1° Est, 4 lieues 1/2; différence Nord 7 lieues; longit. corrigée par les courants 82° 9' ; route corrigée par les courants N. E. 1/4 Est, 7 lieues 2/3. Le vent au S. O., petit; en panne. A 1 heure 1/2, le vent s'est décidé au S. S. O., petit. Signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 4 heures, fait signal aux vaisseaux d'arriver. Le reste de la journée, au Sud et S. S. E. Route au plus près, tribord amures. MERCREDI 29. — Vent variable du Sud au S. S. E., petit frais. A 1 heure 3/4, signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A 6 heures, le Cowentry a signalé un bâtiment ami ou neutre dans l'O. S. O. A midi, W. N. E. 1°33'.— Lat. observée 16° 17'; longit. 81°45'; route corrigée S. E. 1/4 Sud 8° Sud, 4 lieues ; longit. observée 84° 00' ; longit. corrigée par les courants 82° 24'. Le vent au S. S. E., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures, signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 2 heu- DU BAILLI DE SUFFREN 479 res 1/2, arrivée à l'Est pour rallier les vaisseaux tombés sous le vent. Pendant la nuit, le vent au Sud, petit. Route au plus près, tribord amures. JEUDI 30. — Le vent au Sud, petit ; beau temps; Route au plus près, tribord amures. A 7 heures, le vent a passé à l'O. N. O. ; mis le cap au S. S. O. A 11 heures, le vent a varié à l'Est, petit. A midi, W. N. E. 1° 35'. — Lat. observée 16° 4' ; longit. arrivée 82° 0' ; longit. corrigée par les courants 82° 39' ; longit. par observation 84° 15'; route corrigée S. E. 3° Sud, 6 lieues 2/3. Le reste du jour, le vent Nord et N. E., petit. Route au S. S. O. VENDREDI 31. — Le vent au N. E., petit ; beau temps. Route au A 6 heures 1/2, signal au Sphinx de remorquer le Blandfort. A midi, W. 1° 42'. — Lat. observée 15° 10'; longit. corrigée 83° 52'; route observée 82° 16' ; longit. corrigée par les courants 81° 37'; longit. corrigée S. S. O. 1° Ouest, 19 lieues 1/4 ; différence Sud 6 lieues 1/2. A 1 heure, le Cowentry a signalé une voile au Sud 1/4 S. O.; signal de chasse. A 3 heures, le Cowentry l'a jointe et amarinée ; elle venait du Pégou, allant à Madras, chargée de poivre, calin et autres marchandises sèches ; ce bâtiment n'avait qu'un mât. Pendant la nuit, route au S. S. O. vent à l'E. SAMEDI 1er FÉVRIER. — Le vent au N. E., petitfrais ; beau temps. Route au S. O. A 6 heures, signalde ralliement à toute l'escadre. A midi, W. N. E 1°38'. — Lat. observée 14° 35'; longit. observée 80° 56'; longit. estimée 81° 35'; longit. corrigée par les courants 83° 11';- route corrigée S. O. 1/4 Ouest, 17 lieues 72 ; différence Nord 2 lieues 1/3. A 3 heures 3/4, signalé la route S. O. 1/4 Ouest. A 11 heures 3/4, est tombé un petit noir à là mer ; mais nous n'avons pu lé sauver. A 11 heures 1/2, rembarqué le canot et remis en route. DIMANCHE 2. — Le vent au N. E., petit frais ; beau temps. Route au S. O. 1/4 Ouest. A midi, W. N. E., 1° 36'. — Lat. observée- 14° 11' ; longit. estimée 80° 8' ; longit. corrigée par les courants 80° 47' ; longit. observée 82° 23'; route corrigée 5° Sud, 17 lieues 1/4; différence Nord '4 lieues 2/3. Le vent au N. E.,. petit frais. Route S. O. 1/2 Ouest. La nuit» même vent et route. W. N. E., 1° 39'. Janvier 1783. Prise. Février 1783. 480 JOURNAL DE BORD Février 1783. LUNDI 3. — Le vent au N. E., petit frais ; beau temps. Route au S. O. 1/4 Ouest. A 8 heures, mis un canot à la mer pour observer les courants, qui nous portent 2/3 de noeud S. O. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 13° 37' ; longit. estimée 79° 13' ; longit. corrigée par les courants 79° 52' ; longit. observée 81° 28' ; route corrigée S. O. 1/4 Ouest 2° Ouest, 21 lieues 1/2. A 2 heures 1/2, signalé la route à O. S. O. Pendant la huit, même route. MARDI 4. — Le vent à l'E. N. E., petit frais. Route à l'O. S. O. A midi, W. N. E., 1° 30'. — Lat. observée 18° 12' ; longit. estimée 78° 10' ; longit. corrigée par les courants 78° 49' ; longit. observée 80° 25'; route corrigée 1/4 Ouest 4° Ouest, 23 lieues 1/3; différence Sud 3 lieues. Le vent au N. E., joli frais. Route à l'O. S. O. A 2 heures 1/2, vu une voile à l'O. N. O. ; nous avons aussitôt mis toutes voiles dehors et lui avons donné chasse à l'O. N. O. Fait signal de manoeuvre indépendante et de chasse au Cowentry et à l'Artésien. A 3 heures 1/2, signalé la route de l'escadre à l'Ouest 1/4 S. O. ; à 3 heures, à l'Ouest 1/4 N. O. Le bâtiment chassé, qui nous avait attendus jusqu'alors, a pris chasse ; nous l'avons jugé frégate anglaise. A 3 heures 1/4, fait prendre à la palme le paria de l'Artésien à la remorque. Gouverné à l'Ouest, et, à 4 heures, à l'O. S. O. Nous n'approchions point du bâtiment chassé; le Cowentry même n'avait pas un grand avantage sur lui. A 4 heures 1/2, vu un autre bâtiment à l'Ouest 1/4 N. O., qui nous a paru aussi de guerre. Fait signal aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles. A 5 heures 1/4, vu la terre ; nous en avons fait signal à l'escadre et ordonné à l'Illustre de sonder. Au soleil couché, signal de ralliement. Mis les flammes de l'Artésien et du Cowentry et tiré un coup de canon. L'Artésien ne se ralliant point, répété un coup de canon. Relevé la terre la plus Nord, Ouest j la terre la plus Sud, O. S. O. ; distant 6 lieues. A la même heure, signal de panne, tribord amures pour laisser rallier les mauvais marcheurs. A 7 heures 1/2, signal de faire servir au S. O. MERCREDI 5. — Le vent au N. E., petit frais; beau temps. Route au S. O. A 1 heure, sondé 40 brasses, sable fin ; fait route alors au S. O. 1/4 Sud ; à 3 heures, 28 brasses, sable vaseux ; mis le cap au S. S. O. Frégates anglaises. Côte de Coromandel. DU BAILLI DE SUFFREN 481 A 7 heures, relevé Sadras, N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest, 3 lieues. Sondé 24 brasses. A 8 heures, ordonné au Cowentry de forcer de voiles pour Pondichéry et de venir donner les nouvelles. A midi, lat. observée 12° 13' ; longit. estimée 72° 2. A 2 heures 1/2, le Cowentry a signalé une voile. A la même heure, forcé de voiles; mis le cap au S. S. O., le vent au N. E., petit frais. A 3 heures 3/4, le Cowentry a mouillé à Pondichéry, où était aussi un senau danois. A 4 heures 1/2, le Cowentry a appareillé, demandant à nous parler. Au, soleil couché, relevé le mât de pavillon de Pondichéry, Ouest 1/4 S. O. ; Goudelour, S. O. 1/4 Sud 5° Sud ; distant de terre 1 lieue 1/2. Le canot du Cowentry est venu abord avec le capitaine de port de Pondichéry, M. de Solmihiac. Le vent au N. E., petit. A là même heure, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 9 heures, par 9 brasses d'eau, fond de vase, signal de mouillage et. mouillé avec une petite ancre. Nous avons su qu'après la mort d'Hyder-Ali-Kan, arrivée le 4 décembre et causée par un abcès au côté qu'il avait trop différé, de faire ouvrir, M. d'Hofflize, campé pour lors à Mangicoupan, s'était décidé à s'approcher de l'armée du nabab pour en imposer aux gens mal intentionnés et maintenir les droits dé Tippou-Saëb, premier fils du nabab, qui était alors à la côte Malabar, avec un fort détachement, pour s'opposer aux Anglais, qui de Bombay avaient envoyé une petite armée dans son pays. Après la mort du père, quelques chefs qui avaient eu sa confiance, lui avaient aussitôt dépêché un courrier pour l'en instruire et avaient tenu cette mort cachée à l'armée tant qu'ils avaient pu. Quelques chefs, qui avaient voulu remuer, soit pour profiter du désordre eux-mêmes ou en faveur des Anglais, avaient été emprisonnés. Tous les ordres étaient donnés au nom du deuxième fils d'Hyder, qui avait toujours été dans l'armée. Enfin le 27, Tippou-Saëb. arrivé à son armée fut paisiblement proclamé nabab d'Arcote et Février 1783. Pondichéry. 482 JOURNAL DE BORD Février 1783. prit possession sans difficulté des trésors et des possessions de son père. Il n'est peut-être point d'exemple dans l'Inde d'une pareille tranquillité. La présence de l'armée anglaise eût fait sûrement débander cette armée, et toutes les possessions de Tippou fussent sûrement devenues la proie de ses gouverneurs mêmes ou des puissances voisines. On assure que le manque de vivres empêcha les Anglais d'entrer en campagne. Notre armée était restée depuis avec celle de Tippou-Saëb. Le Chasseur, venant de l'Ile-de-France, expédié à M. de Suffren par M. de Bussy pour lui apprendre l'époque qu'il avait fixée pour son départ, était arrivé à Achem quelques jours après notre départ, et, ayant appris notre route par la corvette la Fortune, il était venu nous chercher à la côte d'Orixa ; mais, ayant eu le malheur de rencontrer la frégate anglaise la Médée, qui était la même qui était venue mouiller à Gangeau et s'était échappée si heureusement, il avait été attaqué et obligé de se rendre après un combat très chaud, dans lequel M. de Boisgelin, commandant, avait perdu beaucoup de monde, presque tous ses officiers, et avait lui-même été dangereusement blessé à la cuisse. Les nouvelles venaient de Madras et par un bâtiment pégouan, que nous avions laissé à Achem et sur lequel était un Français. Mouillé à Goudelour. JEUDI 6. — Le vent au N. O., petit ; temps brumeux. A 5 heures 1/2, signal de mettre sous voile. A 6 heures 1/2, le Flamand a signalé un bâtiment au Nord ; signal au Cowentry de chasser au Nord. A 6 heures 1/2, signal de ralliement au Cowentry. A 9 heures 1/4, mouillé à Goudelour par les 9 brasses, sable et vase 1. 1. Lettre de M. de Suffren à Mme de Seillans Ce 6 février 1783, Goudelour. — ..... Sir Hughes est toujours à la coste de Malabar, et nous à celle de Coromandel ; ainsi nous voilà en paix pour quelque temps. D'ici au temps où il viendra, je serai joint par de puissants renforts Si la paix ne se fait pas, nous aurons encore plusieurs affaires cette année. Si l'on se bat mal, ce n'est pas faute d'être exercé » Ortolan, Monit. Univers., 5 nov. 1859. DU BAILLI DE SUFFREN 483 Relèvement le mât de pavillon, N. O. 1/4 Ouest; le Gouvernement, O. N. O. 2° Nord; la rivière, O,. S. O, 2°. Ouest; la terre la plus Sud, Sud 5° Ouest ; la terre la plus Nord, Nord 5° Est; distant de terre 3/4 de lieue. Le vent au N. N. O., petit. Trouvé la Fine audit mouillage, avec le bâtiment pégouan ; nous n'avons amené de toutes nos prises que le Blandfort, la palme et les deux bâtiments chargés d'artillerie et de poivre. VENDREDI 7. — Le vent au N. O., petit ; temps brumeux. Fait visiter par le Saint-Michel un paria qui passait à portée. A 11 heures 1/2, la palme a mis sous voile pour Trinquémalay. A 6 heures 1/2, appelé à l'ordre pour faire dire aux capitaines d'envoyer leurs malades à terre ; il y en avait beaucoup dans les différents vaisseaux de l'escadre et surtout sur l'Illustré et le Sévère. La nuit, le vent au N. O. SAMEDI 8, DIMANCHE 9. — Le vent à l'Ouest, petit frais ; beau temps. A 10 heures 72, au S. S. E. Le général ayant fait le projet d'envoyer le Saint-Michel en croisière, M. Dupas, commandant le vaisseau, a représenté que sa santé ne lui permettait pas d'entreprendre une croisière dure et le général a décidé qu'il passerait au commandement de l'Ajax, M. de Beaumont passant à celui du Saint-Michel. LUNDI 10. — Le vent au S. S. E., petit frais. Appelé les capitaines du Saint-Michel et du Cowentry. M. de Beaumont a eu ordre d'aller croiser avec le Cowentry sur Madras jusqu'à la fin du mois. A 10 heures, il a mis sous voile. La frégate anglaise la Médée ayant passé il a quelques jours à Goudelour, au moment où un vaisseau hollandais venait de charger la batterie du Bizarre pour la porter à Trinquémalay, s'en est emparée. On a accusé le capitaine hollandais de n'avoir pas appareillé aussitôt qu'il aurait pu, ayant été prévenu de bonne heure de l'apparition de la frégate. MARDI 11. — Le vent à l'Ouest, petit. A 5 heures 1/2, signal d'appareiller; à 6 heures 1/2, mis sous voile pour aller faire de l'eau à Portonovo, où elle se fait plus aisément, pouvant y employer, nos bâtiments avancés. Le Flamand est resté à Goudelour pour apporter quelques effets nécessaires à- l'escadre. Les matelots convalescents étaient avec l'armée française, où ils étaient employés à l'artillerie. A 9 heures, calme, lés courants nous portant au Nord. Fait signal de mouillage et mouillé avec une petite ancre. Le Sphinx a été envoyé à Pondichéry pour prendre du biscuit qu'on y fait pour l'escadre et du blé Février 1783. Appareillé de Goudelour. 484 JOURNAL DE BORD Février 1783. que nous y avons envoyé. A 1 heure, l'Ajax a signalé un bâtiment au S. E. A 1 heure 3/4, le vent au S. E., petit. Signal d'appareiller ; pris bâbord amures. A 2 heures 1/2, ordre à l'Artésien de prendre le paria, chargé d'artillerie, à la remorque. Au soleil couché, relevé lat. observée 11° 36' ; le mât de pavillon de Portonovo, S. S. O. 2° Sud, 2 lieues; le mât de pavillon de Goudelour, N. O. 1/4 Nord 4° Nord. A 7 heures, le vent à E. S. E., petit frais. Signal de mouillage et mouillé par 9 brasses, sable et vase. MERCREDI 12. — Le vent au S. O., petit frais ; beau temps. A 5 heures, signal d'appareiller. A 6 heures, nous avons mis sous voile et relevé le mât de pavillon de Portonovo, S. S. O., 1 lieue; celui de Goudelour, N. N. O. 5° Ouest. A 9 heures 3/4, le vent ayant molli, signal de mouiller avec une petite ancre; mouillé par 11 brasses, sable vaseux. Relevé le mât de pavillon de Portonovo, S. O. 1/4 Sud, 1 lieue ; celui de Goudelour, Nord 1/4 N. O. 4° Ouest. A 10 heures, mis la chaloupe à la mer. Le vent s'étant décidé au Sud petit, à midi, signal d'appareiller ; nous avons mis. sous voile. A 2 heures 1/2, signal de virer de bord; pris tribord amures. Les vents ont varié au S. E., petit frais; viré de bord et pris les amures à bâbord. A 5 heures 1/2, signal au Sévère de virer de bord. Au soleil couché, nous avons relevé le mât de pavillon de Portonovo, S. O. 5° Sud; Goudelour, Nord 5° Ouest; distant de terre 2/3 de lieue. Mouillé à Portonovo. A 0 heures 1/4 mouillé à Portonovo par 7 brasses, vase. On a tout de suite envoyé à l'eau. La nuit, le vent au Sud, presque calme. JEUDI 13. — Le vent au Sud, petit ; presque calme. Relèvement du mouillage le mât de pavillon de Portonovo, S. O. 5° Ouest ; la terre la plus Sud, S. S. E. ; Goudelour, Nord ; distant de terre 1/2 lieue. A 11 heures 1/2, les vents ayant passé au S. B., petit frais, tous les vaisseaux qui n'avaient pas pu prendre le mouillage ont mis sous voile dans la journée ; ils ont tous mouillé et envoyé à l'eau. VENDREDI 14. — Le vent au S. O., petit ; beau temps. A 4 heures, la Fine a mis sous voile avec le paria chargé de poivre, etc., pour le conduire à Tranquebar, ou il doit être vendu. Elle est chargée d'acheter les munitions navales qu'elle pourra se procurer et surtout des DU BAILLI DE SUFFREN 485 boulets, dont nous manquons ; au jour, l'Annibal et l'Illustre ont mis sous voile pour prendre un meilleur mouillage. A 11 heures, les vents ont varié au S. E. A 4 heures, aperçu un bâtiment, qui a mouillé à Goudelour. La nuit, calme. SAMEDI 15. — Le vent à l'Ouest, petit frais; beau temps. A 6 heures 1/2, l'Ajax a signalé un bâtiment au N. A 9 heures, le vent a passé au S. S. E., petit. A 2 heures, M. Pivron de Morlot, agent de France auprès du nabab, est arrivé du camp de ce prince et est venu à bord. On n'était point aussi content du fils que du père ; il paraissait décidé à repasser les Ghattes pour aller au secours de son pays, que les Anglais avaient attaqué vivement. Le gouverneur de Nagpour, place forte, et où il y avait une partie de ses trésors, s'était revolté et donné aux Anglais, ce qui les mettait en possession d'une grande province, étant déjà maîtres de Mangalor, port de mer, à la côte Malabar, où le nabab avait perdu toute sa marine. On aurait désiré qu'il eût attendu l'arrivée de M. de Bussy; mais il était annoncé depuis si longtemps qu'il était difficile de faire entendre raison là-dessus à Tippou-Saëb, que son dorbar pressait de retourner dans ses Etats. Dans l'espérance que M. de Suffren pourrait avoir quelque pouvoir sur l'esprit du fils, comme il en avait eu sur le père, M. Pivron était venu, pour le prier d'écrire fortement à ce prince afin de l'engager à renoncer à ce départ, qui, en entraînant la perte des Français à la côte de Coromandel, diminuerait beaucoup sa puissance et le priverait du seul allié qui pût soutenir ses droits sur sa nababie d'Arcote; qu'à l'arrivée de M. de Bussy, qui ne pouvait être que très prochaine, on enverrait un détachement dans ses États, suffisant pour en chasser les Anglais. Le nabab, avant de quitter le Coromandel, avait le projet d'une expédition sur Vandavachi, et il était même 32 Février 1783. M. Pivron à bord. 486 JOURNAL DE BORD Février 1783. en marche pour l'exécuter. Les Anglais s'étaient pareillement mis en campagne sans doute pour s'y opposer, et l'on attendait à tout moment les nouvelles d'une affaire qui ne devait nullement être à craindre pour nous, étant en forces si supérieures. M. Pivron est retourné à terre avec les dépêches du général pour le nabab, afin de se rendre au camp de ce prince. Nous nous sommes procuré ici quelques boeufs et moutons, qui ont été embarqués à bord du Blandfort ; A 6 heures 72, le Sphinx, venant de Pondichéry, a mouillé dans l'escadre. Le reste de la journée, le vent au S. E. ; la nuit calme. Nous comptons mettre sous voile demain pour Trinquémalay, où le général a grand désir d'arriver pour presser les réparations, à. faire à quelques vaisseaux de l'escadre et pouvoir être prêt à l'apparition de l'escadre anglaise sur la côte. Appareillé de Portonovo. DIMANCHE 16. — Le vent à l'Ouest, petit frais. A 2 heures 3/4, signal d'appareiller, abattant sur bâbord. A 5 heures 1/4, mis sous voile. Route au Sud 1/4 S. E. Au jour, nous avons envoyé visiter une chelingue chargée de sel pour Goudelour. Le Flamand, appareillé de Goudelour, fait force de voiles pour rallier l'escadre. A 6 heures 1/2, l'Artésien était encore mouillé ; on lui a fait signal d'appareiller et un coup de canon. Il nous venait encore des chelingues avec des boeufs, qui ont été à bord de l'Artésien. A midi, lat. observée, 11° 26' ; le mât de pavillon de Portonovo, O. N. O. 5° Nord ; distant de terre 2 lieues. Route pour Trinquémalay. A 4 heures, signal aux vaisseaux de tête de diminuer de voiles et de ralliement général. A 5 heures, relevé Portonovo, N. O., 4 lieues ; la terre la plus Sud, Sud 5° Ouest. Le vent à l'E. N. E., petit frais. Route au S. S. E. Sondé 20 brasses, sable fin. A 6 heures, embarqué tous les bâtiments de rames. LUNDI 17. — Le vent au N. N. E., petit frais. Route au S. S. E. A minuit 1/4, vu les bâtiments mouillés à Tranquebar, au DU BAILLI DE SUFFREN 487 S. 0. 1/4 Ouest. La Fine a rallié l'escadre. Nous avons tiré 2 fusées et allumé nos feux. Au soleil levé, relevé Tranquebar, N. 0. 5° Ouest; Négapatnam, S. 0. 3° Sud ; les pagodes de Nagur, S. 0. 1/4 Ouest 3° Sud ; distant de terre, 4 lieues. Le vent au N. N. 0., joli frais. Route au S. S. E. A 6 heures 1/2, l'Illustre a signalé une voile au Signal au Sphinx de ralliement et de donner la remorque au Blandfort, Mis le cap au S. E. 1/4 Sud. A 10 heures, relevé les pagodes de Nagur, Ouest 1/4 N. 0., 5 lieues; Négapatnam, Ouest 3° Sud. A 11 heures, le Brillant a signalé une voile au S. S. 0. signal de chasse à la Fine; c'était une chelingue. A midi, lat. observée 10° 45' ; longit. observée, 77° 56 ; depuis 10 heures, route corrigée, S. E. 1/4 Sud 1° Sud, 2 lieues 3/4. A 1 heure, la chelingue chassée jointe par la Fine, ayant mis pavillon blanc, rendu notre manoeuvre indépendante et fait routé dessus au S. S. 0. A 1 heure 3/4, M. Desplanes, capitaine de port en second de Goudelour, est venu à bord; il venait de Trinquémalay, où il avait été envoyé de Goudelour par M. d'Hofflize pour avoir des nouvelles et savoir si on n'en aurait pas de M. de Bussy. Il avait quelques lettres de Trinquémalay pour le général. A la même heure, pris bâbord amures pour rallier l'escadre. A 5 heures, le vent a varié à l'Est. Route au plus près, bâbord amures. MARDI 18. — Le vent variable de l'Est à l'E. S. E., petit. A 2 heures, sondé 33 brasses. A 2 heures 1/2, signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A 9 heures 1/4, Ie vent a passé au N. N. .0., petit ; mis le cap au S. S. E. A midi, lat. observée 10° 16'; longit. 78° 15' ; route corrigée, S. E. 1/4 Sud, 11 lieues ; la pointe de Pedro me reste, S. 0., 8 lieues 2/3. Sondé 32 brasses, roche. Vent au Nord, petit frais. Route au S. E. 1/4 Sud. A 1 heure, mis le cap au S. E. A 2 heures, la Fine a signalé la terre de Ceylan au Sud 1/4 S. 0. Fond 27 brasses. A 10 heures, le Sphinx a signalé le fond ; sondé et trouvé 20 brasses. Un quart d'heure après, signal de mouillage par 16 brasses, gros gravier ; vent d'E. S, E., petit frais. MERCREDI 19. — Le vent au S. S. E., petit. A 4 heures 1/2, signal d'appareiller. A 5 heures 1/2, mis sous voile; pris tribord Février 1783. 488 JOURNAL DE BORD Février 1783. amures. Au jour, vu la terre au S. O., petit frais. Fait route au S. E. 1/4 Est. A midi, lat. observée 10° 1' ; longit. 78° 34' ; route corrigée S. E. 1/4 Est 4° Sud, 8 lieues ; différence Nord 3 lieues. Le cap de Pedro nous restant à l'O. S. O. 5° Ouest, 10 lieues. Sondé 42 brasses, gros gravier. Calme. A 1 heure, le vent est venu N. E., petit frais ; nous avons viré de bord et fait route au A 9 heures 1/4, le vent au Fait signal de mouillage ; mouillé par 15 brasses, gros gravier. JEUDI 20. — Le vent au Sud, petit. A 4 heures, ayant passé au S. S. O., signal d'appareiller. A 4 heures 1/2, mis sous voile. Au jour, vu la côte au S. S. O., 5 lieues. A 8 heures 1/4, calme. Les courants portant au Nord et N. N. O., fait signal de mouillage et mouillé par 26 brasses, sable et petit gravier. A midi, W. N. E. 45'. — Lat. observée 9° 52' ; longit. observée 78° 24'; la terre la plus Nord, S. O. ; la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. O. ; distant de terre 5 lieues. Le vent à l'E. N. E., petit. Signal d'appareiller. Route au S. E. 1/4 E. Le reste du jour, vent variable de l'E. N. E. à l'Est. VENDREDI 21. — Le vent à l'Est, petit frais ; beau temps. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, trouvé 25 brasses, sable fin. A 4 heures, par 18 brasses, même fond. Signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 7 heures, le vent a passé au N. E. Signal de virer de bord ; gouverné au S. E. 1/4 Est. A 9 heures, mis le cap au S. E. A midi, W. 00° 40'.— Lat. observée 9° 44' ; longit. arrivée 78° 35'; différence Nord 8 lieues 2/3; distant de terre 6 lieues. Le vent au N. E., petit. Route au S. E. 1/4 Est; à 5 heures, route au S. E. SAMEDI 22.— Le vent au petit frais. Route au 1/4 Sud. A 6 heures 3/4, gouverné au S. S. B. A midi, lat. observée 9° 26'; longit. arrivée 78° 41'; distant de terre 5 lieues ; différence de l'estime à la hauteur 10 lieues, Nord. Même vent et route S. E. A 10 heures, le vent a fraîchi ; pris un ris. DIMANCHE 23. — Le vent au N. E., joli frais. Au jour, mis le cap au S. S. E. An soleil levé, relevé la baie de Trinquémalay, S. S. O. DU BAILLI DE SUFFREN 489 A 6 heures 1/4, mis le cap au Sud; à 7 heures 1/2, au S. S.. E. A 8 heures 1/2, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre ; à 9 heures, nous avons donné dans la baie et fait signal d'ouvrir les distances. A 11 heures 1/2, nous avons mouillé dans la baie de Trinquémalay, par 17 brasses, vase. Tous les vaisseaux sont entrés, excepté le Sévère, qui a été obligé de mouiller en dehors, vis-à-vis l'anse, au carénage. Le Vengeur et là Pourvoyeuse étaient arrivés depuis longtemps. Le vaisseau était on ne peut pas moins avancé dans son radoub, n'ayant pas encore été abattu. Nous, avons encore trouvé, dans le port, la Consolante et l'Apollon, bâtiment de 40 canons, acheté pour le roi au Cap avec trois autres bâtiments marchands, chargés de vivres, que l'Apollon avait laissés à Galles ; il avait apporté, lui, tout ce qu'il avait pu. Ce bâtiment, ayant du 18, ne pouvait cependant nous être d'aucune utilité, n'étant point doublé en cuivre et n'ayant pas 100 hommes d'équipage; il était commandé par M. de Saint-Hilaire, ancien officier de la Compagnie, aujourd'hui lieutenant de vaisseau. On avait retenu dans le port un bâtiment portant pavillon portugais, percé pour 50 canons et doublé en cuivre, chargé en entier de munitions navales, de vin de Madère et d'autres provisions de bouche. Ce bâtiment, venant d'Europe, était commandé par un Anglais de Bombay, qui venait tout récemment de se faire naturaliser Portugais. Sa destination était pour Bombay; mais, ayant reçu, à son atterrage sur Ceylan, à la mi-novembre, un coup de vent qui l'avait démâté de tout mât, il s'était vu forcé de relâcher à Trinquémalay. Le croyant sans doute encore aux Anglais, ayant paru très surpris lorsque le pilote lui apprit qu'il appartenait aux Français, le général. l'a décidé bonne prise, sur ce que ce bâtiment, ayant été Février 1783. Trinquémalay. 490 JOURNAL DE BORD Février 1783. construit à Bombay et appartenant aux Anglais, n'avait été acheté par les Portugais que depuis les hostilités; il n'avait d'ailleurs aucun connaissement ni état de la cargaison, qu'il disait lui avoir été emportés par un coup de mer lors du coup de vent. Il y avait dessus plusieurs passagers anglais. Le vaisseau hollandais venant de Malacca était aussi arrivé avec un autre de Ceylan, chargé de provisions et effets nautiques, et deux prises faites par l'Annibal et la Bellone, chargées de riz. Il était aussi arrivé de l'Ile-deFrance la corvette les Deux Hélènes, portant le double des expéditions du Chasseur; mais on avait dépêché la Naïade, la veille, avec les paquets pour la côte, croyant y trouver le général. On avait aussi des nouvelles de la Fortune, qu'on avait vu croisant au vent d'Achem, sans doute sur les nouvelles apprises par le Chasseur. La Fortitude était arrivée du Pégou avec un chargement complet de bois de construction. LUNDI 24. — Le vent au N. E., joli frais. A 6 heures, affourché au S. O. avec une grosse ancre, par 26 brasses, vase. La nuit, même vent. MARDI 25. — Le vent au N. E., joli frais ; la frégate l'Apollon a amené du Cap les détachements d'Austrasie qui y étaient en garnison ; le général les envoie à la côte joindre leur corps sur la Fine et la palme. A 2 heures 1/2, la Fine a appareillé avec la palme, elle est mouillée en dehors le soir. Même vent, pendant la nuit. MERCREDI 26. — A 10 heures, la Naïade, corvette de 22 canons de 8, doublée en cuivre, qui avait été nous chercher à la côte, est entrée et a mouillé dans le port. M. de Suffren chef d'escadre. Le général a reçu ses dépêches par lesquelles M. de Bussy lui annonçait son départ des îles vers le 10 décembre; il a su aussi qu'il avait été fait chef d'escadre. JEUDI 27. — Le vent au S. O., petit ; beau temps. A midi 3/4, il. a passé au N. E. La Fortune est arrivée; elle avait croisé sur Achem DU BAILLI DE SUFFREN 491 sans avoir rien vu; la Consolante a appareillé avec ordre d'aller à Galles pour dire aux trois transports du convoi de l'Apollon de venir à Trinquémalay et les escorter. VENDREDI 28. — La Consolante, qui avait mouillé en dehors, a appareillé. SAMEDI 1er MARS. — A 4 heures après-midi, amarré un matelot sur un canon pour vol. Il est arrivé des lettres de la côte par un cotre marron ; nous avons su que les Anglais, d'après le projet du nabab de s'emparer de Vandavachi, s'étaient portés sur cette place, et, jugeant qu'ils ne pouvaient pas la défendre, ils l'ont démolie et fait sauter les fortifications. Les deux armées ont été quelques jours en présence, mais sans qu'il en ait résulté d'affaire. M. le comte d'Hofflize faisait part à M. de Suffren que le nabab était absolument décidé à repasser les Ghattes pour aller au secours de ses Etats, toujours pressé plus vivement par le général Mathews. On l'avait cependant engagé, pour gagner du temps et voir enfin arriver M. de Bussy, à attendre un officier de l'escadre que M. de Suffren enverrait et auquel il ferait part de ses dernières déterminations, si M. de Bussy n'était point arrivé. Sur ces nouvelles, M. de Suffren donna ordre à M. de Moissac de pa,sser sur-le-champ à bord de la Naïade pour se rendre à la côte, et, de là, au camp du nabab avec instructions de bien convaincre le nabab de l'arrivée très, prochaine de M. de Bussy, et que, des renforts considerables de troupes et vaisseaux devant bientôt arriver, on reprendrait aisément les pays que les Anglais pouvaient avoir conquis. A 6 heures du soir, M. de Moissac a passé sur la Naïade; M. de Costebelle, qui la commandait, étant retenu à terre par maladie, il était ordonné à M. de Saint-Georges, second, de prendre les ordres de M. de Moissac dans toutes les occasions. Février 1783. Mars 1783. Nouvelles de la côte. 492 JOURNAL DE BORD Mars 1783. DIMANCHE 2. — Le vent au N. E., petit frais. A 8 heures, la Naïade a mis sous voile. A 1 heure, l'Annibal anglais et la Bellone sont arrivés de leur croisière ; ils avaient été au moment de prendre le vaisseau de guerre le San-Carlos, qui ne s'était sauvé qu'en s'échouant sur les bancs de l'entrée du Gange et en jetant des canons à la mer. M. Launay est arrivé de Goudelour sur les bâtiments, pour se trouver à l'arrivée de M. de Bussy. Le Vengeur a été mis sur le côté ; mais on a été obligé bien vite de le redresser par la grande quantité d'eau qu'il faisait, les hauts apparemment étant mal calfatés. LUNDI 3, MARDI 4, MERCREDI 5. — A 1 heure, la Bellone et un bott, prise, ont appareillé pour aller à la côte porter du riz dont l'armée a besoin et quelque argent, que la Compagnie hollandaise à Ceylan a prêté sur les demandes de M. le comte d'Hofflize. JEUDI 6. — Le vent à l'Est, petit frais. A 3 heures, le fort d'Austimbourg a signalé trois voiles au Nord. A 4 heures, la Fine et la palme qui avaient été porter des troupes à la côte, ont mouillé ; elles avaient pris en passant à Tranquebar le bott chargé de poivre et autres effets qu'on y avait vendus, et l'on avait acheté et chargé dessus des boulets et quelques munitions navales, lequel a aussi mouillé. VENDREDI 7. — Le Saint-Michel, venant de croiser sur Madras, est entré avec le Cowentry ; ils ont détruit plusieurs bâtiments, dont deux fort gros. Deux senaux, chargés de riz, avaient seuls été conservés et laissés à Goudelour pour y être déchargés. SAMEDI 8. — A midi, le Cowentry a mouillé. Arrivée de M. de Bussy. DIMANCHE 9. — A 4 heures après-midi, la frégate la Cléopâtre est entrée et a annoncé la division de M. de Peynier. LUNDI 10. — A 3 heures, la division de M. de Peynier est entrée avec son convoi au nombre de 35 voiles, chargées de vivres, munitions navales, et portant environ 2,500 hommes de troupes. M. de Bussy se portait à merveille et était bien réparé de la maladie qu'il avait eue. Il avait passé à Achem, espérant y trouver l'escadre ou quelques croiseurs ; c'est ce qui les avait retardés si longtemps. A 4 heures 1/2 , tous les bâtiments de la flotte ont été mouillés. Cette division était composée du 74, M. de Peynier, Vaisseaux composant la division. DU BAILLI DE SUFFREN 493 capitaine de vaisseau ; de l'Argonaute, 74, M. de Clavières, capitaine de vaisseau; du Hardi, 66, M. Kerhué, lieutenant de vaisseau; de la Cléppâtre, 36, M. de Rosily, lieutenant de vaisseau. L'Alexandre devait être radoubé à l'Ile-deFrance et nous joindre sous 2 mois au plus tard. MARDI 11. — M. de Suffren, avec tous les capitaines et l'état-major de l'escadre, a été, à 10 heures, faire une visite à M. de Bussy, ayant le pavillon de l'avant de son canot déployé ; il a été salué de trois cris de vive le roi ! » par tous les bâtiments de l'escadre. Dans l'aprèsmidi, M. de Peynier et tous les officiers de la division sont venus à bord voir M. de Suffren. MERCREDI 13, JEUDI 14. — L'intention du général est de n'aller à Goudelour qu'avec les vaisseaux doublés en cuivre pour achever l'opération et être à même d'éviter plus facilement l'escadre anglaise au cas où elle serait rencontrée à son retour de Bombay. L'on embarque sur lesdits vaisseaux les troupes et effets d'artillerie les plus urgents, se réservant d'envoyer le reste peu à peu, et l'on ne mène à la côte que les transports qui marchent le mieux; l'on complète les équipages des vaisseaux arrivés avec ceux des vaisseaux qui restent; à 2 heures nous avons appareillé et sommes allés mouiller en dehors avec plusieurs autres vaisseaux et bâtiments du convoi. VENDREDI 14. — Le vent Sud, petit ; beau temps. Mouillé à l'arrière-baie. A 8 heures 1/2, la Fortune a signalé une voile au N. N. E. A 2 heures, ayant sorti du port les autres vaisseaux de guerre et du convoi, fait signe d'appareiller et mis aussitôt sous voile, tribord amures. Route au plus près du vent. A la même heure, signal à la Fortune de chasser au Nord 1/4 N. 0. M. de Bussy est resté sur le Fendant. A 6 heures, signal aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles, ainsi qu'à la flotte. Au soleil couché, relevé le pavillon de Trinquémalay, Sud 5° Est; Mars 1783. Trinquémalay. Départ de Trinquémalay. 494 JOURNAL DE BORD Mars 1783. l'île aux Pigeons, 0. S. 0. 5° Ouest la terre la plus Nord, N. 0. 5° Ouest. Le vent à l'Est. A 6 heures, gouverné au Nord 1/4 N. 0.; à 8 heures 1/2, au N. N. 0. LISTE DE LA DIVISION Le Héros 74 canons Le Fendant 74 » L'Argonaute 74 » Le Sphinx 64 » L'Artésien 64 » L'Annibal anglais, 50 » Le Saint-Michel 60 » La Cléopâtre 36 » La Fine 36 » Le Cowentry 28 » La Bellone 36 » La Fortune 18 » SAMEDI 15. — Le vent au S. E., petit. Route au N. N. 0. A 1 heure, sondé 40 brasses, gros gravier. A 2 heures, le cap au Nord 1/4 N. 0. A 6 heures, signal de ralliement à l'escadre et à la flotte ; mis en panne pour faciliter le ralliement. A 7 heures 1/2, fait servir et gouverné au plus près, tribord amures. Signal à la Cléopâtre de chasser deux lieues en avant de l'escadre. A 8 heures, remis en panne. A 10 heures, fait servir au N. N. 0. A midi, lat. observée 9° 39'; longit. arrivée 78 39'; route corrigée depuis le dernier relèvement Nord 1/4 N. 0. 4° Ouest, 19 lieues ; différence Nord 6 lieues 1/2 ; distant de terre 6 lieues. Le vent à l'E. S. E. A 2 heures, mis le cap N. 0. 1/4 Nord. A 3 heures 1/2, signalé la route à cet air de vent. A 6 heures, la Cléopâtre a signalé la terre. Pendant la nuit, même vent et route. DIMANCHE 16. — Même vent et route. Au soleil levé, relevé la tour de Chine, S. 0. 1/4 Ouest 2° Ouest; les pagodes de Nagur, 0. S. 0. 5° Ouest ; distant de terre, 5 lieues. Route pour Goudelour. Mis le cap au N. 0. A 6 heures 1/2, la Cléopâtre a signalé une voile au S. S. O. ; on lui a fait signal de chasse ; à 7 heures, annulé le signal. A 7 heures 1/2, signal au Fendant de passer à poupe. A la même heure, mis le cap au N. 0. 1/4 Nord, A 7 heures 3/4, le général DU BAILLI DE SUFFREN 495 a été à bord du Fendant; à 9 heures 1/2, mis le cap au N. N. 0.; à 11 heures forcé de voiles. A midi, lat. observée 11° 8' ; longit. arrivée 77° 38'; le mât de pavillon de Tranquebar S. 0. ; distant de terre 1 lieue; différence Nord 10 lieues. Le vent au S. E., petit. Route au N. N. 0. A 1 heure, aperçu un bâtiment au Nord 1/4 N. E. ; fait signal de chasse à l'Artésien. L'intention du général étant de débarquer les troupes à Portonovo, par la facilité qu'on y trouve de se servir de ses bâtiments de rames, d'où elles n'ont qu'un trajet de 4 lieues 1/2 pour se rendre à Goudelour. Il a fait signal, à 2 heures, d'être prêts à débarquer les troupes ; à 3 heures de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 4 heures, le bâtiment chassé par l'Artésien a été reconnu pour être la Naïade, laquelle a rallié l'escadre. A 5 heures 1/2, signal de se préparer à mouiller. A 6 heures 1/2, appelé à l'ordre les bâtiments de l'escadre ; peu après nous avons mouillé à Portonovo par 7 brasses, sable vaseux. Donné ordre de débarquer les troupes pendant la nuit avec les vivres nécessaires ; la Cléopâtre, la palme et le navire les Bons Amis ont continué leur route pour Goudelour. Pendant la nuit, débarqué les troupes. SAMEDI 17. — Le vent au S. 0., petit. La Naïade à mis sous voile pour aller croiser sur Tranquebar, au vent de l'escadre. Relevé les pagodes de Chalambaram, S. O. ; le mât dé pavillon de Portonovo, Ouest 1/4 S. 0.; l'entrée de la rivière, Ouest 5° Sud, 2/3 de lieue ; la terre la plus Nord, Nord 1/4 N. 0. 4° Ouest ; la terre la plus Sud, S. S. E. 3° Sud. A 9 heures, toutes lès troupes étant débarquées, M. de Bussy est descendu, accompagné du général, des capitaines et de plusieurs officiers de l'escadre. Il a été salué de 21 coups de canon par le Héros et par tous les bâtiments de l'escadre et de la flotte ; toutes les troupes, en grande tenue et sous lés armes, bordaient la haie depuis le débarquement jusqu'à la maison qui lui avait été destinée. Le gouverneur de Chalambaram pour le nabab est venu le recevoir ainsi que les bayadères des pagodes. M. de Suffren doit se rendre à Goudelour en palanquin ; encore fort incommodé de sa goutte, n'ayant point du tout l'usage de ses mains, il débarquerait difficilement d'une chelingue, seul bâtiment qui puisse aborder à Goudelour. A 3 heures, M. de Suffren s'en est retourné à bord et a fait aussitôt Mars 1783. Débarquement de troupes. Portonovo. 496 JOURNAL DE BORD Mars 1783. Appareillé de Portonovo. signal d'appareiller à l'escadre et à la flotte. A 3 heures 1/4, mis sous voile pour Goudelour. Route au Nord 1/4 N. E. ; nous devons y déposer les bagages, artillerie, munitions de guerre et de bouche pour l'armée. A 5 heures 1/2, fait signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Goudelour, Nord 1/4 N. 0., 2 lieues. Mouillé à Goudelour. Le vent à l'Est, joli frais. Route au Nord. A 6 heures 3/4, nous avons mouillé à Goudelour par 8 brasses 1/2, sable vaseux. Le vent au N. 0. MARDI 18. — Le vent à l'O. N. 0., petit. Au jour, ayant vu quatre bâtiments au large, fait signal d'appareiller à l'Artésien, au SaintMichel et à la Cléopâtre. A 6 heures, ayant aperçu lesdits bâtiments faisant route pour le mouillage, signal aux vaisseaux et à la Cléopâtre de mouiller. Goudelour. Relèvement de Goudelour le mât de pavillon, 0. N. 0. 5° Nord ; le Gouvernement, 0. N. 0. 5° Ouest ; la rivière, 0. S. 0. ; distant de terre, 2/3 de lieue. A 7 heures 3/4, le Cowentry ayant signalé les bâtiments suspects, fait signal de chasse au Cowentry et à la. Cléopâtre, fait rallier la Bellone et appareiller le Saint-Michel. A 8 heures 1/2, fait rallier les chasseurs, ayant reconnu la Naïade et un navire étranger faisant route pour le mouillage ; le bâtiment étranger est un danois, qui, ayant des officiers anglais de marque, passagers pour Madras, avait été arrêté par la Naïade qui venait à cet effet prendre les ordres du général. M. de Bussy est entré à Goudelour et a été salué par le canon de la place. Débarquement des effets et munitions. MERCREDI 19. — Le vent à l'O. N. 0., petit. A 3 heures, le Cowentry a mis sous voile pour le Sud. A 6 heures 1/2, le général est descendu à terre et a été salué du canon de la place. On continue à débarquer les effets et munitions de guerre. La Fortune et les Deux Hélènes ont rallié l'escadre. La nuit, le vent au S. E., petit. JEUDI 20. — Le vent à l'Ouest, petit. A 4 heures, la Bellone et la palme ont mis sous voile, la Bellone pour aller sur Tranquebar et la palme à Trinquémalay. A midi, signal de ralliement au Cowentry. A 4 heures 1/4, il a mouillé dans l'escadre. Dans la journée et la nuit, vent au S. E. VENDREDI 21. — Le vent à l'Ouest, petit. A 6 heures, le SaintMichel a signalé un bâtiment au S. S. E. A 3 heures 1/2, le canot de DU BAILLI DE SUFFREN 497 l'Annibal venant de Trinquémalay, commandé par M. d'Aché, est venu à bord avec dès paquets pour le général. SAMEDI 22. — Le vent au S. S. 0., joli frais. L'Artésien, à 6 heures du matin, a signalé un bâtiment; au S. E. ; nous comptions mettre sous voile demain pour Trinquémalay ; on n'a débarqué que les choses les plus nécessaires pour accélérer le départ, qui devient toujours plus urgent, attendu l'escadre anglaise, qui ne doit pas tarder d'arriver. DIMANCHE 23. — Le vent au S. S. 0., petit, A 3 heures, fait signal à l'escadre et à la flotte d'appareiller, A 4 heures 1/4, mis sous voile. Route au S. E. Le général étant instruit qu'on attendait à Madras un convoi venant d'Europe sous escorte du vaisseau de guerre le Bristol, de 50 canons, a destiné le Fendant, le Saint-Michel, la Cléopâtre et le Cowentry pour aller Croiser sur Madras une quinzaine de jours; à 9 heures 1/4, fait prendre à la Garonne un paria à la remorque. A 10 heures 1/2, mis en panne pour embarquer nos canots. A midi, lat. observée 11° 48' ; longit. estimée 77° 45' ; le mât de pavillon de Goudelour 0. S. 0. 5° Sud, 3 lieues. Le vent au S. S. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A midi 3/4, signal de virer de bord à l'escadre et à la flotte ; pris bâbord amures. Les bâtiments destinés pour aller en croisière sur Madras sont restés mouillés à Goudelour pour achever de faire de l'eau. A 5 heures 3/4, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 6 heures 1/4, mouillé à Portonovo par 10 brasses, vase. Le mât de pavillon de Portonovo, S. 0. 5° Sud, 3/4 de lieue ; les pagodes de Chalambaram, S.. 0. 5° Sud, 3/4 de lieue. Le vent au S. S. E., petit frais ; la nuit, varié au Nord. LUNDI 24. — Le vent au Sud, petit. A 3 heures, ayant passé au S. S. 0., fait signal d'appareiller ; à 4 heures, mis sous voile. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Portonovo, 0. S. 0. 3° Sud ; les pagodes de Chalambaram, S. 0. 3° Ouest; distant de terre, 1 lieue. Le vent au S. 0., petit. Route au S. E. 1/2 Est. A 6 heures, le Sphinx a signalé une voile à l'E. signal de chasse à la Naïade. A 10 heures, le vent ayant passé à l'Est, pris bâbord amures. A midi, lat. observée 11° 29'; longit. estimée 77° 35'; le mât de pavillon de Portonovo, Ouest 5° Sud ; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. 5° Sud ; distant de terre 1 lieue VaMars VaMars Goudelour. Appareillé de Goudelour. Route pour Trinquémalay. 498 JOURNAL DE BORD Mars 1783. A 1 heure 3/4, signal de ralliement à la Naïade. A 6 heures, relevé les bâtiments au mouillage de Goudelour, 0. N. 0. 3° Ouest, 4 lieues. La Garonne ayant beaucoup de peine à suivre avec le paria à la remorque, le général a envoyé le paria à Goudelour ; la Garonne a une avarie à son mât de misaine. A 10 heures, étant par 17 brasses, fond sable vaseux, signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 11 heures 3/4, sondé, trouvé 40 brasses. Fait signal de virer de bord ; pris bâbord amures. MARDI 25. — Le vent au S. E., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures 1/2, par 11 brasses, signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 3 heures 1/2, le vent ayant varié au S. S. 0., fait route au S. E. A 6 heures, relevé le mât de pavillon de Portonovo, Ouest 1/4 N. 0.; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. 5° Ouest ; distant de terre 2 lieues 1/2. Route pour Trinquémalay. A 7 heures, vent au S. 0. Arrivé au S. E. pour rallier le convoi. A 10 heures 1/4, signal à la Naïade et à l'Artésien, qui étaient fort sous le vent au large, de virer de bord. Arrivé en même temps à l'E. N. E. pour rallier la flotte. A midi, lat. observée 11° 33'; longit. arrivée 77° 56'. Depuis 9 heures, Portonovo nous restait à l'Ouest, 4 lieues. Route corrigée E. N. E. 5° Nord, 3 lieues 2/3. A 1 heure, mis le cap au N. N. E. Signal de ralliement à l'Annibal anglais et à la flotte ; à 1 heure 1/2, appelé la Naïade. L'Argonaute a signalé une voile à l'E. N. E. A 2 heures, revenu au vent ; pris le plus près, tribord amures. A 2 heures 1/2, pris les amures à bâbord ; continué la même bordée. A minuit, sondé 25 brasses. MERCREDI 26. — Vent variable du S. S. E. au S. 0. A 3 heures, fait signal de virer de bord; pris tribord amures. Au jour, l'Artésien et sa remorque étaient à peine en vue sous le vent. Relevé, au soleil levé le mât de pavillon de Goudelour, Ouest 5° Sud, 2 lieues. Le vent au Sud, petit. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures 1/2, signal de manoeuvre indépendante ; forcé de voiles sur un bâtiment restant de l'avant à nous. Signal de chasse à l'A rgonaute ; un moment après, ayant reconnu le navire pour être de la flotte, nous avons diminué de voiles. DU BAILLI DE SUFFREN 499 A 8 heures, relevé le gouvernement de Goudelour, Ouest 5° Sud, 4 lieues. Le vent au S. S. 0. Route au plus près, tribord amures. A 10 heures, les vents au S. E., joli frais.; fond, 15 brasses. Signal de mouillage à l'escadre et à la flotte ; au même instant, laissé tomber l'ancre. JEUDI 27. — Le vent au S. S. E., petit. Ayant passé au S. 0. A 4 heures, fait signal d'appareiller. A 4 heures 1/2, mis sous voile. Relevé, au soleil levé Goudelour, S. 0. 5° Ouest; distant de terre 2 lieues. Nous n'avons plus vu l'Artésien et sa remorque. A 7 heures, ne pouvant refouler les courants, qui allaient rapidement dans le fond, fait signal de mouillage et mouillé par 21 brasses, sable vaseux. A 9 heures, vu un bâtiment faisant route sur nous. A 10 heures, il a fait dés signaux de reconnaissance et nous l'avons reconnu pour la Bellone venant de Tranquebar. A la même heure, vu une autre voile au même air de vent, que nous avons peu après reconnue pour la palme, qui, ayant eu ordre d'aller à Trinquémalay, ne pouvait gagner dans le Sud, à cause des vents et courants et manque d'eau. A 11 heures 3/4, le vent s'étant élevé au S. E., joli frais, la mer houleuse, signal d'appareiller ; peu après, mis sous voile et couru au plus près, bâbord amures. A midi, lat. observée 11° 40' ; longit, arrivée 77° 40' ; le mât de pavillon de Goudelour, N. 0. 2° Nord ; celui de Portonovo, S. 0.; distant de terre 2 lieues. A 1 heure, la Bellone a mouillé à Goudelour par ordre du général. A 3 heures, signal de mouillage. Mouillé à 3 heures 3/4 par 9 brasses 1/2, vase. Le mât du pavillon dé Portonovo, S. 0. 5° Sud; distant de terre 1 lieue. VENDREDI 28. —Le vent au S. E., petit. A 2 heures, il a passé au S. 0.; pendant la journée, revenu au S. E., joli frais ; la nuit, calme. La Fortune est destinée à aller en Europe porter les dépêches des généraux. M. de Lusignan, ayant demandé à rester dans l'escadre, a passé sur le Sphinx, et M. Bouvet, capitaine de brûlot, a pris le commandement de la Fortune. L'escadre anglaise, attendue de jour en jour à Madras, nous fait voir avec peine les contrariétés que nous éprouvons. Mars 1783. 500 JOURNAL DE BORD Mars 1783. SAMEDI 29. — Le vent au Sud, petit frais. Au jour, signal d'appareiller. La Bellone et un bâtiment de la flotte ont rallié pendant la nuit. A 6 heures 1/4, nous avons mis sous voile et fait route au plus près, tribord amures. A 7 heures, les vents ont varié à l'O. S. 0.; mis le cap au S. E. A 10 heures 3/4, ayant passé au S. E., signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A midi, long. observée 11° 31' ; longit. arrivée 77° 35'; le mât de pavillon de Portonovo, S. 0. 5° Ouest ; les pagodes de Chalambaram, S. O. 5° Sud ; distant de terre 1 lieue. Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure, pris les amures à tribord ; à 1 heure 3/4, mis en panne pour attendre notre canot, qui était allé chercher quelques matelots restés sur un catimaron de pêche qui s'était démarré du bord. A 3 heures, fait servir et pris bâbord amures. Route pour Trinquémalay. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Portonovo, 0. 5° Ouest ; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. 3° Sud ; distant de terre 2 lieues. Le vent au S. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 7 heures 1/2, signal de mouillage et mouillé par 13 brasses, vase. DIMANCHE 30. — A 1 heure 1/4, le vent au joli frais. Signal d'appareiller. A 2 heures 1/4, mis sous voile et fait route au S. E. A 3 heures 3/4, les vents ayant passé au S. S. E., presque calme, les courants nous portant dans le N. E., fait signal de mouillage et mouillé par 20 brasses, vase. A 5 heures, signal d'appareiller. A 6 heures, relevé Portonovo, Ouest 1/4 N. 0. ; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. ; distant de terre 1 lieue 1/3. Le vent à l'O. S. 0., petit frais. A 10 heures 1/2, signal de virer de bord ; mais les vents ayant adonné, annulé le signal. A midi, lat. observée 11° 36' ; longit. observée 77° 45' ; distant de terre 5 lieues. Le vent au S. E. ; pris bâbord amures. A 4 heures 3/4, viré de bord vent devant. A 7 heures, viré vent arrière, ayant manqué vent devant; pris tribord amures. Le vent au S. S. E., petit frais. A 7 heures 3/4, pris bâbord amures. A 9 heures, signal de mouillage et mouillé par 9 brasses, fond de vase. LUNDI 31. — Vent variable du S. E. au S. S. E., petit. A 6 heures, relevé le mât de pavillon de Portonovo, Ouest 1/4 N. 0. ; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. 5° Sud ; distant de terre, 1 lieue. DU BAILLI DE SUFFREN 501 Le vent au S. 0., petit frais. A 7 heures 3/4, signal d'appareiller. A 8 heures 1/2, mis sous voile ; quelques vaisseaux manquant d'eau et la traversée pouvant être longue et sujette à des événements, le général s'est décidé à mouiller à Portonovo pour y en faire. A 8 heures 3/4, fait signal d'envoyer à l'eau. A la même heure, de se préparer à mouiller. A 9 heures 1/4, mouillé à Portonovo par 7 brasses, vase. Relèvement du mouillage le mât de pavillon de Portonovo, O. S. 0. 5° Sud ; l'entrée de la rivière, 0. S. O. 5° Ouest ; les pagodes de Chalambaram, S. 0. 3° Sud ; distant de terre, 2/3 de lieue. Le vent au Sud, petit frais, envoyé à l'eau. A 10 heures 1/2, la Naïade a fait route vers le Sud pour être en croisière sur Négapatnam. La Fortune a été à Goudelour ; le vent à S. E., petit frais. MARDI 1er AVRIL. — Le vent au Sud et E. S. E. ; continué à faire de l'eau. MERCREDI 2. — Le vent au S. 0., petit, presque calme. A 7 heures, signal à la flotte de se préparer à appareiller. Vu la Bellone et la Naïade travaillant à s'élever dans le Sud. Les ferrures du gouvernail du navire la Garonne ayant manqué, on travaille à la forge du Héros et du Sphinx pour en faire d'autres. Dans la nuit, la Fortune a rallié l'escadre. Calme. JEUDI 3. — Vent variable du S. E. à l'Ouest et 0. S. 0. Au jour, vu quatre bâtiments dans le Nord et au S. 0. A 10 heures 1/4, la brise du large est venue de l'Est et E. N. E. Il eût fait beau temps pour appareiller ; mais l'avarie arrivée à la Garonne nous retardé. Nous espérons que les deux mâles qu'on fait seront achevés aujourd'hui et le gouvernail mis en place. L'Hélène, qui était tombée sous le vent, a rallié l'escadre. L'Artésien, avec le bâtiment qu'il remorquait, a mouillé à Goudelour. VENDREDI 4. — Le vent à l'O. S. O., petit frais. A 3 heures 1/2, signal d'appareiller. Mis sous voile et gouverné au S. E. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Portonovo, 0. N. 0. 5° Ouest ; les pagodes de Chalambaram, 0. S. 0. 2° Ouest ; distant dé terre, 1 lieue 1/2. Les vents à l'Ouest, petit frais. Route au S. E. 1/4 Sud. A 7 heures 1/2, relevé Portonovo, 0. N. 0. 5° Nord, 4 lieues 1/2. A 10 heures 3/4, le vent a passé à l'Est et E. S. E. A midi, lat. observée 11° 25'; longit. arrivée 77° 43'; distant de terre 3 lieues. 33 Mars 1783. Avril 1783. 502 JOURNAL DE BORD Avril 1783. Le vent à l'E. S. E., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 4 heures 1/2, vu les bâtiments du mouillage de Tranquebar. A 5 heures, la Fortune a signalé deux voiles dans le S. S. E. ; peu après, qu'elles étaient neutres. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Tranquebar, S. O. 1/4 Sud, 3 lieues. A 9 heures 1/2 par 10 brasses d'eau, signal de mouillage et mouillé un quart d'heure après, par 9 brasses 1/2, vase. Vent au S. E. SAMEDI 5. — A 3 heures 1/4, le vent ayant passé dans la partie du S. S. O., signal d'appareiller. A 4 heures, mis sous voile. Route au S. E, Route pour Trinquémalay. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Tranquebar, N. O. 1/4 Ouest ; les pagodes de Nagur, S. S. O. ; distant de terre 1 lieue 1/2. Le vent à l'O. N. O., petit, presque calme ; à 6 heures 1/4, calme. Fait signal de mouillage et mouillé par 10 brasses, vase. A la même heure, envoyé le canot à bord d'un petit bâtiment étranger, mouillé en dehors de nous. Nous avons appris par le canot de la Naïade, qui est venu à bord, que c'était une prise faite la veille, chargée de riz pour Madras. Le général a ordonné qu'elle fît route pour Tranquebar pour y être vendue. A 9 heures 1/4, le vent à l'E. N. E. ; fait signal d'appareiller ; mis sous, voile. Route au plus près, bâbord amures. A 10 heures 1/4, fait signal à l'Annibal anglais de visiter un bâtiment qui nous paraissait suspect ; mais nous l'avons reconnu pour la Batistine, venant de Trinquémalay. A midi, lat. observée, 10° 65' ; longit. arrivée, 77° 40' ; le mât de pavillon de Tranquebar, N. O. 1/4 Ouest; les pagodes de Nagur, S. O. 1/4 Sud ; distant de terre 2 lieues. Le vent à l'Est, petit. Route au plus près, bâbord amures ; la Bellone et la Naïade ont rallié l'escadre. A 4 heures, relevé le mât de pavillon de Tranquebar, N. O. 1/4 Ouest ; les pagodes de Nagur, O. S. O. 5° Sud , 3 lieues ; la tour de Chine, S. O. 1/4 Ouest 4° Sud. Le vent à l'E. N. E., petit frais. Route au plus près, bâbord amures. Relevé, au soleil couché les pagodes de Nagur, Ouest 5° Sud ; la tour de Chine, O. S. O. 2° Ouest; distant de terre 4 lieues. Pendant la nuit, vent variable de l'Est à l'E. S. E., joli frais. Route au plus près, bâbord amures. DU BAILLI DE SUFFREN 503 DIMANCHE 6. —Lèvent à l'E. S. E., petit frais. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures 1/4, par 12 brasses, gros gravier, signal de virer de bord ; pris tribord amures. A 4 heures, le vent a varié au S. S E. A 6 heures, relevé les pagodes de Nagur, N. O. 1/4 Ouest, la tour de Chine, O. N. O. 3° Ouest; la terre la plus Sud, O. S. O. ; distant de terre 5 lieues. Le vent au Sud, petit. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures 1/2, signal de ralliement. A 8 heures, ne pouvant refouler les courants qui portaient au Nord, 1 noeud V2, signal de mouillage ; mouillé par 32 brasses, sable et petit gravier. A 10 heures 1/2, la Naïade a mis sous voile pour aller à Tranquebar. A midi, lat. observée, 10° 42' ; longit. arrivée 77° 43' ; les pagodes de Nagur, O. N. O. 3° Ouest ; la tour de Chine, Ouest 5° Nord, 6 lieues. Le vent au S. E., petit frais ; la nuit, même vent. LUNDI 7. — Le vent au A 4 heures 3/4, signal d'appareiller. A 5 heures 1/2, mis sous voile. Route au plus près, tribord amures. A 9 heures, vu un bâtiment dans le Sud, venant sur nous. A 10 heures 1/2, il a mis pavillon portugais ; nous avons mis pavillon blanc et tiré un coup de canon, puis largué les basses voiles. Mis en panne, tribord amures. A midi, lat. observée, 10" 45' ; longit. arrivée, 78° 9' ; route corrigée depuis l'appareillage, Est 1/4 N. E. I° Est, 5 lieues 1/2. A midi 3/4; le portugais a passé à poupe; il venait de Galles et a passé à Trinquémalay, où il n'y avait rien de nouveau. A 1 heure, nous avons fait servir, route au plus près, tribord amures ; les vents au S. O., joli frais; A 6 heures, l'Artésien a signalé une voile dans le Sud. Signal à la flotte de serrer le centre de l'escadre et ralliement général. A 8 heures et pendant la nuit, vent dans la partie du S. S. O. MARDI 8. —Le vent au Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, signal à la Bellone de chasser deux lieues en avant de l'escadre. A midi, lat. observée 10° 21'; longit. arrivée 78° 49'; route corrigée S. E. V4 Est 3° Est, 15 lieues 1/2. A 2 heures, arrivé au S. E. 1/4 Sud, pour rallier les bâtiments qui sont sous le vent. Le reste de la journée et de la nuit, vent de S. S. O. Avril 1783. 504 JOURNAL DE BORD Avril 1783. MERCREDI 9. —Vent au S. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée 9° 43'; longit. arrivée 79° 34'; route corrigée S. E. 5° Est, 19 lieues 1/2. Le vent à l'O. S. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. A 3 heures 1/2 le vent a varié au Sud. Signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A 10 heures 1/4, le vent ayant encore varié au S. O., signal de virer de bord ; pris les amures bâbord. JEUDI 10. — Le vent au S. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée 9° 57'; longit. arrivée 79° 46'; route corrigée Sud 1/4 S. E. 3° Sud, 16 lieues 1/3; Trinquémalay me reste à l'O. 18 lieues 1/2. Le vent à l'O. S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. À 1 heure 1/4, le vent ayant varié au S. E., et E. S. E., fait signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A 3 heures, la Bellone a signalé la terre à l'O. S. O. Fait route au S. O. A 3 heures 1/4, nous avons vu la terre ; à 5 heures 1/2, la Bellone a signalé 9 voiles au S. S. O., ensuite 15, ensuite 23, courant au N. N. 0. ; nous n'avons pas douté que ce ne fût l'escadre anglaise. Fait aussitôt signal de l'alliement à l'escadre et à la flotte. Au soleil couché, relevé le morne de Trinquémalay, S. O. 1/4 Ouest 3° Ouest, 7 lieues. Le général s'est décidé à forcer de voiles sur Trinquémalay, plutôt que de prendre le large devant, par la position de l'escadre ennemie, lui passer de l'avant et mouiller avant d'être joint. Elle était, lorsque les frégates l'ont découverte, à environ 8 lieues dans le S. S. E. et la nuit survenant, elle ne pouvait avoir vu que la Bellone et la Fortune, qui étaient environ 3 lieues de l'avant de l'escadre et dans le Sud. Le vent à l'E. S. E , petit frais. Route au S. O., toutes voiles dehors. A la même heure, signal de branle-bas ; à 6 heures 3/4, à la frégate qui a découvert des voiles, de nous passer à poupe. A 7 heures, la Bellone a rendu compte qu'elle avait vu 24 voiles au S. S. E., faisant route au Nord 1/4 N. O., dont trois paraissaient de la grande hune et couraient sur elle ; on ne voyait les autres que du perroquet. A 8 heures 3/4, nous avons donné dans la baie; mais les vents ayant sauté au S. O., nous avons été obligés de mouiller près la pointe Sale, par 26 brasses, gros gravier. Fait signal de mouillage. Envoyé sur-le-champ un officier Vu l'escadre anglaise. Mouillé à l'entrée de la baie de Trinquémalay DU BAILLI DE SUFFREN 505 pour aviser M. des Roys et M. d'Aymar de se tenir prêts à protéger, par les batteries, la rentrée de l'escadre, au cas que les ennemis voulussent s'y opposer. VENDREDI 11. — Le vent à l'Ouest, petit frais. Plusieurs bateaux ont dit avoir feux de l'escadre vers 11 heures. Au jour, relevé le pavillon de Trinquémalay, O. N. O, 5° Ouest ; l'île aux Pigeons, N. O. 5°.Nord ; l'île Ronde, O. S. O. 5° Sud ; la pointe de la Chapelle, Ouest 1/4 S. O. ; la pointe Sale, Sud 5° Est, 1/2 lieue. Le commandement de la Bellone a été donné à M. de Costebelle, lieutenant de vaisseau, et celui de la Naïade à M. de Joyeuse, capitaine de brûlot. L'intention du général étant d'envoyer sur-lechamp la Naïade avertir M. de Peynier de l'arrivée de l'escadre anglaise, plusieurs vaisseaux ont eu ordre de lui donner de l'eau, dont elle avait besoin. A 8 heures 3/4, l'Artésien a signalé un bâtiment au N. N. E. A 2 heures, le vent dans la partie du S. S. E. ; signal d'appareiller à l'escadre et à la flotte. A 2 heures 3/4, notre ancre, sans doute dans quelques roches, dont cette partie est pleine, n'a pu être levée et notre câble a cassé. Fait route pour entrer dans le port. A 4 heures V2 , mouillé dans le port ; mais notre câble ayant cassé en faisant tête, nous avons été obligés de mouiller une seconde ancre par 16 brasses, vase. Affourché au N. E. avec une petite ancre par 16 brasses, vase. Nous avons trouvé la Consolante, arrivée de Galles avec les transports qu'elle avait été y chercher ; le Vengeur réparé ; l'Illustre démâté de son grand mât pour l'allonger et le jumeler. La Fine avait besoin d'être virée en quille, faisant beaucoup d'eau. A 5 heures, l'Annibal s'est échoué sur la sèche qui est près de terre, vis-à-vis des magasins ; on a envoyé des chaloupes et. des ancres et il s'est déchoué. La Naïade a appareillé pour sa mission, et la Fortune pour l'Europe en droiture. Il est entré un bâtiment de la flotte, qui était resté en arrière. Il manque encore la palme, les Deux-Hélènes et un brick qui, lorsqu'on a découvert l'escadre anglaise, était très éloigné de l'arrière et n'a pu voir les signaux de terre et de découverte de voiles ; il est à craindre qu'il ne soit tombé dans l'escadre anglaise. Le navire qui vient d'entrer a rendu compte que, dans la nuit, il s'était trouvé au milieu des ennemis ; que, les prenant pour son escadre, il avait fait route quelque temps avec-eux, mais qu'ensuite Avril 1783. Mouillé dans le port de Trinquémalay. 506 JOURNAL DE BORD Avril 17S3. le nombre et la route lui ayant donné des soupçons, il avait pris ses amures et avait été chassé quelque temps par un vaisseau et ensuite abandonné. La nuit, petit vent variable, presque calme. SAMEDI 12. — Les vents au S. S. O., petit frais. A 4 heures, le fort de Trinquémalay a signalé un bâtiment français. Nous avons mis sur-le-champ côté bâbord pour changer le doublage et la flottaison. DIMANCHE 13.— Le vent au petit, presque calme. Le brick qui manquait des bâtiments du convoi est entré et n'avait rien vu dehors. Trinquémalay. LUNDI 14. — Le vent au S. O., petit. Dans la matinée, le fort a signalé un bâtiment suspect. L'intention du général était de virer en quille le Brillant, qui fait beaucoup d'eau ; il a été au carénage. Nous continuons à travailler à notre doublage et à faire de l'eau et du bois. MARDI 15. — Le vent au S. O., petit. A 6 heures, la Bellone a appareillé pour croiser dehors en vue. MERCREDI 16, JEUDI 17, VENDREDI 18. — La Bellone a mouillé à Back-Bay. A 8 heures l/2, amarré un matelot sur un canon pour avoir volé dans un navire particulier. A midi, fini de doubler un cotre. Tous les vaisseaux travaillent à se mettre en état de sortir. SAMEDI 19. — Calme. Au jour, mis sur le côté pour doubler bâbord. A 6 heures, le fort a signalé des voiles dans le Nord ; dans l'après-midi, nous les avons reconnues pour être le Fendant et les autres bâtiments sous ses ordres. L'Illustre a mâté son grand mât. DIMANCHE 20. — Le vent au S. S. O., petit frais. Dans la journée, la division de M. de Peynier s'est beaucoup approchée ; le calme fait la veille l'a empêché d'entrer. A 6 heures, orage, vent, pluie dans la partie du Sud. LUNDI 21. — A 9 heures, le Fendant, la Cléopâtre et le Cowentry sont entrés dans le port. MARDI 22. — A 6 heures l/2, le Saint-Michel est entré dans la baie; il a fait, avec les susdits, plusieurs prises dans sa croisière, qu'ils ont détruites. MERCREDI. 23. — Le vent au S. O., petit ; beau temps. Le fort a signalé un bâtiment à deux mâts dans le Nord. Le Saint-Michel est entré dans le port. DU BAILLI DE SUFFREN 507 JEUDI 24.— Nous avons achevé de doubler les deux flottaisons et continué à faire de l'eau, du bois et des vivres, ainsi que toute l'escadre. VENDREDI 25, SAMEDI 26, DIMANCHE 27; — Le navire les BonsAmis a fait voile pour l'Ile-de-France. LUNDI 28..— Le vent au S. O., joli frais. A 8 heures,.le morne a signalé un bâtiment français à deux mâts, venant du Sud, faisant route pour la rade. La Bellone a appareillé pour Batacalo. A 3 heures, autre bâtiment signalé dans le Sud, s'approçhant du mouillage. MARDI 29. — Le bâtiment arrivé est la Colombe, venant de' l'Ile-de-France , ayant dés paquets pour les généraux et quelques passagers. Nous avons appris que l'Alexandre axait été condamné et brûlé. MERCREDI 30. — Le vent au S. O., joli frais. A 11 heures, le morne a signalé une voile au Sud, s'approçhant de la rade". Dans l'après-midi, un vaisseau portugais, venant de Goa, a mouillé à Trinquémalay ; il avait du biscuit pour l'escadre. JEUDI 1er MAI, VENDREDI 2, SAMEDI 3. — Il est arrivé un portugais, qui a mouillé à Trinquémalay. Le morue a signalé deux bâtiments au Sud. DIMANCHE 4. .— Le vent au S. O., petit. Le Cowentry a mis sous voile pour Goudelour. Arrivé un autre portugais; ils demandent à faire de l'eau, qui se fait difficilement à la côte et où on la paie. LUNDI 5. — Le vent au S. O., joli frais. Le morne a signalé un bâtiment suspect. Le. Brillant a été viré en quille. MARDI 6, MERCREDI 7. — Les vents au S. 0., petit. Dans la journée, une palme portugaise, venant de la côte de Malabar et ayant manqué Cochim par le mauvais temps, a mouillé à Austimbourg ; on prépare des artifices pour armer un brûlot. A 6 heures, vent d' et petite pluie. JEUDI 8. — La Bellone, venant de Bâtacalo, a mouillé à Austimbourg. Le vent au S. orage et pluie VENDREDI 9; SAMEDI 10. — A 5 heures, découvert un bâtiment au large cherchant à venir au mouillage. DIMANCHE 11. — Les prisés le Blandfort, la Fortitude, et les deux senaux pris par l'Annibal ont été vendus à des Portugais. Le bâtiment aperçai hier est le Cowentry, Avril 1783. Mai 1783. 508 JOURNAL DE BORD Mai 1783. venant de Goudelour; il a mouillé à Back-Bay; nous avons su que la palme et les Deux-Hélènes avaient été pris par l'escadre anglaise. L'Annibal ayant appris par là que nous avions une division sur Madras, avait laissé quelques vaisseaux sur Goudelour, croyant qu'elle y toucherait en quittant sa croisière. La Naïade étant arrivée le soir en vue du Sceptre, de 64, avait été chassée, jointe pendant la nuit et obligée de se rendre après 5 heures de combat. Le convoi du Bristol était arrivé à Madras le 14, le lendemain que M. de Peynier avait quitté la croisière, et l'escadre le surlendemain 15. Le Fendant, ayant fait route pour le large, n'avait rien vu. Tippou-Saëb, arrivé à la côte de Malabar, avait repris Thiagar et une partie de l'armée anglaise qui la défendait, aux ordres du. général Mathews, avait été faite prisonnière. Le régiment de l'Ile-de-France, commandé par M. de Cossigny, avait tout l'honneur de cette attaque vigoureuse, dans laquelle il avait perdu quelques hommes et deux officiers. Les troupes du nabab n'avaient point donné; il restait aux Anglais Mangalor, que ce prince allait assiéger, et il devait après retourner au Coromandel. M. de Bussy, arrivant à la côte, avait rappelé la division de M. d'Hofflize et les troupes du nabab. On craignait que les Anglais n'eussent des projets sur Goudelour ; quelques troupes leur étaient arrivées sur le convoi du Bristol, et, comme ils avaient des forces navales bien supérieures aux nôtres, puisqu'elles étaient de 18 vaisseaux l'amiral n'en ayant point laissé à Bombay, comme le bruit en avait couru, M. de Bussy demandait à M. de Suffren des munitions de bouche et de guerre et surtout des caissons d'artillerie. Le Brillant, caréné de côté, a été mis sur le côté tribord. Le général fait mettre la plus grande activité dans le radoub, voulant que l'escadre soit prête à mettre sous voile le plus tôt possible. Nouvelles DU BAILLI DE SUFFREN 509 LUNDI 12. — On charge le Dromadaire, les Bons-Amis et la Garonne de munitions de guerre et de bouche. MARDI 13, MERCREDI 14. — La palme portugaise a mis sous voile ; M. de Suffren l'a chargée de riz pour porter à la côté. JEUDI 15, VENDREDI 16, SAMEDI 17, DIMANCHE 18, LUNDI 19. — On a travaillé tous les jours à se mettre en état de sortir et à charger lés flûtes destinées pour la côte; le transport du roi la JeuneHéloïse a été équipée et armée en brûlotsous le nom de la Salamandre; le commandement en a été donné à M. Giloux, lieutenant de frégate. MARDI 20. — Le général a ordonné que tous les vaisseaux appareilleraient pour aller mouiller à l'arrière-baie ; en conséquence, le Hardi, le Flamand, l'Annibal ont appareillé et mouillé dans la journée à Back-Bay. MERCREDI 21. —Dans la matinée; l'Ajax a appareillé pour aller mouiller à l'arrière-baie. L'A rgonaùte, ayant cassé son câble, a demandé des ancres et des grelins ; on lui en a envoyé. A 5 heures 1/2, notre cable a cassé; mouillé l'ancre de détroit. Vent variable ; petite pluie. Le soir, orage. JEUDI 22.— A 7 heures, mouillé une ancré à jet au S E., par 14 brasses. Dans la matinée, le morne à signalé une voile au Sud, s'approçhant de la côte ; à 8 heures, le Cowentry a mis sous voile pour aller reconnaître. Dans la matinée, le Sévère, le Vengeur et l' Argonaute ont appareillé pour aller mouiller à l'arrière-baie. Dans l'après-midi, orage et petite pluie. Le soir, le Cowentry a remouillé à l'arrière-baie avec le bâtiment aperçu, qui était un portugais. VENDREDI 23. — Le portugais mouillé la veille a salué le fort, qui lui a rendu son salut; le général, pour renforcer les équipages des vaisseaux, bien diminués par les combats et les maladies, à fait embarquer 250 soldats de la garnison et 300 cipayes. Toutes les frégates et flûtes du roi ont été désarmées-, excepté la Cléopâtre, le Cowentry et les flûtes qui devaient venir à la côte avec nous, chargées de vivres et munitions de guerre. On a pris sur les; bâtiments particuliers autant de monde qu'on a pu, en les remplaçant par des Mai 1783. 510 JOURNAL DE BORD Mai 1783. Etat des équipages. prisonniers anglais, et on a embarqué tous les lascars noirs ouvriers, employés dans le port. Malgré ces dispositions, les équipages n'ont pu être portés aux trois quarts de leur complet, ayant près de 900 malades à terre et presque autant à Goudelour. Les capitaines et officiers des frégates désarmées ayant demandé à servir sur l'escadre, ont été employés sur différents vaisseaux. L'intention du général est de partir pour la côte avec les munitions de guerre et de bouche demandées par M. de Bussy aussitôt que le Brillant sera prêt, et il doit l'être dans deux ou trois jours. La Cléopâtre a pris le 18 de l' Apollon. SAMEDI 24. — Le vent au petit frais. A 10 heures, le Sphinx a mis sous voile pour aller mouiller à l'arrière. A 11 heures, le morne a signalé 17 voiles au large ; peu après, le grand A nnibal a signalé le même nombre. Le général, ne doutant plus que ce ne fût l'escadre anglaise, en peine pour le petit nombre de vaisseaux mouillés à l'arrière-baie, rade ouverte où l'on n'est point soutenu par des batteries de terre, s'est rendu tout de suite par terre et a arboré son pavillon sur l'Annibal. A 11 heures 1/4, signal aux vaisseaux de l'arrière-baie de s'embosser, présentant bâbord. A midi, le morne a signalé 20 bâtiments de guerre ; mais ils étaient encore bien sous le vent. A 1 heure, le Fendant et l'Annibal anglais ont mis sous voile pour aller mouiller à l'arrière-baie; le vent au S. O., frais. Nous avons travaillé le soir et toute la nuit à nous touer, pour être à même d'appareiller si la position de l'ennemi le permettait, auquel cas le général devait en faire le signal. Les Anglais ont porté leur bordée au Sud. DIMANCHE 25. — A 2 heures du matin, le Cowentry a mouillé à Back-Bay, venant de Bâtacalo ; il a passé a portée de voir l'escadre anglaise. A 6 heures, le morne a signalé l'escadre anglaise au Sud ; à la même heure, le Cowentry a mis sous voile pour l'aller observer. A 6 heures 1/4, le général a fait signal d'appareiller au Héros et autres vaisseaux mouillés à Austimbourg. A 8 heures 1/4, l'Illustre a mis sous voile ; à 10 heures 1/4, la Salamandre. A 11 heures, nous avons mis sous voile et mouillé, à midi 1/4, à l'arrière-baie par 8 brasses d'eau, sable et vase. A midi 8/4, l'Artésien est aussi venu mouiller. DU BAILLI DE SUFFREN 511 Relèvement le mât de pavillon, S. E. 3° E. ; le fort de Trinquémalay, Sud 5° Est; le fort d'Austimbourg, S. S. O. 5° E. ; la pointe Sale, S. E. 1/4 Est; l'île aux Pigeons, Nord 5° Ouest; distant du morne au pavillon, 5 câbles. Le vent au S. S. O., petit frais. On a perdu de vue l'escadre anglaise. LUNDI 26. — Le vent au S. S. O., joli frais. A 6 heures, fait signal au Saint-Michel d'appareiller ; il est venu mouiller à l'arrièrebaie ainsi que le Brillant et la flûte le Dromadaire. A 4 heures, le morne a signalé une voile au Sud. A 10 heures 1/2, le Cowentry a mouillé ; il avait laissé l'escadre anglaise près de Batacalo et avait été chassé par quelques bâtiments sans être approché. Tous les vaisseaux sont rendus à Back-Bay. Nous ne pouvons deviner l'intention de l'escadre anglaise, à moins qu'elle ne soit venue faire de l'eau et du bois à Batacalo, auquel cas nous le saurons bien vite par terre. MARDI 27. —A 11 heures 1/2, la Cléopâtre a appareillé d'Austimbourg et est venue mouiller à l'arrière-baie Les navires particuliers, les Cousines et le Prince-d'Orange y ont aussi mouillé. A 2 heures, le morne a signalé un bâtiment au Sud, frisant la côte sans s'approcher de la rade. La nuit au S. 0., joli frais. Tous les vaisseaux sont embossés, présentant bâbord, le plus près possible. MERCREDI 28. — Le vent au S. O. A 7 heures 1/4, la Garonne a mouillé dans l'escadre ; peu après, la Consolante. Le général, voulant profiter du moment où les ennemis étaient dans le Sud pour envoyer à M. de Bussy les munitions de guerre et de bouche qu'il avait demandées et dont il pouvait être pressé, à fait partir, à 5 heures du soir, pour Goudelour, le Dromadaire et la Garonne, escortés par le Fendant, la Cléopâtre et le Cowentry. Ces trois bâtiments étant dans le cas, par leur marche supérieure, d'échapper à l'ennemi en cas de rencontre. A 6 heures, les Bons-Amis sont venus mouiller dans l'escadre. Le vent à l'E. S. O., joli frais ; temps couvert. JEUDI 29. — Le vent à l'O. S. O.. joli frais. A 7 heures, la Consolante a mis sous voile pour rentrer dans la baie d'Austimbourg. Le navire particulier le Neptune Royal est sorti d'Austimbourg et a mouillé à l'arrière-baie. A 11 heures, les Bons Amis ont chassé, le vent à l'O.. S. O., frais, et ont été obligés d'appareiller pour prendre le mouillage. VENDREDI 30.—Le vent à l'O. S. O., petit frais. A 10 heures 1/2, le Neptune Royal a. mis sous voile pour l'Ile-de-France. A4 heures, Mai 1783. Trinquémalay. 512 JOURNAL DE BORD Mai 1783. L'ennemi reparaît. nous avons aperçu une frégate anglaise, venant du Sud, qui lui a donné la chasse ; mais à la nuit, elle a reviré au Sud. Le Neptune Royal a continué la route. La nuit, vent à l'O. S. O. SAMEDI 31. — Vent à l'O. S. O. A 2 heures 1/4 on a commencé à voir quelques vaisseaux de l'escadre anglaise au Sud. A 9 heures 3/4, nous avons fait le signal de découverte de voile et un coup de canon ; tous les vaisseaux se sont préparés à s'embosser. A 10 heures 1/2, toute l'escadre anglaise a été en vue, au nombre de 21 voiles, s'avançant de la baie. A midi 1/2, une frégate anglaise s'est avancée à deux petites portées de canon et a signalé à l'amiral 14 vaisseaux. Nous avons élongé de petites ancres pour prendre poste ; toute l'escadre mouillée en ligne, prête à s'embosser au premier signal. Toute la journée, les ennemis ont manoeuvré et paradé devant nous, se tenant à environ trois lieues au large ; à 8 heures, ils ont reviré au Sud. Nous avons compté 17 vaisseaux, 3 frégates et un transport. On a envoyé un canot armé de bivouac et recommandé à l'ordre à tous les vaisseaux de bien garder leurs prisonniers. Juin 1783. DIMANCHE 1er JUIN. — Le vent à l'Ouest, petit frais. A 6 heures, le morne a signalé un bâtiment à deux mâts s'approçhant de la rade ; à la même heure, découvert l'escadre anglaise au S. E. Le bâtiment à deux mâts, que nous avons visité, est un maure venant de Galles, allant à la côte. Nous avons mis notre pavillon. A 4 heures, le général a expédié un canot à la côte avec un officier pour prévenir M. de Pejmier de la manoeuvre des Anglais, qui paraissaient vouloir se tenir toujours au vent de la baie, — n'ayant jamais été plus au Nord qu'à l'Est ; — conséquemment, signal de ne point venir par le large, mais de longer la côte en ralliant l'escadre. A 5 heures, l'escadre anglaise, portant sur nous, paraissait être dans l'intention de nous attaquer. Signal à l'escadre de s'embosser présentant bâbord à l'ennemi et de se préparer au combat. La manoeuvre a été promptemeut exécutée. A 5 heures 1/2, l'escadre anglaise n'étant plus qu'à une lieue 1/2, a viré de bord vent arrière, et nous l'avons observée jusqu'à 11 heures, heure où on l'a perdue de vue. Le navire les Bons Amis a rendu compte que deux prisonniers anglais s'étaient sauvés de son bord en enlevant un canot. Le vent au S. O. et S. S. O., joli frais. LUNDI 2. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Au jour, découvert les ennemis à l'E. S. E., 5 lieues, faisant route au Nord sous petites voiles. A 8 heures, les Bons Amis ont mis sous voile pour rentrer dans la DU BAILLI DE SUFFREN 513 baie d'Austimbourg. L'après-midi, l'escadre anglaise étant devant la baie, a mis en panne à 2 lieues de distance, et les trois frégates, entre elles et nous, à 1 lieue. A 10 heures 3/4 perdu de vue l'ennemi faisant route au Nord. MARDI 3. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Au jour, nous n'avons plus vu l'escadre anglaise ; nous ignorons s'ils auront reviré au Sud ou s'ils auront continué la bordée du Nord ; ce dernier parti serait fort inquiétant pour la division du Fendant. Lès navires particuliers l'Iris et l' Aurore ont mis sous voile pour l'Ile-de-France. MERCREDI 4. — Le vent à l'O. S. O. A 6 heures, le Saint-Michel a signalé une voile au S. E. Même vent pendant la nuit. JEUDI 5. — A la pointe du jour, aperçu un bâtiment à deux mâts à la pointe Sale. A 4 heures 1/2, le navire la Betsi a mis sous voile pour l'Ile-de-France. Nous avons envoyé un canot au bâtiment à deux mâts qui avait appareillé et faisait route pour le mouillage ; c'était un portugais venant de Galles. Il avait à bord le capitaine de la flûte le Malbrough, qui, en partant de Trinquémalay au mois d'octobre 1782, avait été pris par la frégate anglaise l'Active ; il était sur sa parole. Noussommes fort inquiets de la Résolution, que le général avait envoyée à Manille. Elle avait été vue depuis longtemps, à son retour dans le détroit de la Sonde, et, n'ayant aucune nouvelle depuis, elle doit être ou prise ou perdue. Nous sommes toujours dans le doute sur la route qu'a prise l'escadre anglaise et, conséquemment, fort en peiné du Fendant. VENDREDI 6. — Nous n'avons encore aucune nouvelle de l'escadre anglaise, du Fendant, ni de la position de notre armée à la côte. Nous sommes toujours prêts, à mettre sous voile au premier moment. SAMEDI 7. — Le vent au S. O. et à l'O. joli frais. A 8 heures, vu une voile au Nord. À 11 heures, le Dromadaire, .qui avait été à la côte avec M. de Peynier, est arrivé ; il a eu ordre d'entrer à la baie Austimbourg. Nous avons su que, le 3 au matin,revenant de Goudelour avec le Fendant, ils avaient eu connaissance de l'escadre anglaise ; que M. de Peynier lui avait fait dire de prendre le bord à terre et que le Fendant avec la Cléopâtre et le Cowentry avaient pris chasse au N. N. O., chassés par toute l'escadre Juin 1783. On ne voit plus l'escadre anglaise. 514 JOURNAL DE BORD Juin 1783. anglaise, qui ne paraissait avoir aucun avantage sur eux. Le Dromadaire avait été mouiller à Tranquebar, d'où, le lendemain 4, il avait vu passer l'escadre anglaise au nombre de 21 voiles. A son départ de Tranquebar, le 6, on disait que l'escadre ennemie était au Nord de Portonovo. La Garonne avait été laissée à Goudelour, achevant de débarquer ses munitions; l'on craint qu'elle n'ait été prise. M. d'Espinassy, qu'une santé très affaiblie empêchait de rester plus longtemps à la côté, était passager sur le Dromadaire et venait chercher une occasion de passer à l'Ile-de-France avec quelques autres officiers non employés. Il nous a dit que l'armée française et l'armée anglaise étaient en présence et qu'on s'attendait à une affaire à tout moment ; l'armée anglaise, forte d'environ 15,000 hommes, n'avait cependant pas plus d'Européens que nous ; mais le détachement de Tippou-Saëb, sur lequel on ne pouvait guère compter, faisait craindre que M. de Bussy ne se vît obligé de s'enfermer dans Goudelour, que les Anglais avaient sans doute le projet d'assiéger, aidés de leurs forces maritimes, bien supérieures aux nôtres. Toutes les raisons démontraient une nécessité absolue d'aller attaquer l'escadre- anglaise et tel paraissait être aussi le dessein du général. A l'arrivée du Fendant, on a découvert une voile au Nord ; c'était un portugais, qui a mouillé dans la baie à 5 heures et a salué de 11 coups de canon ; rendu 7. DIMANCHE 8. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Le portugais est entré dans la baie d'Austimbourg pour y faire de l'eau. Dans la matinée, la Fortitude et les deux senaux, prises vendues à des Portugais, sont sortis de la baie d'Austimbourg et ont mouillé à l'arrière-baie. Le navire la Rosalie a fait voile pour l'Ile-de-France les 3 portugais ont fait voile pour le Nord. Le vent au S. O. LUNDI 9. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. A midi, la Consolante est sortie de la baie d'Austimbourg et a mouillé dans l'escadre. L'escadre anglaise mouillée à Portonovo. Position de l'armée. Trinquémalay. DU BAILLI DE SUFFREN 515 MARDI 10. —- Le vent à l'Ouest, petit frais. Au jour, nous avons eu connaissance du Fendant, la Cléopâtre et le Cowentry restant dans l'E. S. E., 2 lieues. Aussitôt, on adonné ordre à tous les vaisseaux de tenir de l'eau prête à leur donner. A 5 heures l/2, signal de rappeler à bord tous les gens des équipages qui sont à terre. A 8 heures, le Fendant et les frégates ont mouillé dans l'escadre, M. de Peynier a rendu compte que, les Anglais ayant abandonné la chasse le même, jour qu'il les avait aperçus, vu le peu d'avantage qu'ils avaient sur lui, il courut au large et n'en avait plus eu connaissance. Tous les capitaines ont été appelés et, dans un conseil de guerre tenu sur la position de notre armée à la côte et de lettres écrites au général par M. de Bussy, il a été décidé qu'on appareillerait le plus tôt possible pour aller attaquer l'escadre ennemie, seul moyen de sauver l'armée et Goudelour, pressé par mer et par terre. Quoique nos forces, fussent très inférieures, on a embarqué sur les vaisseaux des munitions de guerre et de bouche et tout ce qu'on a cru nécessaire pour notre armée ;. le vent à l'O. S. O. et S. O.; on compte demain, au jour, mettre sous voile. MERCREDI 11. '— Le vent à l'O. S. O., joli frais. Au jour, signal d'appareiller. A 8 heures 1/2 l'escadre a été sous voile, composée d 5 vaisseaux, frégates, un brûlo et 2 navires particuliers allant à Tranquebar. L'Illustre et le Saint-Michel faisaient beaucoup d'eau; ce dernier surtout ne pouvait rester un moment sans pomper. Huit des vaisseaux n'étaient point doublés en cuivre, la plupart carénés depuis trois ou quatre ans, et les équipages n'ayant pu même être mis aux trois quarts de leur complet, y compris les cipayes et les lascars. C'est dans cet état-là que nous eussions attaqué une escadre de 18 vaisseaux, tous doublés en cuivre, et sortant d'un port où ils avaient été radoubés. juin 1783 Départ de Trinquémalay Etat de l'escadre. 516 JOURNAL DE BORD Juin 1783. M. de Suffren a mis l'embargo sur les bâtiments restant à Trinquémalay, pour laisser plus de monde en cas qu'il fût attaqué. M. Maies, capitaine de brûlot, commandant la Bellone, avait le commandement du port, et devait se concerter avec M. des Roys pour la défense générale ; M. de Suffren devait, par ordre du roi, passer sur une frégate pendant le combat ; il avait choisi la Cléopâtre à cet effet. Route pour Goudelour, A 9 heures 1/2, signal de panne pour rallier l'escadre. A 10 heures 1/2, signal de faire servir. Route au N. N. E. A 10 heures 3/4, signal de ligne de bataille, ordre naturel n° 1, le général à la tête de la ligne. Mis le cap au Nord. A midi, lat. observée 8° 36'; longit. arrivée 79° 30'. Relevé le morne du pavillon, Sud 5° Ouest, 1 lieue 1/2; l'île aux Pigeons, O. S. O. 2° Ouest. Le vent au Sud, petit ; sondé 30 brasses, sable fin. A 1 heure 1/4, mis le cap au Nord 1/4 N. O. A 2 heures 3/4, répété le signal de ligne de bataille, ordre naturel n° 1. A 4 heures, signal d'ordre de marche sur deux colonnes. A 4 heures 1/2, signal à la troisième division de forcer de voiles. Au soleil couché, relevé le morne de Trinquémalay, Sud 1/4 S. E. 2° Sud, 6 lieues ; l'île aux Pigeons, Sud 5° Ouest. Le vent au S. E., joli frais. Route au N. N. O. A 8 heures 1/2, le vent a varié au Sud, joli frais, sous les huniers. JEUDI 12. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au N. N. O. A 4 heures, mis le cap au N. O. 1/4 Nord. Au jour, vu un navire étranger au N. E. A 5 heures 1/2, l'Annibal a signalé une voile au S. S. E. ; au même instant, signal au Vengeur, à l'Artésien, au Saint-Michel et à la Cléopâtre de chasse au S. S. E. ; mais, à mesure que le jour s'est fait, l'ayant reconnu pour le Cowentry, annulé le signal ; mis le cap au N. O. et fait signal à la Cléopâtre de chasser au N. E., où nous voyons une autre voile. A 6 heures, signal de ralliement au Vengeur, au Saint-Michel et à l'A rtésien. A midi, lat. observée 9° 59' ; longit. arrivée 78° 14' ; route corrigée depuis hier soir à 6 heures, N. O. 1/4 Nord 2° Nord, 25 lieues ; différence Nord 2 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 517 Lèvent au S. S. 0., petit au N O. A 1 heure, mis le cap au N. 0. 1/4 Ouest; à 3 heures 1/2; sondé 35 brasses, fond, petit gravier. A 4 heures, le Vengeur a signalé la terre à l'Ouest 1/4 S. 0. A 8 heures, mis le cap au N. 0. Vent au S. S. E., petit. VENDREDI 13.— Le vent au S. S. 0., petit. Route au N. 0. A 5 heures, ayant sondé 9 brasses, sable, mis le cap au Nord 1/4 N. 0. A 5 heures 1/2, le Sévère a signalé un bâtiment dans le S. 0. Peu de temps après, le Cowentry a signalé 3 voiles au Nord. Appelé le Cowentry. Au lever du soleil, relevé la tour de Chine, S. 0. 1/4 Ouest 2° Sud ; Négapatnam, S. 0. ; les pagodes de Nagur, Ouest 5° Sud ; Tranquebar, N. N, 0. ; distant de terre 1 lieue 1/2. A 6 heures, mis le cap au N. N. 0. A 7 heures 1/2, l'Ajax a signalé 20 voiles au Nord 1/4 N. 0. A 8 heures 3/4, mis nos pavillons. A 9 heures 3/4, signal de panne, bâbord amures; le Cowentry a signalé un bâtiment au N. N. E. A 10 heures, signal de branle-bas et de se préparer au combat. Les bâtiments aperçus dans le Nord nous ont paru frégates ennemies. La Cléopâtre venait dé de l'Ouest avec un bâtiment à la remorque, que nous jugions une voile qu'elle avait chassée la veille. A 10 heures 3/4, signal dé faire servir. Fait route au N. N. 0. A 11 heures 1/2, rendu notre manoeuvre indépendante pour attendre une chelingue qui venait sur nous. A midi, lat. observée 11° 2'; longit. arrivée 77° 36'; Tranquebar, S. S. 0. 5°.Ouest; distant de terre 1 lieue. Le vent au S. O., petit; en panne. Sondé 10 brasses, vase. A la même heure, la chelingue a abordé, remorquée par le Hardi. Il n'y avait aucune nouvelle de Goudelour ; on voyait toujours les armées en présence. A midi 1/4, nous avons eu connaissance de l'escadre anglaise au mouillage, au Nord de Portonovo, environ7 à 8 lieues de nous. A 1 heure, le vent a passé au S. S. E., petit frais. A 1 heure 1/2, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. À 2 heures 1/4, signal aux vaisseaux de tête de diminuer de voiles. A la même heure, signal de mouillage et mouillé par Il brasses. Le général à pris ce parti pour conserver le vent sur les ennemis, étant trop tard pour engager le combat. Ce jour-là, relevé Tranquebar, Sud ; la terre la plus Nord, N. ; distant de terre ,1 lieue 1/2, A 3 heures 3/4, le vent a varié au N. 0., grain et petite pluie. 34 Juin; 1783 Côte de Coromandel. Escadre anglaise. 518 JOURNAL DE BORD Juin 1783. La Cléopâtre a rallié l'escadre avec une prise, le même bâtiment que nous avons pris et rançonné à Achem ; il était chargé de riz, venant du Bengale et allant à Madras. La Cléopâtre et le Cowentry ont été en avant de l'escadre pour observer l'escadre anglaise. A 4 heures, elle a signalé que trois frégates ennemies mettaient sous voile ; nous lui avons fait signal de ralliement. La nuit, vent à l'O. N. O., petit frais. SAMEDI 14. — Le vent à l'O. N. O., petit. A 1 heure 3/4, signal d'appareiller. La prise a eu ordre d'aller à Tranquebar pour y être vendue. A 2 heures 1/2, l'escadre a été sous voile. Route au Sud sous petites voiles pour avoir le temps de se former, ensuite de tenir le vent, bâbord amures. Au soleil levé, relevé Tranquebar, S. S. O., 3 lieues ; la terre la plus Nord, N. O. 1/4 Nord. Les deux escadres en présence. A 8 heures, signalé la route au N. N. O. et l'ordre de bataille n° 3. Dans cet ordre, les 5, 7, 4, formant la queue de la ligne, devaient approcher les ennemis à portée de pistolet, tandis que les vaisseaux le Saint-Michel, le petit Annibal et la Consolante doubleraient les ennemis par la queue ; les autres vaisseaux avaient pris de grandes distances et devaient combattre toute la ligne anglaise hormis les cinq vaisseaux de l'arrière-garde. Le Vengeur a signalé deux voiles au Nord. A 6 heures 1/4 signal à la 2me division de faire de la voile. A 6 heures 3/4, appelé la Cléopâtre. A la même heure, signal au Hardi de prendre son poste ainsi qu'au Sévère; appelé le Cowentry. A 7 heures 3/4, signalé la route au N. O. 1/4 Nord. L'escadre anglaise était toujours au mouillage. A 8 heures, signal à la Consolante d'être à son poste. A 8 heures 1/2 signal à la division bleue de serrer la ligne. A 8 heures 3/4, signal à la Cléopâtre de nous passer à poupe. A 9 heures 1/4 le général a passé sur la Cléopâtre, avec M. de Bellefond et l'officier pratique ; il a mis une flamme blanche au mât d'artimon et tiré un coup de canon, signal convenu pour en avertir l'escadre. A la même heure, signal à l'escadre d'arriver au Nord. A 9 heures 3/4, fait signal de serrer la ligne. A midi, lat. observée 11° 21' ; longit. arrivée 77° 36' ; le mât de pavillon de Portonovo, N. O. 5° Ouest, 4 lieues. A la même heure, signal de panne; bâbord amures ; le vent faible et dans l'O. N. O. L'escadre anglaise, plus près de la côte, pouvait, en appareillant, avoir le vent sur nous. Nous espérions une brise du large, mais il n'y en a point eu. A 2 heures 1/2, signal de faire servir. Le L'escadre anglaise au mouillage. DU BAILLI DE SUFFREN 519 général a rendu sa manoeuvre indépendante par. un signal et a arrivé, toutes voiles dehors, sur une frégate anglaise qui venait nous observer et n'était qu'à une lieue et demie ; mais, à la manoeuvre du général, elle a reviré sur son escadre. A 3 heures 1/2, le général nous a ralliés et a signalé aux vaisseaux de l'arrière de faire de la voile, n'y ayant aucune apparence d'engager le combat aujourd'hui. A 4 heures 1/2 il a fait signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 4 heures 1/4, viré de bord par 7 brasses. A 4 heures 3/4, le général a appelé le Cowentry. Nous avons fait plusieurs bords pour attraper le mouillage, où les vaisseaux de tête avaient déjà, mouillé. A 6 heures, le général nous a fait signal de forcer de voiles ; nous avons aussitôt mis la grande voilé que l'on avait déjà serrée, croyant attraper le mouillage du bord ; mais les courants nous avaient fait dériver et nous avons mis toutes voiles dehors. Au soleil couché, relevé Portonovo, N. O. 2° Nord, 3 lieues 1/2, cap Mora, N. O. 5° Nord ; la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. E. ; l'escadre anglaise, N. N. O. 5° Ouest, 4 lieues 1/2. A 8 heures, nous avons mouillé par 13 brasses, sable fin et vaseux, distant de terre 1 lieue. Nous avons envoyé un canot au général, imaginant qu'il devait venir à bord ; mais, à 4 heures 1/4 il est venu dans le canot de la Cléopâtre. Pendant la nuit, le vent à l'O. S. O., petit frais. DIMANCHE 15. — Le vent à l'O. S. O., petit frais. Au jour, nous avons hissé nos huniers en tête de mâts. Le Cowentry était resté sous voile pour observer l'escadre anglaise. A 7 heures 1/2, deux frégates anglaises ont mis en panne à une lieue de nous. A midi, lat. observée 11° 24' longit. estimée 77° 38'; Portonovo N. O. 3° Nord, 3 lieues; la terre la plus Sud Sud 1/4 Le vent au S. O. A 1 heure 1/4, signal de virer à pie ; peu après, celui d'appareiller. A la même heure, nous avons mis sous voile. A l heure 1/2, signalé l'ordre de bataille n° 3, ordre naturel; à 1 heure 1/2, au Sphinx d'arriver ; à la même heure, à l'escadre d'arriver au N. N. O. A 2 heures 1/4 le vent ayant molli, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit ; au même instant, signal de mouillage. A. 2 heures 1/2, nous avons mouillé par 18 brasses, sable et vase. Ala même heure, signal de ralliement à l'Ajax. Juin 1783. 520 JOURNAL DE BORD Juin 17S3. Relevé Portonovo, N. O. 5° Ouest, 2 lieues ; la terre la plus Sud, Sud ; le centre de l'escadre anglaise, N. N. O. 5° Ouest, 3 lieues. Le vent à O. S. O., petit. A 3 heures 3/4, le vent a passé au S. S. E., petit ; temps couvert ; apparence d'orage. A 4 heures, aperçu une double chelingue courant la côte, le cap au Nord. Signal au Sphinx de la visiter ; à 5 heures, signal au Brillant de tirer dessus ; à la Cléopâtre et au Cowentry de venir prendre le mouillage. La chelingue courant toujours, le Brillant, le Sphinx et le brûlot ont tiré dessus ; elle a calé toutes ses voiles. Le Sphinx lui a envoyé un canot. A 5 heures 1/2, le vent a fraîchi au S. S. E. et nous avons fait chasser. Nous avons été obligés de mouiller une grosse ancre. A 8 heures, le vent a passé au N. O., joli frais ; petite pluie. A 10 heures 1/2, aperçu quelques bâtiments dans le Nord ; craignant que ce ne fut toute l'escadre anglaise, qui voulait profiter du vent pour nous attaquer, nous avons fait signal d'appareiller et avons serpé la grosse ancre. Le Brillant a signalé 4 voiles ; nous croyons que ce ne sont que des frégates, ne voyant pas davantage. LUNDI 16. — Le vent au N. N. O., petit ; temps couvert. A 1 heure, mis sous voile. Les courants nous ont fait abattre sur tribord, contre notre intention. A 1 heure 1/2, pris bâbord amures sous petites voiles. Vent variable de l'Ouest à O. S. O., petit. Au jour, l'escadre anglaise était toujours mouillée, ayant des frégates sous voile et un vaisseau. Relevé la terre la plus Nord, N. O. 1/4 Nord ; la terre la plus Sud, S. S. O. 5° Sud ; l'escadre anglaise, N. N. O. ; distant de terre 1 lieue. Le vent à l'Ouest, petit. Route au plus près, tribord amures ; fond, 22 brasses. A 6 heures, signal de virer vent devant, tons en même temps ; pris bâbord amures. A la même heure, signal d'ordre de bataille n° 3, dans l'ordre naturel. A 8 heures 3/4, l'Annibal a signalé une voile au N. N. E. et, peu après, de nouvelles voiles dans ce même air de vent. A 10 heures 1/4 fait tenir le vent au Sphinx, chef de la ligne, et fait faire de la voile aux vaisseaux de l'avant. Le Sphinx a fait signal que les voiles aperçues au N. N. E. faisaient des signaux. Il nous a semblé que les bâtiments aperçus faisaient des signaux de reconnaissance français ; nous reconnaissions un vaisseau et une frégate. Aussitôt fait signal de tenir le vent successivement dans les eaux du vaisseau de tête et mis nos pavillons ; les bâtiments venaient toujours sur nous ; mais les frégates anglaises leur ayant fait des Les deux escadres en présence. DU BAILLI DE SUFFREN 521 signaux, ils ont viré de bord et rallié leur escadre. A 11 heures 1/4 appelé la Cléopâtre. Nous avons amené le pavillon de commandement. A 11 heures 1/2, signal au vaisseau de tête d'arriver et successivement au N. N. O. Au même moment, le général a passé sur la Cléopâtre et en a, fait le signal à l'escadre. A 11 heures 3/4, il a appelé le Cowentry. A midi, relevé Portonovo, N. O. 1/4 Ouest 3°. Ouest, 2 lieues. A midi 1/4, signal au Sphinx d'arriver à l'O. N. O. Nous n'étions guère qu'à 3 lieues des ennemis, et nous étions très étonnés de ne point les voir appareiller ; ils étaient au nombre de 18 vaisseaux, plusieurs frégates et beaucoup de transports, mouillés au Nord et plus à terre, qui avaient sans doute apporté les munitions de guerre et de bouche pour leur armée ; nous avions distingué la veille et voyions encore le pavillon français sur les murs de Goudelour. A midi 3/4; signal à l'escadre de serrer la ligne et aux vaisseaux de guerre de faire plus de voile; nous portions toujours sur l'escadre anglaise, que nous approchions. Leurs huniers déferlés nous indiquaient que les ennemis étaient dans le dessein de mettre sous voile. A l heure1/2, ils ont fait signal d'appareiller et ont mis aussitôt sous voile, formant leur ligne au large. A 1 heure 3/4, signal au Sphinx, chef de la ligne, d'arriver au Nord. A 2 heures, le Cowentry a parcouru la ligne en ordonnant à tous les vaisseaux de suivre tous les mouvements successivement des vaisseaux de tête, en serrant la ligne le plus possible. A 2 heures 1/2, signal de gouverner au N. N. E. et de faire faire plus de voile aux vaisseaux de tête. A 2 heures 1/4, trouvé 20 brasses, fond de vase. A 3 heures 3/4; relevé le mât de pavillon de PortoNOVO.; Ouest 2° Nord, 1 lieue 1/2 Le vent au S. E. petit frais, courant, pour lors tribord Juin 1783. 522 JOURNAL DE BORD Juin 1783. amures. A 3 heures 1/2 signal au Sphinx d'arriver au Nord 1/4 N. E. A 4 heures 1/4 le général a viré le signal de virer de bord vent devant tous à la fois, pour se porter sur quelques bâtiments qui étaient loin de l'escadre anglaise ; mais il a annulé aussitôt le signal, les ennemis ayant viré en même temps, à la même heure. lie général a fait signal d'arriver tous en même temps et un coup de canon. A 4 heures 1/2, dépassant la ligne anglaise, qui courait au bord opposé, signal de virer vent arrière, tous en même temps ; mais, peu après, il a fait signal d'annulement et de tenir le vent, tribord amures ; les ennemis ayant hissé le signal pour virer et viré vent arrière, tous en même temps, courant au Nord, tribord amures, leurs bâtiments de transport travaillaient à mettre sous voile, étant très près de terre. Les vents du large les gênaient beaucoup pour cette opération. Le général a fait signal aux vaisseaux de la queue de faire plus de voile. A midi, 16 brasses. Signal au Sphinx d'arriver, et, à 5 heures 3/4, à l'Annibal de forcer de voiles. A la même, heure, signal à. l'escadre d'arriver tous en même temps, et de forcer de voiles à la première division. Nous n'étions alors qu'à une portée de canon de l'escadre ennemie ; mais le jour était près de finir, et le. général ne se souciait pas d'engager le combat la nuit ; à 5 heures 1/2, il a fait signal de tenir le vent, tous en même temps. Gouverné au Nord. Signal à la première division de forcer de voiles ; à la même heure, de tenir le vent successivement dans les eaux du vaisseau de tête, et, peu après, signal de virer de bord vent devant, par la contre-marche. A 5 heures 3/4, relevé le mât de pavillon de Goudelour, N. O. 1/4 Nord ; le mât de pavillon de Portonovo, S. S. O. ; la terre la plus Nord, Nord 1/4 N. O.; la terre la plus Sud, Sud 5° Est; distant de terre 2 lieues. Goudelour assiégé par terre et par mer. DU BAILLI DE SUFFREN 523 Le vent à l'E. S. E., petit frais. Route au plus près du vent, tribord amures, en ligne de bataille. L'intention du général était de se tenir à portée de Goudelour, pour pouvoir communiquer avec l'armée et connaître l'état des choses, si l'amiral anglais toutefois le lui permettait, d'autant mieux qu'il n'était guère possible de disputer le vent, avec nos mauvais voiliers, à l'escadre ennemie, dont tous les vaisseaux étaient doublés en cuivre et qui pouvait accepter ou refuser le combat sans pouvoir y être jamais forcée. A 6 heures, signal au Sphinx de tenir le vent et de diminuer de voiles ; peu après, à la Consolante de forcer de voiles. A 6 heures 1/2, relevé la tète de ligne anglaise, Nord 5° Est ; la queue de la ligne anglaise, O. N. O. A 7 heures, le généralest. revenu abord. A la même heure, fait signal de prendre les amures à bâbord en virant tous en même temps, vent devant. A 7 heures 1/2, nous avons viré et allumé nos feux de poupe et de hune. A 8 heures 3/4, étant par 10 brasses d'eau, fond de vase, signal de virer de bord; pris tribord amures, le vent pour lors dans la partie de l'O. S. O., joli frais ; temps couvert. A 9 heures 1/2, calme. MARDI 17. — Le vent à l'O. S. O., joli frais ; beau temps. Boute au plus près, tribord amures. Au jour, vu l'escadre anglaise sous le vent à nous à plus de 5 lieues dans le N. E. Au même instant, l'Annibal anglais a demandé à parler au général ; accordé et rendu notre manoeuvre indépendante. Nous avons mis en panne et il nous a envoyé un canot et un officier qui, pendant la nuit, avait joint ce vaisseau venant de Goudelour, d'où il était parti hier au soir, à 10 heures ; c'était le même canot et le même officier que le général avait envoyés de Trinquémalay à M. de Peynier, pour l'avertir de la manoeuvre de l'escadre, anglaise et qui, ne l'ayant pas trouvé à Goudelour, y était demeuré. Il était envoyé par M. de Bussy avec des lettres pour le général. Nous avons su que, le 13, il y avait eu une affaire entre les deux armées. M. de Bussy, campé dans le S. O. de Goudelour, à un tiers Juin 1783. Affaire sur terre. 524 JOURNAL DE BORD Juin 1783. de lieue, manquant de boeufs dé charroi, ne s'était nullement opposé à la marche de l'armée anglaise, qui, partie le 21 avril de Madras, n'était arrivée en présence de la nôtre que le 6 de mai sous les ordres dn général Stuart, au nombre d'environ 15,000 hommes, dont près de 3,000 Européens. Nos forces montaient environ à 20,000 hommes, dont près de 4,000 Européens ; mais on ne pouvait raisonnablement compter sur les troupes auxiliaires de notre allié Tippou-Saëb. Le 13, les ennemis commencèrent l'attaque de nos retranchements par une canonnade très vive de part et d'autre, et débouchèrent ensuite sur plusieurs colonnes. L'affaire fut très meurtrière ; la brigade d'Austrasie chargea et repoussa une de ces colonnes à la baïonnettes et fit un carnage effroyable. Le combat, à ce que quelques-uns prétendent, restait à peu près indécis. Le nombre des morts et blessés était plus du double du côté des ennemis ; cependant nous nous crûmes obligés, sur le soir, de rentrer et de nous enfermer dans la place, en abandonnant environ 20 pièces de canon. Notre perte a été de 6 à 700 hommes tués ou blessés, dont 40 officiers ; celle des Anglais de plus de 1,200, dont 60 officiers. L'armée anglaise s'apprêtait à faire le siège de la place, dont on paraissait craindre les suites si nous ne battions pas l'escadre ennemie. Tippou-Saëb était désiré vivement ; mais il était toujours occupé au siège de Mangalore, qui ne paraissait pas devoir finir de sitôt. La Garonne, laissée par le Fendant à Goudelour pour finir son déchargement, y avait été attaquée après son départ par une frégate anglaise, mais s'était fait laisser en ripostant quelques coups de canon. Elle avait appareillé depuis pour l'Ile-de-France. Au lever du soleil, relevé la pointe de Colram, Ouest ; la terre la plus Nord, O. N. O. 5° Nord ; la terre la plus Sud ; S. O. 1/4 Sud ; distant de terre 4 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 525 Le vent à l'O. S. O. A 6 heures 1/4, signal de former la ligne de bataille n° 3, dans l'ordre naturel; à 6 heures 1/2, de virer de bord tous en même temps ; pris bâbord amures ; gouverné au plus près du vent. A 7 heures, le général n'espérait pas gagner l'affaire au vent et les ennemis paraissaient vouloir attendre la brise du large. A la même heure, signal de tenir le vent. A 9 heures, l'Annibal a signalé deux bâtiments dans le N. N. O. ; aussitôt fait signal de chasse au Fendant et à l'Argonaute. Les bâtiments paraissaient transports anglais et venaient sur nous, sans méfiance, nous prenant pour leur escadre ; mais, à 9 heures 1/4, ils nous ont fait signaux de reconnaissance et pris chasse. A 9 heures 3/4, quoique nos vaisseaux les gagnassent rapidement, le général leur a fait signal de ralliement, étant à craindre que les courants ou le changement de vent ne les séparassent de l'escadre au moment de combattre l'ennemi. A midi, relevé Goudelour, N. O. 5° Nord, 1 lieue 1/4; Portonovo, S. S. O. 3° Ouest. Le vent au S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures ; les ennemis toujours au large. A midi 1/2, le général a donné ordre au Cowentry de s'approcher le plus près de terre qu'il pourrait et de canonner quelques tentes qui paraissaient sur le bord de la mer, ainsi que des chelingues, et de les brûler, s'il pouvait. Nous voyions très bien l'armée anglaise, campée à trois quarts de lieue au Sud de Goudelour, ayant communication avec la mer, où s'étaient élevées quelques tentes servant sans doute d'entrepôt atout ce qui est mis à terre par les transports ; ils avaient plusieurs chelingues. A cet effet, à 1 heure, fait signal de virer de bord vent devant, tous à la fois. A 1 heure 1/2, voyant une chelingue partie de Goudelour faire route sur l'escadre, nous avons rendu notre manoeuvre indépendante, mis en panne, tribord amures, et ordonné à l'escadre le plus près, tribord amures. A 3 heures, la chelingue a abordé avec un officier de port, ayant des lettres de M. de Bussy pour le général ; elle, est repartie aussitôt. M. de Suffren écrivait à M. de Bussy que, si la Juin 1783. Les deux escadre en présence. Camp anglais. 526 JOURNAL DE BORD Juin 1783. position des ennemis le lui permettait, il mouillerait dans la nuit quelques heures à Goudelour ; que, les équipages étant très faibles, s'il pouvait lui donner un renfort de troupes de l'armée, il irait combattre les ennemis avec plus d'assurance. A 4 heures, signal à l'escadre de prendre bâbord amures. A la même heure, le Cowentry a fait feu sur les tentes et chelingues, qui avaient été tirées à terre. A son approche, on lui a riposté quelques coups de canon. Un quart d'heure après, le général lui a fait signal de ralliement. A 5 heures 3/4 comme les ennemis étaient toujours au large et sous le vent, trompés sans doute par l'espérance d'avoir la brise du large, vu que les vents étaient toujours dans la partie de l'Ouest, — circonstance rare dans la mousson du Sud, — le général a pensé qu'il pouvait mouiller à Goudelour sans inconvénient, et a fait signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 6 heures, relevé Goudelour, N. O., 1 lieue ; la terre la plus Nord, N. N. O. 5° Nord ; la terre la plus Sud , Sud 5° Ouest ; l'escadre anglaise, S. E. S. 1/4 Sud, 4 à 5 lieues. Mouillé à Goudelour. Le vent à l'Ouest, petit frais. A 8 heures, nous avons mouillé à Goudelour par 8 brasses, fond de vase. Le Saint-Michel, nous ayant passé trop près de l'avant, a eu son bâton de pavillon cassé par notre bout-dehors de beaupré. A la même heure, fait signal de mouillage. Goudelour assiégé par terre et par mer. MERCREDI 18. — Le vent toujours à l'Ouest. M. de Bussy, sentant bien que le salut de l'armée de Goudelour et des munitions immenses de guerre et de bouche que cette ville renfermait, dépendait uniquement du succès de l'escadre, n'a pas hésité à accorder à M. de Suffren un renfort ; 600 Européens et 600 cipayes ont été destinés à s'embarquer. Vers les 3 heures, les chelingues qui les apportaient ont abordé à bord du Héros, et toutes ces troupes ont été distribuées sur-le-champ sur tous les -vaisseaux de l'escadre ; cette, opération a été on ne peut Troupes embarquées. DU BAILLI DE SUFFREN 527 plus prompte, et l'amiral anglais aurait bien quelque petit reproche à se faire, si nous réussissions à lui faire abandonner le siège. Au jour, nous avons vu un bâtiment dans l'E. N. E.; signal de chasse à la Cléopâtre et au Cowentry. A 5 heures 3/4, nous avons eu connaissance de. l'escadre ennemie nous restant' au Sud, à toute vue, Le bâtiment aperçu venait sans doute de Madras, apportant des' munitions à l'armée anglaise. Le jour paraissait, il nous fit des signaux de reconnaissance, et, comme nous n'y répondions, point, il chercha à rallier l'escadre ennemie, Relevé le mât de pavillon de Goudelour, Ouest 1/4 2° Nord ; Gouvernement, Ouest 1/2 lieue ; l'entrée de la rivière, Ouest 1/4 S. O. 3° Sud ; la terre la plus Nord, Nord 5° Est ; la terre la plus Sud, Sud. Le vent à l'Ouest, petit. L'escadre dans le Sud, portant sur nous au nombre de 28 voiles, bâtiments de guerre ou transports. Après 7 heures, signal de ralliement au Cowentry et à la Cléopâtre. A 9 heures, l'escadre anglaise approchant trop sur nous, signal d'appareiller; à 9 heures 1/4, de tenir le vent, tribord amures. A 9 heures 3/4 toute l'escadre sous voile ; signal de ligne de bataille n° 3, dans l'ordre naturel. A 10 heures l/2, portant trop au vent de l'escadre anglaise, signal d'arriver au Sud; peu après, à la Consolante de forcer devoiles. A 10 heures 3/4 signal d'arriver au S. S. E. A 11 heures 1/4, relevé l'escadre anglaise,- S. S. E. 5° Est, 3 lieues. A 11 heures 1/2, signal de gouverner au Sud ; mis les flammes de la Cléopâtre, et, peu après, de virer de bord vent arrière par la contre-marche; l'escadre ennemie bâbord amures; A 11 heures 3/4, le général a passé sur la Cléopâtre et en a fait le signal à l'escadre. Juin 1783. Appareillé de Goudelour. 528 JOURNAL DE BORD Juin 1783. A midi, relevé le mât de pavillon de Goudelour, N. N. O. 3° Nord ; le mât de pavillon de Portonovo, Sud 1/4 S. O. 5° Ouest ; la terre la plus Nord, Nord 5° Ouest ; la terre la plus Sud, Sud ; distant de terre 1 lieue. Le vent à l'O. N. O. A la même heure, signal aux vaisseaux de tête de manoeuvrer de manière à passer de l'avant du chef de file des ennemis. Signalé au Sphinx le N. E. ; à midi, l'Est 1/4 N. E. ; à 1 heure 1/2, à la troisième division de forcer de voiles. Même signal au Saint-Michel. A 1 heure 3/4, signal de tenir le vent successivement dans les eaux des vaisseaux de tête, accompagné d'un coup de canon. A 2 heures 1/2, signal au Sphinx, chef de la ligne, de diminuer de voiles et d'arriver au N. E., et, peu après, aux vaisseaux de l'avant de mettre en panne. A 2 heures 1/4, relevé Goudelour, N. O. 1/4 Ouest, 3 lieues 1/2. Le vent à l'O. N. O., petit frais. Les Anglais faisaient toujours porter à mesure que nous approchions, et il paraissait que leur dessein n'était pas de combattre sous le vent, mais d'attendre la brise du large. Leur nombre supérieur et leur marche supérieure ne nous permettaient pas de les forcer au combat. Le général a fait alors signal de former la ligne de bataille n° 1, ordre naturel. Tous les vaisseaux ont manoeuvré pour prendre leur poste. A 3 heures 3/4, signal d'arriver tous en même temps à l'Est 1/4 N. E. A 4 heures, signal au Sphinx d'arriver, et à l'Illustre de forcer de voiles. Les ennemis nous voyant approcher en ordre et prêts à les attaquer, ont alors viré de bord vent arrière, tous en même temps. A 4 heures 1/4, signal d'arriver au S. E. et, peu après, détenir le vent, tribord amures, comme l'escadre ennemie. A 4 heures 1/2, signalé l'ordre de bataille n° 1, ordre renversé. A 4 heures 3/4, fait faire plus de voile aux vaisseaux de la queue. Les vents étaient très faibles, par grains. Quelques vaisseaux même de l'escadre anglaise étaient en calme; ils avaient des bouffées de vent du large. Ils se servaient de leurs bâtiments à rames Les ennemis refusent le combat. Côte de Coromandel DU BAILLI DE SUFFREN 529 pour se tenir en ligne et la serrer, leur arrière-garde ayant de grandes distances, et craignant sans doute que les vents d'O. N. O., que nous avions quelquefois plus frais, ne nous permissent de les approcher à portée de les combattre. A 5 heures, signal au Vengeur de faire de la voile et de serrer la ligne. A 5 heures 1/2, relevé Goudeiour, Ouest 1/4 N. O. 3° Nord 4 lieues 1/2. Signal à l'Ajax de faire plus de voile. A 6 heures, le général, voyant qu'il n'était plus possible d'engager le combat ce jour-là, est revenu à bord. Au soleil couché, relevé Goudelour, O. N. O. 3° Nord, 4 lieues ; la tête de ligne anglaise, S. S. E. 3/4 de lieue ; la queue de la ligne anglaise, Est 1/4 N. E., 3/4 de lieue. Le vent à l'Ouest 1/4 N. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures 1/2, le vent a passé au Sud, petit ; nous avons pris les amures à bâbord. A 7 heures, sondé 25 brasses, sable fin. A 9 heures 74, étant par 15 brassés, même fond, vent variable dans la partie du S. O., petit frais, petit grain par intervalles, nous avons fait signal de virer de bord vent devant, tous en même temps, et pris les amures à tribord. Route au plus près du vent. A 11 heures 1/4, par 20 brasses, même fond; fait signal de virer de bord ; pris les amures à bâbord. Route au plus près du vent. JEUDI 19. — Le vent variable de l'0. à l'O. S. O., joli frais. A 1 heure, un homme est tombé à la mer; mais il s'est accroche le long du bord et a été sauvé. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Goudelour, S. S. O. ; Pondichéry, Nord 5° Est ; distant de terre 1/2 lieue. Sondé 8 brasses, fond sable vaseux, à l'O. N. O. A la même heure, fait signal de chasse en avant au Cowentry. A 7 heures, il nous a signalé une voile au Sud ; à 7 heures 3/4, nous avons aperçu l'escadre anglaise à toute vue dans l'E. S. E. A 9 heures 1/4, signalé la route au Sud. Peu après, signal de ralliement au Cowentry. A 11 heures 1/4, signalé la route au Sud ; peu après, signal de ralliement au Cowentry. A 11 heures 3/4l' A rtésien a signalé un bâtiment dans le N. E. ; peu après, nous l'avons lé cutter Juin 1783. Goudelour assiégé par terre et par mer. 530 JOURNAL DE BORD Juin 1783. le Lézard, pris par les Anglais à Tranquebar ; nous ayant reconnus, il a manoeuvré pour rallier son escadre. A midi, lat. observée 11° 51'; longit, arrivée 77° 38'; les pagodes de Chalambaram, S. O. 5° Ouest; le cap de Colram, Sud 1/4 S. E. 5° Est ; distant de Portonovo, S. O. 1/4 O. 1 lieue. Quelques vaisseaux approchant de trop près le banc du Colram, nous leur avons fait signal de danger. Songé 10 brasses d'eau, vase molle. Commençant à approcher les ennemis, signal d'ordre de bataille n° 3, dans l'ordre naturel. A midi 1/4, signal d'arriver successivement dans les eaux du vaisseau de tête et que le général prend la tête de la ligne. A 1 heure 1/2, signal de tenir le vent successivement. A la même heure, l'Ajax et l'Illustre se sont abordés ; le dernier a eu toute sa guibre démontée ; il a fait signal d'incommodité. A 2 heures 1/4, signalé l'ordre de bataille n° 1, ordre naturel ; à la même heure, qu'il allait prendre son poste dans la ligne, et nous avons viré de bord. Signal au Sphinx de diminuer de voiles, au Flamand et à l'Ajax de forcer de voiles. A 2 heures 3/4 viré de bord pour rentrer dans, la ligne. A 3. heures 3/4, appelé le canot du Cowentry ; il a rendu compte que, le mât de beaupré de l'Illustre n'ayant pas souffert, il serait prêt à combattre sous peu de temps. A 5 heures 1/4, signal à la deuxième division de tenir le vent. A 6 heures, relevé le mât de pavillon de Portonovo, O. S. O., 3 lieues ; les pagodes de Chalambaram, S. O. 1/4 4° Ouest ; la terre la plus Sud, S. S. O. 3° Sud ; le cap de Colram, S. O. 1/4 Sud ;. le centre de l'escadre anglaise, Sud, 1 lieue. Nous étions depuis longtemps à portée d'espérer de combattre l'escadre ennemie, si toutefois elle eût voulu ; mais les vents ont été variables ou calmes. Depuis 3 heures, tantôt des bouffées du large et tantôt de terre ; la moitié des vaisseaux dans l'escadre avec un vent et le reste avec l'autre. Il aurait pu être dangereux pour nous d'attaquer avec un pareil temps, nos forces inférieures exigeant de nous présenter en ordre et avec un vent sûr. Le vent s'était enfin décidé au S. S. E. ; joli frais. Signal de tenir le vent à la seconde division. A 6 heures 1/4, grain, vent et pluie dans la partie du S. O. A 6 heures 1/2, signal de virer de bord vent devant, tous en même temps ; pris bâbord amures. Route au plus près du vent. A 10 heures, étant par 12 brasses, signal de virer de bord vent devant, tous en même temps ; pris tribord amures ; vent S. O., joli frais. Les deux escadres en présence. DU BAILLI DE SUFFREN 531 VENDREDI 20. — Le vent à l'O. S. O., petit frais temps couvert. Routé au plus prés du vent, tribord amures. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Portonovo, O. N. O. 5°, 2 lieues; cap de Colram, Ouest 1/4 S. O. Le vent au S. O.; petit. Route au plus, près du vent, bâbord amures. Sondé 24 brasses, sable et vase. A la même, heure, signal à la Cléopâtre de tourner en avant de l'escadre en découverte de l'ennemi, que nous n'apercevions pas. A 6 heures, signal au Cowentry de chasser au N. O. 1/4 Nord. En même temps nous avons aperçu deux bâtiments au S. E., que nous avons jugés frégates de l'ennemi. A 6 heures 1/4, nous avons arrivé pour rallier quelques-uns de nos vaisseaux, qui étaient sous le vent. A 6 heures 3/4, nous avons eu connaissance de l'ennemi dans le S. S. E., au nombre de 23 voiles, bâtiments de guerre ou de transport. A 7 heures, signal de ralliement aux deux frégates. Nous avons alors manoeuvré pour approcher l'ennemi. A 7 heures 1/2, signal de virer de bord vent devant, tous en même temps, et à l'Ajax de forcer de voiles. A 10 heures 1/4, signalé la ligne de bataille n° 1, dans l'ordre naturel, et aux vaisseaux de l'avant de diminuer de voiles. A 10 heures 1/2, répété le même signal et arrivé au N. N. E., pour joindre des vaisseaux qui étaient sous le vent. A la même heure, fait arriver le Cowentry et la Salamandre. Même signal à l'Artésien; à 10 heures 3/4, au Sévère de forcer de voiles. A 11 heures 1/4, appelé la Cléopâtre. A 11 heures 1/2, la ligne étant formée, signal à l'escadre de virer de bord vent devant, tous en même temps. Les vents faibles empêchèrent quelques vaisseaux de virer vent devant. A midi, lat. observée 11° 35' ; le mât de pavillon de Portonovo, S. O. 5° Ouest, 4 lieues; les pagodes dé Chalambaram, S. Sud. A la même heure, signal de courir en échiquier, tribord ramures, le milieu de l'escadre anglaise 1/4 Sud, courant comme nous tribord amures. A midi1/4; signalé la ligne de bataille n° 1, ordre renversé, Signal au Saint-Michel de forcer de voiles, et répété le signal de ligne de bataille n° 1, dans l'ordre renversé. Les vents étaient alors dans la partie de l'Ouest, joli frais. A la même heure, signal d'arriver successivement dans les eaux du vaisseau de tête, en y joignant les flammes du Brillant et du Sphinx. A midi 3/4, signal à l'Artésien, qui commençait à approcher l'ennemi, de ne pas dépasser le 3me vaisseau de son arrière-garde; peu après, signal d'arJuin d'arJuin 532 JOURNAL DE BORD Juin 1783. river tous en même temps au S. E. A l heure, le général a passé sur la Cléopâtre et fait signal à la seconde division de faire de la voile ; à 1 heure 1/4, de tenir le vent tous en même temps et gouvernant au Sud, et, peu après, au S. S. E. A 1 heure 3/4, relevé Portonovo, Ouest 1/4 N. O., 4 lieues. A la même heure, signal à l'Ajax de forcer de voiles et un coup de canon. A la même heure, les ennemis ayant viré lof pour lof, tous à la fois, le général a fait le signal de virer de bord vent arrière, et, peu après, celui d'ordre de bataille n° 1, dans l'ordre naturel. Nous avons pris bâbord amures, comme les ennemis ; à 2 heures 3/4, signal d'arriver à l'Est, peu après les flammes de l'Ajax et du Sévère. Signal au Sévère, à l'Ajax et au Flamand de forcer de voiles; à 3 heures, au Sphinx et au Brillant de forcer de voiles; à 3 heures 1/4, à la Consolante de prendre la queue de la ligne. A 3 heures 1/4, signal de tenir le vent tous en même temps, pour bien former la ligne. Signalé la ligne de bataille n° 1, ordre naturel, et tous les vaisseaux à leur posté. Combat de Goudelour. Depuis que les deux escadres étaient en présence, les ennemis, toujours sous le vent, — par une continuation de vent d'Ouest fort extraordinaire dans cette mousson, où les brises fraîches se déclarent tous les jours au S. E. dans l'après-midi, — avaient toujours évité le combat, soit en arrivant, soit en virant lof pour lof. Lorsque nous étions prêts de les joindre, leur marche et leur nombre supérieur ne nous permettaient pas de les y forcer, et il paraissait qu'ils avaient formé le dessein de ne point combattre sous le vent, mais d'attendre les brises du large pour nous attaquer au vent. Fatigués apparemment d'une attente vaine, il semblent aujourd'hui avoir changé d'avis leur ligne, composée de 18 vaisseaux, bien formée, et serrée ; le pavillon queue rouge qu'ils ont viré à la place du bleu, manoeuvre qu'ils ont toujours faite au moment de combattre, nous font espérer qu'ils ont le projet de nous attendre. A 3 heures 35, signal d'arriver tous en même temps. A la même heure, le général a donné ordre au Cowentry DU BAILLI DE SUFFREN 533 d'aller dire à la Consolante de ne combattre les derniers vaisseaux de la ligne ennemie qu'à grande portée. Au même instant, le matelot de l'amiral anglais l'a démâté de sa gaule d'enseigne. A la même heure, signal au brûlot de se tenir prêt à accrocher l'ennemi au premier ordre; à 3 heures 3/4 au Sphinx et au Brillant d'arriver. A 3, heures 50, ordre verbalà l'Illustre de faire de la voile ; même signal au Brillant et au Sphinx. A 3 heures 55, signal d'approcher l'ennemi à portée de pistolet et de serrer la ligne; ajouté au signal les flammes du Sphinx. A 4 heures 1/4, nous étions à peu près à une demi-portée de canon des ennemis et ils couraient un peu largue, s'occupant de serrer leur ligne. Peu après, le général a fait signal dé commencer le combat. Tous les vaisseaux sont venus au vent pour exécuter l'ordre et le combat a commencé à 4 heures 20, l'escadre courant Nord et Nord 1/4 N. O. ; le vent de l'Ouest et de l'O. N. O., petit frais. Le général parcourait la ligne et, étant par le travers dé l'avantgarde, à 4 heures 3/4 il a fait signal au Sphinx et au Brillant de mettre en panne. En même temps signal au Flamand de serrer la ligne; à 4 heures 55, signal au Sphinx et au Brillant d'arriver. A 5 heures, le Vengeur et l'Annibal se sont abordés et ne se sont décrochés que 10 minutes après ; le Vengeur a été démâté du mât de perroquet de fougue dans cet abordage. A 5 heures 1/4. signal, à l'Artésien de faire servir. A 5 heures 25, signal à vos postes ». A 5 heures 1/2, signal de forcer de voiles à l'Illustre ainsi qu'à l'Argonaute. A 5 heures 40, signal à la seconde division de diminuer de voiles. Nous devions avoir pour matelot d'arrière l'Illustre ; mais le Hardi était venu prendre poste entre lui et nous; nous avions eu déjà beaucoup de manoeuvres coupées, qui avaient été repassées tout de suite. A la même heure, fait forcer de voiles à 35 Juin 1783. 534 JOURNAL DE BORD Juin 1783. l'Artésien et au Sévère. A 5 heures 3/4, signal à la première division de diminuer de voiles avec nos flammes ; nous avons aussitôt exécuté l'ordre. L'Argonaute, notre matelot d'avant, a fait de même. L'avant-garde était un peu engagée et l'arrière-garde avait de grandes distances. A 6 heures, signal à l'arrière-garde de serrer la. ligne ; à 6 heures l/4, à l'arrière-garde de forcer de voiles; à la même heure, de tenir le vent ; à la première division de diminuer de voiles ; à 6 heures 20, de cesser le combat. Quelques vaisseaux ont continué de tirer jusqu'à 6 heures 1/2, qu'on a cessé d'être à portée. Le combat a été très vif et le feu bien soutenu de l'avant-garde et corps de bataille. Il y a eu quelque désordre dans les deux arrière-gardes, surtout après l'abordage de l'Annibal et du Vengeur. La vivacité du feu des ennemis ayant diminué sensiblement et le nôtre s'étant toujours soutenu, il y a lieu de croire qu'ils ont beaucoup souffert. Nous avons eu 15 hommes tués et 45 blessés ; beaucoup de manoeuvres coupées et plusieurs boulets dans les mâts, vergues et corps du vaisseau, mais sans avaries considérables, quoique nous eussions toujours combattu l'amiral anglais ou ses matelots, qui étaient des 74. A 6 heures 35, le Cowentry a eu ordre d'aller dire à l'arrière-garde de forcer de voiles. A 7 heures, le général est revenu à bord, et la Cléopâtre a eu ordre d'aller ordonner à l'avant-garde de se replier sur le corps de bataille. Pris le plus près, bâbord amures ; vent à l'Ouest, petit frais. Mis 5 fanaux à la corne d'artimon, ainsi que les autres vaisseaux, pour nous reconnaître. A 9 heures, fait signal de virer de bord vent devant, tous en même temps ; mais le vent ayant varié au S- O., fait signal de conserver les amures à bâbord ; à 10 heures, répété le même signal. Nous avons envoyé un canot et un officier à bord de l'amiral, DU BAILLI DE SUFFREN 535 qui paraissait incommodé ; on a rendu compte qu'il s'était abordé avec le Hardi et que celui-ci avait eu toute sa guibre emportée ; le mât de beaupré ne paraissait pas avoir souffert. SAMEDI 21. — Le vent au S. O., petit ; temps couvert. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures du matin, sondé 22 brasses, sable fin, vaseux. A 5 heures 1/2, nous avons eu connaissance d'un bâtiment à deux mâts mouillé ; à la même heure, on en a signalé un autre dans le aussitôt, signal de chasse à la Cléopâtre; peu après, annulé le signal. Relevé le mât de pavillon de Pondichéry, S. O. 1/4 Ouest, 2 lieues. Le vent au S. O., petit frais. Au lever du soleil, reconnu le bâtiment mouillé pour une palme ; signal au Cowentry de chasser à 2 lieues en avant de l'escadre. Vu un navire au S. A 7 heures 3/4, signal de chasse à la Cléopâtre. A 8 heures 1/4, signal de virer vent devant, tous en même temps. A 10 heures, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit ; à 10 heures 1/2, signal de mouiller et mouillé par 15 brasses, sable fin. Nous n'avions encore point connaissance de l'ennemi. Signal de ralliement aux deux frégates; à 10 heures 1/2, au brûlot de visiter la palme et de l'amener à bord du général. A 11 heures, la Cléopâtre a signalé 23 voiles au S. S. E.; elles devaient être à toute vue de la frégate, quoique nous ne pussions les apercevoir. A la même heure, signal de se tenir prêts à appareiller. A 11 heures, relevé Pondichéry, S. O. 1/4 Ouest, 2 lieues. A midi, lat. observée 11° 59' ; longit. arrivée 77° 48'. Le vent au petit. A 1 heure, le Cowentry a cassé sa grande vergue; on a donné ordre aussitôt à YAnnibal de lui donner une vergue de hune pour la remplacer. A 3 heures 1/4, le général a envoyé un canot avec un officier à Goudelour, pour instruire M. de Bussy de notre combat. A 4 heures, vu une voile dans l'Est. A 5 heures 3/4, l'Annibal, ayant rompu son câble, a été obligé dé mettre sous voile ; il a demandé par signal des ancres ; à 10 heures 1/4, il a tiré des fusées, signal convenu pour faire connaître qu'il avait mouillé. Tous les vaisseaux ont envoyé rendre compte des avaries, morts et blessés du dernier combat. Nous n'avons plus vu les ennemis. Juin 17S3. Goudelour assiégé. Pondichéry. 536 JOURNAL DE BORD Juin 1783. LIGNE DE BATAILLE MORTS ET BLESSÉS DANS L'AFFAIRE DU 20 JUIN Vaisseaux Canons Capitaines Tués Blessés Le Sphinx 64 Du Chilleau 8 23 Le Brillant 64 Kersauson 7 18 Le Fendant 74 Peynier 11 55 Le Flamand 50 Salvert 17 42 L'Ajax 64 Dupas 4 25 LAnnibal anglais.... 50 Beaulieu 2 16 L'Argonaute 74 Clavières 10 25 Le Héros 74 Moissac 15 45 L'Illustre 74 Bruyères 4 20 Le Saint-Michel 60 Beaumont 5 25 Le Vengeur 64 Cuverville 10 21 Le Sévère 64 De Langle 2 21 L'Annibal 74 D'Aymar 5 14 Le Hardi 64 Kerhué 0 4 L'Artésien 64 De Vignes 2 20 La Consolante 40 Costebelle 0 2 Frégates Le Cowentry 28 D'Herly, enseigne de vais. 0 0 La Cléopâtre 36 Suffren ; G. Rosily, lieutt. 0 0 Total..... 102 376 Officiers tués Salvert, capitaine du Flamand; — Dupas, capitaine de l'Ajax; — Dien, capitaine du brûlot, sur le Sévère ; — Robinot, faisant fonctions d'enseigne, sur l'Annibal mort de ses blessures; — L'Isselée, auxiliaire, sur l'Annibal anglais mort de ses blessures ; — Dumoulin, officier de Médoc, sur le Fendant mort de ses blessures. Le commandement du Flamand a été donné à M. de Saint-Félix, et celui de l'Ajax à M. de la Règle. DU BAILLI DE SUFFREN 537 LIGNE DE BATAILLE DES ENNEMIS Vaisseaux Canons Capitaines Défense. 74 P. Newnham Isis ....., 50 Holliday Gibraltar. 80 Bikerton, Hicks Inflexible.. 64 J. Chetwynd Montmouth... . 64 J. Ahns Africa 64 R. Makdonal Eaglè 64 Clarck Worcesler 64 Hughes Sultan 74 Michel Superb 74 Ed. Hughes, L. Nearloms Monarcha 70 J. Gelle Burford. 70 P. Raynier Sceptre. 64 S. Graves Magnanime. 64 F. Mackensie Hero 74 R. King, Jhon Bristol. 50 J. Burney Exeler 64 G. S. Smith Cumberland.......... 74 W. Allen Frégates Canons Lézard.... 18 Naïade........... 28 San-Carlos 40 Sea-Hone 20 Frégates Canons A ctive 32 Junon 32 Medea..,, 28 Hound 14 DIMANCHE 22. — Le vent au S. S. O., petit frais. A 5 heures, signal d'appareiller. .Au jour, nous avons aperçu l'escadre anglaise très dispersée ;. quelques vaisseaux, et parmi eux l'amiral, ne se trouvaient pas à 2 lieues de nous dans l'Est 1/4 .N. E. ; tous les autres étaient fort sous le vent, très en désordre, nous restant à Juin 1783. 538 JOURNAL DE BORD Juin 1783, l'Est 1/4 S. E. Le vaisseau de l'amiral était démâté de son grand mât de hune et avait sa vergue de misaine cassée ; plusieurs autres paraissaient très avariés. Dès qu'ils nous ont aperçus, ils ont arrivé tout plat, faisant le plus de voile possible pour nous éviter et courant au Nord. A 5 heures 3/4 fait signal à l'Annibal d'appareiller; le vent au S. O. attendant en panne. L'intention du général était d'abord de chasser les ennemis; mais, faisant réflexion à leur marche supérieure et au parti qu'ils avaient pris décidément de fuir, — puisque après s'être ralliés, ils avaient mis le cap à l'E. N. E., toutes voiles dehors,— à l'inquiétude d'ailleurs où l'on devait être à Goudelour sur les suites de notre combat tant qu'on ne nous verrait pas arriver, il s'est décidé à faire route sur cette place. Les ennemis étaient alors à environ 5 lieues et faisaient route pour Madras en abandonnant Goudelour et leur armée ; ils ne pouvaient être que complètement battus ; et il n'était pas douteux qu'en mettant à terre à Goudelour toutes les garnisons des vaisseaux et des canonniers, et même des matelots. M. de Bussy n'obligeât bien vite le général à lever le siège. A 8 heures, fait signal de tenir le vent, tribord amures; à 11 heures 3/4, signal de virer de bord vent devant, tous en. même temps. A midi, lat. observée 11° 56' ; longit. arrivée 78° 55'. Vent variable du Sud au S. E, Signal à la Cléopâtre de passer à poupe ; le général a ordonné à M. de Rosily de forcer de voiles, et d'aller mouiller à Goudelour, et, à la nuit, d'allumer des feux pour indiquer le mouillage à l'escadre. A 6 heures, relevé Pondichéry; Ouest 5° Nord, 3 lieues. Le vent au S. E., petit; route au plus près, bâbord amures. A 6 heures 1/4, signal de se préparer à mouiller avec l'ancre de détroit. A 9 heures, signal de mouillage ; mouillé par 10 brasses, sable et vase. Le vent au Sud, joli frais. L''Artésien et le Vengeur se sont abordés; ce dernier a eu son beaupré cassé, et l'Artésien sa bouteille Battu l'escadre anglaise. Route pour Goudelour. DU BAILLI DE SUFFREN 539 emportée; nous avons changé le bâton de foc qui avait été coupé d'un boulet. LUNDI 23. —Le. vent au S. O., petit ; beau temps. Au soleil levé, signal à l'escadre d'appareiller. Relevé Pondichéry, Nord 5° Ouest, 3/4 de lieue. A 6 heures, mis sous voile. Vent variable de l'Ouest au S. O. A 10 heures, relevé le mât de pavillon de Goudelour, S. O. 5° Ouest. A 11 heures 1/2, le vent ayant varié au S. E., petit frais, viré de bord et pris bâbord amures. A midi, lat. observée 11° 48' ; longit. arrivée 77° 40' ; .Goudelour, S. O., 1 lieue. Sondé 18 brasses, sable et vase. A 1 heure, signal de se préparer à mouiller avec une grosse ancre. A 1 heure 72, signal au Cowentry d'euvoyer son canot à bord. A 2 heures 1/4, nous avons mouillé à Goudelour par 9 brassés, vase. Relèvement le mât de pavillon de Goudelour, O. ; le Gouvernement, Ouest 1/4 N. O. ; l'entrée de la rivière, O. S. O. 4° Sud ; la terre la plus Nord, Nord ; la terre la plus Sud, Sud 5° Ouest ; distant de terre, 1/2 lieue. Le vent au S, E., petit frais. A 2 heures l/2, le général est descendu à terre ; il a été salué de 15 coups de canon et reçu sur le quai par tous les officiers de l'armée, qui, le regardant comme le sauveur de Goudelour, l'ont salué du cri de vive le roi ! » et vive Suffren ! » en l'accompagnant jusqu'au Gouvernement, suivis de toute l'année. M. de Bussy l'attendait au haut de l'escalier. A 5 heures, il est retourné à bord et a été encore accompagné jusqu'à son canot par toute l'armée avec des acclamations. Depuis notre arrivée à la côte et l'appareillage de l'escadre anglaise, le général Stuart avait fort peu pressé ses ouvrages contre la place et paraissait plutôt travailler à fortifier qu'à attaquer. Quoique, dans une lettre qu'il écrivait à M. de Bussy, il n'eût pas regardé comme douteux le succès de son escadre, aujourd'hui il allait être fort gêné, pour les vivres qu'il recevait par des transports Juin J733. Mouillé a Goudelour. Belle réception à terre. 540 JOURNAL DE BORD Juin 1783. de Madras, de Négapatnam et de Tranquebar; la communication par terre avec Madras est absolument gênée par les troupes et la cavalerie de Tippou-Saëb, campées hors la ville. Nous avons changé la vergue d'un grand hunier, percée d'un boulet dans le combat. Débarquement de 1,200 hommes. MARDI 24. — Le vent au S. 0. petit frais. A 5 heures 1/2, l'Ajax a signalé une voile au N. N. E. Dans la matinée, on a débarqué les troupes de l'armée prises avant le combat, et toutes les garnisons des vaisseaux et des matelots volontaires, au nombre de 1,200 hommes. Le chevalier de la Tour du Pin, lieutenant de vaisseau, commande les troupes de marine, et M. de Ohevral commande les matelots. J'ai été employé comme aide-major des troupes de marine. Une sortie générale avec un nombre aussi considérable de troupes embarrasserait, je crois, beaucoup, le général Stuart. A 9 heures, le vent a passé au S- E. L'après-midi le général est descendu à terre. Les blessés de l'escadre ont été mis à terre. La nuit, vent variable du S. E. au S. O., petit frais. La Cléopâtre et le Cowentry sont mouillés entre Portonovo et l'endroit qui servait d'entrepôt à l'armée française pour intercepter la communication avec Tranquebar et Négapatnam. MERCREDI 25. — Le vent au S. O., petit. A 3 heures, nous avons entendu tirer plusieurs coups de canon et des coups de fusil jusqu'à 3 heures 3/4. A 5 heures, une chelingue, prise par la Cléopâtre, a rallié l'escadre ; elle est chargée de riz et de quelques ballots de toile bleue, destinée à l'armée anglaise. A 5 heures 1/2, le Saint-Michel a mis sous voile pour aller mouiller à la même station que les frégates. A la même heure, il a chassé un bâtiment, qu'on lui a fait signal de conserver quoique ami ou neutre. A 8 heures, nous avons su qu'il y avait eu une sortie cette nuit, mais qu'elle n'avait pas été heureuse, y ayant perdu beaucoup de monde. M. le chevalier de Damas, colonel en second d'Aquitaine, qui la commandait, avait été fait prisonnier. On dit que le peu d'ordre a été cause DU BAILLI DE SUFFREN 541 du mauvais succès. Nous y avions 1,500 hommes, dont un certain nombre de cipayes, troupes fort peu faites pour des coups de vigueur et des attaques de nuit. A midi, le Sévère à signalé une voile au S. E. 1/4 Sud. Le bâtiment chassé par le Saint-Michel amouillé dans l'escadre; c'était une palme portugaise, venant de Madras et allant à Tranquebar. Le général a engagé le capitaine à aller porter ses dépêches. Un officier anglais, passager pour Tranquebar, qui était dessus, a passé sur la Consolante avec promesse d'être envoyé par une frégate. Le SaintMichel a mouillé près des frégates. La nuit, vent au S. O., petit. JEUDI 26. — Le vent au S. O., petit ; temps couvert. A 4 heures, la palme portugaise a mis sous voile pour Trinquémalay; le général y a mis un officier de l'escadre et quelques hommes pour l'aider à manoeuvrer. A 5 heures 1/2, le Cowentry a appareillé, chassant un bâtiment venant du Sud. A 11 heures, le bâtiment a mouillé dans l'escadre, portant pavillon danois. Les Anglais tirent de temps en temps sur des travailleurs en dehors de la place quelques coups de canon, que nous leur rendons. Vent au S. O. VENDREDI 27. — Le vent au S. O., petit frais. A 1 heure, le danois a mis sous voile. A 3 heures 1/2, le vent a passé au S. E., joli frais. A 5 heures, nous avons arrêté une double chelingue, chargée de riz pour l'armée anglaise. Vent du Sud. Les ennemis, campés au Sud de Goudelour, n'occupent que cette partie, et la communication est entièrement ouverte et sûre avec le Nord. On ne voit pas qu'ils fassent des dispositions pour attaquer la place de notre côté nous n'en faisons pas davantage pour les chasser; on se borne de part et d'autre à tirer quelques coups de canon, qui n'ont jusqu'à présent tué dans la place que cinq ou six malheureux noirs ou négresses. On a rembarqué les matelots volontaires. Dans la journée, le vent a soufflé au S. E. ; la nuit, au S. O. SAMEDI 28, — Le vent au S. O., petit; temps couvert. La Cléopâtre amis sous voile pour aller à Tranquebar; elle y a conduit l'officier anglais. Nous avons relevé quelques ancres, que les transports anglais avaient laissées, obligés qu'ils étaient de mettre sous voile précipitamment, 1 lorsque nous parûmes devant Goudelour le 16. La petite canonnade de part et d'autre va toujours son train, mais rien de plus. Tipppu-Saeb est toujours occupé au siège de Mangalôre. Juin .1783, 542 JOURNAL DE BORD Juin 1783. DIMANCHE 29.—Le vent au S. O., petit frais; temps couvert. A 1 heure 1/2, l'Annibal a signalé une voile au N. N. E. Parlementaire. La paix. A 3 heures, signal à l'Artésien de mettre sous voile ; le bâtiment a été reconnu pour la frégate anglaise Médée. Ayant pavillon de parlementaire, elle a fait route pour le mouillage ; obligée de louvoyer pour gagner, elle n'a pu mouiller qu'à 11 heures 1/2 à côté de nous. Aussitôt le capitaine Gower de ladite frégate est venu à bord avec des paquets de l'amiral Hughes et de lord Makarway pour M. de Suffren et M. de Bussy. L'amiral mandait à M. de Suffren que, sur des nouvelles reçues de Bombay et venues d'Europe par terre, dans des lettres particulières et des gazettes, il paraissait très sûr que des articles préliminaires de paix avaient été signés à Paris le 20 janvier ; que ces nouvelles lui paraissaient on ne peut pas plus fondées. Il proposait à M. de Suffren une suspension d'armes en attendant les lettres ministérielles. Il lui envoyait en même temps copie des lettres particulières et les papiers publics où étaient insérés les articles de paix entre la GrandeBretagne et la France, l'Amérique et l'Espagne, et seulement une cessation d'hostilités avec la Hollande. Il paraissait bien étonnant qu'on n'eût encore reçu aucune dépêche des deux cours relatives à cet événement et que même les directeurs de la Compagnie anglaise n'eussent pas fait savoir une nouvelle si intéressante pour eux. Ces nouvelles étaient venues de Bombay à Madras le 17 ; on avait aussitôt dépêché un bâtiment à l'amiral, qui, ne l'ayant pas trouvé, ne les avait apprises qu'à son arrivée à Madras. LUNDI 30. — Le vent à l'O. S. O., petit frais. A minuit, l'Artésien a mouillé dans l'escadre. Au jour, le général est descendu à terre pour faire part des nouvelles à M. de Bussy et lui porter des dépêches de l'amiral .et gouverneur DU BAILLI DE SUFFREN 543 de Madras; on a rappelé le Saint-Michel et les frégates mouillées dans le Sud. Dans l'après-midi, le capitaine anglais et deux officiers anglais, envoyés par lord Makarway pour traiter de la suspension avec M. de Bussy, sont descendus à terre. A 3 heures, vu un bâtiment dans le S. E. ; le vent au S. S. O., petit. On a continué à tirer la petite canonnade. La nuit, vent au S. O, MARDI 1er JUILLET. — Le vent au petit; à 4 heures de l'après-midi, il a passé au S. E. S. E., joli frais ; la mer assez grosse. A 6 heures, le câblé de la frégate anglaise a cassé ; elle a mouillé plus à terre. A 10 heures, le vent a passé au S. O., petit frais ; la barre grosse. Le général a couché à terre, ne pouvant se rendre à bord. La suspension paraît être arrêtée par mer; mais elle souffre quelques difficultés par terre. Les deux commissaires anglais, dont l'un est le second du Conseil de Madras et l'autre un officier des troupes de la Compagnie, nommé Stauton, sont toujours à terre à traiter avec M. de Bussy, et la petite canonnade continue. MERCREDI 2. — Le vent au S. O., bon frais. A 7 heures, vu un bâtiment dans le S. S. E. A 9 heures, il a été reconnu pour la Cléopâtre, venant de Tranquebar ; elle a mouillé dans l'escadre. Nous avons prêté notre chaloupe à la Médée pour serper son ancre, mais elle n'a pu en venir à bout. A 5 heures 1/2, vu une voile au S. S. E. Le vent a fraîchi par rafales ; grains et pluie ; la mer grosse. A 7 heures, le pavire aperçu a mouillé dans l'escadre ; c'est le navire français le Prince d'Orange, venant de Tranquebar. La nuit, vent au S. O., petit frais. JEUDI 3. - Le vent au S. 0., joli frais. La suspension d'armes par terre éprouve toujours les mêmes difficultés; les deux commissaires anglais n'ayant pas sans doute des pouvoirs assez étendus pour les lever, il a été résolu qu'ils s'en retourneraient à Madras et que M. de Bussy y enverrait quelqu'un pour traiter avec le Conseil. Comme il a été décidé que la traversée aurait lieu par mer, M. de Suffren Juin 1783. Juillet 1783. La suspension d'armes éprouve quelques difficultés sur terre. 544. JOURNAL DE BORD Juillet. 1783. a ordonné à M. de Moissac de se rendre à Madras, sur la Salamandre, pour en prévenir l'amiral anglais et fixer le jour. M. de Launay, commissaire de l'armée, et M. de Maurville, aide de camp, sont envoyés à Madras par M. de Bussy et passent sur la Médée ; à 2 heures, elle a mis sous voile. A 5 heures, M. de Moissac a passé sur la Salamandre et a mis sous voile tout de suite pour Madras. Le vent au S. O., frais ; ayant continué pendant la nuit, on ne tire plus. VENDREDI 4. — A 8 heures du matin, on a rembarqué les troupes de marine et autres garnisons des vaisseaux. A 9 heures, le Cowentry a appareillé pour aller à Trinquémalay. Dans l'après-midi, MM. de Joyeuse, de Saint-Georges et de Boisgelin, prisonniers, sont arrivés de Madras, renvoyés par l'amiral. Les vents régnent du Sud au S. O. SAMEDI 5, DIMANCHE 6. — Le Vengeur a mâté, à la place de son beaupré cassé, celui du Bizarre, qui était à terre. LUNDI 7. — A 10 heures, la Cléopâtre a mis sous voile pour aller à Trinquémalay. Dans l'après-midi, le vent a passé au S. E., petit ; dans la nuit il est revenu au S. O. Articles de paix concernant l'Inde. MARDI 8. — Par les articles préliminaires de paix au sujet de l'Inde, on nous rend toutes les possessions que nous y avions avant la guerre, en ajoutant, pour servir d'arrondissement à Pondichéry, les deux districts de Vallanour et de Bahour, et à Karikal les quatre magans qui l'avoisinent. On nous laisse la liberté d'entourer Chandernagor d'un fossé pour l'écoulement des eaux. Dans le cas que la France ait des alliés dans l'Inde, ils seront invités, ainsi que ceux de la Grande-Bretagne, à adhérer à la présente pacification, et, à cet effet, il sera accordé, à compter du jour que la proposition leur en sera faite, un terme de quatre mois pour se décider ; en cas de refus de leur part, Leurs Majestés Très Chrétienne et Britannique conviennent de ne leur donner aucune assistance directe ou indirecte contre les possessions françaises ou britanniques ou contre les anciennes DU SAILLI DE SUFFREN 545 possessions de leurs alliés respectifs ; et elles leur offriront leurs bons offices pour un accommodement entre eux; M. de Bussy aura sans douté fait part de cet article à Tippou-Saëb. Il serait heureux que tout pût s'arranger a sa satisfaction. MERCREDI 9. — Le vent au S. E., petit frais. A 4 heures 3/4 de l'après-midi, le vent a passé à l'Ouest. A 5 heures 1/4, dans un grain frais du S. O., notre câble a cassé ; mouillé aussitôt une ancre; La nuit, vent au S O.; petit. JEUDI 10. —Le vent au S. 0,., petit ; presque calme. Nous avons été obligés d'attendre l'ancre dont le câble avait cassé avec le vaisseau, n'ayant pas pu l'avoir avec la chaloupe. A 5 heures 3/4, vu un bâtiment dans l'E. N. E., passant au large. A 9 heures, vu un bâtiment dans le Nord, faisant route pour Goudelour. Le vent au S. S. E., joli frais ; grains et petite pluie. A 3 heures 3/4 signalé une voile au S. S. E. faisant route pour Goudelour. A 6 heures, étant près de l'escadre, elle a salué, sous pavillon portugais, de 13 coups de canon; rendu 7. Après avoir mouillé, elle a salué la place de 13 coups ; rendu II. A 8 heures 3/4, la frégate anglaise la Médée a mouillé dans l'escadre; venant de Madras ; nous avons tout de suite envoyé un officier à son bord. Pendant la nuit, le vent au S. O. ; petit frais. VENDREDI 11. — A 7 heures, un navire dans le S. S. E. La Médée a apporté une partie des prisonniers que nous avions à Madras ; le reste vient sur le brûlot. Tous les prisonniers anglais qui étaient dans l'escadre ont été envoyés sur la Médée. La nuit, vent au Sud. SAMEDI 12, DIMANCHE 13. — Le vent au S. O., petit frais; beau temps. Au jour, aperçu un bâtiment dans le S. S. E. A 6 heures, le Cowentry a mouillé, venant de Trinquémalay ; il nous a annoncé l'arrivée de la frégate l'Hermione, partie d'Europe depuis très longtemps avec un convoi de 7 à 8 voiles et que nous avions su arrivée au cap de Bonne-Espérance depuis longtemps. A 8 heures 1/2, l'Illustre, le Saint-Michel et la Consolante ont mis sous Juillet 1783. Prisonniers rendus de part et d'autre. 546 JOURNAL DE BORD Juillet 1783. voile pour Trinquémalay ; les deux vaisseaux, faisant beaucoup d'eau, vont y être carénés afin d'être prêts à exécuter les ordres de la Cour sur la destination de l'escadre lorsqu'ils arriveront. Il est bien étonnant que les deux nations n'aient encore reçu aucune nouvelle ministérielle relative à la paix. Le navire le Prince d'Orange a fait route pour Pondichéry. Vu un bâtiment au N. E. La nuit, vent à l'O., petit. LUNDI 14. — Le vent à l'Ouest, presque calme. A 11 heures, la frégate du roi, l'Hermione, de 36 canons, commandée par M. de Péroux, capitaine de vaisseau, venant de Trinquémalay, a mouillé dans l'escadre ; elle nous a salué de 3 cris de vive le roi ! » ; rendu un. A 2 heures, la Salamandre a rallié l'escadre, venant de Madras. Il paraît que le Conseil de Madras n'est pas content du général Stuart, commandant l'armée; il est rappelé et a passé sur la Médée pour se rendre à Madras ; il a dîné aujourd'hui à Goudelour, chez M. de Bussy, et a été salué par la place de 11 coups de canon. A 5 heures 1/4, en s'embarquant sur la Médée, il en a été salué de 15 coups. C'est le général Bruce qui commande l'armée anglaise, toujours campée devant Goudelour ; ils attendent sans doute le transport pour embarquer la grosse artillerie et autres effets. A 10 heures 1/2, notre barre de gouvernail a cassé; nous en avons tout de suite placé une autre. Vent au S. S. E. ; grosse mer. MARDI 15. — Vent variable du Sud au A 5 heures 1/2 du matin, la Médée a mis sous voile pour s'en retourner à Madras. A 2 heures 1/2, vu un bâtiment au Sud, faisant route au Nord. Vent au S. E. ; la nuit, au S. O. MERCREDI 16. — Le vent au S. S. O., joli frais. A 6 heures 1/2 du soir, vent au S. S. E., joli frais. La Cléopâtre, venant de Trinquémalay, a mouillé dans l'escadre. L'embargo sur les bâtiments mouillés à Trinquémalay ayant été levé, plusieurs avaient fait route pour l'Ile-de-France. Le général a écrit pour qu'on renvoyât le plus vite DU BAILLI DE SUFFREN 547 possible les prisonniers qui y. ont été envoyés. La nuit, le vent a passé à l'O. S. 0. JEUDI 17. — Le vent à l'O. S. 0., petit. Dans la matinée, la flûte les Bons Amis, venant de Trinquémalay, chargée de vivres pour Goudelour, a mouillé dans l'escadre. A 7 heures, vu une voile dans le S. S. E. A mesure qu'elle s'est approchée, nous l'avons reconnue pour un vaisseau de guerre anglais, venant sans doute d'Europe. La proximité et la sécurité avec laquelle il a passé nous font croire, qu'il sait la paix. A 11 heures, la Salamandre a fait voile pour Pondichéry, y porter quelques effets. Le vent de E. a soufflépendant la nuit. VENDREDI 18. — Au jour, le vent au petit. A 10 heures, amarré un homme sur un canon pour désertion. Le jour, vent au S. S. E. A 4 heures 1/2, le Cowentry a mis sous voile pour Trinquémalay. La nuit, vent d'O. S. 0. SAMEDI 19.—Vent d'O. S. 0., petit frais ; beau temps. A 1 heure 1/2, le navire portugais a mis sous voile, faisant route au Nord; A 1 heure 3/4, vu une voile au N. E. A 3 heures, le général a passé sur la Cléopâtre pour aller à Pondichéry, où il doit passer quelques jours ; la frégate continuera sa route pour Madras, ou elle doit déposer quelques prisonniers venus de Trinquémalay ; le général a laissé son pavillon sur le Héros. A 3 heures, vent variable ; sur le soir, il s'est fixé au S. 0. DIMANCHE 20. — Dans l'après-midi, vu deux voiles au N. N. E. A 5 heures, un vaisseau anglais a mouillé au Nord de l'escadre. Toute la nuit, le vent a régné au S. 0., petit frais. LUNDI 21. — Le vent au S. 0., petit frais. Au jour, vu quatre bâtiments mouillés au Nord de l'escadre, dont trois avec pavillon anglais et un français. Nous avons mis nos pavillons ; peu après, les bâtiments ont mis sous voile. Le français était la Salamandre, ralliant l'escadre. Nous avons reconnu deux vaisseaux de 64 et un transport. A 11 heures, le capitaine d'un des vaisseaux de guerre est venu à bord ; il avait des paquets de l'amiral pour le général. Les " deux vaisseaux, dont l'un était l'Africa, de 64, capitaine Makdonal, et l'autre le Woreesler, capitaine Hughes , étaient envoyés pour embarquer la grosse artillerie et les gros effets de l'armée anglaise ; ils ont été mouiller avec le transport au Sud de Goudelour, vis-à-vis l'entrepôt. Nous avons su que le vaisseau arrivé était l'Europa; Juillet 1783 Goudelour. 548 JOURNAL DE BORD Juillet 1783. de 64, parti d'Angleterre avant la paix avec les vaisseaux le Grafton et l' Elisabeth, de 74, ainsi que l'lphigénie, de 32 ; mais qu'un coup de vent l'ayant séparé des trois autres, il les croyait rentrés dans les ports d'Angleterre. L'Europa avait relâché à Angouan et y avait vu un paquebot apportant les nouvelles de la paix pour la Compagnie et destiné pour le Bengale. MARDI 22. — Le vent au S. O., petit frais. A 3 heures aprèsmidi, le brûlot a appareillé pour aller à Tranquebar chercher des effets. A 5 heures 1/2, un bâtiment anglais, venant du Sud, a mouillé vent S. O. et O. S. O. MERCREDI 23.. — Dans la journée, le vent à l'Est, petit frais. A 1 heure 1/2, un transport anglais a mouillé, venant du Nord, près des deux vaisseaux de guerre. Nous avons appris que les ministres qui avaient fait la paix en Angleterre avaient été changés ; l'amiral anglais, ainsi que nous, n'avait encore reçu aucune nouvelle ministérielle. A4 heures 1/2, vu une palme venant du Sud, faisant route au Nord. Pendant la nuit, le vent au S. S. O. JEUDI 24. — Les vents au S. S. O., petits. Dans la matinée, les vaisseaux le Fendant, l' Artésien, le Brillant et l'Annibal anglais ont mis sous voile pour aller à Pondichéry, où ils feraient leurs eaux plus commodément. A 6 heures 1/2, un des transports anglais a mis sous voile pour Madras. Pendant la nuit, vent de S. S. O. VENDREDI 25, SAMEDI 26 — Au jour, nous avons mis nos pavillons pour deux senaux danois qui ont mouillé la nuit dans l'escadre. Un des danois a mis sous voile à 11 heures 1/2. ainsi qu'un navire anglais, faisant route au Nord. Pendant la nuit, les vents ont régné au Sud. DIMANCHE 27. — Les vents au Sud, petit frais. A 6 heures, vu un bâtiment au Sud 1/4 S. E. ; reconnu peu après pour paria. A 7 heures, venta l'O. S. O. et à l'O. N. O. Le vaisseau anglais le Worcester a mis sous voile, à 11 heures, faisant route au Nord. A midi, le venta passé au S. E.; la nuit, au S. O. LUNDI 28. — Vent au N. O.; un senau danois a mis sous voile, faisant route au Nord. L'après-midi, le vent au S. E.; le soir, au DU BAILLI DE SUFFREN 549. MARDI 29. — Le vent à l'O., petit frais ;. temps couvert. A 3 heures après-midi, vu un bâtiment au N. E. A 3 heures, le vaisseau de guerre anglais l'Africa et un transport ont mis sous voile pour Madras. Le général; Bruce, commandant l'armée anglaise, étant très malade, passe à Madras sur le vaisseau. L'armée reste sous les ordres du colonel Gordon ; elle doit se mettre en marche pour Madras le 1er du mois. Notre campée à Mangicoupan. La nuit, vent au S. O. et orage. MERCREDI 30. - Le vent à l'O. S. O., petit frais. Dans l'aprèsmidi, le Fendant, l'Artésien et le petit Annibal ont mouillé à Goudelour avec la Cléopâtre. A 5 heures 1/2, le général est arrivé à bord, venant de Pondichéry ; il doit mettre sous voile le 1er août, pour, aller à Trinquémalay, avec toute l'escadre, mettre les vaisseaux en état de partir à là réception des ordres de la Cour. . JEUDI 31. — Le brûlot est arrivé de Tranquebar et a mouillé, à 8 heures du matin, à Goudelour. Le générât m'ayant permis d'aller •passer à Pondichéry quelques jours, j'ai débarqué le soir, comptant rejoindre l'escadre à Trinquémalay sur le Brillant, qui reste à Pondichéry pour rapporter du biscuit qu'on y fait pour l'escadre. Des Malais au service de la Hollande, en garnison à Goudelour, passent à Trinquémalay sur nos vaisseaux. VENDREDI 1er AOÛT. — Le vent au S. O., petit. A 5. heure 1/4, signal à l'escadre d'appareiller; à 7 heures, elle sous voile. M. Ravenel reste à Goudelour pour les affaires de l'escadre. L'Argonaute ayrant beaucoup de malades, reste à Goudelour ainsi que l'Hermione, les Bons Amis et la, Salamandre, toujours aux ordres de M. de Bussy, pour le service de la colonie ; on en a ôté les blancs, qu'on a remplacés par des lascars, et changé le capitaine. Un seriau anglais a mis sous voile, faisant route au Sud. A 9 heures 1/2,vent frais d'O. S. O.; à gouverné au Sud. A 11 heures, le vent a passé au Sud. Route au plus près. A midi, lat. observée 11° 36'; longit. arrivée 77° 38'.; les pagodes de Chalambaram, S. O. 3° Sud ; le pavillon de Goudelour, O. N. O. 2° Nord distant de terre 3 lieues. Sondé 28 brasses, sable gris ; à midi 74, le vent au S. S. E., petit; signal de virer de bord ; pris bâbord amures. A 5 heures, signal de mouillage ; mouillé par 10 brasses, vase. Relèvement les pagodes de Chalambaram, S. O. 5°. Sud.; le 36 Juillet 1783. Armée anglaise. Août 1783. Route pour Tranquebar. 550 JOURNAL DE BORD Août 1783. pavillon de Portonovo, O. S. O. 4° Ouest ; le pavillon de Goudelour, N. N. O. 5° Nord ; la terre la plus Sud, S. S. E. 5° Sud. Le vent au S. S. E., petit frais. A 9 heures 74, le temps par grain de S. S. O., nous avons chassé sur l'ancre de détroit ; laissé tomber une grosse ancre par 11 brasses. A minuit, calme. SAMEDI 2. — Vent variable de S. O. et O. N. O. A minuit 3/4,levé la grosse ancre. A 4 heures, le vent à l'O. N. O., petit; temps couvert; signal d'appareiller. A 5 heures 72, nous avons mis sous voile. Gouverné au S. S. E. ; à 7 heures, au Sud 1/4 S. E. ; à 8 heures, au Sud. A midi, lat. observée 11° 1' ; longit. arrivée 77° 38' ; le pavillon de Tranquebar, S. O. 74 Ouest 3° Sud les pagodes de Carevipatnam, Ouest 5° Nord ; distant de terre 1 lieue 1/3. Mouillé à Tranquebar. A midi 1/4, signal de mouillage. A 1 heure 3/4; viré de bord, par 11 brasses. A 2 heures 3/4, nous avons mouillé à Tranquebar par 9 brasses. Relevé le pavillon de Tranquebar, O. N. O. 5° Nord, 2/3 de lieue; les pagodes de Carevipatnam, N. O. 74 Nord 2° Nord ; les pagodes de Nagur, Sud 5° Ouest ; la tour de Chine, Sud ; la terré la plus Nord, Nord 1/4 N. O. 3° Nord. Le vent à l'O., petit frais. Au même instant, salué la place de 15 coups de canon, qu'elle a rendus coup par coup. Même vent. DIMANCHE 3. — Le vent à l'Ouest, petit frais. A 9 heures 1/2 le général est descendu à terre ; il doit dîner chez le gouverneur ; en débarquant il a été salué par la place de 21 coups de canon. A 10 heures 1/2, l'Annibal et le Sévère, qui avaient mis sous voile pour s'approcher, ont mouillé dans l'escadre. A 1 heure 1/4, un brick danois a mis sous voile. A 6 heures, le général, en s'embarquant, a encore été salué de 21 coups de canon par la place. Vent au S. O. Appareillé de Tranquebar. Mouillé à Karikal. LUNDI 4. — Le vent à l'Ouest, petit frais. A 4 heures 1/4, signal d'appareiller. A 5 heures, mis sous voile. Route au plus près, tribord amures. A 7 heures 1/2, viré de bord par 8 brasses, fond de vase ; pris bâbord amures. A 8 heures, mouillé à Karikal, — possession française prise par les Anglais pendant la guerre, mais qui nous est rendue par la paix avec une augmentation, — par 7 brasses, vase et coquillage. Relevé les pagodes de Nagur, Sud 1/4 S. O. ; la tour de Chine, Sud 5° Ouest; le pavillon de Tranquebar, Nord 1/4 N. O. ; l'entrée de la rivière de Karikal, O. N. O. ; distant de terre 2/3 de lieue. A 9 heures, le général est descendu à terre ; il a été reçu on ne DU BAILLI DE SUFFREN 551 peut mieux par le commandant anglais, nommé M. Coquerel, qui lui à donné une fête et un bal, où étaient toutes les dames de Tranquebar.. A 4 heures, une chelingue portant pavillon hollandais a mouillé en rade. Le général est retourné le soir à bord. Pendant la nuit, vent variable du S. S. E. au S. O. MARDI 5. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. A minuit 1/4, signal à l'escadre d'appareiller. A 1 heure, étant sous voile, route au S. S. E. 5° Sud. La Cléopâtre a eu ordre de rester au mouillage pour prendre les personnes de l'escadre qui n'auraient pas pu retourner à bord faute de chelingues. A 2 heures 3/4, le vent a molli. Au jour, vu la côte trop embrumée pour la reconnaître. A 8 heures 1/4, mis le cap au S. S. E. A midi, lat. observée 10° 6'; longit. arrivée 77° 58'; route corrigée S. S. E. I° Est, 17 lieues. Sondé 14 brasses, gros sable grisâtre. A midi 1/2, vu et reconnu le cap de Pedro, S. S. O. 5°, distant 5 lieues. A 1 heure 1/2, diminué de voiles pour attendre une partie des vaisseaux, qui étaient de l'arrière. A 5 heures; par I2 brasses, mis le cap au S. E. 1/4 Sud. A 6 heures 1/2, vent de S. O., frais ; pris un ris dans chaque huinier. Jusqu'à minuit, même vent et route. MERCREDI 6. — Le vent à l'O. S. O., joli frais, venant par rafales. A 2 heures, vu un bâtiment au vent à nous, faisant route au Nord; allumé nos feux. Au jour, vu et relevé les montagnes de Trinquémalay, Sud 1/4 S. E., 9 lieues. ... Aperçu un bâtiment sous le vent à nous, faisant même route. Nous étions à deux lieues de là plus proche terre, le vent à l'O. S. O. Route au plus près, tribord amures. A 10 heures 1/4, nous avons viré de bord ; pris bâbord amures. Le bâtiment aperçu est reconnu pour l'a Cléopâtre, mouillant dans le moment à l'arrière-baie. A 10 heures 3/4, nous avons mouillé à l'arrière-baie, par 10 brasses. Le morne du pavillon, S. E. 1/4 Est 5° Est, 4 câbles ; le milieu du fort de Trinquémalay, Sud 5° Ouest ; le fort d'Austimbourg, S. S. O.; la. pointe Elisabeth, N. N. O. 2° Nord ; la pointe Sale, S. E. 1/4 Est. Avons affourché avec une petite ancre S. E. et N. O. par 12 brasses, même fond. Vu trois bâtiments dans le Sud, faisant route pour la baie. A 4 heures, un bâtiment portugais nous a salué de 11 coups de canon ; rendu 9. - A 4 heures 1/2, un bâtiment avec pavillon du GrandDuc a mouillé dans la baie ; il était parti de Toulon, chargé pour Août 1783. Route pour Trinquémalay. Mouillé à Trinquémalay. 552 JOURNAL DE BORD Août 1783. l'escadre, mais longtemps avant la paix. Le navire français l'Indiscrète, chargé pour l'escadre et faisant partie du convoi de l'Hermione, que cette frégate avait devancé, a mouillé à 6 heures 1/2 dans la baie. Plusieurs des vaisseaux de l'escadre n'ont pas encore mouillé. Vent au S. O. JEUDI 7. — Le vent au S. S. O., joli frais. Dans l'après-midi, 6 navires du convoi de l'Hermione, qu'on avait signalés le matin, ont mouillé dans la baie. Les bâtiments arrivés à l'Ile-de-France sous l'escorte de la frégate l'Hermione, en étaient partis avec quatre bâtiments de la Compagnie hollandaise, à peu près armés en guerre, quoique avec très peu de monde, et qui étaient restés à Galles. Les navires français sont chargés de vivres et de quelques munitions navales. La Juliette, espèce de corvette armée à l'Ile-de-France par M. Roche, est un des 6 bâtiments. A 6 heures, le Cowentry, sorti de la baie d'Austimbourg, a mouillé dans l'escadre. La nuit, vent ; à 4 heures, S. O., frais. VENDREDIS. —Le vent au S. O., joli frais. Vu au jour deux voiles dans le Sud. Mis sur le côté bâbord pour frotter la flottaison. A 8 heures 1/2, le Cowentry a mis sous voile pour Goudelour. Mis sur le côté tribord pour frotter bâbord. Le Flamand s'ètant abordé avec l'Ajax, a eu sa guibre cassée et a été obligé d'entrer à Austimbourg. L'Ajax a mouillé à l'arrière-baie. On a vu deux autres voiles dans le Sud. Le Sévère et l'Annibal ont mouillé dans l'escadre. Tous les vaisseaux ont eu ordre de compléter 6 mois de vivres. Un transport, ayant chassé sur ses ancres, a été obligé de mettre à la voile pour reprendre le mouillage. SAMEDI 9. — Vent au S. O., petit frais. Jumelé notre grande vergue, qui avait reçu un boulet. Les flûtes la Baleine et le Chameau sont sorties d'Austimbourg pour mouiller à l'arrière-baie. Le vaisseau l'Illustre est en carène dans le port d'Austimbourg ; le Saint-Michel carénera aussitôt après. DIMANCHE 10. — Le vent au S. O., joli frais ; l'Ajax est entré dans le port d'Austimbourg. A 7 heures 1/2, une palme portugaise a mis sous voile, faisant route au Sud. LUNDI 11. — Pendant la nuit, vent à l'Ouest ; au jour, au S. O. Dans la matinée, la corvette du roi l'Auguste, avec les flûtes la Baleine et le Chameau, a fait route pour Pondichéry. L'Auguste était un marchand doublé en cuivre, marchant bien, que le général avait fait acheter pour le compte du roi, afin de l'employer, avant la DU BAILLI DE SUFFREN 553 paix, à la communication' de Trinquémalay avec la côte. La manoeuvre de ce bâtiment exigeait peu de monde, et nous en manquions ; il est commandé par M. Geslin, faisant fonctions d'enseigne de vaisseau. Les trois bâtiments sont destinés à aller au Pégou chercher du bois pour nos établissements à. la côte. Le Sévère est entré dans le port d'Austimbourg. Le navire particulier l'Union a fait route, pour l'Ile-de-France. A midi 1/2, le remouillé dans l'arrière-baie, ayant consenti un mât de hune, qu'il est obligé de changer. A 6 heures,la Cléopâtre a. mis. sous voile pour BAtacalo. La nuit, vent à l'Ouest, joli frais. MARDI 12.— A 8 heures? l'Artésien a mis sous voile pour la baie d'Austimbourg. Il est arrivé, dans l'après-midi, deux bâtiments, venant de l'Ile-de-France, chargés de vivres et agrès pour l'escadre. Nous continuons, ainsi, que tous les vaisseaux de l'escadre, à faire nos 6 mois de vivres, à compléter notre eau et à . embarquer le plus de bois que nous pouvons. MERCREDI 13. - Au jour, le vent à l'O. S. O. Le navire français les Trois Amis a salué le pavillon de 17 coups de canon rendu 13, et la place rendu 5. A 2 heures, eu, un grain de vent et de pluie dans la partie du S. O. L'Illustre a; caréné d'un côté ; son eau ne venait que par des coutures où l'étoupe manquait. La nuit, vent à l'Ouest et O. S. O,, petit,. JEUDI 14. - Le vent au S. O., petit frais. Un bâtiment a mis sous voile pour aller à la côte. VENDREDI 15, SAMEDI 16, DIMANCHE 17. — Le vent au S. O., joli frais. A 3 heures de l'après-midi, un bâtiment impérial, venant de l'Ile-de-France, a mouillé dans la baie. LUNDI 18. - Le vent au S. O. et O,. S. O. Le morne a signalé une voile au Nord. A midi, un bâtiment français a mis sous voile. Route au Nord, MARDI 19. — Vent au S. O. L'Argonaute, bâtiment signalé hier, a mouillé à 11 heures dans la baie'; à 4 heures, le vent a varié au ; la nuit, régné au S. 0. MERCREDI 20. — Le vent au S. S.. O.., petit frais. A 3 heures du matin, l'Annibal anglais a mis sous voile pour aller à Goudelour. A 8 heures 1/4, la Cléopâtre a mouillé dans Fescadre. A 10 heures 1/4, le Cowentry, venant de Pondichéry, a aussi mouillé dans l'escadre. A 7 heures, j'ai joint l'escadre sur le vaisseau le Brillant; Août 1783. Arrivée de deux -transports. 554 JOURNAL DE BORD Août 1783. qui a mouillé un peu au large à cause du calme ; nous étions partis de Pondichéry le 12. M. de Bussy s'était venu établir dans une maison de campagne près de la rivière d'Oulgarit, à 1 lieue de Pondichéry ; mais l'armée était encore à Goudelour. On n'avait encore reçu à Madras aucune nouvelle ministérielle après la paix, et, sans escorte, l'Hermione devait être destinée à aller en Europe porter les dépêches de M. de Bussy. MM. Mouron, intendant de Pondichéry, Coutanceau, brigadier employé, et Bélier, commandant l'artillerie, étaient arrivés à Pondichéry, mais partis d'Europe sur le convoi de l'Hermione depuis environ un an. JEUDI 21. — Le vent au S. S. O.,petit frais. A midi, le Cowentry a mis sous voile pour Pondichéry. Le Brillant est allé mouiller dans la haie d'Austimbourg. A 3 heures, le vent a passé au N. E., pluie et orage ; le soir et pendant la nuit, au S. O. VENDREDI 22, SAMEDI 23, DIMANCHE 24. — Le vent au S. O., joli frais. Au soleil couché, tous les vaisseaux ont fait le salut accoutumé en l'honneur de la fête de Sa Majesté, comme veille de saint Louis, ainsi que les forts. LUNDI 25. — Aujourd'hui, fête de saint Louis. Au soleil levé, fait le salut d'usage ; un vaisseau hollandais a salué aussi de 21 coups de canon. La grand'messe a été chantée à bord par tous les aumôniers de l'escadre. Le général a donné un grand dîner aux officiers de l'escadre et de la garnison ; la santé du roi a été portée et saluée de 21 coups de canon. A 5 heures 1/2, vu une voile au N. E. Au soleil couché, fait le même salut que le matin. La nuit, vent au S. O. MARDI 26, MERCREDI 27. — Vent variable au N. O.; temps couvert; grain. A 6 heures, vu une voile au N. N. O. Une flûte, sortie d'Austimbourg, a mouillé dans l'escadre. Même vent pendant la nuit. Pas do nouvelles de la paix. JEUDI 28. — Le vent à l'O. S. O. A 9 heures 3/4, le navire les Trois Amis a mis sous voile pour aller à la côte. Amarré un homme sûr un canon pour crime de vol. A 3 heures après-midi, un senau français a mis sous voile pour la côte. A 6 heures, un paria de particulier, sortant d'Austimbourg, a fait route pour la côte. A 8 heures 1/4, un petit bâtiment hollandais, venant du Nord, a mouillé dans la baie. Sois n'avons encore point de nouvelles officielles touchant la paix ; les Anglais n'en ont pas non plus. VENDREDI 29. — Vent variable et pluie ; le soir, il s'est fixé au S. O., en passant par l'Est. DU BAILLI DE SUFFREN 555 SAMEDI 30. — Le vent au S. O. Au jour, aperçu un bâtiment faisant route au Nord ; il nous a paru français. Le jour, vent au S. E. et, la nuit, au S. O. DIMANCHE 31, - Les vents ont régné au S. O. pendant la nuit ; au jour, à l'O. S. O. ; dans l'après-midi, ils ont soufflé au S. E. A 6 heures du soir, le Cowentry a mouillé dans l'escadre, venant de Pondichéry. LUNDI 1er SEPTEMBRE,— Le vent au S. O., petit. A 8 heures, la Pourvoyeuse est sortie d'Austimbourg et à mouillé dans l'escadre. Dans le jour, le vent a passé à l'E. S. E.; la nuit, au S. 0. MARDI 2. — Même vent. A 7 heures, un bâtiment impérial a mis sous voile, allant à la côte. Le Brillant, sortant d'Austimbourg, a mouillé dans l'escadre. A 2 heures, vent de S. S. E, A 5 heures 1/4, un petit bâtiment français, parti depuis un mois de l'Ile-de-France, a mouillé en rade. Il était arrivé, à son départ des îles, plusieurs bâtiments partis de France depuis la paix, mais point de paquets de la Cour pour les généraux. On disait, à l'Ile-de-France, que M. de Suffren avait été fait lieutenant général, et que c'était la Surveillante qui avait dû partir pour annoncer dans l'Inde les nouvelles de la paix. Le Cowentry avait laissé à Pondichéry un bâtiment parti d'Europe après la paix. Le retard des nouvelles de la Cour ne peut que nous inquiéter beaucoup sur le sort des bâtiments dépêchés pour nous annoncer la paix, à moins qu'on n'attendît la signature du traité définitif. MERCREDI 3. — Le vent au petit frais. La flûte l'Outarde a mis sous voile pour la Baie d'Austimbourg. Vu deux voiles dans le Nord. A midi, un petit bâtiment danois a mouillé dans l'escadre. A 10 heures du soir, l'Annibal anglais a mouillé dans la baie, venant de la côte. La nuit, vent au S. 0. et 0. S. 0. JEUDI 4. — Le vent au S. 0., petit frais. A 8 heures, la flûte l' Outarde a mis sous voile pour la baie d'Austimbourg. Dans l'aprèsmidi, le vent a passé au S. E. A la nuit, le Cowentry a mis sous voile pour la côte. La nuit, le vent a régné au S. 0. Août 1783. Septembre 1783. 556 JOURNAL DE BORD Septembre 1783. VENDREDI 5. — Même vent. A 9 heures, la Pourvoyeuse a mis sous voile pour aller à l'Ile-de-France ; cette frégate aura besoin d'un très grand radoub, si elle est destinée pour l'Europe. Vent au S. O. SAMEDI 6. — Le vent à l'O. S. O. A midi, la flûte la Rosalie, sortie d'Austimbourg, a mouillé dans l'escadre. La nuit, vent au S. O. DIMANCHE 7. — Même vent. A 9 heures, un bâtiment impérial a mis sous voile pour entrer dans le port d'Austimbourg. A la nuit, la flûte du roi la Rosalie a fait route pour Pondichéry. LUNDI 8. — Même vent. Au jour, vu un bâtiment au N. E. sous les huniers, le bord au Sud ; A 11 heures, le Flamand, sortant d'Austimbourg, a mouillé dans l'escadre. Le bâtiment vu au large louvoie pour s'approcher de la baie. Vent d'O. S. O. et S. O., joli frais. MARDI 9. — Même vent. Le bâtiment aperçu hier louvoie toujours sous pavillon hollandais. A 6 heures du soir, il a mouillé à la pointe Sale. Il est venu un petit bott de Jaffna. MERCREDI 10. — Vent au S. O., joli frais. A 2 heures après minuit, le Cowentry, venant de Pondichéry, a mouillé dans l'escadre. A 5 heures, un bâtiment français a mis sous voile pour la côte. La nuit, vent au S. O. JEUDI 11. — Le vent à l'O. S. O., petit frais. Vu, au jour, un bâtiment au Nord, ayant le bord au Sud. A 5 heures, deux bâtiments français ont mis sous voile pour la baie d'Austimbourg. Le bâtiment aperçu est un vaisseau de la Compagnie hollandaise ; il nous a salué de 17 coups de canon ; rendu 11. A 4 heures, il a mouillé dans l'escadre. Pendant la nuit, vent de S. O. et O. S. 0., petit frais. VENDREDI 12. — Le venta l'Ouest, petit frais. Dans l'après-midi, le, vaisseau de la Compagnie hollandaise qui avait mouillé à la pointe Sale, a mouillé dans l'arrière-baie et a salué de 15 coups de canon ; rendu 11. SAMEDI 13. — Dans la matinée, les vaisseaux le Sphinx et Y Artésien, ont appareillé pour aller à l'Ile-deFrance. Les vaisseaux ne pouvant entreprendre sans radoub le voyage d'Europe, le général s'est décidé à les envoyer aux îles pour y être reparés et être prêts à exécuter les ordres de la Cour, que nous attendons toujours. A midi, vent à DU BAILLI DE SUFFREN 557 l'Est ; à 7 heures, au Sud ; la nuit, à l' La flûte du roi le Drack Septembre â mis sous voile pour Pondichéry 1. DIMANCHE 14.—Vent de l'O. S. O., petit frais. A 9 heures, la frégate l'Hermione, venant de Pondichéry, a mouillé dans la baie ; elle est destinée pour l'Europe et vient prendre les ordres du général. de La Marck, M. de Launay et M. d'Olbignac sont passagers dessus. A midi, la Reine de Portugal, prise que nous avons vendue à des négociants danois, est sortie d'Austimbourg et a continué sa route pour Tranquebar. L'Annibal anglais a aussi mis sous voile pour Tranquebar. LUNDI 15. — Le vent au S. O., petit frais.. A 4 heures, un senau français a mis sous voile pour la côte. Au jour, nous avons désaffourché. Le général, qui était établi à terre, s'est rendu à bord. Nous allons aller à Pondichéry, où le général prendra des arrangements avec M. de Bussy relativement à la destination ultérieure de l'escadre. Plusieurs vaisseaux ont besoin de radoub avant d'entreprendre le voyage d'Europe, et, comme il est très dangereux d'être à l'Ile-deFrance pendant l'hivernage, il serait à désirer qu'ils fussent prêts à en 1. Lettre de M. de Suffren à Mme d'Alais Ce 13 septembre 1783. - ..... Cette lettre que j'avais écrite précipitamment manqua l'occasion. Depuis il ne s'est rien passé que l'arrivée de M. de Bussy ; il est débarqué avec une petite armée se portant bien, mais lui fort malade. Les Anglais sont arrivés à la côte ; il faudra bien les aller chercher. Comme je rentrais ici, n'ayant que cinq-vaisseaux, je les aperçus de loin, ou, du moins ma frégate les vit. C'est un grand bonheur. J'ai eu deux vaisseaux dehors ; s'ils arrivent sans malencontre, je serai assez fort pour ne pas me cacher. Je puis te dire qu'il est incroyable la considération que j'ai dans l'Inde des vers, des chansons, des lettres, etc. Mais gare les revers ! Le moindre suffirait pour que les claquements de mains se changent en sifflets. Je ne puis te dire ce que nous ferons. Je jouis, ma chère amie, du plaisir que tu auras eu, en apprenant, au mois de mars 82, que je suis chef d'escadre, et, eh mars 83, que je suis lieutenant général. En lisant la Gazette, car c'est par là que tu l'auras appris, tu auras fait un beau cri de joie. A présent, je te le dis dans la ..sincérité de mon coeur et pour toi seule, ce que j'ai fait depuis, vaut infiniment mieux que ce que j'avais fait précédemment. Tu sais la prise et le combat de Trinquémalay ; mais la fin de la campagne et ce qui s'est passé du mois de mars jusqu'à la fin de juin, est fort au-dessus de tout ce qui s'est fait dans la marine depuis que j'y suis peutêtre y a-t-il eu plus de bonheur que de bien joué, mais le résultat est agréable pour moi et mes amis, et très avantageux pour l'Etat, car l'escadre était hasardée .et l'armée perdue. Ainsi je crois que M. le marquis, de Castries ne se repentira pas de m'avoïr accordé une grâce inouïe. Je vais partir pour déterminer M. de Bussy à hâter mon départ. » Ortolan, Monit. Univers., S nov. 1859. Septembre 1783. 558 JOURNAL DE BORD Septembre 1783. Arrangements â prendre relativement à l'escadre. partir avant cette époque ; car il n'est pas douteux que l'intention de la Cour ne soit de rappeler l'escadre en Europe. A 8 heures, signal à l'escadre de ne point faire attention à la manoeuvre du général, et à la Cléopâtre d'être prête à 9 heures, appelé l'Hermione ; elle doit mettre sous voile dans la journée. A 10 heures 1/2 notre ancre a chassé avant d'être à pic et a pris le câble du Fendant ; nous avons aussitôt coupé ; mais, n'ayant pas eu le temps d'abattre et le Fendant étant directement derrière nous et très près, nous l'avons abordé et avons cassé son bâton de foc, sans autre avarie de part et d'autre. Nous avons mis en panne en dehors de la baie pour attendre nos bâtiments de rames. Tiré un coup de canon et mis le pavillon en berne, le vent au S. S. O., petit frais. M. des Roys, commandant à Trinquémalay, passe à la côte sur notre vaisseau. Les bâtiments de rames embarqués-, à 2 heures, nous avons mis toutes voiles dehors et fait route au Nord. A 3 heures, le vent a varié au S. E., petit frais. A 4 heures, mis le cap au Nord 1/4 N. O., toutes voiles dehors, bonnettes hautes et basses. A 5 heures 1/2, relevé le morne de pavillon, Sud 5° Ouest, 7 lieues 2/3; l'île au Pigeons, S. O. 5° Sud. A 5 heures 3/4 fait route au N. N. O. A 7 heures 3/4, le vent a passé à l'O. S. O., petit, et pluie. A 8 heures, vent variable, de l'Ouest à l'O. N. O. ; à 9 heures, le vent a passé à l'O. S. O., joli frais. Route au N. N. O. A 11 heures, route au Nord 1/4 N. O.. MARDI 16. — Le vent au S. O., joli frais.. Route au N. N. O. A 5 heures 1/2, signal à la Cléopâtre de sonder. A 5 heures 3/4, vu une voile à l'Ouest 1/4 N. O. ; même route que nous. A 6 heures 3/4, mis le cap au N. O. 1/4 Nord. Fait signal à la Cléopâtre de parler au bâtiment signalé, qui avait pavillon du roi de Sardaigne. A 10 heures, grain de pluie et vent joli frais dans la partie du S. O.; après, ils sont venus à l'O. N. O., petit frais. Tenu le plus près, bâbord amures. A midi lat. observée 10° 21' ; longit. arrivée 78° 13' ; route conservée depuis hier 5 lieues 1/2 Route pour Pondichéry. Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au N. O. 1/4 Nord ; à 40 brasses, point de fond. A 7 heures, la Cléopâtre a rendu compte que le bâtiment visité était sarde, venant de Moka, allant à Madras ; le général lui a donné ordre de chasser en avant et de sonder de temps en temps. A 10 heures 1/4 la Cléopâtre nous ayant dit qu'elle avait trouvé fond à 46 brasses, mis le cap au N. O. A 11 heures 3/4, sondé 32 brasses, sable fin. DU BAILLI DE SUFFREN 559 MERCREDI 17. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. A minuit, sondé 30 brasses, sable fin; fait route au N. 0. 1/4 Nord. A l heure, 22 brasses, même fond ; route au N. N. O. 5° Nord. A l heure 1/2, 20 brasses ; route au Nord. A 2 heures, 20 brasses, toujours même fond ; mis le cap au N..N. O. A 4 heures, 25 brasses, sable et vase noire. A 4 heures 1/2, mis le cap au N. O. Au, jour, vu la terre; reconnu Portonovo. Au soleil levé, relevé Portonovo, O. N. O. 2° Nord, 2 lieues. Le vent au S, O., petit. Route au plus près, tribord amures. Sondé 15 brasses, sable et vase. A midi, lat. observée 11° 47' ; longit. arrivée 77° 42' ; le pavillon de Goudelour, Ouest 1/4 N. O. 3° Nord; le pavillon de Pondichéry, O, ; distant de terre 2 lieues. Le vent à l'O. N. O;, petit ; temps couvert. Route au plus près, bâbord amures. A 2 heures 1/4, après quelques moments de calme, un peu d'air est venu du Sud ; gouverné au N. O. 1/4 Nord. A 3 heures, le vent a passé au S. E., petit. A 3 heures 1/2, mis deux canots à la mer. A 4 heures 1/2, le vent a passé au Nord ; petite pluie ; pris tribord amures. A 5 heures, viré de bord ; pris bâbord amures. Vent variable de l'O. N, O. au N. N, O,, joli frais ; grain et pluie. A .5 heures 1/2, relevé les bâtiments mouillés à Pondichéry, N. N. O. 2° Nord, 1 lieue. A 6 heures, vent variable et pluie ; pris tribord amures. A 7 heures 1/4, nous avons pris le parti de mouiller, quoique éloignés de la rade, par 8 brasses 1/2, sable et vase. Le vent à l'Est, petit frais ; pluie et orage. A 7 heures 1/2, le vent à passé au Nord ; jusqu'à minuit, vent variable et petite pluie. JEUDI 18. — Le vent à l'Est, petit frais ; pluie continuelle. A 1 heure 1/2, le vent a varié au Sud. A 3 heures, 1/2, vent variable du Sud au S. O., petite pluie ; au jour, à l'Ouest. Un bâtiment anglais a mis sous voile, faisant route au Sud. Relevé le mât de pavillon de Pondichéry, N. N. O. 2° Nord; 1 lieue 2/3. A 8 heures 1/2, nous avons mis sous voile avec la Cléopâtre pour nous approcher du mouillage. A 9 heures, nous avons mouillé devant Pondichéry par 7 brasses 1/2, sable et vase. Affourché au S. E. avec une petite ancre par 8 brasses 1/2, même fond. Relèvement le mât de pavillon, N, O. 1/4Ouest 3° Nord; lé Septembre 1783. Mouillé au large de Pondichéry. Mouillé à Pondichéry. 560 JOURNAL DE BORD Septembre 1783. vieux couvent des Capucins, N. O. 1/4 Ouest 3° Ouest ; le Gouvernement, N. O. ; la terre la plus Nord, N. N. E. 3° Nord ; la terre la plus Sud, Sud 1/4 S. O. 3° Ouest ; distant de terre 1/2 lieue. Le vent à l' petit frais. Trouvé audit mouillage les flûtes du roi, la Rosalie et le Drack, trois bâtiments français, trois anglais et un livournais. Mis tous nos bâtiments de rames à la mer. A 4 heures 1/i> le vent a varié au N. N. E., joli frais ; la nuit, à l'O. N. O. VENDREDI 19. — Le vent à l'O. N. O., petit ; temps clair. Envoyé à l'eau. A 7 heures 7 2, le général est descendu à terre. Nouvelles ministérielles. A 9 heures, la frégate anglaise l'Active, de 32 canons, commandée par le capitaine Trawbridge, a mouillé en rade ; elle vient de Trinquémalay, où elle avait été chercher le général pour lui donner des paquets de la Cour, arrivés à Madras par la frégate anglaise le Crocodile, partie d'Europe le 15 avril pour annoncer la paix. M. de Suffren recevait ordre du ministre de laisser dans l'Inde autant de vaisseaux qu'en laisseraient les Anglais, et de faire partir les autres pour l'Europe le plus tôt possible. On lui envoyait en même temps la destination de tous les vaisseaux de l'escadre tous les vaisseaux de 74 et les frégates devaient aller à Brest, les 64 à Rochefort, excepté le Hardi et l'Alexandre, qui étaient destinés pour Toulon. On lui annonçait en même temps que le roi l'avait promu au grade de lieutenant général ; cet avancement avait eu lieu avant qu'on eût su, en France, le combat de Négapatnam et la prise de Trinquémalay ; le Raikes, portant cette nouvelle, est arrivé en Europe le 12 mars, conséquemment après les articles préliminaires signés. Il ne s'était passé aucun événement remarquable sur mer depuis le combat de M. de Grasse. Il paraît qu'on avait dépêché par terre pour nous annoncer la paix ; mais les personnes envoyées DU BAILLI DE SUFFREN 561 ne sont point arrivées. Le traité définitif n'était pas encore' signé, et il n'existait encore qu'une suspension d'armes entre la Hollande et l'Angleterre. A 8 heures du soir, la frégate anglaise a mis sous voile, faisant route pour Madras. M. de Bussy est toujours à Oulgarit et l'armée à Mangigoupan. SAMEDI 20. — Le vent à l'Ouest, petit frais.. Au jour, nous avons été salués de 9. coups de canon par un, bâtiment sarde qui avait mouillé hier soir ; rendu 7. A 9 heures, le vent a passé au N. E., petit. A 6 heures du soir, la Cléopâtre a mis sous voile pour Trinquémalay; elle doit mouiller en passant à Goudelour. La nuit, vent d'O. N. O. DIMANCHE 21. — Le vent à l'O. N. O., petit. Au jour, vu la Cléopâtre appareiller près de Goudelour, faisant route au Sud. A 8 heures, elle amouillé à Goudelour. A 10 heures, la frégate française la Surveillante, de 36 canons, commandée par M. Hamé de Lalanne, lieutenant de vaisseau, partie d'Europe le 6 mai, a mouillé en rade et nous a salués de 3 cris de vive le roi! » rendu un. Elle a touché au Cap, à l'Ile-de-France et à Trinquémalay; elle apporte aussi les articles préliminaires de paix et la destination des vaisseaux de l'escadre, le traité définitif n'étant point encore signé. A 11 heures, le venta passé de l'E. N. E., petit frais. A 8 heures du soir, la Cléopâtre a mis sous voile de Goudelour pour Trinquémaky ; le vent à l'Est, petit; la nuit, S. O. LUNDI 22. — Le vent à l'O. N. O., beau temps. Le bâtiment sarde a mis sous voile pour le Nord. A 11 heures, le Cowentry, venant de Trinquémalay, a mouillé en rade. Pendant le jour, le vent a régné à l'E. S. E. ; la nuit, au S. O. MARDI 23. — Même vent. A 7 heures, appelé à l'ordre. La frégate l'Active, venant de Madras, a mouillé en rade, ayant les paquets de l'amiral anglais pour M. de Suffren; elle a en même temps amené M. Degois, enseigne de vaisseau du Héros, pris au combat de Providien et envoyé au Bengale avec 10 matelots. A 2 heures, un bâtiment anglais a passé devant la rade et a continué la route au Nord. La nuit, ventS. O. Septembre 1783. Prisonniers rendus. 562 JOURNAL DE BORD Septembre 1783. MERCREDI 24. — Même vent. A 1 heure l/2, le Cowentry a mis sous voile pour aller à Trinquémalay. A 8 heures !/2, la frégate anglaise l'Active a appareillé pour retourner à Madras. Il paraît décidé que nous laissons 5 vaisseaux dans l'Inde, l'amiral anglais ayant l'ordre d'en laisser un pareil nombre. Le vent au S. E., joli frais. A 3 heures, la corvette la Juliette a mouillé en rade, venant de Trinquémalay. Une chelingue, venant de Goudelour, nous a apporté 25 hommes sortis de l'hôpital, que nous avons embarqués. La nuit, vent de S. S. O. JEUDI 25. — Le vent au S. S. 0. Nous avons embarqué une soixantaine d'Indiens, hommes ou femmes, ouvriers en toile, que le général veut envoyer à Malte. Comptant mettre sous voile demain dans l'après-midi, nous avons désaffourché, déferlé le petit hunier et tiré un coup de canon. Il paraît que les choses resteront dans le même état dans l'Inde jusqu'au traité définitif. Sans doute que les forces navales qu'on y laisse de part et d'autre y demeureront aussi jusqu'à cette époque ; il y a eu une suspension d'armes entre Tippou-Saëb et les Anglais, ce qui fait présumer qu'il accepte la médiation de la France pour faire la paix. Ce ne sera pas, je pense, une petite besogne et M. de Bussy va avoir de quoi exercer ses talents politiques ; M. d'Hofflize s'embarque sur le Héros pour passer en Europe ; M. des Roys retournera à Trinquémalay. VENDREDI 26. — A minuit, le vent a varié à l'O. S. 0., petit. A 3 heures 1/2, nous avons mis sous voile, vent au S. 0. Au soleil levé, relevé le mât de pavillon de Pondichéry, 0. N. 0. 3° 11, 2 lieues. Vent au S. S. 0. Route au plus près, tribord amures. Sondé 14 brasses, sable et vase. A 10 heures, viré de bord ; pris bâbord amures. A 11 heures 1/2 vu un bâtiment à l'O. N. 0, faisant route au Nord. A midi, lat. observée 11° 45' ; longit. arrivée 77° 54' ; les bâtiments de Pondichéry, N. 0., 5 lieues, Coup de canon de partance. Suspension d'armes entre les Anglais et Tippou-Saëb. Appareillé de Pondichéry. DU BAILLI DE SUFFREN 563 Vent au Sud. Route au plus près, tribord amures. A la même Septembre heure, gouverné à l'Ouest V4 S. O. A 2 heures, la Cléopâtre nous a joints, revenant de Trinquémalay, et a envoyè un canot à bord. A 3 heures 3/4, vent de S. S. O., petite pluie ; pris tribord amures. A4 heures 1/2, pris bâbord-amures. A 5 heures, il est venu de Goudelour trois chelingues, ayant des boeufs que nous avons embarqués. A 5 heures 3/4, viré de bord par 9 brasses ; pris tribord amures. Au soleil couché, relevé le mât de pavillon de Goudelour, S. 0. 5° Ouest, 1 lieue ; les vaisseaux mouillés à Pondichéry, Nord 1/4 N. E. 2° Nord. Le vent au S. S. O., petit frais. Fait signal, à 6 heures 3/4, à la Cléopâtre de nous passer à poupe, craignant qu'elle n'imaginât que nous allions mouiller à Goudelour. A 10 heures, un ris dans les huniers. N'ayant pas trouvé fond, viré de bord ; pris bâbord amures. SAMEDI 27. — Le vent au S. O., joli frais. Viré de bord par 13 brasses; pris tribord amures. A 7 heures, vu une voile au S. S. E; reconnue peu après pour la Cléopâtre ; elle nous a ralliés. A midi, lat. observée 11° 5' ; longit. arrivée 78° 12' ; route corrigée du dernier relèvement, S. E. 1/4 Sud 1° Est, 16 lieues1/3. A midi, viré de bord pris bâbord amures. A 9 heures 3/4, vu un bâtiment de l'avant à nous sous pavillon danois, faisant route au Nord. A 8 heures, viré de bord par 12 brasses; pris tribord amures. DIMANCHE 28. — Le vent au S. 0., joli frais. Au jour, vu un bâtiment sous le vent, faisant route à l'Est. A midi, lat. observée 10° 20' ; longit. arrivée 78° 20' ; route corrigée, S. S. E. 4° Sud, 16 Vent au S. S. O., joli frais, au plus près, tribord amures. A 6 heures, nous avons hélé la Cléopâtre et lui avons ordonné de se tenir de l'avant et de sonder. Pendant la nuit, même vent et point de fond. LUNDI 29. — Le vent au S. O., bon frais, sous les 4 voiles majeures, au plus près, tribord amures. A minuit 1/2, pris un ris dans les huniers. Au jour, vu la terre au S. O. 1/4 Ouest 3° Ouest, 8 lieues. A 9 heures, largué les ris. Al 0 heures, viré de bord ; mis le cap à l'Ouest, le vent ayant varié au S. S. O., petit frais ; à 10 heures, il a passé au S. E. ; gouverné à l'O. S. O. A midi, lat. observée 8° 10 longit. arrivée 79°11'; route corrigée S. S. E. 4° Sud, 45 lieues 1/2 ; différence Sud, 6 lieues 1/3; distant de terre 5 lieues. Septembre 1783. Koute pour Trinquémalay.' 564 JOURNAL DE BORD Septembre 1783, Trinquémalay me reste par le point N. O. 5° Ouest, 11 lieues 1/2. Cette différence, occasionnée par les courants, nous ayant fait atterrer Sud, nous avons aussitôt mis le cap à l'O. N. O. A 2 heures, gouverné au N. O. A 5 heures 1/2, ayant arboré le pavillon carré au mât de misaine, distinction du lieutenant général, il a été salué de trois cris de vivo le roi ! » Au soleil couché, relevé le pavillon de Trinquémalay, O. N. O. 2° Nord, 3 lieues 1/3. Le vaisseau mouillé le plus en dehors, N. O. 1/4 Ouest. Le vent au S. O., joli frais. Route au S. O. 1/4 Ouest. A 10 heures 1/4, étant par 16 brasses devant la baie, nous avons viré de bord et' pris tribord amures pour nous approcher du mouillage. A 11 heures, pris bâbord amures, cargué et serré les basses voiles. A 11 heures 1/2, nous avons mouillé dans l'escadre par 15 brasses, sable fin. Pendant la nuit, vent au S. S. O. ; la Cléopâtre a aussi mouillé. Trouvé dans la baie trois transports français venant de l'Ile-de-France, avec des vivres et effets nautiques pour l'escadre, et un impérial, récemment arrivé. MARDI 30. — Au lever du soleil, ayant arboré le pavillon carré au mât de misaine, il a été salué de trois cris de vive le roi ! » par tous les bâtiments de l'escadre. L'impérial a salué de 11 coups de canon ; rendu 7. Relèvement du mouillage le fort d'Austimbourg, S. S. O. 5° Sud ; le fort de Trinquémalay, Sud; le morne du pavillon, S. S. E. 2° Est, 74 lieues ; la pointe Sale, E. S. E. 5° Sud. Porté une petite ancre au S. E. par 13 brasses. A midi, la Cléopâtre a mis sous voile pour aller à Pondichéry. Dans la journée, le vent a régné à l'E. S. E. Vu une voile au Nord. Octobre 1783. MERCREDI 1er. — Le vent à l'O. S. O., petit frais. Débarqué les gens de l'équipage de la Bellone, que nous avions pris lors de l'appareillage pour aller attaquer l'escadre anglaise. A midi, vent à l'Est. A 5 heures, l'Illustre est sorti de la baie d'Austimbourg et a mouillé dans l'escadre. Le Saint-Michel a pris sa place au bornage et doit être bientôt prêt. Nous complétons nos vivres, eau et bois, pour le départ, fixé au 6. JEUDI 2. — Le vent au S. O., petit. A minuit 1/2, le Flamand a appareillé pour l'Ile-de-France, afin d'y être réparé et de faire route ensuite pour Rochefort, lieu de sa destination ultérieure. A 1 heure, vent à l'E, N. E. Un bâtiment marchand français a mouillé dans la DU BAILLI DE SUFFREN 565, rade, ayant à bord tous les prisonniers anglais que nous avions envoyés à l' Ile-de-France. Nous lui donnons tout de suite de l'eau, dont il a besoin, et il continuera après sa route pour Madras. Un navire anglais a passé en vue de la baie, faisant route au Nord. La nuit, vent au S. O. 1 VENDREDI 3. — Le vent au S. O., petit frais. A 1 heure, le bâtiment français a mis sous voile pour Madras. A 3 heures après-midi, le vent a passé à l'E. N. E. ; à 8 heures, il est revenu au S. O, A 9 heures 1/4, l'Illustre et le Hardi ont mis sous voile; ils doivent se rendre en droiture à leur destination, sans toucher à l'Ile-de-France, mais en relâchant au Cap, s'ils le jugent à propos. Les 2 vaisseaux iront de conserve jusqu'à la hauteur convenable, l'Illustre étant destiné pour Brest et le Hardi pour Toulon. La nuit, même vent. SAMEDI 4. — Même vent. A 8 heures, l'Argonaute a mis sous voile pour entrer dans le port d'Austimbourg. Dans la journée, vent variable. DIMANCHE 5. - Vent variable du Sud au S. 0. A 7 heures 1/2, l'Ajax est sorti de la baie d'Austimbourg et a mouillé dans l'escadre. A 10 heures, l'Annibal a appareillé pour mouiller plus au large.. A 11 heures 1/2, un bâtiment français, parti de l'Ile-de-France, a mouillé dans l'escadre et a salué de cinq cris de vive le roi !» Nous avons fait passer sur les vaisseaux destinés pour le Ponent tous les gens des équipages de ces départements et pris les Provençaux. Quoique nous soyons destinés pour Brest, le général croit pouvoir prendre sur lui de mener le Héros à Toulon, le mauvais état de nos mâts majeurs Octobre 1783, Changement de destination du Héros. 1. Lettre de M. de Suffren à Mme de Seillans " A Trinquémalay, ce 20 octobre 1783 — Je suis vraiment en peine, ma chère amie, de n'avoir reçu aucune lettre de toy, en ayant reçu de beaucoup de personnes et, je sçais qu'ordinairement tu es exacte. Je suis comblé des grâces, du ministère, et cela avant la prise de Trinquémalay, qu'ils n'ont açu qu'après. Je crois que, sans la paix, l'affaire du 20 juin aurait fait grand bruit. Je compte arriver à Toulon eu mars ; mais, comme le ministre paraît désirer de me voir promptement, je serai obligé de faire route tout de suite pour Paris, et ce ne sera qu'à mon retour que je pourrai aller jouir des douceurs de la tranquillité à Borrigaille ; c'est en vérité ce que je désire le plus. " Je pars le 5, je passe à l'Isle-de-France et au Cap. J'ai appris par la liste la mort de M. le comte de Broves. » Ortolan, Monit. Univers., 5 nov. 1859. 37 566 JOURNAL DE BORD Octobre 1783. nous faisant craindre les grosses mers de la côte de Bretagne dans un atterrage d'hiver. A 11 heures 1/2, la Surveillante, venant de Pondichéry, a mouillé dans l'escadre et a salué de trois cris de vive le roi ! » ; rendu un. Nous avons désaffourché et embarqué la chaloupe et lé grand canot. M. de Peynier commande la division restant dans l'Inde, composée des vaisseaux le Fendant, l'Argonaute, le Brillant, le Saint-Michel et l'Annibal anglais, et des frégates la Surveillante, la Bellone et le Cowentry. M. de Costebelle a pris le commandement, de la Bellone, et M. Males, capitaine de vaisseau, celui de la Consolante. M. d'Herly, commandant le Cowentry, ayant demandé à passer en Europe, a été employé sur l'Illustre, et le commandement de cette frégate a été donné à M. de Joyeuse, capitaine de brûlot. Nous comptons mettre à la voile cette nuit avec le Vengeur, pour aller à l'Ile-deFrance, et, de là, en Europe. Ce vaisseau faisant de l'eau, le général veut l'escorter, crainte d'accident. L'Annibal et l'Ajax doivent appareiller aussi cette nuit et faire route de conserve en droiture pour l'Europe, en relâchant au Cap. Le Sévère partira dans quelques jours et relâchera à l'Ile-de-France. La Consolante doit aussi mettre bientôt à la voile et est destinée à passer à l'Ile-de-France les malades jugés en état de soutenir la traversée. La Fine, après un radoub dont elle a besoin, fera route en droiture pour Brest. La Cléopâtre doit encore rester 8 à 10 jours pour attendre M. de Ravenel, chargé du détail général de l'escadre, qui a encore quelques affaires à finir et viendra ensuite nous joindre à l'Ile-de-France. A 10 heures 1/2, le vent a passé N. O. ; grain, pluie et orage. LUNDI 6. •— Le vent à l'O. S. O.; pluie. A 1 heure 1/4, fait signal au Vengeur d'appareiller. A 2 heures, mis sous voile ainsi que le Batiments restant dans l'Inde sous les ordres de M. de Peynier. Destination des autres vaisseau et frégates. Trinquémalay. DU BAILLI DE SUFFREN 567 Vengeur ; l'Annibal et l'Ajax ont aussi appareillé. A 2 heures 1/2, embarqué tous nos bâtiments à rames. Fait route à l'E. S. E. Au soleil levé, relevé le morne du pavillon, Ouest 1/4 N. O. 3° Nord, 6 lieues ; la pointe Sale, Ouest 2° Sud. Vent au S. S. O., joli frais. Route au S. E. 1/4 Est. A midi, lat. observée 8° 18' ; longit. estimée 79° 23'.. Route corrigée depuis l'appareillage E. S. E. 2° Sud, 11 lieues ; différence Nord 3 lieues 2/3. A 1 heure, le vent au N. N. E. A 4 heures, route au S. S. E.; à 5 heures 3/4, mis le cap au S. E. 1/4 E. Le vent à l'E. N. E., petit ; de 8 heures à minuit, vent de S. E. et S. S. E., petit. MARDI 7. —Calme presque. A 4 heures, temps couvert. A 5 heures, vent au Nord, petit ; mis le cap à l'E. S. E. Au jour, vu les terres de Batacalo ; mis le cap à l'E. S. E., distant de terre 12 lieues. Observé les courants un demi-noeud au Route au S. E. 1/4 Est, toutes voiles dehors. A 7 heures 1/2, nous avons envoyé à bord du Vengeur. A midi, lat. observée 7° 43' ; longit. arrivée 80° 15' ; différence en latitude 2 lieues Nord ; différence en longitude 12 lieues 2/3. Relevé les montagnes de Batacalo, vent 5° Sud, 15 lieues. Vent au N. E., petit. Route au S. E. 1/4 Est. A 2 heures 1/2, le vent a varié à l'E. N. E. A4 heures 3/4, vent à l'Est ; pris le plus près, bâbord amures. A 5 heures 1/2, vu un bâtiment à trois mâts dans l'Ouest, faisant route au Nord. A 6 heures, viré de bord, vent devant ; pris tribord amures. Vent au S. S. E. Jusqu' à minuit, l'Annibal et l'Ajax étaient encore en vue. MERCREDI 8. — Le vent au Sud, joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 1 heure 1/2, le vent a passé au S. O., petit ; gouverné au S. E. De 8 heures à 10, calme. Le vent a passé alors au petit frais ; gouverné au S. E., toutes voiles dehors. A midi, lat. observée 7° 18'; longit. arrivée 81° 8'. Route corrigée E. S. E. 5° Sud, 18 lieues. —W. par azimut N. E. 1° 20'. A 3 heures 3/4, mis le cap au S. S. E. A 6 heures, calme. À 9 heures 1/4, le vent s'est déclaré au Sud, petit ; viré vent arrière et pris tribord amures. JEUDI 9. — Le vent au S. S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. L'Annibal et l'Ajax ne sont plus en vue. A midi, lat. observée 7° 5'; longit. arrivée 81° 24'. Rouie Octobre 1783. Route pour l'Ile-de-France. 568 JOURNAL DE BORD Octobre 1783. corrigée S. E. 1/4 Est 1° Est, 8 lieues. — W. observée 1° 15' N. E.; différence Nord 2 lieues 2/3. W. observée par azimut 1° 42' N. E. Vent au S. O., petit. Route au plus près, tribord amures. De 7 heures 1/2 à 8 heures 1/2 vent variable à l'E. S. E. ; pris tribord amures.. A 10 heures, vent variable à l'E. S. E. ; signal de bâbord amures. A 11 heures 1/2, vent de S. S. O. ; repris les amures à tribord. VENDREDI 10. — A 9 heures, le vent a passé à l'O. S. O., petit ; gouverné au S. S. E. A midi, lat. observée 6° 38'; longit. arrivée 81° 51'. Route corrigée S. E. 1° Sud, 12 lieues 2/3. — W. ortive 1° 36' N. E. ; W. par azimut 1° 48' ; W. occase 1° 48' N. E. A 5 heures, vent variable du au S. O., presque calme. Route au plus près, tribord amures. SAMEDI 11. — Vent au S. S. O., petit, presque calme ; temps couvert. Route au plus près, tribord amores. A 6 heures, il a varié à l'O. N. O., petit frais et pluie ; à 8 heures, au S. S. E., pluie ; à 8 heures 1/2, il s'est établi à l'O. S. O., petit, temps beau. A midi, lat. observée 6° 5' ; longit. arrivée 82° 7'. Route corrigée S. S. E. 5° Est, 12 lieues 1/4 ; différence Sud 2 lieues. — W. par azimut 1° 51' N. E. ; W. occase 1° 48' N. E. Dans l'après-midi, vent variable du Sud au S. S. O. ; gros calme, temps couvert. DIMANCHE 12. — Le vent à l'O. S. O., presque calme. Route au S. S. E. A 2 heures, calme plat. A 11 heures, le vent au Sud, petit. A midi, lat. observée 5° 80' ; longit. arrivée 82° 22' ; par les courants 82° 29' ; route corrigée S. E. 3° 2', 7 lieues; observé les courants 1/2 noeud. — W. occase 1° 00' N. E. Vent au Sud, petit. Route au plus près, tribord amures. A 3 heures, le vent a varié au S. O., petit frais. LUNDI 13. — Vent au S. O., petit; temps couvert. Route au S. S. E. A 6 heures, le vent a passé au Sud, petit frais et pluie. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, le vent a passé au S. O., petit. A 9 heures, grain de la partie du Sud ; petit frais et petite pluie. A 9 heures 3/4, le vent a repris au S. O. Route au S. S. E. A midi, lat. observée 5° 24' ; longit. arrivée 82° 46' ; corrigée DU BAILLI DE SUFFREN 569 par les courants 83° 00'; route corrigée S. E. 3° Sud, 11 lieues 2/3; différence Nord 4 lieues 2/3. Vent variable au S. O. Route au S. S. E. A 8 heures, grain ; joli frais de la partie de l'Ouest. A 8 heures 1/2, il à varié au N. O., petit frais. Route au S. S. E. A 10 heures, presque calme au S. S. E. MARDI 14. — Le vent au S. S. O., petit, presque calme. Route au plus près, tribord amures. A 4 heures 3/4, pris tribord amures, en virant vent arrière. Vent au Sud, presque calme. A midi, lat. observée 5° 5' ; longit. arrivée 83° 5''; longit. corrigée par les courants 83° 26' ; route corrigée S. E., 8 lieues 3/4, différence Nord 4 lieues 1/3. — W. par azimut 0° 46' N. E. ; W. occase 0° 56' N.'E. A la même heure, le vent a varié au S. O. Mis le cap au S. S. E. A 11 heures 1/2, grain et petite pluie du S. O. MERCREDI 15. — Le vent variable dans la partie du S. O., presque calme. A 5 heures, petit grain et pluie du N. N..O. A 8 heures, le vent a passé au S. S. E., variable ; pris bâbord amures. A 9 heures, calme ; une demi-heure après, il a passé au S. S. O.; pris tribord amures. A midi, lat. observée 4° 37' ; longit. 83° 19' ; longit. corrigée par les courants 83° 31' ; route corrigée S. S. E. 5° Est, 9 lieues 2/3différence Nord' .3 lieues 1/3. — W. ortive 0° 47' A la même heure, vu une voile de l'arrière à nous, à toute vue. A 6 heures Va,'vent à l'O. S. O., joli frais ; petite pluie. A 7 heures, il a passé au S. O. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures, vent à l'O. S. O., joli frais et pluie jusqu'à 10 heures, que le vent a passé à l'Ouest. Route au Sud. JEUDI 16. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au Sud. A 4 heures, il a passé au S. O., presque calme ; temps couvert. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures, vent à l'Ouest et à l' Route au Sud. A midi, lat, observée 3° 38'; longit. arrivée 83° 39'; par les courants 84° 2' ; longit. observée 84° 20'.; route corrigée S. S. E. 4° Sud, 21 lieues ; différence Nord 3 lieues. Le vent à l'Ouest, petit, presque calme. Route au Sud. A 3 heures, signalé la longitude observée au Vengeur, 84° 20'. Vent à l'O. S. O., petit. A 8 heures, grain de la partie de l'O. N. O., joli frais, qui a duré une demi-heure ; après quoi le vent a passé au S. O., petit. Octobre 1783. 570 JOURNAL DE BORD Octobre 1783. VENDREDI 17. — Le vent au S. S. E., petit; presque calme. Route au plus près, l'amure à tribord ; observé les courants 1/2 noeud à l'E. S. E. A 3 heures, calme plat. A midi, lat. observée 3° 22' ; longit. arrivée 83° 44' ; route corrigée S. S. E. 4° Sud, 5 lieues 2/3. Calme plat. A midi, vent au S. O., petit, au plus près, l'amure à tribord. De 8 heures à minuit, vent au S. S. O., presque calme. SAMEDI 18. — Vent variable du Sud à l'O. S. O., presque calme. A 8 heures, le vent a passé à l'E. N. E., petit frais; pris bâbord amures. Route au Sud. A 10 heures 1/2, envoyé un canot à bord du Vengeur pour chercher l'aumônier, le nôtre étant malade et demandant les secours spirituels. A 10 heures 3/4, vent de N. N. O., presque calme. A midi, lat. observée 3° 4' ; loDgit. arrivée 83° 59' ; route corrigée S. E. 1° Sud, 8 lieues; différence Sud 2 lieues. — W. ortive 0° 46' N. E. A la même heure, le vent d'E. S. E. et S. E., petit. Route au plus près, bâbord amures jusqu'à minuit. Route pour l'Ile-de-France. DIMANCHE 19. — Même vent, presque calme. A 1 heure 1/2, calme plat jusqu'à 8 heures du matin, que le vent est venu à l'E. N. E., petit. A 8 heures 1/2, envoyé l'aumônier du Vengeur. M. de Cuverville et le vicomte d'Houvelot sont venus dîner à bord. A midi, lat. observée 2° 42' ; longit. estimée 83° 51' ; longit. observée 83° 45' ; par l'observation 83° 45' ; route corrigée S. S. O. 1° Sud, 8 lieues. Même vent. Route au Sud pendant la nuit. LUNDI 20. — Le vent à l'E. N. E., petit. Route au Sud ; grosse mer du S. S. E. A midi, lat. observée 2° 6' ; longit. estimée 83° 51' ; route corrigée Sud 1° Ouest, 12 lieues. — W. ortive 1° 26' N. E. L'après-midi, vent variable de l'E. N. E. au N. O., presque calme. A 5 heures, il a varié à l'Est, petit ; de 6 heures à minuit, au N. E., presque calme. MARDI 21. — Le vent à l'Est, presque calme. Route au Sud. A midi, lat. observée 1° 53' ; longit. estimée 83° 50' route corrigée Sud 1° Ouest, 4 lieues 1/3; différence Nord, 2 lieues. — W. ortive 1° 20' N. E. DU BAILLI DE SUFFREN 571 A 2 heures, le vent a varié de l'Ouest à 0. S. 0. ; temps orageux ; à 3 heures, il est venu à l'O. N. 0., joli frais, variable jusqu'au S. 0., grain et pluie ; à 6 heures, calme plat ; à 9 heures, le vent s'est décidé à l'Ouest. MERCREDI 22. — Le vent au S. 0., presque calme. Route au plus près, tribord amures ; à 3 heures, il a varié à l'Ouest, joli frais ; gouverné au Sud 5° Est. A 4 heures 1/2, grain et pluie de la partie du à 5 heures, il a repris à l'Ouest, joli frais. Route au Sud. A la même heure, vu 12 bâtiments 5 à 6 lieues au vent, que nom avons reconnus de guerre et jugés être une division dé l'escadre anglaise faisant route pour l'Europe. A 7 heures 1/2, gouverné au Sud 1/4 S. E. A 8 heures 1/2, grain et pluie de la partie du S. S. 0. A 10 heures, vent à l'O. S. 0. ; beau temps. A midi, lat. observée 1° 16' Nord; longit. estimée 83° 57' ; route corrigée Sud 1/4 S, E., 12 lieues 1/2; différence Nord, 3 lieues. Même vent. Route au plus près, tribord amures. A 7 heures 1/2, petit grain du S. 0. ; peu après, il a repris à l'O. S. 0., joli frais. JEUDI 23. — Même vent. Route au Sud 1/4 S. E. Reçu un grain du S. 0. ; vent frais et pluie. A 4 heures, vent à l'Ouest ; gouverné au Sud. A 4 heures 3/4, grain d'Ouest, bon frais et pluie. A 6 heures, le vent a varié à l'O. N. 0., joli frais et pluie. A 9 heures 3/4 grande et petite pluie de l'O., joli frais. A midi, lat. estimée 00° 17' Sud ; longit. estimée 84° 17' ; route estimée Sud 1/4 S; E., 31 lieues., A 1 heures Va, vent au S. O., presque calme ; à 3 heures 1/2, il a passé au N. O., joli frais et pluie ; à 4 heures 1/2, variable de l'Ouest au S. 0., par grain; à 6 heures 1/2, il s'est fixé au S. 0., jusqu'à 8 heures, qu'il a passé à l'Ouest. Temps beau. Route au Sud. VENDREDI 24.—Le vent à l'Ouest, variable à l'O. S. 0., petit frais. Route au Sud. A 5 heures, désenvergué le petit hunier, en avons envergué un neuf ; grain et pluie. A midi, lat. observée 1° 53' ; longit. estimée 84° 34' ; route corrigée depuis mercredi Sud. 1/4 S. E., 65 lieues ; différence Sud 9 lieues 2/3. Vent au S. O., petit..Route au plus près, tribord amures ; grain et pluie par intervalles, A 3 heures 1/2, grain et pluie de l'O. N. O. ; à 10 heures, il a varié au S. 0., presque calme ; ... Octobre 1783. 572 JOURNAL DE BORD Octobre 1783. SAMEDI 25. — Vent variable de l'O. S. O. au S. O., joli frais; temps couvert. Route au plus près, tribord amures ; grosse mer de S. E. A 8 heures 3/4, le vent a sauté ait S. E., joli frais. Viré de bord vent arrière. Route au S. O. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 3° 18' ; longit. estimée 85° 1'; route corrigée S. S. E. 5° Sud, 29 lieues 2/3. Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route au S. O. 1/4 Sud. A 1 heure 1/2, route au Sud 1/4 S. O. Vu des frégates. A 9 heures 3/4, le vent a passé au N. N. O. Route pour l'Ile-de-France. DIMANCHE 26. — Même vent, presque calme; à 2 heures, calme plat ; à 3 heures, il s'est décidé au S. S. E. et S. E., petit ; pris le plus près, bâbord amures. Route au S. O. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 3° 58'; lougit. estimée 84° 41'; route corrigée S. S. O. 3° Ouest, 14 lieues 3/4. Le vent à l'Est, joli frais. Route au S. O. 1/4 Sud ; quelques grains par intervalles et des éclairs dans la partie du N. O. LUNDI 27. — Vent variable de l'Est à l'E. S. E., par grain. Route au S. O. 1/4 Sud. A 6 heures, changé de misaine. A 8 heures, diminué de voiles, pour attendre le Vengeur, qui était fort de l'arrière. A midi, point de hauteur. — Lat. estimée 6° 16' ; longit. estimée 83° 9' ; route estimée S. O. 1/4 Sud, 55 lieues. Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route au S. O. 1/4 Sud. MARDI 28. — Le vent à l'Est, joli frais; temps couvert. Route au S. O. 1/4 Sud. A 8 heures, mis le cap au S. O. A midi, lat. observée 8° 16'; longit. estimée 81° 38' ; route corrigée depuis le 26 S. O. 1/4 Sud 1° Ouest, 105 lieues 1/3; différence Nord 5 lieues. A 7 heures 3/4, vent variable de l'Est au S. E., grain de vent et pluie ; à 9 heures, de l'E. S. E. au S. E., grain et pluie jusqu'à minuit. MERCREDI 29. — Le vent à l'E. S. E., bon frais. Route au S. O. A midi, lat. observée 10° 16'; longit. estimée 79° 34'; route corrigée S. O. 1° Ouest, 57 lieues; différence Sud 4 lieues 1/2. — W. ortive 0° 17' N. O. Le vent à l'E. S. E., joli frais ; petit grain et pluie par intervalles jusqu'à minuit. JEUDI 30. — Le vent à l'E. S. E. et S. E., joli frais. Route au S. O. A 5 heures, diminué de voiles pour attendre le Vengeur; Son eau a beaucoup augmenté. DU BAILLI DE SUFFREN 573 A midi, lat. observée 12° 1'; longit. observée 77° 35'; route, corrigée S. O. 3° Ouest, 52 lieues 1/4. — W.. ortive 1° 9' N. O. A 3 heures 1/2, le Vengeur a signalé une voie d'eau; nous nous sommés sur-le-champ rangé au plus près pour l'attendre. A 4 heures 1/2, étant à portée de la voix, il nous a demandé une pompe pour remplacer une des siennes, qui est avariée ; il est à quatre pompes. Le général lui a fait répondre qu'il lui en enverrait une au premier moment où l'on pourrait communiquer, et de régler la voilure, La route au S. O. ; même vent et route pendant la nuit. VENDREDI 31-. — Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route au S. O. A midi, W. 3° 00' N. O. — Làt. observée 13° 41' ; longit. estimée 75° 57'; route corrigée S. O. 2° Sud, 46 lieues. Toute la nuit, même vent et route. SAMEDI 1er NOVEMBRE. — Le vent à l'Est, petit frais. Route au S. O. Le Vengeur ayant demandé à nous parler, nous avons mis un canot à la mer et travaillé à dégager les pompes du mât d'artimon pour les lui envoyer. A midi, lat. observée 15° 8'; longit. estimée 74° 35'; longit. observée 69° 24' ; route corrigée S. O. 3° Sud, 39 lieues. — W. par azimut 3° 12' N. O. ; W. occase 3° 29' N. O. Le vent à l'E. N. E. ; petit. Route au S. O. A midi 1/2, nous avons envoyé 50 hommes au Vengeur, pour renforcer son équipage fatigué par la pompe. Longitude observée 69° 24', ce qui nous rapproche de 5° sur l'estime ; nous avons signalé au Vengeur, qui nous a signalé avoir observé 69° 40'. A 7 heures, avons embarqué le canot. Le vent S. E. et E. S. E. ; presque calme. DIMANCHE 2. — Le vent à l'E. S. E., presque calme. Route au S. O. A 6 heures, vent variable du Sud à l'Ouest, petit. A 6 heures 1/4, signal de virer de bord; pris tribord amures. A 7 heures, avons envoyé au Vengeur; il fait toujours'là même quantité d'eau, franchissant vivement avec 4 pompes. A 10 heures 1/2, vent au N. E., presque calme. A midi, lat. observée 15° 48' ; longit. estimée 73° 56' ; longit. observée 48° 40' ; route corrigée S. O. 2° Ouest, 16 lieues 3/4. A l heure, le vent à varié au S. O., petit. A 4 heures, par la distance de la lune au soleil, longitude observée 68° 40'.-Le Vengeur nous a signalé 68° 26'. A 8 heures 1/2 vire de bord; pris bâbord amures ; vent au Sud, petit. Octobre 1783 Novembre 1783. 574 JOURNAL DE BORD Novembre 1783. LUNDI 3. — Le vent au Sud, presque calme, A 7 heures 3/4, le vent a passé au S. E. ; mis le cap au S. O. A midi, lat. observée 15° 59' ; longit. estimée 73° 18' 68° 7' ; route corrigée O. S. O. 4° Sud, 13 lieues. — W. par amplitude ortive 4° 4' N. O. Le vent à l'E., petit ; beau temps. Route au S, O. MARDI 4. — Le vent à l'Est, petit ; beau temps. Route au S. O. ; à 10 heures, parlé au Vengeur ; il nous a dit qu'il franchissait avec 3 pompes. A midi, lat. observée 15° 51' ; longit. estimée 72° 25' d'après l'observation 67° 14' ; route corrigée S. O. 1° Sud, 24 lieues 1/4. — W. par amplitude ortive 4° 42' N. O. A la même heure, mis le cap au S. O. 1/4 Ouest ; même vent. MERCREDI 5. — Le vent au S. S. E., petit frais. Route au S. O. 1/4 Ouest. A midi, lat. observés 18° 00' ; longit. estimée 70° 49' ; d'après l'observation 65° 38'; route corrigée S. O. 1/4 Ouest 3° Sud, 38 lieues 1/3. — W. par azimut 5° 50' N. O. Vent au S. E., joli frais. Route au 3/4 Ouest. A 1 heure 1/2, le Vengeur nous a signalé sa variation observée 6° 45' ; la nôtre par azimut n'est que de 5° 50' N. O. ; à 5 heures 3/4, grain et petite pluie dans la partie du S. E. JEUDI 6. — Le vent au S. E., joli frais. Route au S. O. 3/4 Ouest. A 9 heures 3/4, le Vengeur a signalé 8° 00' N. O. de variation. A midi, lat. observée 19° 32'; longit. estimée 68° 56' ; d'après l'observation 63° 45' ; route corrigée S. O. 4° Ouest, 47 lieues.— W. par amplitude 8° 9' N. O. A 7 heures, fait route à l'O. S. O ; même vent. A 11 heures, mis le cap Ouest 1/4 N. O. 5° Ouest ; allumé les feux de poupe. VENDREDI 7. — Le vent à l'E. S. E., joli frais, Route à l'Ouest 1/4 3° Ouest. A 6 heures, le Vengeur nous a signalé 9° 30' variation N. O. A 9 heures, un petit noir est tombé à la mer ; nous l'avons sauvé, embarqué en bateau et remis en route. A midi, lat. observée 20° 5'. — W. par amplitude ortive 9° 4' N. O.; W. par azimut 9° 18' N. O. — Longit. estimée 60° 29'; d'après observation . 61° 18'. Par l'observation, Rodrigue nous reste à l'O. N. O., 15 lieues. DU BAILLI DE SUFFREN 575 A la même heure, gouverné à l'Ouest 1/4 N. O. A 4 heures 1/2, nous Novembre avons eu connaissance de l'île de Rodrigue, au 5°Ouest; distant 9 lieues. Mis le cap à l'O. Au soleil couché, relevé. la pointe Ouest de Rodrigue, N. O. 5° Ouest ; la pointe Est, N. O. 1/4 Nord 1° Ouest ; distant 5 lieues 1/2. — W. par azimut 10° 20' N. O.; W. par amplitude occase 10° 14' Le vent à l'E. S. E., joli frais. Route à O. N. O. 5° Ouest. SAMEDI 8. — Le vent à l'E. S. E., petit frais. Route à l'O. N. O. 5° Ouest. À midi, lat. observée 19° 49' ; longit. corrigée d'après l'île Rodrigue 59° 38 ; route corrigée d'après le relèvement. Ouest 1° Nord, 27 lieues 1/4; différence' Nord 2 lieues 3/4. — W. par azimut 10° 50' N. O. Le vent à l'E. S. E. Route à l'Ouest 1/4 N. O. 3° Ouest, DIMANCHE 9. — Le vent à l' E., joli frais. Route à l'Ouest 1/4 3° Ouest. A 7 heures, le Vengeur a signalé 12° 20' N. O. de variation nous n'avons que 11° 37' par azimut. A 10 heures, mis le cap à l'O. Envoyé au Vengeur ; son eau n'augmente ni ne diminue. A midi, lat. observée 19° 48' ; longit. corrigée par l'île de Rodrigue 57° 42' ; route corrigée Ouest 1° Nord, 36 lieues 2/3; différence Nord 2 lieues. —W. par azimut 11° 37' N. O. Le milieu de l'Ile-de-France reste Ouest 1/4 S. O,, 42 lieues 1/2; vent à l'Est, petit frais. Route à l'Ouest 1/4 N. O. 5° Ouest. A 1 heure 1/2, route à l'Ouest 1/4 N. O., pour voir l'île Ronde. LUNDI 10. —Le venta l'E. N. E., petit frais. Route à l'O. 5° Nord. A 4 heures 1/2, vent, variable au N. O., presque calme, petite pluie ; à 5 heures, il a varié au N. E., petit frais. A midi, lat. observée 20° 14' ; longit. depuis Rodrigue ; 56° 72' ; route corrigée Ouest 1° Nord, 36 lieues 2/3 Le vent à l'Est, petit frais. Route à l' A 4 heures 1/2; nous avons eu connaissance de l'Ile-de-France, restant à l'Ouest. A 9 heures 3/4, vent variable. Fait signal de virer de bord; pris bâbord amures.' Au soleil couché, relevé le milieu de l'Ile-de-France, O. S. O. ; l'île Ronde, O. N. O. 5° Nord ; distant de l'Ile-de-France ; 8 lieues, Novembre 1783. Vu l'île Rodrigue. Vu l'Ile-de-France. 576 JOURNAL DE BORD Novembre 1783. Vent variable du Nord au N. N. E., petit. Route au plus près, les amures à bâbord. A 10 heures 1/2, grain ; petit frais et pluie dans la partie de l'O. N. O. MARDI 11. — Le vent au N. N. O., petit; presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure, pris tribord amures. A 2 heures, le vent a fraîchi. Au jour, vu l'île Ronde à l'O. S. O., 4 lieues. Nous avons arrivé dessus. Au soleil, relèvement corrigé l'île Ronde, O. S. O. 5° Ouest, 4 lieues ; l'île aux Serpents, O. S. O. ; à midi, lat. observée 19° 53' ; relevé le milieu de l'île aux Serpents, Nord 1/4 N. O. ; le milieu de l'île Ronde, N. O. 5° Nord, 13 lieues ; le milieu de l'île Plate, Ouest 5° Nord ; le Colombier, Ouest 1/4 N. O.; le coin de mire, Ouest 1/4 S. O. 5° Sud. A 2 heures, arrivé pour éviter les brisants de la pointe S. E. de l'île Plate ; sondé plusieurs fois des brisants au coin de mire et trouvé de 20 à 28 brasses, fond de roches et de corail. A 3 heures 3/4, ne doublant point le coin de mire, à 1/2 lieue par 26 brasses, vent au N. O., petit, les courants portant au N. O. A 5 heures 1/2, nous avons reviré par 45 brasses. Au soleil couché, relevé le coin de mire, à l'E. S. E. 5° Sud, 13 lieues; l'île Ronde, Sud 1/4 N. E. ; la pointe du Canonnier, S. O. 5° Sud. Le vent à l'Ouest, petit. Route au plus près, bâbord amures. A 8 heures, pris tribord amures. Le vent à l'Ouest et l'O. S. O., petit. Ayant vu un canot venant du Port-Louis, où nous imaginions qu'était un pilote qui hésitait à venir à bord, nous avons tiré un coup de canon ; à 7 heures 3/4, le canot a abordé avec un pilote. A la même heure, pris bâbord amures. A 9 heures 1/2, le vent a varié au S. O., petit. A 10 heures, pris tribord amures. Peu après, le vent a molli. MERCREDI 12. — Le vent au S. E., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 4 heures 1/2, la pointe du Canonnier a tiré 5 coups de canon. Au soleil levé, relevé le coin de mire, E. N. E. 5° Est; l'île Ronde, Est 5° Nord; la pointe aux Mortiers, S. E. 1/4 Sud; l'entrée du port, Sud 5° Est; distant de terre 2 lieues. A 9 heures 3/4, le vent s'est décidé dans la partie du S. O., presque calme. A 10 heures, nous avons viré vent arrière. A midi, le vent à l'O. S. O., petit frais; houle pour entrer dans le port, n'étant qu'à Vu l'île Ronde. DU BAILLI DE SUFFREN 577 1 lieue 1/2 de terre. A midi 1/4, le capitaine de port en second est venu à bord pour nous entrer. A 1 heure 1/2, le vent s'est décidé au N. N. E., petit frais. Envoyé tous nos canots de l'avant pour nous remorquer. Le vent nous a permis d'entrer à la voile, et, à 4 heures, nous avons mouillé devant l'île aux Tonneliers, où l'on nous a amarrés. A 4 heures, plusieurs vaisseaux nous ont salués de trois cris de vive le roi! » rendu un. A 4 heures 1/2, M. le vicomte de Souillac, gouverneur, est venu à bord avec l'intendant et plusieurs autres officiers et personnes de la colonie; à 5 heures, il est retourné à terre et a été salué de trois cris de vive le roi! » et de 15 coups de canonNous avons trouvé mouillés dans le port le Sphinx, le Flamand, l'Artésien, la Pourvoyeuse et la Cléopâtre; cette frégate était partie de Trinquémalay 12 jours après nous et était arrivée depuis le 9, n'ayant eu que 22 jours de traversée; environ 30 bâtiments marchands, dont plusieurs étrangers, sont aussi mouillés dans le port. A 5 heures 1/2, le général est descendu à terre, il a été salué en débarquant de 21 coups de canon par la place et reçu par le gouverneur, les officiers de la garnison, des habitants et un monde infini, qui faisait retentir l'air des cris de vive le roi ! » et vive Suffren ! ». La musique des régiments l'a conduit, ainsi que tout le monde, jusqu'au Gouvernement, où il a soupe. Apres souper, toutes les dames de la ville sont venues lui faire une visite et lui ont donné une sérénade,. Il a pris une maison à terre. Nous avons travaillé à bord jusqu'à 4 heures à nous amarrer. Pendant la nuit, le vent au Sud, petit. Nous avons appris que. l'Hermione, en partant pour l'Ile-de-France, avait démâté de son beaupré et mât de misaine et avait été obligée de relâcher à l'île Bourbon, où elle était encore. JEUDI 13. — Nous allons travailler à nous dégréer et démâter le mât d'artimon pour en prendre un autre, et à refaire absolument notre arrimage, ayant beaucoup de barriques pourries, qu'il est Novembre 1783. Mouillé à l'Ile-de-France. Belle réception. 578 JOURNAL DE BORD Novembre 1783. essentiel de changer. Nous comptons aussi prendre encore quelques tonneaux de lest. Vent au N. E. pendant la nuit. VENDREDI 14. — A 9 heures 1/4, il est entré un bâtiment venant de Marseille, mais parti depuis très longtemps. On a des nouvelles de juin, mais qui ne disent rien du traité définitif, ni des préliminaires avec les Hollandais. Nous avons démâté le mât d'artimon. A 5 heures, il est parti un bâtiment à trois mâts. Travaillé au gréement et à la cale. Les calfats sont occupés à repasser les oeuvres mortes. La nuit, vent variable. SAMEDI 15, DIMANCHE 16, LUNDI 17, MARDI 18. — Ayant mis de nouvelles jumelles d'un bois plus dur sur notre mât de misaine, à midi, présenté le petit mât de hune. A 6 heures 1/2, un bâtiment français venant d'Europe, mais parti depuis longtemps, a mouillé au pavillon. Le gouverneur a donné une fête à M. de Suffren, où était invitée toute la colonie ; on y a tiré un feu d'artifice. La nuit, le vent au S. E., petit frais. MERCREDI 19. — Il est entré deux bâtiments français venant d'Europe, partis depuis longtemps. Donné une demi-bande au côté bâbord. JEUDI 20. — Al heure, la Consolante, venant de Trinquémalay, a mouillé au pavillon, ainsi que deux marchands, dont l'un impérial et l'autre français. Nous avons embarqué de vieux canons pour lest. VENDREDI 21. — Nous avons achevé d'embarquer le lest en fer, faisant en tout le poids de 50 tonneaux. Achevé de gréer le mât de misaine. Travaillé à la cale et au calfatage. Depuis quelques jours, le vent a régné au S. E., petit frais. SAMEDI 22. — Le Sévère a mouillé pendant la nuit, venant de Trinquémalay. Nous avons maté un nouveau mât d'artimon. M. le Roux a donné une fête au général à son habitation. Continué à gréer, arrimer et calfater. DIMANCHE 23, LUNDI 24. — Notre gouvernail, qui avait été envoyé en radoub à terre, a été mis en place. Embarqué la vergue de misaine, qui a été jumelée à terre. Travaillé à faire de l'eau et des vivres. MARDI 25. — Achevé de gréer le grand mât et mât d'artimon; continué le travail de la cale, l'eau et le complément de 5 mois de vivres. Il est entré deux bâtiments, un impérial et un français. Nous avons su que l'Hermione était partie de Bourbon le 3 du courant. MERCREDI 26, JEUDI 27, VENDREDI 28. — Le vent étant prêt à mettre sous voile, les officiers de port sont venus à bord pour travailler DU BAILLI DE SUFFREN 579 à nous démarrer. Nous avons levé nos oeuvres et resté sur des amarrés Novembre du port. Laissé nos obusiers à terre. SAMEDI 29. — Le vent au S. E., petit frais. A 8 heures, nous avons présenté à la passe, et, à 9 heures, nous avons largué les amarrés, fait voile du petit hunier et perroquet de fougue, et nous avons mouillé, à 9 heures 1/4, au pavillon par 18 brasses, sable gris. Relevé le fort de Bois, S. E. 2° Est ; le fort Blanc, Sud; 1/4 S. E. 5° Est ; la terre la plus Ouest, S. O. 1/4 O. S. O. ; la terre la plus Nord, N. E. 1/4 Nord ; le coin de mire, N. E. A la même heure, la Cléopâtre, qui doit venir avec nous, est sortie du port et a mouillé près de nous. Débarqué tous les noirs. A 9 heures, il a mouillé un bâtiment français. Un suédois,' allant à Bourbon, a salué de 9 coups de canon ; rendu 5. A 6 heures, le général est venu à bord et a été salué, en partant de la place, de 21 coups de canon. Tous les vaisseaux que nous laissons doivent, après avoir été mis en état, faire route pour la France, chacun pour le port qui lui est destiné. L'Artésien et le Sphinx ont été virés en quille et seront prêts à partir bientôt ; le dernier a changé sa mâture et a pris celle de l'Alexandre. Le Flamand aura peut-être besoin d'un radoub considérable ainsi que la Pourvoyeuse. Le Sévère et la Consolante seront en état après quelques légers radoubs. Pour le Vengeur, on n'avait encore rien décidé ; s'il est jugé en état d'aller en Europe, ce ne peurra être que fort tard; vu les réparations qu'il exigera. Nous avons pris les matelots des départements de la Méditerranée qui étaient sur les autres vaisseaux et donné en échange ceux du Ponent que nous avions à bord. A 11 heures 1/2, nous avons mis sous voile avec la Cléopâtre et fait route pour le cap de Bonne-Espérance. Mis le cap à O. N. O., vent à l'E. S. E., petit frais. A 11 heures 3/4, embarqué tous les bâtiments à rames et mis le cap à l'O. S.' E. à minuit. DIMANCHE 30.—Le vent au S. E., joli frais; Route à l'O. S. O. A 2 heures, gouverné au S. O. A 5 heures 1/2, relevé lé morne Braband, S. E. 0° Est la terre la Novembre 1783 Départ de l'Ile-de-France. 580 JOURNAL DE BORD Novembre 1783, plus Nord, N. E. 1° Est corrigé ; la terre la plus Sud, S. E. 1° Sud ; distant du morne Brahand 5 lieues. Vent variable du S. E. au S. S. E. Route au plus près, bâbord amures. A 6 heures, fait route au S. O. 1/4 Sud. A midi, lat. observée 20° 57' 37" ; longit. arrivée 54° 15' ; route corrigée S. O. 4 Sud 1° Sud, 11 lieues 1/2. — W. par azimut 13° 56' N. O. Depuis 7 heures du matin, que nous avons relevé le morne Braband, à l'Est 1/4 N. E. ; distant 8 lieues; vent au S. E., joli frais. Route au S. O., à 5 heures 3/4. Vu l'île Bourbon à l'Ouest 1/4 N. O., 8 lieues. Au soleil couché, relevé la pointe Sud, Ouest 1/4 N. O., 8 lieues. — W. par azimut 14° 30' N. O. ; W. occase 14° 36' N. O. Décembre 1783. LUNDI 1er DÉCEMBRE. — Le vent au S. E., joli frais. Route au S. O. 1/4 Ouest. Route pour le cap de Bonne Espérance. A midi, W. ortive 16° 16' N. O. ; W. par azimut 16° 18' N. O. — Lat. observée 23° 15' 28" ; longit. estimée 52° 17' ; route corrigée S. O. 1/4 Sud 5° Ouest, 58 lieues. — W. par azimut 16° 46' ; W. occase 17° 1' N. O. A 1 heure Va, mis le cap au S. O. MARDI 2. — Le vent à l'E. N. E., joli frais. Route à O. S. O. A midi, W. ortive 17° 42' N. O. ; W. par azimut 17° 28' N. O. — Lat. observée 24° 48' 40" ; longit. estimée 50° 17' ; route corrigée S. O. 5° Ouest, 47 lieues 3/4. — W. par azimut 19° 31' N. O. W. occase 19° 58' N. O. Le vent au N. E., joli frais. A 2 heures, gouverné à l'Ouest 1/4 S. O. MERCREDI 3. — Vent au N. E. Route à l'Ouest 1/4 S. O. A midi, W. par azimut 20° 48' N. O. — Lat. observée 26° 43' 14"; longit. estimée 47° 6' ; route corrigée S. O. 1/4 Ouest, 69 lieues ; différence Sud 3 lieues 1/3; le cap Venerat reste N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest, 50 lieues. La route à l'Ouest. A 1 heure, grain de vent et pluie. A 5 heures, pris un ris dans chaque hunier. A 6 heures 1/4, le vent a passé au tenu le plus près, tribord amures. De 8 heures à minuit, vent variable N. O., petit et petite pluie. JEUDI 4. — Vent variable du N. N. O. au N. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 4 heures, largué les ris. A 9 heures, le vent ayant fraîchi, pris un ris dans chaque hunier. A midi, W. par azimut 22° 19' N. O. — Lat. observée 27° 50' 50"; DU BAILLI DE SUFFREN 581. longit. estimée ; 45° 35' ; route;corrigée S. 0. 5° Ouest, 35 lieues ; différence Nord 4 lieues 1/3. — W. par azimut 22° 8' W. occase; 21° 31' N. 0. Vent au N. O., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A 6 heures 1/4, largué les ris des huniers. De 8 heures à minuit, vent de joli frais. Route au plus près, tribord amures. VENDREDI 5. — Vent au N. O., petit frais, temps couvert. Route au plus près, tribord amures ; à 10 heures, vent à l'Ouest, viré lof pour, lof; pris bâbord amures et amené les huniers pour rider les haubans de hune. A 11 heures 3/4, hissé les huniers. A midi, W. ortive 12° 16' N. 0.; W. par azimut 22° 23' N. O. — Lat. observée 29° 0'; longit. estimée;; 44° 54'; route corrigée S. S. 0. 3° Ouest, 25 lieues 1/2; différence Sud 2 lieues; longit. observée à 9 heures du soir par une distance de la lune à Aldébaran 45° 13', — W. par azimut 22° 32' N. O. ; W. occase 22° 47' N. O. Pendant la journée,, le vent à 0. S. .0.; presque calme. SAMEDI 6. — Calme plat. A 8 heures, mis le bateau à l'eau pour observer les courants portant au S. E..1/2 noeud. A midi, W. ortive 33° 6' N. O. ; W. par azimut 23° 4' N. O. Calme plat. A 8 heures, le vent s'est déclaré au S. S, E., petit. Fait route à l'O, 1/4 N; O., et, à 5 heures 1/2, à. l'O. De 8 heures à minuit, vent d'E. S. E.,;joli frais Même route. DIMANCHE 7. —Vent à l'Est, petit frais. Route à l'O. N. O. A midi, W. par azimut 23°31' N.; Lat. observée 24° 43' ; longit. arrivée 43° 3' ; route corrigée Ouest 4° Sud,.26 lieues 1/2. Même vent; et route LUNDI Vent au S. E.. joli frais. Route, à l'O. A midi, lat. observée. 28° 42' 13"; longit. estimée 40° 40'. Route corrigée Ouest 1° Nord, 41 lieues. 1/3, vent au S. S. O.; route à l' W. ortive 24° 40' ; W. par azimut 25° 4' W. occase 25°. 10' N. 0. MARDI 9,— Vent au S, S. O.; à 2 au S. O; Route, à l'O. N. 0. A midi, W. ortive 25° 23' ; W. par azimut 25° 28'.N,0. — Lat. observée 28° 37' 20" ; longit. estimée 38° 38' 00"; route corrigée Ouest 3° Nord, 25 lieues 3/4; différence Nord 2 lieues 1/3. Vent au S. O., joli frais ; petits grains par intervalles, A 2 heures 1/2 pris le cap 0. 5° Ouest. A 3 heures 3/4; le 38 Décembre 1783 582 JOURNAL DE BORD Décembre 1783. vent ayant passé au Sud, gouverné à l'Ouest 1/4 N. O. De 8 heures à minuit, vent de S. S. E. MERCREDI 10. — Le vent au Sud, joli frais; grain par intervalles. Route à l'Ouest, toutes voiles dehors. A midi, W. par azimut 25° 47' N. O. ; lat. observée 29° 55' ; longit. estimée 35° 32' ; route corrigée O. S. O. 5° Ouest, 56 lieues 1/3; différence Nord 6 lieues 1/3. A 2 heures, mis le cap à l'Ouest 5° Sud,vent variable du Sud au S. E. JEUDI 11. — Vent au S. E., joli frais, Route à l'Ouest 5° Sud. A 2 heures, le vent a passé à l'Est, joli frais. A midi, W. par azimut 25° 42' N, O. — Lat. observée 30° 26'; longit. estimée 33° 27' ; route corrigée S. O. 1/4 Ouest 4° Ouest, 41 lieues 1/3; différence Nord 4 lieues 1/3. — W. par azimut 25° 34' N. O. Vent au N; E., joli frais. Même route. De 8 heures à minuit, variable du N. E. au N. O.; grain et petite pluie. Route pour le cap de Bonne-Espérance, VENDREDI 12. — Vent au Nord, joli frais ; temps couvert. Route à l'Ouest 5° Sud. A 2-heures, le vent a varié au N. N. O., frais, avec grain. A 5 heures, grain et pluie par intervalles. Pris un ris à chaque variable duN. N. O. à l'O. N. O. A 8 heures 3/4, le vent ayant varié à l'Ouest, viré de bord ; pris bâbord amures. A 8 heures, il a passé au S. O., joli frais, toujours par grain. A midi, W. par azimut 25° 18' N. Lat. observée 31, 56' 52" ; longit. estimée 31° 43' ; route corrigée 1/4 Ouest, 56 lieues. — W. par azimut 25° 14' N. O. Vent au S. O., joli frais. Route au plus près, bâbord amures, sous les 4 voiles majeures ; la mer houleuse. De midi à 4 heures, vent variable du S. O. au S. S. O., joli frais par rafales. A 9 heures, le vent ayant molli, cargué les ris des huniers. De 9 heures à minuit, vent variable du S. S. O. à l'Ouest, petit. SAMEDI 13. — Vent variable de l'O. S. O. au S. S. O., presque calme ; la mer grosse. Route au plus près, bâbord amures. A midi, W. par azimut 25° 20' N. O. — Lat. observée 31° 20'; longit. estimée 29° 7' ; -route corrigée O. N. O. 2° Nord, 29 lieues 2/3 ; différence Nord 2 lieues 1/3. La pointe Nord de la rivière Saint-Christien O. N. O., 20 lieues. Vent à l'Ouest, petit, au plus près, bâbord amures. A 4 heures 1/4, pris tribord amures. De 6 heures à minuit, calme plat. DU BAILLI DE SUFFREN 583 DIMANCHE 14.— A minuit, le vent s'est déclaré à l'Est, petit ; nous avons gouverné à l'Ouest 1/4 S. O. A 8 heures, il a fraîchi dans la même partie ; grosse mer du S. O. A midi, point de hauteur. W. par azimut 25° 20' N. 0. — Lat. estimée 31° 29'; longit. estimée 28° 31' ; route estimée Ouest 1/4 S. O. 5° Sud, 11 lieues; la pointe Nord de la rivière Saint-Christien reste N; O. 5° Nord, 15 lieues ; longit. observée 32° 13'. Jusqu'à minuit, vent variable de l'E. S. E. à l'Est, petit. LUNDI 15. — Calme plat. A l heure 3/4, le vent s'est décidé au S. O., presque calme ; grosse mer. Route au plus près, bâbord amures. A midi, pris hauteur. W. ortive 25° 34' N. O.; W. par azimut 25° 28' N. O. — Lat. observée 31° 43' ;. longit. estimée 27° 16' ; longit. observée à 6 heures 1/2 31° 28' ; à 8 heures 42 du matin 31° 24'; depuis samedi, route corrigée Ouest 1/4 S. O. 3° Sud, 32 lieues 1/3. Par la longitude estimée, nous sommes à 2 lieues de terre. De midi à 4 heures, vent variable du S. O. au S. S. O., petit. La Cléopâtre a forcé de voiles pour chasser la terre. Continué à courir à l'Ouest 1/4 S. O. De 8 heures à minuit, calme. W. par azimut 25° 26' N. O. ; W. occase 25° 26' N. O. MARDI 16. —A minuit 1/4, le vent s'est décidé à l'E. N. E., petit frais. Route à l'Ouest. A midi, lat. observée 32° 16' ; longit. estimée 26° 3' ; longit. observée pour midi 29° 25' ; route corrigée O. S. O. 3° Ouest, 22 lieues ; différence Sud 2 lieues 1/3.— W. ortive 26° 3' A 8 heures, fait routé à l'Ouest 1/4 S. O.; vent d'E. N. E., joli frais. MERCREDI 17. — Le vent à l'E. N. E., joli frais. Route à. l'Ouest 1/4 S. O. A 4 heures, fait route à l'O. N. O. pour découvrir la terre. A 4 heures 3/4, le vent a varié à l'O. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures, vent à l'Ouest, petit frais; pris bâbord amures. A 9 heures 3/4, il a varié au S. S. O., petit frais. Route à l' 0. A midi, lat. observée 23° 57' ; longit. estimée 23° 4' ; longit. observée à 8 heures, réduite pour midi 26° 32'; depuis l'observé du 15 27° 17' ; d'après l'observée du 16 27° 2' ; route corrigée S. O. 1/4 Ouest, 62 lieues 1/2; différence Sud 10 lieues 1/2. — W. par azimut ; 25° 18' N. O.; W. occase 25° 4' N. O. Décembre 1783. 584 JOURNAL DE BORD Décembre 17S3. Sur l'observation d'aujourd'hui, la rivière des. Infantes me reste N. N; O., 20 lieues. Des observations faites par M. le chevalier, de la Tour du Pin se rapportent à peu de chose près avec celles de M. de Moissac. ... Le vent au S. S. O. et S. O., petit frais. Route à l' O. A 4 heures, la, Cléopâtre étant, à 2 lieues en- avant de l'escadre, a signalé la terre; peu après, nous l'avons découverte sous le vent à nous, distante d'environ 10 lieues. Cette différence Est que nous avons eue dans notre estime est extraordinaire, M. Dapris et. les autres navigateurs faisant porter les courants avec force à l'Ouest. A 5 heures 3/4, la Cléopâtre passant à poupe, nous a dit avoir sondé et. trouvé fond à 100 brasses. Le général lui a ordonné de sonder à 2 lieues en avant et de lui signaler le fond lorsqu'il y aurait 50 brasses, A 8 heures, le vent a passé au S. S. O. Gouverné à l'Ouest 1/4 N. O. JEUDI 18. — Le vent au Sud, presque calme. Sondé et trouvé 60 brasses, sable vaseux; à 4 heures 1/2, 75 brasses, même fond. Au jour, vu la terre à 10 lieues. A 9 heures 1/2, le vent s'est déclaré à l' A midi, W. ortive 24° 57'. N. O. — Lat. observée 24° 10' ; longit. par le relèvement 24° 6' ; route corrigée S. O. 1/4 Ouest, 20 lieues ; relevé le cap des Récifs N. O. 2° Ouest, 6 lieues. Vent au S. E., petit à l'Ouest 1/4 Au soleil couché, relevé la terre la plus Ouest, Ouest 1/4 corrigée ; distance de terre 5 lieues. A 11 heures, sondé, trouvé 65 brasses,, sable rougeâtre mêlé de petit gravier. VENDREDI 19. — Le vent à l'Est, petit frais ; beau temps. Route à l'Ouest 1/4 N. O. A 8 heures, calme; trouvé 70 brasses, sable et petit gravier. A la même heure, mis le petit bateau à la mer pour observer les courants. A 9 heures, le vent s'est déclaré au S. E. Le bateau a pêché un gros poisson assez ressemblant au merlan. Le capitaine de la Cléopâtre est venu à bord. A midi, lat. observée 34° 29' ; longit. par le relèvement 22° route corrigée Ouest 1/4 S. O. 3° Sud, 27 lieues 1/3 distant de terre 12 lieues 1/2. — W. par azimut 24° 6' N...0. Vent au Sud, petit frais. Route à l'Ouest 1/4 N. 0. SAMEDI 20. — Vent à l'Est, joli frais, Route à l'Ouest 1/4 N, O. A 5 heures 1/4, mis le cap à l'O. N.. O. Appelé la Cléopâtre, à laquelle, DU BAILLI DE SUFFREN 585 le général a ordonné de forcer de voiles pour aller reconnaître le cap des Aiguilles et le lui signaler. A midi, lat observée 35° 3' ; longit. 19° 33' ; route corrigée Ouest 1/4 S. 0. 2° Sud, 50 lieues ; différence Sud 2 lieues 2/3. Le cap des Aiguilles me reste à l'Ouest l° Nord; 29 lieues. Le vent à l'Est, joli frais; gouverné au N. O. 1/4 Ouest. A 3 heures, mis le cap à l'O. N. O. Au soleil couché, relevé la terre la plus Ouest ,N. O. 1/4 Ouest. - W. occase 23° 26' N. O. La Cléopâtre, à 4 lieues de l'avant à nous, n'a fait aucun signal ; cependant nous avons mis le cap à l'Ouest 1/4 à 7 heures 1/,2 pour passer au sud du cap des Aiguilles. A 8 heures 1/2, le vent étant très frais, grosse mer; pris des ris dans les huniers. Vent à l'Est. DIMANCHE 21. —Le vent à l'E. bon frais. Route à l'Ouest 1/4 N. O., sous les huniers et la misaine. A I heure, mis le cap à l'O. N. O. A 4 heures 1/4, mis le cap au pour repiquer à terre. Au jour, nous n'avons point vu la Cléôpâtre ni la terre. A; 9 heures 1/2, mis le cap au Nord 1/4 et, à 10 heures, au N. N. E., pour découvrir le cap de Bonne-Espéranee. ... A midi, lat. observée 34° 18'; longit, estimée-; 16° 28'; Toute corrigée Ouest 1/4 N. O, 5° Nord, 53 lieues 1/3; différence Sud 3 lieues 1/3. Par le point, nous nous trouvons avoir dépassé le cap de BonneEspérance. La Cléopâtre ne nous ayant point signalé, hier au soir, le cap des Aiguilles, nous croyons en être plus loin ; il faut cependant que ce. fût la terre que nous avons relevée, au soleil couché, au N. O. 1/4 Ouest. Vent au S. E., petit. Route au plus près du vent, tribord amures, pour nous, approcher, de Table-Bay. A 3 heures 1/2, vent au N. E., petit; belle mer,' avec brume. Routé à l'E. S. E., toutes voilés dehors. LUNDI 22. — Le vent au N. N. E., petit frais. Route à l'E. S. E. A 1 heure 1/2, pris tribord amures. A 3 heures 1/4, reviré; pris bâbord amures; temps brumeux. Nous avons tiré nos coups à 5 heures 1/2, pour connaître si nous étions près de terre; nous l'avons en effet entendue résonner. A 5 heures. 3/4, viré de bord; pris les amures à tribord et resté sous les huniers, en attendant que la brume fût dissipéé. A 6 heures, nous avons tiré un autre coup de canon et entendu Décembre 1783. 586 JOURNAL DE BORD Décembre 1783. également résonner la terre. A 7 heures, nous l'avons aperçue, restant à l'Est. Nous avons viré de bord ; pris bâbord amures. A 7 heures 1/2, la brume s'étant dissipée, nous avons relevé la montagne de la Table, Est 5° Nord ; la croupe du Lion, Est 5° Est le tout corrigé ; l'île Robben, E. N. E. 4° Nord ; distant de terre 5 lieues. Vent à l'E. N. E. Route au plus près, bâbord amures. A 11 heures, le vent a varié au N. O. ; établi des bonnettes. A midi, lat. observée 33° 55' ; longit., 25° 63'. Relevé la Table, E. S. E. 5° Sud; la tête du Lion, E. S. E. 1° Sud le tout ; l'île Robben, E. N. E. 5° corrigée ; Huot-Bay, S. E. 1/4 Sud 5° Sud ; la pointe des Pendus, Est 1/4 S. E. 1° Est ; distant de terre, 3 lieues. Mouillé à Table-Bay. ; A 3 heures 1/4, nous avons mouillé dans la baie de la Table par 9 brasses 1/2, fond sable gris fin. Relèvement la pointe aux Pendus, O. N. O. ; la pointe Nord de la Table, S. O. ; la tête du Lion, O. S. O. ; l'île de Robben, N. N. O. 5° Nord ; le fort Blanc, S. O. 1/4 Ouest 5° Ouest ; le milieu du fort de la ville, S. S. O. ; distant du fort Blanc, 1/2 lieue. Nous avons trouvé audit mouillage 37 bâtiments, desquels sont l'Illustre et le Hardi, arrivé depuis le 16 courant avec beaucoup de malades et ayant eu plusieurs morts clans la traversée ; — 5 marchands impériaux ; — 2 russes ; — 6 français ; — 2 danois ; — 8 hollandais, — et la division anglaise de l'escadre de l'Inde, que nous avions rencontrée dans les parages de la ligne, sous le commandement du commodore King et composée des 9 vaisseaux suivants Héro, 74, Cumberland, 74, Monarcha, 70, Sceptre, 64, Exeter, 64, Europa, 64, Inflexible, 64, Africa, 64, Magnanime, 64, et des frégates, le San-Carlos, 40, Naïade, 22, Sea-Hone, 20. Le Sceptre avait été démâté de tout mât sur le banc des Aiguilles, et l'Exeter, faisant beaucoup d'eau, devait être condamné, et sa mâture servir au Sceptre. Ils avaient prodigieusement de malades et avaient établi des hôpitaux sur l'île Robben. Une corvette hollandaise avait apporté depuis quelques jours les préliminaires de paix avec l'raité préliminaire avec la Hollande. DU BAILLI DE SUFFREN 587 la Hollande, mais on n'avait encore aucune nouvelle que les traités définitifs avec les autres puissances eussent été conclus. M. le comte de Louvray, commandant les troupes françaises et M. Percheron, agent de France, sont venus à bord, et le dernier a été salué en débordant de 9 coups de canon. Nous avons affourchè avec une grosse ancre N. E. et S. 0. Les vents du Sud étant les plus forts, dans cette saison, on mouille l'ancre de la plus forte touée au S. 0., pour pouvoir filer. Pendant la nuit, les vents au Sud ; presque calme. MARDI 23. — Vent au N. 0., petit ; temps brumeux. Au jour, nous avons calé les mâts de hune et salué la place de .15 coups de canon, laquelle a rendu coup pour coup. A 8 heures 1/4, le général est descendu à terre et a été salué par la place de 21 coups de canon ; la garnison sous les armes faisait haie depuis le débarcadère jusqu'à la maison qui lui a été destinée par la Compagnie, où le général s'est établi. Nous avons mis une vingtaine de malades à terre et envoyé la chaloupe à l'eau. A 5 heures, le vent a passé au S. S. E., joli frais. A 5 heures 3/4 un bâtiment français a mis sous voile pour l'Ile-deFrance et a salué de trois cris de vive le roi !.,»; rendu un. Toute la nuit, calme. Le général ne compte pas faire un long séjour- dans le port ; dès que notre eau sera faite, nous mettrons sous voile. Les équipages sont aux vivres frais. MERCREDI 24. — Le vent au petit. Nous avons porté l'ancre d'affourche plus près de la ville, car nous étions trop près de l'Illustre et nous nous étions abordés dans des changements de vent. Notre ancre d'affourche étant mouillée dans le S. 0. par 6 brasses, nous l'avons empennelée. A midi 1/4, la Cléopâtre a mouillé dans la baie. Ne nous ayant-pas vus le inatindu 21, il avait cru que nous avions mis en panne la nuit, pour ne point dépasser le banc des Aiguilles, et nous avait attendus deux jours. Dans l'après-midi, le commodore anglais avec tous ses capitaines a été faire une visite au général dans sa maison à terre. A 5 heures 1/4, un Bâtiment français a mis sous voile pour la France. La nuit, calme. JEUDI 25. - Vent E., Nous avons mis sur le côté tribord pour frotter la flottaison et toucher une voie d'eau que nous avons de l'avant en dessous des porte-hauban de bâbord. À 7 heures 1/4, le décidé au N. 0., petit; brume épaisse. Il est entré Décembre 1783. 588 JOURNAL DE BORD Décembre 1783. un navire anglais, venant de se radouber à la baie de Saldahna. A 9 heures, appelé à l'ordre. La nuit, calme. VENDREDI 26. — Vent au N. E., calme ; beau temps. A 10 heures 3/4, il est entré une frégate anglaise de 28, nommée l' Eurydice, capitaine Courtnay, venant d'Europe, partie de Plymouth le 11; elle apporte le traité définitif et des paquets, pour l'amiral Hughes. Elle, doit mettre à la voile sous peu de jours pour Madras. A 2 heures, il est entré français venant de Lorient, mais parti depuis longtemps. Le général a été rendre la visite au commodore anglais. A 3 heures 1/2, le vent a varie au S. O., joli frais. Pendant la nuit, vent au S. O. et N. O., petit. SAMEDI 27. — Le vent au N. O., petit frais; brume épaisse. A 8 heures, elle s'est dissipée. A 9 heures, la frégate anglaise la Sea-Hone a mis sous, voile pour l'Europe. A midi, le vent a varié à l'Ouest, bon frais. La nuit, vent au Sud, bon frais. DIMANCHE 28. — Vent au Sud, bon frais ; temps clair. A 1O heures, la frégate anglaise la Naïade a mis sous voile et a été mouiller à l'île Robben. Les bâtiments à rames vont très difficilement à terre à cause de la mer, que lève le vent de Sud. Il est entré un bâtiment français, qui a mouillé, à bout de bordées, dans les fonds N. E; de la baie. Le vent toujours joli frais, des rafales très fraîches 1. LUNDI 29. — La nuit, vent au Sud et S. E., bon frais ; il a faibli dans la matinée; à 6 heures, petit vent au Nord. Le François, arrivé hier, a mis pavillon en berne pour demander du secours, étant mouillé très près de la côte ; nous lui avons envoyé des ancres et des grelins pour se tirer au large. A 7 heures du soir, il a mouillé près de nous. Le vent a passé au Sud, joli frais. MARDI 30. — Au jour, calme ; temps clair. A 5 heures, vent au S. E., petit frais. Dans l'après-midi, l'Annibal et l'Ajax, venant de 1. Lettre de M. de Suffren à Mme d'Alais Ce 38 décembre 1783. — Depuis ma lettre écrite, ma chère amie, j'ai passé aux isles., où j'ai été 16 jours. Je te ferais tourner la tête si je te racontais la façon dont ou m'a reçu. Mais ce qui m'a fait le plus de plaisir, et d'y avoir trouvé plusieurs lettre de toy et d'assez fraîche date, c'est-à-dire de six mois. Tu sçavais ce qui s'est passé depuis le siège de Trinquémalay. A l'Isle-de-France j'ai esté assommé de vers et. de chansons. L'es bons Hollandais m'ont reçu icy comme leur libérateur et le propriétaire de Constance surtout s'est distingué. Mais parmi les hommages qui m'ont le plus flatté, il n'y en à point qui m'aient fait plus de plaisir que l'estime et la considération que m'ont témoignées les Anglais qui se trouvent icy. Si M. de Broves n'estait pas mort, il mourrait de jalousie..... » Ortolan, Monit. Univers. 5 nov. 1859. DU BAILLI DE SUFFREN 589 Trinquémalay, ont mouillé dans la baie. Ils ont perdu beaucoup de monde dans cette longue traversée et ont un grand nombre de malades. M. d'Aymar, porté le guidon blanc et M. de Bruyères, le guidon blanc et bleu. Un vaisseau hollandais, ayant mis sous voile à 4 heures 1/2, a abordé le Monarcha, et a eu son beaupré casse, ce qui l'a obligé de remouiller. A 9 heures 1/4, le vent a varié au Sud, bon frais, venant. par rafales. MERCREDI 31.—Vent au N. N. 0. petit frais ; beau temps. Au jour, nous avons envoyé du monde à l'Annibal pour lui aider à mettre sous voile pour s'approcher ; a 6 heures, il a mouillé près de nous. A 2 heures 1/2, il est entré un impérial. La nuit, vent au venant par rafales. JEUDI 1erJANVIER.. — Le vent au Nord; petit frais; beau temps. A 1 heure après-midi, il est entré deux bâtiments de la Compagnie hollandaise, venant d'Europe ; ils n'ont donné aucune nouvelle. Nous avons guindé les mâts de hune et basses vérgues, le général étant dans l'intention dé mettre sous voile après demain. A 4 heures, le vent à varié au Sud, joli frais ; pendant la nuit; il a soufflé au S. E., petit. VENDREDI 2. —- Le vent au Sud, joli frais. A 4 heures, nous avons désempennelé ; à 7 heures 1/2 ,déferlé le petit hunier; tiré un coup de canon de départ. Vent au joli frais; A 4 heures 1/2, nous avons désaffourché. A 7 heures, le général est revenu à bord. A 8 heures 3/4, un bâtiment français, venant de l'Ile-de-France, a mouillé dans la baie. La Cléopâtre doit appareiller avec nous et faire route pour Brest. Les vaisseaux que nous laissons partiront à mesure que leurs malades seront rétablis. SAMEDI 3. —Vent au Sud, joli frais ; temps beau Au jour, presque calme. A 5 heures 1/2, nous avons appareillé et fait route pour l'île Robben et la terre ferme, laissant l'île à bâbord. A 6 heures 1/2, embarqué les bâtiments à rames. A 6 heures 1/4, appelé la Cléopâtre, à laquelle le général a donné ses paquets et ordonné de faire route pour Brest. A 7 heures 3/4, vent variable, presque calme. Nous avons mouillé par 10 brasses, cailloux et sable. La Cléopâtre a continué sa route pour laisser l'île Robben à bâbord Relevé en passant l'île Robben, Ouest, 3/4 de lieue ; à midi, lat. observée 33° 40' ; long, estimée 15° 52' ; relevé l'île Robben, S. E. 5° Sud. 3 lieues ; la croupe du Lion, S. S. E. 5° Est corrigé ; la Table, S. S. E. 2° Est.— W. par azimut 22° 8' Décembre 1783 Janvier .1784.. Départ de Table-Bay. Route pour la France. 590 JOURNAL DE BORD Janvier 1784. Le vent à l'O. S. O. Route au N. N. O. A 1 heure Va, pris le plus près pour éloigner l'île d'Assem ; le vent petit, la mer houleuse. Nous nous en approchions beaucoup. A 3 heures 3/4, sondé, trouvé 45 brasses, sable vert ; à 4 heures, 50 brasses, même fond. A 6 heures, viré de bord ; pris bâbord amures. A 7 heures, relevé l'île d'Assem, Nord 1/4 N. O. 2° Nord; les brisants les plus en dehors. N. N. O. 2° Nord ; la croupe du Lion. S. E. 1/4 Sud 2° Sud; la montagne de la Table, S. S. E. 5° Est; distant de la terre 3 lieues. Vent au S. O., petit. Route au N. O. De 7 heures à minuit, même vent et route. DIMANCHE 4. — Vent au S. O., petit frais ; grosse mer ; temps couvert. Route au N. O. A l heure, mis le cap au N. N. O. Au jour, le vent a passé au Sud, joli frais. A midi, W. ortive 21° 45' N. O. ; W. par azimut 21° 56' lat. observée 32° 34' ; long, estimée 14° 32' ; route corrigée depuis hier 7 heures N. Nord, 20 lieues ; différence Nord 4 lieues 2/3. — W. par azimut 21° 48' N. O. Vent au Sud, joli frais. Route au N. N. O., toutes voiles dehors. LUNDI 5. — Vent au Sud, bon frais. Route au N. N. O. A midi, W. par azimut 21° 26' N. O. ; lat. observée 30° 2'; long, estimée 13° 38' ; route corrigée N. O. 1° Nord, 11 lieues ; différence Nord 3 lieues 2/3. — Même vent et route. MARDI 6. — Le vent au Sud, joli frais. Route au N. N. O. A midi, lat. observée 28° 8' ; long, estimée 9° 38' ; route corrigée 2° Nord, 52 lieues 1/2 ; différence Nord 2 lieues. — W. occase 21° 52' N. O. Le reste du jour et pendant la nuit, même vent et route, toutes voiles dehors. MERCREDI 7. — Vent variable du S. S. E. au S. O., petit frais. Route au N. N. O., toutes voiles dehors. A midi, lat. observée 26° 50' ; longit. estimée 8° 17' ; route corrigée N. O. 1/4 Nord, 34 lieues 1/2 ; différence Nord 4 lieues 2/3. — W. par azimut 20° 16' N. O. Vent au S. O. petit. Route au N. N. O. JEUDI 8. — Vent variable du S. O. au Sud, petit ; temps nuageux. Route au N. N. O. A 10 heures, changé la vergue de perroquet de fougue qui était avariée. DU BAILLI DE SUFFREN 591 A midi, W. ortive 19° 59' N, 0. ; W. par azimut 19° 56' N. 0.; lat. observée 25° 46' ; longit. estimée 7° 12' ; route corrigée 3° Nord, 29 lieues ; différence Nord 1 lieue 1/3. — W. par azimut 19° 44' N. 0. W. occase 19° 40' N. 0. Vent au S. 0., petit frais, Route au N. N. 0., le reste du jour variable du Sud au S. 0. Même route. VENDREDI 9. — Vent variable du S. 0. au Sud, petit frais. Route au N. N. 0. ; beau temps, belle mer. A midi, lat..observée 24° 9'; longit. estimée 5° 39'. Route corrigée N. 0. 4° Nord, 43 lieues ; différence Nord 3 lieues 2/3. — W. ortive 19° 30' N. 0. ; W. par azimut 19° 38' N. 0. Vent au Sud, joli frais. Route au N. N. 0., toutes voiles dehors. SAMEDI 10. — Vent au S. S. E., joli frais. Route au N. N. 0 À midi ; lat. observée 22° 29' ; longit. estimée 4° 2'; route corrigée N. 0. 2° Nord, 44 lieues 2/3 ; différence Nord 1 lieue 1/3. - W. par azimut 18°27' N. 0. ; W. occase 18° 27' N. O. Le vent au S. S. E., joli frais. Route au N. N. O., toutes voiles dehors ; bonnettes hautes et basses ; bâbord et tribord. Le reste du jour, même vent et route. DIMANCHE 11. —-Le vent au S. S. E., joli frais ; beau temps ; le cap au N. N. O. A midi, W. par azimut 18° 19' N. 0. ; lat. observée. 20° 59' ; longit. estimée 2° 40'; route corrigée N. O. 5° Nord, 37 lieues 1/2 ; différence Nord 2 lieues. LUNDI 12. — Vent au S. S. E., joli frais. Route au N. N. 0. A midi, lat. observée. 19° 21' ; longit. estimée 1° 11' ; route corrigée N. 0. 5° Nord; 42 lieues; différence Nord 1 lieue 1/3; — W. par azimut 17° 36' N. 0. ; W, occase 17° 30' N. O. Vent variable du Sud au S. S. E. Route au N. N. O. A 1 heure 1/4, mis le cap au N. 0. 1/4 Nord. MARDI 13. — Vent variable du Sud au S. S. E., joli frais. Route Nord. A midi, lat. observée 17° 55' ; longit. estimée occidentale 0° 41' ; route corrigée N. O. 1/4 Ouest 5° Nord 45 lieues 1/ 2. —W. par azimut 16° 32' N. O. ; W. occase 16° 45' N. 0. Même vent et route. MERCREDI 14.—Vent variable du Sud au S. S. E., joli frais. Route 0. 1/4 Nord. A 4 heures 1/2, grain de pluie dans la partie du S. E. Janvier 1785, 592 JOURNAL DE BORD janvier 1784. A 8 heures 1/2, longit. observée 1° 45'. A midi, lat. observée 16° 35' ; longit. estimée 2° 22' ; route corrigée N. O. 5° Ouest. 42 lieues ; différence Nord 1 lieue 1/3; — W. ortive 16° 36' N. O. ; W. azimut ! 16' 20' N O. A la même heure, mis le cap à l'Ouest; vent au S. S. E., joli frais. A 3 heures, route au Nord jusqu'à 6 heures, que nous avons remis le cap au N. O. V4 Nord. A 6 heures 1/2 il est tombé un homme à la mer ; aussitôt venu au lof sur bâbord, amené les bonnettes, coiffé toutes nos voiles et mis un canot à la mer ; l'homme a été sauvé..A 7 heures, rembarqué le canot et remis en route. Vent au S. S. E. et S. E., joli frais. JEUDI 15. — Le vent au S. ,S. E. et S. E.., joli frais ; temps couvert. Route au N.. O. 1/4 Nord. A 6 heures 1/4, eu un grain de pluie de la partie de l'Est ; vent variable E. à l'Est, joli frais ; à 7 heures, il a repassé au S. E. A 7 heures, longit. observée 4° 30 ; à midi, lat. observée 15° 5' ; longit. estimée 4° 10' ; route corrigée 4° Ouest, 46 lieues ; différence Nord 2 lieues 1/3 ; Sainte-Hélène me reste Ouest 5° Sud, 75 lieues. Vent au S. E., petit frais. Route au N. O. 1/4 Nord. A 1 heure 1/2, mis le cap au N. N. .0. A 2 heures 1/4, le vent a varié à l'E. N. E. A 3 heures, il a repris au S. E. Même route. VENDREDI 16. — Vent au Sud et S. E., petit frais. A midi, lat. observée 13° 41'; longit. estimée. 5° 25';, route corrigée N. O. 4° Nord, 37 lieues ; différence Sud 2 lieues 1/4. — 15° 18' N. O. ; W. par azimut 15° 16' N. O. Vent variable à l'Est. Même route. SAMEDI 17.— .Le vent au Sud et S. S. E.,petit frais. Route au N. N. O. A midi, lat. observée . 12° 34' ; longit. ..estimée 6° 21'; route corrigée N. O. 1/4 Nord 5° Ouest, 28 lieues 1/2 ; différence Sud 2 lieues 1/3. — W. occase 14° 43'N. O. Vent à l'Est, petit irais. Route au N. N. .0. .A lhéure, route au N. N. O. 6° Ouest ; petit vent, variable du S. E. à L'Est. DIMANCHE 18. — Vent variable du S. S. .E. et Est,; petit. Route au O. 5° Ouest. A midi, W. par azimut 14° 36' N. O. ; lat. observée 10° 31'; DU BAILLI-DE SUFFREN 593. longit estimée -7° 23' ; routecorrigée N. O. 1°, Nord, 29 lieues 1/2 ; différence Sud 1 lieue. Vent au S. S. E, petite frais. Mêmeroute. A 6 heures 1/4, le vent a varié au Sud et continué pendant la nuit. LUNDI l9,- Le vent au Sud, petit frais ; temps clair; Route au N. N. O. 5° Ouest. A midi, W. par azimut 14° 21' Lat. 10° 34'; longit. estimée 8°17' ; route corrigée N. 0 2° Nord 26 lieues différence Nord 1 lieue 1/3. — W. par azimut 14° 16' N. O. ; W, occase/ 14° 41' N. O A 2 heures, fait route au N. O. l/4 Nord, veut variable du S. S. O. au Sud, petit, et petite pluie MARDI 20.—Vent variable du E. au Sjd, petit ; temps beau. Route au N; O. 1/4 Nord. A midi, W. ortive 14° 30' N. O. ; W. par azimut 14° 16' — Lat. observée 9° 36' ; longit. estimée 9° 17' route corrigée l° Ouest, 27 lieues 1/4. A 2 heures 1/4, fait route au N. N. O. 5° Ouest. Vent au S. S. E., petit frais. MERCREDI 21. — Vent variable du Sud au S. S. E., petit frais. Route au N. N. Ouest, toutes voles dehors. A midi-, W. ortive 14° 15' N. Lat. observée 8° 35'; longit. estImées 10° 14' route corrigée N. O. 3° Nord, 28 lieues 1/4. — W. parazimut 14° 12' N. O. W. occase 14° 13' N .0. Vent au S. petit frais. Route au O. 5° Ouest. JEUDI 22. — Le vent du Sud au S. O. petit frais ; beau temps, belle mer. Route au N. N O. 5° Ouest. A midi, lat. observée 7° 41'; longit. estimée 11° 3' ; route corrigée N. O. 3° Nord, 24 lieues 1/3.—W. par azimut 14° 0' N; O.; 13° 58' N. O. Vent au S. S. E., petit frais. Même route. ... -, VENDREDI 23. — Le vent au Sad, joli frais ; le cap au.. N. N. 0.. 5° Ouest. A midi, W. par. azimut 13° 58' Lat. observée 6° 19' ; longit. estimée 12° 6' ; router corrigée N. 0. 3° Nord, 36 lieues. S. petit frais; dans l'après-midi, variable, du Sud au S. S. E., petit frais. Même route. Janvier 1784; 594 JOURNAL DE BORD Janvier 1784. SAMEDI 24. — Vent au S. S. E., joli frais. Route au N. N. 0., 5° Ouest. A midi, W. ortive 13° 57' N. 0. — Lat. observée 5° 8' ; longit. estimée 13° 22' ; route corrigée N. 0. 2° Nord, 32 lieues 1/3 ; différence Sud 1 lieue 2/3. — W. par azimut 13° 29' N. 0. ; W. occase 13° 39' N. 0. Même vent et route ; toutes voiles dehors. DIMANCHE 25. — Vent au S. S. E., joli frais. Route au N. N. 0. 5° Ouest. A midi, W. ortive 13° 16' N. 0. ; W. par azimut 13° 34' N. 0. — Lat. observée 3° 51' ; longit. estimée 14° 31' ; route corrigée N. 0. 1/4 Nord, 34 lieues 1/4; différence Nord 1 lieue 1/3. Même vent et route, toutes voiles dehors LUNDI 26. — Vent au petit frais. Route au 0. 5° Ouest ; à 6 heures, mis le cap au Nord 1/4 N. E. A midi, W. ortive 12° 40' N. 0. —Lat. observée 2° 24' ; longit. estimée 15° 23' ; route corrigée N. 0. 1/ 4 Nord 3° Nord, 34 lieues. Même vent ; mis le cap au Nord 1/4 N. E. A 2 heures, longit observée 19° 0'. — W. par azimut 12° 24' N. O. ; W. occase ; 12° 19' N. O. A 3 heures, mis le cap au N. N. E., même vent. MARDI 27. — Vent au Sud, petit frais. Route au N. N, E. A midi, lat. observée 0° 42' ; longit. estimée 15° 10' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 4° Nord, 36 lieues ; différence Sud 1 lieue 1/3 A 3 heures, longit. observée 19° 15', — W. par azimut 12° 16' N. O. ; W. ocease 12° 34' N. 0. A 4 heures, le vent a varié au Sud, petit. MERCREDI 28. — Vent au S. S. 0., petit frais. Route au N. N. E. Passé la ligne. A midi, W. 12° 46' N. 0. — Lat. observée septentrionale 0° 34'; longit. estimée 14° 58' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 1° Nord, 25 lieues 2/3. A 3 heures, longit. observée 19° 13. — W. par azimut 13° 4' N. O. Mis le cap au Nord 1/4 N. E. Depuis midi, vent Sud et S. S. O., petit. JEUDI 29. — Vent au S. S. 0., petit. Route au Nord 1/4 N. E. A midi, lat. observée 1° 43 Nord ; longit. estimée 15° 0' ; route corrigée Nord 2° Ouest, 23 lieues ; différence Sud 2 lieues 2/3. — W. par azimut 12° 30' N, 0. DU BAILLI DE SUFFREN 595 Vent au Sud. Route au Nord 1/4 N. E. A 2 heures, mis le cap au Nord. VENDREDI 30. — Le vent au S. S. O., joli frais. Route au Nord. A minuit 1/4, grain de pluie. A 5 heures 1/2, gouverné au Nord 1/4 N. O.; vent au S. O., joli frais. A 9 heures, vu un bâtiment de l'avant à nous, courant tribord amures. Nous avons arrivé au N. E. pour l'approcher. A 9 heures 1/2, nous avons gouverné au Nord, pris pavillon et flamme. Le bâtiment aperçu a mis pavillon portugais. A midi, W. par azimut 12° 50' N. O. — Lat. observée 3° 33' ; longit. estimée 15° 28'; route corrigée 1/4 3° Ouest, 37 lieues 1/2; différence Sud 3 lieues. Vent au S. O., petit. Route au Nord 1/4 N. O. A 1 heure, le vent a varié au N. N. O., petit, le plus près, bâbord amures. A 3 heures, calme ; à 3 heures 1/2, vent variable du Nord au N. N. O. ; petit frais, grain par intervalles ; à 8 heures, il a passé au S. O., petit frais ; à 9 heures 1/2, au N. N. O., presque calme. SAMEDI 31. '-— Vent variable dans la partie du N. O., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 1 heure, le vent a varié à l'O. S. O., petit frais. Route au Nord. A 2 heures, vent de avec pluie. A midi, lat. observée 4° 26 ; longit. estimée 15° 6'; route corrigée N. N. E. 2° Nord, 19 lieues ; différence Sud 3 lieues. A l heure, vent de O., avec pluie ; pris tribord amures. A l heure 1/2, vent à l'Ouest ; pris bâbord amures. A 6 heures, vent au Sud. Route au Nord. DIMANCHE 1er FÉVRIER — Vent au Sud, presque calme ; pluie continuelle. A 6 heures, mis le bateau à la mer pour observer les courants. A 7 heures, vent au S. E., petit. Route au Nord. A midi, point de hauteur. W. par azimut 12°.44' N. O. — Lat. estimée 4° 46' ; longit. estimée 15° 8' ; route estimée Nord 1/4 N. O. 5° Nord, 6 lieues 2/3. A la même heure, le vent a varié au N. E. ; pris le plus près les amures à tribord. LUNDI 2. — Calme plat. A 5 heures, vent au N. N. E., petit, pris les amures à tribord. A midi, hauteur. Lat. observée 4° 29' ; longit. estimée 15° 22' ; route corrigée depuis samedi Ouest 1/4 N. O. 4° Nord, 5 lieues 1/3 ; différence Sud 7 lieues 2/3. — W. par azimut 13° 18' N. O. Janvier .1784. Février 1784. 596 JOURNAL DE BORD Février 1785. Le vent au N. E. et N. N. E., presque calme. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures, vent au Sud, petit. Route au Nord. MARDI 3. — Vent au Sud, presque calme. . Route au Nord. A 7 heures, calme plat. A midi, W. par azimut 13° 26' Calme; A 1 heure, mis le bateau à la mer pour observer les courants. A 4 heures, le vent est venu au Sud, petit. Fait route au Nord; Le reste du jour, vent Sud et S. S. E., petit. Même route. MERCREDI 4. —Vent au Sud, petit. Route au Nord. A 9 heures, mis le bateau à la mer pour observer les courants. A midi, lat. observée 5° 31' longit. estimée 15° 46' ; route corrigée Nord 1/4 N. O. 3° Ouest, 11 lieues 2/3 ; différence Nord 1 lieue 1/3. — W. par azimut 13° 30' A 6 heures, vent variable de l'E. N. E. au S. E. JEUDI 5. — Le vent au Sud, petit ; presque calme. Route au Nord. A 4 heures, le vent a varié au N. O., petit frais. A midi, W. par azimut 12° 26' N. ,0. — Lat..observée; 5° 36' ; longit. estimée 15° 48' ; route corrigée Nord 1/4 N. O., 1,lieue 2/3 ; différence Sud 3 lieues 2/3. Calme. A 5 heures, le vent a varié au S. S. 0., petit frais ; à 6 heures, au petit, avec pluie; à 9 heures, vent variable du S. 0, au S. E.,petit ; temps couvert et orages par intervalles. VENDREDI 6. — Vent au S. 0., petit ; à 3 heures, à l'Ouest, petit frais. Route au Nord. A midi, lat. observée; 6° 19'; longit. estimée 15° 54'.; route corrigée Nord 1/4 N. O. 3° Nord, 14 lieues 1/3 ; différence Sud 2 lieues. A 2 heures 1/2, le vent a passé au Nord; pris tribord amures ; à 3 heures, il a varié à l'Ouest. Viré vent arrière ; pris bâbord amures. A 6 vent de N. N. E., presque calme ; pris les amures à tribord. A 7 heures, calme. A 9 heures, fait sonder sans trouver fond. Par les courants observés et par la variation il parait que nous avons été portés beaucoup dans l'Est. SAMEDI 7.— Vent à l'Ouest, variable au N. joli, frais; nuages et pluie par intervalles. A 3 heures 1/2, le vent a passé au Nord. Viré de bord, pris tribord amures. A 4 heures, pris bâbord amures ; à 4- heures Va, pluie jusqu'à 5 heures, que le vent a varié au Nord, petit frais ; à 6-heures 14, pris tribord amures. DU BAILLI DE SUFFREN 597 A midi, lat. observée 6° 44' ; longit. estimée 15° 58' ; route corri- ' gée N. 1/4 N. 0. 2° Nord, 6 lieues 1/2 ; différence Sud 00' ... Le vent au Nord, petit frais. Route au plus près, tribord amures. A 4 heures, vent variable du. Nord au N. O.; pris les amures à bâbord, même vent et route pendant la nuit. DIMANCHE 8. — Vent au N. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, sondé sans trouver fond. — W. par azimut 13° 50' N. O. A midi, lat. observée 7° 9' ; longit. estimée 15° 47' ; route corrigée N. N. E'. 1° Nord, 9 lieues 1/4 ; différence Sud 2 lieues 1/3 Vent au E., petit, au plus près, bâbord amures. A 2 heures, sondé sans trouver fond. LUNDI 9. — Vent à O. N. O., petit. Routeau plus près, bâbord amures. A l heure et à 3 heures 1/2, sondé sans trouver fond. A midi, W. ortive 14° 12' N. O; ; W. par azimut 14° 17' N. O.— Lat. observée 7e 48' ; longit. estimée 15° 43' ; route corrigée Nord 1/4 N. E. 3°.Nord, 13 lieues.; différence Sud 1/3. Vent à l'O. N. O., petit. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, trouvé fond par 70 brasses, gros cailloux ; à 3 heures 1/2, 65 brasses, sable gris fin et petites pierres noires ; à 4 heures, 65 brasses, sable blanc et gris; à 8 heures, point de fond, nous avons passé sans doute sur l'ancre du banc. Le reste du jour, vent Ouest, presque calme. MARDI 10. — Vent variable de l'Ouest à l'O. S. O., petit, au plus près bâbord amures, sondant, toutes les 2 heures sans trouver fond. A 5 heures 1/4, vent de N. N. O,,.petit. Viré de bord, pris A la nuit, W. par azimut 14° 12' N. O. - Lat. observée 8°8'; longit. estimée 16° 2' ; route corrigée N. O.. 1° Nord, 9 lieues 1/3différence Sud 4 lieues. Calme. Mis le bateau à la mer pour observer les courants portant au Sud 1/4 S. O., l noeud. 1/4. A 3 heures, embarqué le bateau ; calme. MERCREDI 11. - Le vent à l'O. N. O., presque calme. Route au plus près, bâbord amures. A 9 heures, mis le bateau à la mer. A midi, W. ortive 13° 50' N. O.; W. par azimut; 14° 8' lat. observée 8° 15' ; longit. estimée 16°4'. Route corrigée Nord 1/4 2° Ouest,. 2 lieues 1/3. Calme. A 5 heures 1/2, petit vent dé l'Ouest au S. O. Route au N. O. 1/4 Ouest. 39 Février 1785. 598 JOURNAL DE BORD Février 1784. Longit. observée 15° 35 ; W. par azimut 13° 55' N. O.; W. occase 14° 7' N. O. JEUDI 12. — Vent au S. O., petit. Route au N. O. 1/4 Ouest. A 2 heures 3/4, le vent ayant varié au viré de bord ; pris tribord amures. A 8 heures, le vent a passé au N. E. ; gouverné au 1/4 Ouest. A 10 heures, mis le bateau à la mer ; calme. A midi, W. par azimut 14° 18' N. O. ; lat. observée 8° 24' ; longit. estimée 16° 42'. Route corrigée Ouest 1/4 N. O. 1° Nord, 13 lieues ; différence Sud 1 lieue 2/3. A 2 heures, observé les courants portant à l'Est 1/4 S. E., 2/3 de noeud. A 4 heures, le vent s'est décidé à l'O. S. O., petit. Route au plus près, bâbord amures ; le reste du jour, même vent et route à l'Est 1/4 S. E., 3/4 de noeud. VENDREDI 13. — Vent au S. O., petit. Route au plus près du vent, bâbord amures. A midi, W. par azimut 14° 20' N. O. ; lat. observée 8° 52' ; longit. estimée 17° 69'. Route corrigée N. O. 1° Nord, 13 lieues. Vent à l'O. S. O., petit; mêmes amures. Pendant la journée, sondé sans trouver fond ; vent variable du S. O. au N. O., petit. A 9 heures, sondé, trouvé fond à 70 brasses, sable fin et rose. A la même heure, viré de bord ; pris tribord amures. A 11 heures, le vent a varié à l'Ouest, petit frais ; pris les amures à bâbord. SAMEDI 14. — Le vent à l'Ouest, petit frais. Route au plus près, bâbord amures. A 3 heures, trouvé fond par 130 brasses, sable vaseux ; à 3 heures 3/4, 155 brasses, même fond ; à 5 heures 1/2, 70 brasses, même fond. Le fond diminuant et ne connaissant point les parages, dont les cartes sont peu exactes, nous avons viré de bord ; pris tribord amures. Route au plus près du vent. A midi, lat. observée 9° 5' ; longit. estimée 17° 43' ; longit. observée 16° 30'. Route corrigée O. N. O. 1° Ouest, 11 lieues 1/2 ; différence Sud 2 lieues.—W. par azimut 14° 22' N. O.; W, occase 24° 8' N. O. Vent au N. variable, petit frais. Route au plus près, tribord amures. Le reste de la journée, petit vent au N. O. DIMANCHE 15. — Vent au N. N. O., petit frais. Route au plus près, tribord amures. A 8 heures Va, le vent a varié au Nord et N. N. E. ; fait route à l'O. N. O. DU BAILLI DE SUFFREN 599 A midi, lat. observée 8° 28'; longit. estimée 18° 37'. Route corrigée S. 0. 1/4 Ouest, 21 lieues 3/4 ; différence Sud 6 lieues. Vent au Nord et N. N. E., joli frais. Route au N. O. 1/4 Ouest. LUNDI 16. — Le vent au Nord, joli frais Route au plus près, tribord amures. A 6 heures, le vent a varié au N. N. E., joli frais. Route au N. 0. 1/4 Ouest. A midi, W. ortive 14° 12' N. O.; W. par azimut 14° 16' N. 0.; W. occase 12° 40' N. 0..; lat. observée 8° 38'; longit. estimée 20°15'. Route corrigée Ouest 1/4 N. 0. 1° Nord ,. 32 lieues Va ; différence Sud .3 lieues 2/3. Le vent au N. N. E, joli frais.. Route au N. 0. Le reste de la journée, vent variable du N. E. au N. N. E., joli frais. Même route. MARDI 17. — Vent au N. E., joli frais. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat; observée 9° 40' ; longit. estimée 22° 9'. Route corrigée N. O- 1/4 Ouest 5° Ouest,. 43 lieues ; différence Nord 2 lieues 2/3. — W. par azimut 13° 10' N. O.; W. occase 13° 6' Vent au N. N, E.,. joli frais, au N. 0.; à 7 heures, au N. O. 1/4 Nord. MERCREDI 18. — Le vent au N. E., joli frais. Route au N. 0. 1/4 Nord. A midi, lat. observée 11° 11'; longit. estimée 24e 17'. . Route corrigée N. O. 1/4 I° Nord, 51 lieues ; différence Nord 3 lieues. — W. ortive 12' 20' W. par azimut 12° 10'.'N. 0.; W. occase 12° 4' Vent au N. E. et E. N. E., joli frais. Route au N. JEUDI 19. — Le vent au N. E., joli frais. Route au plus près, les amures à tribord. A midi, lat. observée 12° 42'; longit. estimée 25° 54'. Route corrigée N. O. 1° Nord, 44 lieues. — W. ortive 11° 2' N. 0. ; W. par azimut 10° 41'N. O. Vent au N. E., joli frais. Au plus près, mêmes amures. VENDREDI 20. — Vent au N. E., joli irais. Route au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée -14° 21'; longit. estimée 27° 34'. Route corrigée N. O. 1° Nord, 45 lieues 3/4. — W. ortive ' 10° 20' N. O.; W. par azimut 10°'36' W. occase 10° 40' Février 1784. 600 JOURNAL DE BORD Février 1784. Même vent et route, toutes voiles dehors. A 5 heures 3/4, vu un bâtiment au vent à nous, faisant route au Sud ; peu après, il a arrivé sur nous; mais, ayant mis notre pavillon, il a repris sa route en hissant pavillon anglais ; il nous a paru frégate. Vent variable jusqu'à l'Ouest. SAMEDI 21. — Vent variable de l'E. N. E. au N. E., joli frais. Route au plus près, un quart largue, toutes voiles dehors. A midi, lat. observée 16° 8' ; longit. estimée 28° 55'. Route corrigée N. O. 1/4 Ouest 2° Ouest, 44 lieues 1/4. — W. ortive 10° 18' N. O. ; W. par azimut 10° 20' N. O. ; W. ocease 10° 54' N. O. Vent au N. E. variable à l'E. N. E., joli frais. Mêmes amures. DIMANCHE 22. — Vent au N. E. et à l'E. N. E., joli frais, au plus près, un quart largue, les amures à tribord, toutes voiles dehors ; beau temps; belle mer. A midi, lat. observée 15° 55 ; longit. estimée 29° 50'. Route corrigée N. N. O. 4° Ouest, 39 lieues 3/4; différence Nord 3 lieues 2/3. — W. ortive 10° 19' N. O.; W. par azimut 10" 40' N. O. ; W. occase 10° 37' N. O. Vent au N. E. et à l'E. N. E. ; le reste du jour, au N. E. ; même amures un quart largue. LUNDI 23. — Vent au N. E., petit, au plus près, tribord amures. A midi, lat. observée 18° 38' ; longit. estimée 30° 23'. Route corrigée N. O. 1/4 Nord 2° Ouest, 17 lieues 1/3.— W. ortive 10° 32' N. O. ; W. par azimut 10° 52' N. O. ; W. occase 10° 21' N. O. Vent au N. E. et à l'E. N. E., petit ; mêmes amures portant toujours un quart largue. MARDI 24. — Vent E. N. E., joli frais; grosse mer du N. N. O., un quart largue, l'amure à tribord. A midi, latit. observée 33° 19'; longit. estimée 31" 4'. Route corrigée N. N. O. 1° Nord, 36 lieues ; différence Nord 2 lieues 2/3.— W. ortive 10° 0' N. O. ; W. par azimut 10° 4' N. O. ; W. occase 10° 0' N. O. Même vent et route. Le soir, il a molli, presque calme, toujours grosse mer du N. N. O. MERCREDI 25. — Vent au N. N. E., presque calme; grosse mer du N. N. O., un quart largue, tribord amures. A midi, lat. observée 21° 11'; longit. estimée 31° 7'. Route DU BAILLI DE SUFFREN 601 corrigée Nord 3° Ouest, 17 lieues 1/3.—W. ortive 9° 0' N. O. ; W. par azimut 9° 20' N. O. ; W. occase 8° 40' N. O. Vent au N. E., presque calme, variant à l'E. N. E..Toujours les mêmes amures, un quart largue. JEUDI 26. — Vent .à l'E. N. E., petit ; mer de N. N. O. ; tribord amures, un quart largue. A midi, lat, observée 21° 57'; longit estimée 31° 42'. Route corrigée N. O. 1/4 Nord 2° Ouest, 18 lieues 1/2. — W. ortive 8°48' N. O. ; W. par azimut 8° 40' N. O. Vent N. E. et E. N. E., joli frais ; mêmes amures. VENDREDI 27. — Vent au ;N. E., joli frais; temps couvert; un quart largue, tribord amures. Au jour, il a molli. A 11 heures, vu un bâtiment à trois mâts, faisant route au Sud. Nous avons mis pavillon; mais il n'y a point répondu. A midi, W. par azimut. 8° 27' N. O. ; lat. observée 22° 59' ; longit. estimée 32° 35'. Route corrigée N. O. 1/4 Nord 5° Nord, 26 lieues 2/3 ; différence Sud 2 lieues 1/3. Vent petit; mêmes amures; grosse mer de N. O. A 2 heures 1/4, vu un autre bâtiment au vent à nous. Nous avons mis pavillon et ledit bâtiment à fait route sur nous ayant pavillon anglais. A 3 heures 3/4, nous avons viré de bord pour l'approcher, et nous avons envoyé un canot à bord avec un officier ; il était parti de Cork, en Irlande, le 18 janvier et allait à la Barbade. Sa longitude estimée est de 35° ; il n'a donné aucune nouvelle intéressante. A 5 heures 1/2, embarqué le canot, viré vent arrière et pris les amures à tribord, un quart largue. Vent à l'est, presque calme. . SAMEDI 28. — Le vent à l'E. N. E., presque calme, les amures à tribord, courant un quart largue. A midi, lat. observée 23° 36'; longit. estimée 32° 53'. Route corrigée N. N- O.,,12 lieues 1/2. , Même vent et route. DIMANCHE 29. — Vent variable de l'Est au N. E., petit, courant un quart largue, les amures tribord. Au jour, le vent a fraîchi à l'E. N. E. A midi, lat. observée 24° 16'; longit, estimée 33° 20'; route corrigée N. O. 1/4 Nord 1° Nord, 15 lieues 2/3; différence Sud 3 lieues. — W. par azimut 9° 40' N- O. ; W. occase 9° 30' N. O, Même vent et même route. Février 1784. Route pour la France. 602 JOURNAL DE BORD Mars 1784. LUNDI 1er MARS. — Le vent à l'Est, presque calme, courant un quart largue, tribord amures. Mer de N. N. O. A midi, lat. observée 24° 51' ; longit. estimée 33° 40' ; route corrigée N. O. 1/4 Nord 5° Nord, 13 lieues 1/3; différence Sud 1 lieue 1/3. — W. par azimut 10° 56' N. O. ; W. occase 10° 50' Vent au N. E., presque calme, même amures, un quart largue. MARDI 2. — Le vent à l'Est, petit, les amures à tribord, un quart largue. A 10 heures, mis le bateau à la mer. A midi, W. par azimut 11° 8' N. O. ; W. occase 11° 25' N. O. Calme plat. A 4 heures, vent au N. N. E., très petit ; mêmes amures ; dans la soirée, il a varié à l'Est, presque calme. MERCREDI 3. — Le vent à l'E. S. E., presque calme; un quart largue; les amures à tribord; grosse mer du N. N. O. A 9 heures 1/2 le vent a passé au S. S. O. Route au N. E. A midi, W. ortive 10° 35' N. O. ; W. 10° 40' ; lat. observée 25° 15' ; longit. estimée 33° 52' ; route corrigée Nord 1/4 N. O. 3° Ouest, 1 lieue; différence Sud 2 lieues 2/3. Calme. A 1 heure, le vent s'est décidé dans la partie du N. O. Route au N. E. JEUDI 4. — Le vent au Nord, presque calme ; un quart largue, bâbord amures, grosse mer du vent. A midi, lat. observée 25° 17' ; longit. estimée 33° 46' route corrigée E. N. E. 2° Est, 2 lieues; différence Sud 1 lieue. — W. ortive 10° 52' N. O. ; W. par azimut 10° 40' N. O. ; W. occase 10° 35' N. O. Le vent au N. N. O., presque calme au plus près, bâbord amures ; grosse mer du même vent. Changé le grand hunier. VENDREDI 5.— Vent variable du N. O. au N. N. O., petit; grosse mer. A 6 heures 1/2, s'étant décidé au N. O., fait route au N. E. A midi, lat. observée 25° 43'; longit. estimée 33° 47'; route corrigée N. E. 1/4 Est 2° Nord, 14 lieues 1/3. Même vent et même route, toutes voiles dehors. SAMEDI 6.—Vent au N. N. O., grosse mer; un quart largue, bâbord amures. A midi, lat. observée ; 26° 9' ; longit. estimée 32° 33' ; route corrigée N. E. 5° Est, 13 lieues 1/2. — W. ortive 9° 40' N. O. ; W. par azimut 9° 42' N. O. ; W. ocease 9° 48' N. O. Le vent au N. O., presque calme à midi. A 6 heures, vent au DU' BAILLI DE SUFFREN 603 N. N. O., presque calmé; à 8 heures, au N. N. O., viré vent arrière, pris tribord amures, et, à minuit, calme. DIMANCHE 7. — Calme. A minuit 6', éclipsé de lune, l'émersion à 2 heures 26'. Nous avons pour longit.. observée 34° 45'. heures, vent au S. E,, petit. Route au N. E. 1/4 Nord. A 9 heures, le vent a passé au Sud. Fait route au N. E. . A midi, lat. observée 26° 24' ; longit. estimée 32° 22' ; longit. observée à 2 heures 26' du matin 34° 45'; route corrigée N. E. 1/4 Nord 3° Nord, 6 lieues. Même vent et même route. De midi à 4 heures, vent au" S. S. O., petit frais. A 1 heure, vent à l'O. S. O. LUNDI 8. — Calme. A 6 heures 3/4, vent d'O. S. O , petit ; route au N. E. De 8 heures à midi, vent d'O S. O., petit; même route. A midi, lat. observée 26° 55' ; longit. estimée 31° 59'. Route corrigée N. E. 1/4 Nord,. 12 lieues. Mis le cap au N. E. 1/4 Nord, toutes voiles dehors; bonnettes hautes et basses. De 8 heures à minuit, vent au S. O., petit ; même route. MARDI 9.— Le vent au S. O., joli frais. Route au N. E. 1/4 Nord. A midi, W. par azimut 12° 70' N. O. ; lat. observée 28° 27' ; longit. estimée 31° 15'. Route corrigée N. N. E., 33 lieues. Vent au S. O., joli frais. Route au N. E. 1/4 Nord. MERCREDI 10. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au N. E. 1/4 Nord. A 2 heures, grain de pluie dans la partie de l'Ouest. Au jour, vent à l'Ouest, frais ; pluie par intervalles. Même route. A midi, lat. observée 30° 40'; longit. estimée 30° 17'. Route corrigée N. N. E. 2° Nord, 47 lieues. De 8 heures à minuit, vent de N. O., presque calme. JEUDI 11.— Vent à l'Ouest, presque calme; de 4 heures à 8, il s'est décidé au S. S. O.. petit. Route au N. E. 1/4 Est. A midi, lat. observée 31° 14' ; longit; estimée 29° 40'. Route corrigée N. E. 1° Nord, 15 lieues 1/2.—W, par azimut 12° 40' Vent au S; S. O. ; le reste du jour, à l'O. N. O., petit frais. Même route. VENDREDI 12. —Vent à l'Ouest, joli frais. Route au N, E. 1/4 Est; A minuit, grain de vent et pluie dans la partie-de l'O. N. O. A 6 heures, grain de vent et pluie du N. N. 0. A 7 heures Va, vent à l'Ouest, joli frais. Mars 1784 Eclipse de lune. Route pour la France 604 JOURNAL DE BORD Mars 1784. A midi, lat. observée 32° 40' ; longit. estimée 27° 59'. Route corrigée N. E., 40 ; différence Sud 4 lieues 2/3. — W. par azimut 14° 20' N. O.; W. occase ; 14° 29' N. O. Vent à l'O. N. O , joli, variable à l'Ouest. Même route. SAMEDI 13. —Vent d'O. bon frais. Route au N. E. 1/4 Est. Grain par intervalles. A midi, lat. observée ; 34° 43' ; longit. estimée 25° 45'. Route corrigée ; N. E. 0° Nord, 55 lieues 1/3.—W. par azimut 15° 42' W. occase 15° 50' N. O. Vent à l'Ouest, bon frais. Route à l'E. N. E. Grain de vent et pluie par intervalles. DIMANCHE 14. — Vent à l'Ouest, bon frais. A minuit, mis le cap à l'Est 1/4 N. E. A 4 heures 1/4, grain de vent très frais au N. O. Amené le hunier. De 8 heures à midi, quelques grains par intervalles. A midi, lat. observée 36° 11'; longit. estimée 22° 58'. Route corrigée N. E. 1/4 Est 1° Est, 52 lieues 1/2. Mis le cap à l'Est ; à 1 heure, à l'E. S. E. Grain par intervalles. A 5 heures 3/4, vent à l'Ouest, bon frais ; pris un ris dans chaque hunier. LUNDI 15. — Vent à l'Ouest, joli frais. Route à l'Est1/4 S. E., tout dehors. A 6 heures, temps couvert ; grain de vent et pluie de l'O. S. O. par intervalles. A midi, lat. observée 36° 33' ; longit. estimée 19° 36'. Route corrigée Est 1/4 N. E. 4° Est, 55 lieues ; différence Nord 2 lieues 2/3. Vent à l'O. S. O., beau frais. Vu un bâtiment dans la partie de l'Est, faisant route au N. N. O. Grain de vent et pluie par intervalles, sous les. quatre corps de voiles. A 4 heures 1/2, pris les bas ris aux huniers pour être paré à tirer le travers; vu l'approche de terre, vent au S. O., beau frais. Route pour le détroit de Gibraltar. MARDI 16. Vent à l'O. S. O. et petite pluie par intervalles. Route à l'Est 1/4 S. .E. A 5 heures 1/2 largué deux ris, vent au S. O., joli frais; pluie continuelle. A 8 heures 1/2, largué tous les ris, vent au S. S. O., joli frais. Route à l'E. S. E. 5° Est. A 9 heures 1/2, le vent grand frais, d'O. S. O. variable au Sud, En prenant des ris, on s'est aperçu que la vergue du grand hunier était cassée; os a travaillé à mettre en place celle de rechange. A midi lat. observée 37° 3'; longit. estimée 16° 9'; route corrigée Est 1/4 N. E. 1° Est, 56 lieues 1/3; différence Nord 4 lieues 2/3. DU BAILLI DE SUFFREN 605 Vent de l'O. S. O., beaufrais. Route à l'E. S. E. A 4 heures 1/2, nous avons appareillé le grand hunier, avec deux ris. MERCREDI 17. — Le vent à l'O. S. O. et au S. O., bon frais; grain par intervalles. Route à l'E. S. E. ; à 6 heures 3/4, à l'E. S. E. 5° Est ; à 9 heures, à l'E. S. E. , A midi, point de hauteur. Lat. estimée 36° 46'-; longit. estimée 12° 27' ; à 7 heures Va, longit. observée réduite à midi 14°. 6'.; longit. par l'éclipsé du 7 14° 50'. Le cap Saint-Vincent reste par l'estime Est 1/4 N. E., 18 lieues. Le vent au S. S. E., bon frais par grain. A. midi. 1/2, grain, pluie et tonnerre, dans la partie du S. E. Le tonnerre est tombé à bord près du mât de misaine, a tué un matelot six à sept, personnes, dont une très dangereusement. Nous avons largué les huniers et resté sous la misaine. A 1 heure 1/2, calme, à 1 heure 3/4, le vent a variéauS. O., joli frais. Route au S. E., toujours grain et pluie sous les quatre corps de voiles. A 4 heures 1/2, route à l'E. S. E. ; à 8 heures, au S. E. pour courir au Sud de la côte du cap Saint-Vincent. A 11 heures, pris deux ris dans chaque hunier. JEUDI 18, — Vent de S. S. 0., bon frais ; temps couvert ; petite pluie par intervalles. A 4 heures, grain et éclairs de l'O. N. O., bon frais ; largué et serré les huniers ; couru sous la misaine jusqu'au jour, vent à l'Ouest, frais. Appareillé les huniers. A 6 heures 1/2, nous avons eu connaissance du cap Saint-Vincent au N. E. 5° Nord corrigé ; distance 10 lieues, vent à l'Ouest, frais. Route au S. E. A midi, lat. observée 36° 31' ; longit. estimée 9° 41'. Route corrigée depuis mercredi Est 1/4 S. E. 5° Est, 105 lieues; différence Nord 13 lieues. Vent à l'ouest, bon frais. Route au S. E. 1/4 Sud, pour gagner la latitude du cap Spartel. A 1 heure 1/2, vu un bâtiment à l'Est. A 2 heures 1/4, route au S. E. 1/4 Sud 5° Sud ; à 2 heures 1/2, au S. S. E. ; à 10 heures 1/2 mis à la cape à la misaine et foc d'artimon ; vent à l'Ouest, bonirais. . VENDREDI 19. — Vent variable de l'Ouest à l'O.. S. E., bon frais à la cape à la misaine et foc d'artimon, tribord amures. A 5 heures, arrivé au S. E., toutes voiles dehors. A 6 heures, vu un bâtiment au vent à nous, faisant même route. A 9 heures, vu et reconnu le cap Spartel. Relevé au S. E., la terre très embrumée. A 10 heures Va, s'étant éclairci, relevé le cap Spartel, Est 1/4 Mars 1784. 606 JOURNAL DE BORD Mars 1784. corrigé, 8 lieues. A 10 heures 3/4, route à l'E. S. E. ; à 11 heures, à l'Est 1/4 S. E. A midi, lat. observée 35° 47' ; longit. estimée 8° 20'. Relevé le cap Spartel. Est 1/4 N. E. 1° Nord, 3 lieues corrigées ; la montagne d'Argille, S. E. 1/4 Est ; différence en longitude 20 lieues. Le vent au S. O., joli frais, par grain. A midi 3/4, nous avons donné dans le détroit. A 1 heure 3/4, une frégate anglaise, mouillée à Tanger, a mis son pavillon ; mis le nôtre et la flamme. Vu un bâtiment français de l'avant à nous. A 5 heures, relevé le mont aux Singes, S. O. 5° Ouest ; Ceuta, S. S. O. 5° Ouest ; le mont Gibraltar, N. O., 3 lieues. Vent à l'ouest, joli frais. Route à l'Est 5° Sud. La nuit, petit ventau Sud. Route pour Toulon. SAMEDI 20. — Vent au Sud, petit ; belle mer. Route à l'Est 5° Sud. Au jour, vent de S. S. E., petit. Vu environ 30 bâtiments ; mis pavillon et flamme et arrivé sur un français. Nous avons envoyé à bord ; il était parti de Marseille depuis 40 jours pour le Havre et était arrêté par les vents d'Ouest qui régnent depuis longtemps ; il avait compté jusqu'à 160 bâtiments sur le cap de Gattes, cherchant à passer le détroit ; il n'a donné aucune nouvelle. Salué de trois cris de vive le roi ! » ; rendu un. A 10 heures 1/2, le vent a varié au N. O., petit frais. Route à l'Est 5° Sud. A midi, lat. observée 33° 17' ; différence Sud 2 lieues. Route corrigée depuis 5 heures du soir, hier, Est 1/4 N. E. 5° Est, 19 lieues 1/2 Vent au N. N O., petit frais. Route à l'Est 1/4 N. E. A 1 heure, 5° Sud. Au soleil couché, relevé le cap de Gattes, B. N. E. 5° Est ; la Roquette, N. E. 1/4 Est ; différence de terre 3 lieues. Vent au N. O. Même route ; à 11 heures 1/2, route à l'Est. DIMANCHE 21. — Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route à l'Est 1/4 N. E. Au jour, vu plusieurs bâtiments. A 9 heures 3/4 mis pavillon et flamme. A midi, lat. observée 37° 9'. Depuis le relèvement d'hier au soleil couché, route corrigée E.,2° Est, 34 lieues; cap de Palos reste N. N. E. 5° Nord, 10 lieues. Vent à l'O. N. O., joli frais. Route au N. E. A 3 heures 3/4, mis DU BAILLI DE SUFFREN 607. pavillon et flamme pour quelques bâtiments. A 4 heures 1/2, vu un bâtiment à 3 mâts mouillé à l'Est du cap dé Palos. Au soleil couché, relevé le cap de Palos, Ouest 1/4 N. o, ; les Fourmiques, O. N. O. ; l'île Grosse, N. 0. 1/4 Ouest.. Vent au S. Ô., joli frais. Route au N. E. .5°Est, tout dehors. LUNDI 22. — Le vent à l'O. variable au belle mer. Route au N. E. Au soleil levé, relevé Alicante, N. O. 1/4 Ouest ; le cap SaintAntoine, N. N. E. ; distance de terre 6 lieues.. Le vent à l'Ouest ; route au N. E. A midi, lat. observée 38° 21'. Relevé- Saint-Antoine, N. N. E. ; Alicante, Ouest 5° Nord ; Benidorm, N. O. 1/4 Nord ; distant de terre 6 lieues. Vent au S, O., petit frais ; route au N. E. 1/4 Est. Au soleil couché, relevé le cap Saint-Antoine, N. N. O. 5° Nord, 5 lieues ; mont de Carpi, O. N. O. Vent au S, 0., petit; routeau N, E. 1/4 Est. A la même heure, mis le cap au N. E.; mis pavillon et flamme pour plusieurs bâtiments à 6 heures 3/4. Calme à 10 heures 1/4 ; sondé par 40 brasses, vase. MARDI 23-— Calme plat à 3 heures 3/4. Le vent s'est décidé au Nord, petit frais. Route au plus près, tribord amures. Au jour, vu 2 bâtiments. Au soleil levé, relevé Benidorm, O. S. Ouest ; mont de Carpi, Ouest 5° Sud; cap Saint-Antoine, N. O. 1/4 Ouest, distant 3 lieues ; cap Saint-Martin, N. O. 5° Nord. Vent au N. N. 0., petit frais ; au plus près, bâbord amures. Mis pavillon et flammé pour quelques bâtiments. A 7 heures ,3/4, relevé Belleran, Est 1/4 N. E. 2° Nord. A midi, observé et relevé lat. observée, 39° 1'.; Belleran, Est 1/4 S. E.; S. O. 1/4 Ouest, 8 lieues 1/2; Benidorm, S. O. 1/4 Ouest 2° Sud. Vent au N. O., joli frais ; route au N. E. 1/4 Nord, tout dehors. A 3 heures, le vent a passe au S. O.,. petit ; temps couvert. Même route. A 4 heures, pluie. Relevé Belleran, S.. E. 0° Est, 10 lieues. Vent au N. N. O., joli frais, venant par grains; à 4 heures, pluie. Le vent a passé au N. O,, joli frais.. A 5 heures, fait route au. N. E., 1/4 Est ; à 6 heures 1/2, à l'E. N. E. A 10 heures, grain, vent frais et Mars 1784, 608 JOURNAL DE BORD Mars 1784. pluie de la partie du N. O. ; pris deux ris à chaque hunier; serré le perroquet de fougue. A 11 heures 1/2, le grain ayant passé, guindé les huniers. MERCREDI 24. — Le vent au Nord, joli frais; au plus près, bâbord amures. À minuit, vent d'O. N. O., petit frais; route au N. E. A 4 heures 1/2, mis toutes voiles dehors. Au soleil levé, relevé la Dragonnière, E. S. E. 3° Sud, 10 lieues. Vent au joli frais ; même route. Le vent à l'O. S. O., joli frais. Route au N. E. ; à 1 heure 1/2, au N. E. 1/4 Nord. Au soleil couché, relevé le cap Touse, N. E. 1/4 Est 2° Est, 12 lieues. Le vent à l'Ouest, petit frais ; route au N. E. 1/4 Nord. A 11 heures, étant près de la côte, gouverné au N. E. 1/4 Est. JEUDI 25. — Vent à l'O. S. O., petit temps nébuleux. Route à N. E. 1/4 Est, toutes voiles dehors. A 3 heures, calme plat. A 3 heures, relevé le mont Joui O. S. O. 2° Sud ; la ville de Mataron N. O. 1/4 Ouest 5° Ouest, 3 lieues. Vent à O. N. O., petit grain. Route à l'E. N. E. A 7 heures 1/2, mis le bateau à la mer à la même heure, route à l'Est. A 8 heures, le vent a fraîchi. Rembarqué le bateau. A midi, lat. observée 41° 39' ; relevé le cap Begut Nord, 5 lieues. Le vent au , joli frais ; beau temps. Route à l'Est, tout dehors. A 1 heure 1/4, mis le cap à l'E. N. E. 5° Est. A 2 heures 1/2, mis pavillon et flamme pour 2 bâtiments en vue. La nuit, même vent et route. VENDREDI 26. — Le vent au Sud, joli frais. Route à l'E. N. E. 5° Est du compas. A 4 heures 1/4, nous avons pris un ris à chaque hunier. Au jour, nous avons aperçu le cap Senis dans la partie Ouest et Est 5° Sud. Vent au Sud, joli frais ; temps clair. Belle mer. Au soleil levé, relevé cap Senis N. E. 1/4 Nord 3° Est; Marseille N. E. ; distant du cap Senis N. E. 5° Est. Le tout corrigé, le vent au Sud, joli frais. Route pour donner dans la rade de Toulon et en même temps nous avons mis pavillon de poupe et celui de commandement. A 8 heures 1/4, nous avons laissé arriver en dépendant, pour donner dans la baie. A 3 heures 1/2, nous avons aperçu audit mouillage 6 vaisseaux de guerre hollandais, dont DU BAILLI DE SUFFREN 609 un portant pavillon carré au mât de misaine et au mât d'artimon. En même temps, le commandant nous a salué de 15 coups de canon ; rendu coup par coup. A 10 heures, nous avons mouillé dans la rade de Toulon. Nous avons trouvé audit mouillage 5 vaisseaux de guerre hollandais, un cutter, une corvette française et plusieurs petits bâtiments marchands. A 10 heures 1/2, le général est descendu à terre, nous avons amené le pavillon de commandement et mis la flamme. HENRI MORIS. Mars 1784. Mouillé dans la rade de Toulon. NOTICE SUR LES TRAVAUX DU COLONEL GAZAN 1 Les travaux connus et publications du colonel Gazan, peuvent être énumérés, ainsi qu'il suit et par ordre chronologique Lettre sur quelques médailles romaines Bull, de la Soc. d'études de Draguignan. I 1856-1857. II 1858-1859 ; Description de huit médailles grecques, de la collection de M. Doublées Bull, de la Soc. d'études de Draguignan. Monographie du Canton d'Antibes Ext. de l' Annuaire des Alpes-Maritimes, 1863, broch. in-8°, p. 23, Nice, Charles Cauvin ; La Formation du système solaire Presse scientif. et ind. des deux mondes, J. A. Barrai, 1866, Paris, Ch. Delagrave et Cie; Inscription tumulaire gothique, en vers léonins, à la mémoire de Mgr Robert de Gap, 13e siècle, en collabor, avec le Dr Mougins de Roquefort Cong. arch. de Paris 1867, in-8°, p. 15, 1870, Antibes, J. Marchand ; Notice sur une pierre tumulaire de Solliès-Pont Var, in-8°, avec une lith., p. 16, 1873, Antibes, J. Marchand ; Réfutation de la brochure de M. Rossi, intitulée le Sphinx de Solliès-Pont, in-8°, p. 17, 1874, Draguignan, C. et A. Latil ; Inscription grecque, trouvée à Antibes en 1866, par M. le Dr Mougins de Roquefort, en collab. avec ce dernier Ex. du Bull, de la Société académique du Var, in-8°, p. 31, avec pi., 1876. Toulon, L. Laurent ; Les taches solaires, leur nature, leur formation et leur disparition, 2e édit., in-8°, p. 32, avec pl., 1880, Antibes, J. Marchand; 1. Il est possible que ce que nous recueillons des travaux du Colonel ne soit pas complet. Car nous ignorons ceux qu'il a pu livrer à la publicité, avant ces trente dernières années. D' P. M. de R. NOTICE 611 Notice sur un autel, ancien, trouvé à Antibes, in-8°p. 11, avec pi. 1881, Draguignan, C. et A. Latil Notice sur des tombeaux romains du 1er siècle, trouvés à, Vallauris en 1880, eh collab. avec le Dr Mougins de Roquefort, tom. VIII des" Annales de la Soc. des lettres, sciences et arts des in-8°, 1882- Nice, Malvano-Mignon., — Paris, H. Champion, 15, quai Malaquaîs Notice sur u n fragment d'inscription romaine d'un monument, dû à Tibère, patron du Municipe d'Antibes?, découvert dans ses remparts. Restit., in-8°, p. 4, avec pl., 1883, Antibes, J. Marchand ; Les Tours carrées d'Antibes et leurs inscriptions Ext. des ass. supp. archéol. d'Avignon, tenues à Fréjus, même collab. in-8°, p. 15, avec nom. dessins, 1883, Tours, Paul Bousrez ; Notice sur une inscription romaine d'Antibes, mentionnant une Prêtresse et flaminique, la seule de cette espèce en cette ville, la deuxième dans l'arrond. — Ext. du Bull. mon. de la Soc. fr. d'arch., même collab., 1884, Tours, Paul Bousrez ; Un Ossuaire de la paroisse d'Antibes, avec les restes, l'anneau et l'instrument de martyre — proh. de saint Valère — un de ses évêques, Ve siècle. Ext. du Cong. arch. de Pamiers, 1884, in-8°, p. 18, Tours, P. Bousrez ; Fragment d'inscription latine, Votive, encast. dans la façade principale de là paroisse d'Antibes, d'où il a été extrait. — Ext. de la Société d'Etudes scientifiques et archéologiques de Draguignan, même collab., in-8°, p. 7, avec pl., 1886, Draguignan, A. Latil ; Inscription tumulaire grecque, la seule de l'espèce, découverte près du fort-carré d'Antibes Ext. de la Soc. d'Et. scient, et arch. de Draguignan j même collabor., in-8°, p. 8., avec pl., 1886, Draguignan, A. Latil ; Découverte dans la paroisse d'Antibes de trois autels primitifs chrétiens, élevés sur monuments romains Ext. du Cong. arch. de Montbrison, 1885, méd. d'arg. collective décernée aux Auteurs, à cette section m-8°, p. 19, avec pl., 1886, Paris, H. Champion, 15, quai Malaquais ; Caen, H. Delesques, 2 et 4, rue Froide ; même collabor. ; Restitution de l'inscription du tombeau élevé par dame Sibille de Toulon au 13e siècle. Encastrée à l'est de la cathédrale Ste-Marie 612 NOTICE de cette ville Cong. arch. de Nantes, juillet 1886, même collabor. A paraître, à la fin de 1887, dans le compte rendu de cette section ; Auteur de nomb. articles littér. et scient, dans les journaux le Petit Antibois et l'Avenir d'Antibes, créés, en cette ville, depuis une vingtaine d'années. Auteur de nomb. matériaux, avec le concours de son collaborateur, pour servir à une histoire des antiquités d'Antibes. Antibes, mars 1887. Dr MOUGINS DE ROQUEFORT. TABLE DES MATIÈRES Pages La Nemaïda o sia lou trionf dai saerestan, poème niçard de Raneher, édition nouvelle avec traduction française en regard, notes grammaticales, etc., par M. A. L. Sardou 5 Sculptures grecques de la Bibliothèque Municipale de Nice , par M. Brun... 227 Notice nécrologique de M. le Dr Louis Thaon, par M. le Dr Frémy. 233 . Notice nécrologique de M. le baron Caîhiardy de Montfleury, par M. Henri Moris 240 Notice nécrologique de M. le Colonel Gazan, par M. le Dr Mougins de Roquefort. 243 Notice sur les travaux du Colonel Gazan, par M. le Dr Mougins 1 de Roquefort.... 610 Journal de Bord du Bailli de Suffren dans son expédition des Indes, publié par M. Henri Moris 253 NICE. — IMPRIMERIE MALVANO-MIGNON, RUE GIOFFREDO, 68.
Jofroiet Michel Bühler - Monument aux oiseaux envoyé par 7eme-element . Bruno PARMENTIER. Rechercher : Rechercher dans le site. Accueil du site > Le coin "Musique" > Chanteurs et CD Jeune Public > J comme > JOFROI >Jofroi en vidéo sur le net. Jofroi en vidéo sur le net. lundi 5 janvier 2009 par Bruno. Jofroi et Michel Bühler - Monument aux
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Chant: La soupe de la sorcière de Michel Briant (CP A et CP B) 12 novembre 2015, par Mme Krim, Mme Radi. Voici le site internet pour écouter la chanson de Michel Briant : La soupe de la sorcière source. Editorial 5 février 2011, par Ecole Paul Langevin. Bienvenue sur le site de l’école Paul Langevin. En cette rentrée 2015, le site fait peau neuve et proposera très prochainement
Contact: 4 rue du Trap / 63800 Cournon d’Auvergne 09 75 85 45 12 / lau-bordier@orange. fr Domaines de création : Album, BD, jeux pédago-ludiques Autres activités : Formateur, graphiste Bibliographie sélective Les Petits Gourmets en Auvergne éd. Partenaires, 2001.
18 Pins 2yCollection by Mélanie LeboeufSimilar ideas popular nowHalloweenRhymes For KindergartenFrench PoemsSummer Preschool ActivitiesBricolage HalloweenFrench LessonsTeaching FrenchLearn FrenchCycle 2Nursery RhymesComptine pour enfants de maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween et des sorcières. Comptine La sorcière qui mangeait des vers de terreHalloween PoemsHalloween ActivitiesHalloween KidsHaloweenFrench Language LessonsSecond Language TeachingComptine La sorcière a froid aux pieds PlusHalloween 2017Camp SongsCore FrenchFrench EducationHallloweenPedaPoésie de Corinne Albaut pour enfants de maternelle et cycle 2, sur le thème d'Halloween et des sorcières. Poésie points de chuteDisney HalloweenHarry Potter InvitationsGrimoireToddler PreschoolJournal PromptsExpressionsComptine pour enfants maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween et des sorcières. Comptine Conseils donnés par une sorcièreFall HalloweenFrench ImmersionHolloweenResourcesTracing LettersComptine pour enfants maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween et des araignées. Comptine d'Halloween La petite araignéeEasy Halloween SnacksHalloween Crafts For KidsHalloween Trick Or TreatHalloween HacksDiy Halloween DecorationsHalloween SchoolTheme HalloweenLa soupe de la sorcière - Michel Briant - ParolesHalloween PicturesTeaching KidsKids LearningFrench ExpressionsTeacher MomParoles_Halloween - Chanson pour enfants PlusHalloween MusicFamily HalloweenFrench Teaching ResourcesTeaching ThemesHalloweenPartition_Toc, toc, frappons à la porte chanson d'HalloweenHalloween DecoCute Halloween CostumesPreschool ActivitiesChanson et activités à imprimer pour l'HalloweenCliquez sur l’image pour télécharger le fichier .pdf Chanson - Bonhomme citrouille Chanson - Vieille sorcière Chanson - Bouillon de la sorcière Chanson - La sorcière GrHalloween CraftsHalloween 2018Play School ActivitiesKindergarten ActivitiesTeaching French ImmersionChanson et activités à imprimer pour l'HalloweenCliquez sur l’image pour télécharger le fichier .pdf Chanson - Bonhomme citrouille Chanson - Vieille sorcière Chanson - Bouillon de la sorcière Chanson - La sorcière GrHolidays HalloweenPumpkin Crafts PreschoolSchool OrganisationLa soupe de la sorcière - chez CamilleHalloween RecipesHalloween GiftsActivities For KidsLe bouillon des sorcières et la comptine du Boo ! - [ École Villemaire]Baba YagaRatatouilleFairy TalesratatouilleHalloween PreschoolHalloween FunKindergarten SongsKids Songsle hibou de la sorciere maternelle - Recherche Google - de Google hibou La Le maternelle recherche sorcièreSpooky HalloweenHalloween LiederComptine pour enfants maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween et des sorcières. Comptine d'Halloween C'est super les sorcièresLanguage TeachingTeaching MusicDaycare ThemesChanson et activités à imprimer pour l'HalloweenCliquez sur l’image pour télécharger le fichier .pdf Chanson - Bonhomme citrouille Chanson - Vieille sorcière Chanson - Bouillon de la sorcière Chanson - La sorcière GrHalloween CarnivalHappy HalloweenHalloween DecorationsComptine pour enfants maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween et des sorcières. Comptine Toc toc frappons à la porteHalloween Fabric CraftsChristmas Fabric CraftsComptine pour enfants maternelle, cycle 2, sur le thème d'Halloween, des fantômes. Comptine Un bébé fantômeLhuile elle pue , salut les gens de la moto qui va bien , quand tu à le nez fermer tu n'entend rien c'est bien connus, quand à toi Mart34 c'est peine perdue, vous pouvez marquer vos pièces faire ce que vous voulez il vous enfumera quand même, je crois qu'il à une bascule dans l'entre, faites lui peser le PANDZER avant est aprés vous comprendrez de vous même, malgré
Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 16 on 16Number of pages 16Full noticeTitle Le Monde artiste théâtre, musique, beaux-arts, littératurePublisher [ ParisPublication date 1898-12-04Contributor Gourdon de Genouillac, Henri 1826-1898. Éditeur scientifiqueRelationship textType printed serialLanguage frenchFormat Nombre total de vues 19764Description 04 décembre 1898Description 1898/12/04 A38,N49.Description Collection numérique Arts de la marionnetteRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k5456185nSource Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1096Provenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 30/11/2010The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 100%.LE MONDE ARTISTE. illustré MUSIQUE — THÉATRE — BEAUX-ARTS DIPLOME D'HONNEUR Innsbruck,1896 MÉDAILLE D'ARGENT Paris, 1896 MÉDAILLE D'ARGENT Bruxelles, 1897 BUREAUX DU JOURNAL 24, rue des Capucines, 24. Les abonnements sont, en outre, reçus à la LIBRAIRIE NOUVELLE 11, Boulevard des Italiens, 11. PUBLICATION HEBDOMADAIRE 38e Année N° 49 Dimanche 4 Décembre 1898 Sommaire La Semaine Théâtrale Chronique théâtrale par EDMOND STOULLIG Spectacles de la semaine Province et Étranger NOTES ET INFORMATIONS Bulletin bibliographique par MEMENTO Courrier de la semaine par MAURICE THOMAS Nécrologie Courrier de la Mode par BERTHE DE PRÉSILLi ILLUSTRATIONS Dessin de M. A. BONAMORE Abonnements UN AN SIX MOIS Paris 20 fr. 12 fr Départements.. 24 " 14 " Etranger.... 27 " 17 " Les Abonnements d'un an sont intégralement emboursés en Morceaux de Musique piano ou chant à choisir dans le Catalogue adressé franco à toute personne qui en fera la de mande. Le Numéro 50 Centimes 770 LE MONDE ARTISTE 38e Année. — N° 49 Dimanche 4 Décembre 1898 LE MONDE ARTISTE LA SEMAINE THÉATRALE CHONIQUE THÉATRALE Opéra. - Lundi, Faust; mercredi, les Huguenots; vendredi, l'Etoile, Samson et Dalila ; samedi, le Prophète. Opéra-Comique Théâtre de la République. - Dimanche, Dimanche, Dame blanche ; lundi, Mireille, Cavalleria Rusticana; mardi, Mignon; mercredi, le Barbier de Séville, les Noces de Jeannette, pour la clôture des représentations données par l'Opéra-Comique au theâtre de la République. Comédie-Française. Dimanche, OEdipe-Roi ; lundi, Struensée ; mardi, Gringoire, le Gendre de M. Poirier ; mercredi, Struensée ; jeudi, matinée, Cinna, les Ménechmes; Ménechmes; Struensée; vendredi, l'Ami des femmes; samedi, Struensée. Odéon. — Dimanche, Une héritière, Colinette; lundi, représentation populaire à prix réduits, la Pupille, Bajazet; mardi, mercredi, dernières de Colinette ; jeudi, première de la Reine Fiammelle ; vendredi, samedi, la Reine Fiammette ; jeudi, à 1 heure 1/2, matinée à prix réduits conférence par Mme Dieulafoy, Bajazet, le Dépit amoureux. Théâtre-Antoine. — Lundi,mercredi, Rolande, Lidoire; dimanche, mardi, samedi, Judith Renoudin ; jeudi, Britannicus, Hors les lois, précédé d'une conférence de M. George Vanor; vendredi, les Fenêtres, l'Ecole des veufs. Théâtre La Turlulaine de Marjolin, vaudeville en trois actes, de MM. Maurice Soulié et Charles Darantière. Première représentation le mercredi 30 novembre. Funambules. — Ouverture. Parisiana. - Parisiana Revue, en deux actes et dix tableaux, de MM. Gardel-Hervé, Briollet et Gerny. La turlulaine » est, paraît-il, pour les hommes mûrs ce qu'est pour les jeunes gens la coqueluche ». Or, Marjolin a toujours été mûr ne vous étonnez donc pas qu'à cinquante-deux ans, il soit THÉATRE-LYRIQUE INTERNATIONAL A MILAN. — Fedora, opéra en 3 actes, paroles de M. Colautti, Musique de M. Umberto Giordano. Acte II La Confession de Loris Dessin de M. A. Bonamore. 772 LE MONDE ARTISTE pris d'un regain de jeunesse qu'on appelle parfois l'été de la Saint-Martin ». De Pont -l'Evêque, où Chamouroux vient de lui céder l'institution qui porte son nom, il est allé un beau jour se promener à Trouville, et là, sur les Planches, il a été séduit par les admirables formes d'une blonde baigneuse qui lui est apparue — telle Vénus Amphitrite — en un galant costume de bain, merveilleusement apte à les faire valoir. Et depuis ce temps, la gymnastique elle-même n'est qu'un faible dérivatif à son irrésistible besoin d'aimer... Aussi vous figurez-vous la joie de notre marchand de soupe, quand, justement, il reçoit la visite de la blonde baigneuse de Trouville Mme Lucy Barker. Actuellement séparée de son mari pour cause d'incompatibilité d'humeur, elle a jugé convenable de prendre un amant, Hector de Préauclair, et c'est pour empêcher Hector d'épouser Mlle Henriette Marjolin que la sémillante Américaine s'est présentée à l'institution Chamouroux. La jeune Henriette n'a, d'ailleurs, aucune espèce d'inclination pour le bel Hector, en dépit de son litre de pharmacien de deuxième classe et de sa fructueuse invention des pilules aphrodisiaco-séminiennes elle en tient pour Léon Chardin, humble maître répétiteur à l'institution de son papa — sans le sou, hélas !... à moins qu'une combinaison, d'abord essayée sur des haricots, ne lui fasse gagner au jeu la forte somme... Cette forte somme, il ira — voyez à quel point sa naïveté est grande — la chercher à Trouville, où se rencontreront, comme par hasard, les divers personnages de l'imbroglio. C'est, d'abord, Mme Lucy Barker, qui, aux Roches... Blanches, a donné rendezvous à Hector, et que suivra dare dare Marjolin, soi-disant appelé à Caen pour un congrès les congrès ont bon dos... C'est Victoire, la cuisinière de la maison — une brune superbe — qui, se croyant distinguée » par Marjolin, se laisse accompagner par Chamouroux, tellement épris de ses charmes qu'il commence par la faire habiller à la dernière mode — peignoir orange compris — sous le nom de l'élégante comtesse du Raincy. C'est enfin Barker, venu tout exprès d'Amérique pour occire l'amant de sa femme entre deux paquebots. La prime de mille francs, gracieusement offerte par le farouche Yankee à celui qui lui fera découvrir l'homme qui l'a trompé et la poursuite du duel à l'américaine, sur la plage même de Trouville, servent de thème à une foule de joyeux incidents, suffisant à remplir abondamment, le second acte et à désopiler amplement la raie de ses auditeurs. Moins gai, à notre avis, est le troisième acte, sur lequel comptait, nous dit-on, d'une façon toute particulière, notre ami Georges Molle, le sympathique directeur de Déjazet. Le théâtre n'est-il pas, d'ailleurs, une boîte à surprises ?... Il vous sera pourtant permis de vous divertir avec le respectable notaire, Saint-André des Arts, délégué du Jury de la Belle Vertu, siégeant à Falaise qui, sur un air de cantate — honneur à Chamouroux, bon père et bon époux! — vient offrir à Chamouroux le prix de perfection momentanée " Et comme Chamouroux est convaincu d'avoir fortement démérité, emuine Marjolin, sous le nom de Chamouroux, en a l'ait de plus belles encore, vous jugez de l'embarras de l'honnête vieillard, ne sachant plus à quelles paroles adapter l'air de son officielle cantate. Jugez aussi de la terreur de Marjolin à l'arrivée du tigre Barker — enfermé bien à propos dans une chambre où il risque d'être proprement asphyxié par un poêle mobile. Léon Chardin, fort heureusement, lui sauve la vie ; or, comme c'est la seconde fois que ça lui arrive, Barker le récompense en le dotant. Le répétiteur épousera donc son Henriette et laissera le bel Hector courir le monde avec le ménage Barker, réconcilié pour la circonstance. Quant à la turlutaiue » de Marjolin, j'imagine qu'elle se passera comme elle pourra les auteurs ont négligé de nous tirer d'inquiétude à ce sujet. Peu importe, d'ailleurs, puisqu'ils nous ont amusés ; les deux premiers actes sont charmants, je le répète, très joliment écrits ce qui est assez rare pour Déjazet et tout à fait dignes de M. Maurice Soulié, qui, avec M. Paul Fournier, signa certain Honorable chaleureusementapplaudi,l'été dernier, àl'AthénéeComique... sans compter maint autre ouvrage tout prêt à voir la rampe quand le voudront bien messieurs les directeurs. Les bonnes pièces sont toujours bien jouées. Celle-ci est enlevée avec infiniment d'entrain par MM. Paul Jorge un très plaisant Marjolin, Victor Henry le très consciencieux fabricateur de cantate du dernier acte, par et Legrenay ; Mmes Murger une triomphante Victoire et Berthe Richard une Américaine qui a plus d'allure que d'accent. Nous avons un théâtre nouveau. Dire que j'en suis ravi, ce serait exagérer. Mais je dois constater que ce théâtre des " Funambules », très heureusement installé, 25, rue Fontaine, dans ce qui fut naguère le Champ de foire " est d'un confortable et d'une élégance qui, vraiment, ne laissent rien à désirer. Le directeur n'est autre que l'excellent mime Séverin, l'inoubliable créateur de Chand d' habits. Et de rechef, nous avons pu applaudir cette très curieuse pantomime arrangée par M. Catulle Mendès, d'après Théophile Gautier. C'est, comme vous savez, le drame de Pierrot, assassin par amour, et voyant partout au bal, dans la chambre de sa maîtresse, sur le terrain du duel, apparaître sa victime qui, comme le Commandeur pour Don Juan, le force à l'embrassade et l'engloutit aux enfers. Aux Folies-Bergère, on voyait même les enfers et le supplice de Pierrot, diablerie d'opérette. Aux Funambules, le quatrième tableau a été supprimé. La conception de M. Catulle Mendès est d'un tragique poignant, et offre à l'étonnant mime qu'est Séverin l'occasion de nous montrer toutes les ressources de son talent. Aussi son jeu a-t-il, cette fois encore, excité une légitime admiration. Toutes ses attitudes, tous ses gestes extériorisent l'harmonie des idées qu'il doit rendre sensibles. Et sa physionomie est un aussi clair langage que s'il recourait aux nuances rythmées de la voix pour exprimer les sensations qui émeuvent, séduisent et bouleversent si conscience. Il a vraiment fait frissonner l'assistance des teneurs dont le remords tordait sa face, de même qu'il lui avait communiqué le ravissement dont l'amour l'extasiait. Mais, aux Funambules, on ne joue pas que la LE MONDE ARTISTE 773 pantomime, et Chand d'habits se précédait d'une ironique saynète de M. Tristan Bernard, Visite de nuit, toute pleine de réjouissantes trouvailles, mais à laquelle nous préférons pourtant ces deux petits chefs-d'oeuvre Le seul bandit du village et Silvérie. Puis, ce fut le tour d'une très originale comédie de MM. Pierre Veber et Léon Abric, Paroles en l'air, dont la scène se passe sur la plate-forme de la colonne de Juillet et dont l'aimable fantaisie a produit un effet énorme énorme, je vous dis... M. Mérissel est fort drôle sous les traits du gardien qui explique » la colonne et prouve tour à tour à un désespéré de l'amour qu'il aurait raison, ou tort, de se jeter de là-haut... Entrons à Parisiana... A la terrasse du café de la Tour-Saint-Jacques— quel honneur pour ce modeste établissement ! — Godanchet a fait l'heureuse rencontre d'un des plus aimables pensionnaires de la modeste prison de Fresnes, dont c'était le jour de sortie. Bengali, dit de la Taupe, a invité Godanchet à venir à la prochaine réception. Et comme Godanchet est devenu le compère de la revue, il conduit à Fresnes la délicieuse Zaza dont il a fait son élégante commère. Alors, dans un lumineux décor du plus ravissant effet, Anna Thibaud nous chante exquisement, comme elle sait chanter, cette prison où l'on aime puisque, par un raffinement bien moderne, on a pourvu à tous les besoins des détenus... Puis, c'est la Valse renversée, la Valse en l'air, la Valse tourbillon, d'une audace à faire frémir. Mais, me direz-vous, nous avons déjà vu ça aux Folies-Bergère les Dante ou le quartette Darto. — Non, vous répondrai-je, c'est cela, et c'est plus fort que cela! C'est, dans le genre, ce que nous connaissons de plus étonnant, et je n'ai pas de meilleur conseil à vous donner que d'aller applaudir les extraordinaires acrobates qui vont faire courir tout Paris à Parisiana. Passons au second acte, et notons-y une scène inédite — et certes l'inédit est quelque chose en matière de revue — le duel entre M. Sarcey et Mlle Yvette Guilbert. D'abord, duel de chansons Yvette attaquant notre Oncle sur les airs de son répertoire, et notre Oncle lui répondant sur les vieux airs que chante Villé. Puis, les épées se croisent Yvette veut embrocher Francisque, mais le plastron du célèbre critique est bourré d'exemplaires des nombreux journaux où il écrit, et le voilà, des lors, invulnérable... La scène est spirituelle et amusante au possible, jouée à ravir par M. Gibard, une divette exhilarante, et par M. Girier. un Sarcey plus vrai que nature. Voilà les deux clous de la jolie soirée à laquelle nous conviaient ces habiles magiciens qui s'appellent les frères Isola ils suffiront au succès de la revue de MM. Gardel-Hervé, Briollet et Gerny. Félicitons, parmi leurs interprètes, MM. Jacquet et Plébins, qui ont du talent; Mlle Suzanne Derval, qui nous montre une jambe adorablement fine et beaucoup de bonne volonté, puis regrettons que M. Reschal — très distingué, c'est possible —ne daigne point mettre dans le rôle du compère un peu plus d'entrain et de gaieté. Allons, monsieur, un ont petit effort, pour nous contenter!... EDMOND STOULLIG. Autres spectacles de la semaine Porte-Saint-Martin Cyrano de Bergerac. — Variétés les Petites Barnett.— Ambigu Papa la Vertu. — Vaudeville le Calice. — Gaité La Fille de Ma-, dame Angot. — Théâtre des Nations Championnet. — Nouveautés le Contrôleur des wagons-lits. — Palais-Royal Place aux femmes. — Gymnase l'Amorceur.— Folies-Dramatiques les Quatre filles Aymon. — Bouffes-Parisiens le Soleil de minuit. — Déjazet A qui l'enfant ? — Cluny Charmant séjour. — Nouveau-Théâtre Aux Courses. Théâtres de quartier. — BOUFFES-DU-NORD la Belle Limonadière. — MONTMARTRE la Sorcière. — BELLEVILLE le Forgeron de Châteaudun — MONTPARNASSE le Chat bollé. — MONCEY Roger la Honte. — BATIGNOLLES la Bande à Fifi. — LES GOBELINS la Belle Gabrielle. — GRENELLE la Bande à Fifi. — LES TERNES les Deux Gosses. Concerts du dimanche 4 décembre Conservatoire.— Deuxième concert. — Symphonie en ut mineur Beethoven. — Quam dilecta, motet, version de M. C. Saint-Saëns Rameau. I. Air de soprano; II. Choeur; III. Air de ténor; IV. Air de basse et choeur, Mmes Lovano, Mathieu, MM. Affre, Sizes et Auguez. — Danse macabre, poème symphonique C. Saint-Saëns. — Pavane du seizième siècle X. — Symphonie en mi bémol, n° 32 Haydn. Le concert sera dirigé par M. Taffanel. Châtelet. — Jubilé de l'Association artistique 187318981 septième concert Colonne consacré aux oeuvres de Wagner. — Le Vaisseau-Fantôme, ouverture R. Wagner. — Les Maîtres Chanteurs, prélude du troisième acte R. Wagner. — Rienzi, prière R. Waggner, M. Vergnet. — Tristan et Yseult, prélude du troisième R. Wagner, cor anglais ; M. Bleuzet. — Lohengrin. grand duo R. Wagner, Mme Rose Caron. M. Vergnet. — Parsifal, prélude du premier acte R. Wagner. — Rèves R. Wagner, Mme Rose Caron. — Siegfried-Idyll R. Wagner. — La Walkyrie, premier acte, 3e scène R. Wagner, Siegmund, M. Emile Cazeneuve; Sieglinde, Mme Rose Caron. — Le Crépuscule des dieux, marche funèbre R. Wagner. — Le concert sera dirigé par M. Ed. Colonne. Cirque des Champs-Elysées. — Septième concert Lamoureux consacré à Berlioz. — Ouverture du Carnaval romain. — Roméo et Juliette, fragments 2e partie Roméo seul; Tristesse; Concert et bal; Grande fête chez Capulet. — L'Enfance du Christ, fragments ; a. Ouverture; b. Le Repos de la Sainte Famille, chanté par M. Engel; c. Trio des jeunes Ismaélites, exécuté par JIM. Bertram, Deschamps flûtes et M. Lundin harpe. — Marche au supplice, extrait de la Symphonie fantastique. — Les Troyens, fragments a. Air de Cassandre, chanté par Mme Jeanne Raunay; b. Chasse et orage, symphonie descriptive; c. Air de Didon, chanté par Mme Jeanne Raunay. — La Damnation de Faust, fragment a. Ballet des Sylphes; b. Invocation à la nature, chantée par M. Eugel; c. Marche hongroise. PROVINCE Angers. — La direction du théâtre tient, il faut l'espérer, un grand succès avec Aïda. L'oeuvre de Verdi montée avec un grand luxe de mise en scène est admirablement interprétée sous la direction de M. de la Chaussée, par Mmes Lloyd et Homer, dont la superbe voix a fait sensation, et par MM. Gautier, Seveilhac, Dinard et Déjardin. Le ballet, Mlles Damani, Bertrand et Bregalanti en tête, pent revendiquer une bonne part dans le succès. Les honneurs de la soirée, unique dans les annales de notre théâtre, reviennent à Mlle Lloyd, 774 LE MONDE ARTISTE excellente de la première à la dernière mesure d'Aïda. La presse est unanime à féliciter M. Jules Breton auquel, à l'issue de la première, le public a fait une ovation des plus enthousiastes. La semaine a été très musicale et très artistique. Nous avons eu M. Bordes et les chanteurs de SaintGervais qui ont obtenu un éclatant succès. L'on a beaucoup applaudi Mme Jeanne Raunay dans la Ville de Jephté et le Renouveau, très belle mélodie de Castillon. L'orchestre nons a donné, sous la direction de son jeune chef, M. E. Brahy, une admirable exécution du prélude de Lohengrin et la suite en ré majeur de Bach. Je dois noter, pour être complet, une belle interprétation par M. Reuland, violoncelle solo des concerts, du Kol-Nidrei de Max Bruck. En résumé, superbe manifestation artistique et salle comble. Même affluence de public au concert du dimanche 27, donné sous la direction de M. Ch. Widor, acclamé comme chef d'orchestre et comme compositeur. Il a magistralement conduit le concerto de Bach pour piano, violon et flûte. Les interprètes étaient MM. Philipp, Lemaître et Schreurs. L'éminent pianiste a de plus joué la belle Fantaisie de M. Widor dont l'Ouverture espagnole a été particulièrement goûtée. Très applaudies, la seconde surtout, les deux petites pièces de M. Philipp, finement instrumentées par M. Ch. Malherbe. Je dois mentionner encore l'ovation faite à M. Dinard, après une magnifique interprétation des airs de la Flûte enchantée et de la Reine de Saba. Le concert se terminait par l'ouverture d'Obéron qui a été un beau succès pour l'orchestre et M. E. Brahy. LUDWIG. Lyon. — Grand-Théâtre. — Sur la scène de notre Grand-Théâtre, les reprises se succèdent en un mouvement précipité. Bientôt, tout le répertoire courant aura figuré sur l'affiche. La semaine dernière, nous avons eu Mireille, l'Africaine et Lakmé. Dans l'ouvrage du si regretté maître Gounod, j'ai beaucoup admiré la délicieuse façon que Mlle Mastio a mise à poétiser la douce Mireille, en même temps que la virtuosité de la chanteuse aux prises avec les difficultés vocales du rôle. A l'actif, gros succès. Vincent doit être un des meilleurs rôles de M. Gluck ; il s'y est montré chanteur de charme et s'y est justement et vigoureusement fait applaudir par la salle entière. Cette représentation a été une des plus homogènes de la saison, avec, en plus des deux principaux artistes, MM. Fuld, La Taste, Mmes Streliski et Véry. L'orchestre a délicatement nuancé les pages de cette admirable partition. L'Africaine, très en faveur auprès de notre public avait attiré la foule au soir de la reprise. Mlle Bossy a été une Sélika amusante, impressionnable et dramatique, communiquant a la salle ses sensations jusqu'à les lui faire partager. Cela s'appelle de l'art vrai, de l'art pur. Le rôle de Vasco de Gama convient bien à la vaillance de l'organe, de M. Ansaldi. Au quatrième acte, une ovation lui a été faite. M. Mondaud sait tirer parti des moindres avantages d'un rôle. De celui de Nélusko il a extrait la quintessence. On lui a redemandé la ballade. Bien touchante Mlle Mastio sous les traits de la malheureuse Inès. Cette artiste a sauvé le septuor d'une catastrophe. M. Sylvain, a obtenu son succès habituel. MM. Deville et Thomerieux ont complété le bon ensemble de cette représentation. Il convient de signaler une bonne reprise de Sigurd, dans laquelle Mmes Bossy, Tournié ; MM. Ansaldi, Sylvain et Mondaud ont récolté une ample moissons de bravos. Mme Bossy et M. Sylvain, les deux grands triomphateurs de cette soirée, ont été fêtés à l'envi. Le Sourd ou l'Auberge pleine, repris mardi dernier a été interprété d'une façon déplorable. Mieux vaut ne pas insister. M. Amalou, notre distingné chef d'orchestre, dont nous avons pu apprécier la science artistique vient, pour des raisons de santé, de demander à la direction de résilier son engagement. Dès que l'orchestre connut la décision de son chef et espérant par une marque unanime de sympathie le faire revenir sur sa décision, lui offrit à une représentation de Guillaume Tell une palme d'or. Le public joignant ses applaudissements à ceux de l'orchestre, une véritable ovation fut faite à M. Amalou qui, nous l'espérons encore, pour maintenir à notre orchestre sa réputation et pour la parfaite exécution des ouvrages, nous reviendra après quelque temps de repos. NODET. Marseille. — Grand-Théâtre. — M. Lan, notre aimable directeur, nous a donné pour son premier vendredi de gala, la reprise de Lohengrin, devant une salle magnifique. Tout le Marseille artistique assistait à cette belle représentation qui a été un nouveau triomphe pour l'excellent ténor M. Bucognani qui a chanté Lohengrin avec une impeccabilité de style et une pureté de voix qui lui ont valu plusieurs rappels enthousiastes. Mme Tournié Elsa, du Grand-Théâtre de Lyon, a produit une excellente impression. Mme Bourgeois Ortrude et M. Vallier le roi, ont contribué au bon ensemble de cette représentation. Les choeurs et l'orchestre ont droit à toutes nos félicitations. Par suite du départ de M. Layolle, notre regretté baryton de grand-opéra, nous avons entendu, dans la Favorite et dans Lohengrin, M. Ricardi, qui n'a pas fait oublier son prédécesseur. Reprises plutôt ternes de Lakmé, du Barbier de Séville, avec M. Leprestre, et du Maître de chapelle, pour le deuxième début de Mlle Féraud, dugazon. M. Desmet Nilakanta et Bazile a eu les honneurs de ces soirées. Pour passer prochainement les Huguenots, avec M. Cossira, Roméo et Juliette, avec M. Leprestre, et Pierre d'Aragon, opéra inédit dans lequel M. Bucognani créera le principal rôle. Théâtres de genre. — Aux Variétés Dégénérés, Mon enfant, avec Mmes Rose Syma et M. Caron, et deux amusantes fantaisies de M. Tristan Bernard Sylvérie et Franches lippées, ont fait les frais de la quinzaine écoulée. Au Gymnase, bonne reprise de Gigolette dans laquelle nous avons apprécié le talent de MM. Rolland et Krauss, et de Monte-Christo. A l'Aleazar Léon-Doux, continuation des brillantes représentations de Mlle Miette, de M. Ville et de Mlle Dora. Au Palais de Cristal, enfin, première de Forcès pas! revue locale luxueusement montée, qui aura une longue suite de représentations. E. GRAPH. Nice. — Grand Théâtre de l'Opéra. — L'ouverture de la saison a eu lieu dimanche soir la Juive a procuré un succès des plus légitimes à quelques-uns des artistes engagés par M. Eugène Lamare. Mme Litvinne personnifiait Rachel. Cette excellente falcon s'est placée immédiatement hors de pair, par ses incontestables qualités de cantatrice et son jeu si intelligent, si vrai! Peut-être M. Chaslan trouvera-t-il dans un autre ouvrage l'occasion de mériter nos éloges ! En attendant, nous constatons volontiers que, sous les traits d'Eléazar, il a eu quelques bons moments. Mlle Jeanne Frandaz LE MONDE ARTISTE 775 la princesse Eudoxie a conquis d'emblée les faveurs du public cette jeune artiste dirige avec une impeccable méthode une voix cristalline dont les douces inflexions nous ont complètement séduit. Si M. Rouziéri jouait un peu plus le rôle de Léopold, nous serions heureux de le complimenter. M. Louyrette le cardinal de Brogni s'est fait beaucoup applaudir dans la cavatine du premier acte et l'anathème du troisième. L'organe bien timbré de M. Mézy a donné un grand intérêt aux courtes phrases de Ruggiero. L'orchestre, sous la direction de M. Rey, a eu de la cohésion. Nous espérons que ce chef fera tous ses efforts pour maintenir sa phalange au niveau élevé où l'avait placée M. Alexandre Luigini, son très regretté prédécesseur. Au premier jour l'Africaine et Sigurd. Nous venons à remercier M. Spranck, le nouveau secrétaire général de l'Opéra, de l'accueil très courtois qu'il a réservé au représentant du Monde Artiste. Casino Municipal. — La troupe de M. Louis Tessier, directeur administrateur de notre seconde scène, est ainsi composée Administration MM. Caunes-Briant, régisseur général ; Méry, secrétaire général ; Douchet, régisseur de la scène. Opéra-comique. —MM. Leprestre, Delmas, premiers ténors légers en représentations; Duncan, ténor; Dancrais, deuxième ténor léger ; Tricot, Cadio, barytons en tous genres; Olive Roger, première basse chantante; Aristide, deuxième basse des premières ; E. Lary, trial ; E. George, Montclair, laruettes ; Delahaye, jeune trial. Mmes Bréjean-Gravière, Leclerc, premières chanteuses en représentations; Ketten, mezzo-soprano en représentations ; Luce, deuxième dugazon des premières ; Bresson, deuxième dugazon; Fleury-Pilliard, duègne, mère dugazon. Répertoire Werther, Manon, Mignon, Lakmé, Mireille, le Barbier de Séville, le Pré aux Clercs, le Voyage en Chine, Zampa, Carmen, Haydée ou le Secret, les Dragons de Villars, les Diamants de la Couronne, la Dame Blanche, le Brasseur de Preston, le Maçon, l'Etoile du Nord, Giralda, la Part du Diable. Artistes en représentations Mme Bréjean-Gravière, du Théâtre-National de l'Opéra-Comique ; Mlle Rosalie Lambrecht, du Théâtre des Bouffes Parisiens Paris ; Mlle Leclerc, du Théâtre National de l'Opéra-Comique ; M. Leprestre, du Théâtre National de l'Opéra-Comique ; Mlle Cécile Ketten, du Grand Théâtre de Bordeaux ; M. Delmas, du Théâtre National de l'Opéra-Comique. Opérette. — MM. Duncan, premier ténor ; Dancrais, premier ténor en double ; E. Lary, ténor comique ; Delahaye, ténor comique, trial ; Tricot, baryton ; Cadio, baryton; Dumas, baryton en double; E. George, grand premier comique ; Montclair, grand premier comique en tous genres ; Aristide, basse bouffe ; Douchet, premier comique ; Levalois, deuxième comique; Duval, comique marqué; Deplanque, comique grime. Mmes Rosalia Lambrecht, première chanteuse en représentations ; Morin, première chanteuse; RenéeMarcelle, première chanteuse ; Stemma, première chanteuse, forte seconde ; Luce, deuxième chanteuse des premières; Bresson, deuxième chanteuse; Nénot, deuxième chanteuse ; Fleury-Pilliard, desclauzas ; E. Perrier, deuxième duègne ; Ferrière, troisième chanteuse ; Lizzi, troisième chanteuse. 60 choristes, hommes et dames. Répertoire. — Surcouff, les P'tites Michu, BarbeBleue, la Belle Hélène, le Voyage de Suzette, le Baron de Tzigane, Ali-Baba, Rip, Miss Helyett, l'Enlèvement de la tolédad, la Fille du Mme Angol, Boccace, GirofléGirofla, Mam'zelle Nitouche, Gilette de Narbonne, Mon Prince, le Maréchal Chaudron, les Mousquetaires au Convent, Toto, le Grand Mogol, la Cigale et la Fourmi, le Petit Duc, les 28 jours de Clairette, la Fille du Tambour-Major, Mam'zelle Quatre sous. Ballet. — M. Léopold Roux, maître de ballet, premier danseur ; Mlle Nina Farina, danseuse étoile ; Mlle Rachel Fabris, danseuse demi-caractère ; Mlle Carlotta de Vincenzi. travestie ; M. Baglioni, premier mime. Deuxièmes danseuses Mlles Garbini, Gendre, Paoli, Berruto. Ballet composé de 34 danseuses. Orchestre de 70 musiciens, sous la direction de M. Gervasio, premier chef d'orchestre. Pendant la saison, représentations extraordinaires par des artistes de Paris. La première des Cloches de Corneville nous a laissé une fort bonne impression. Nous avons revu avec grand plaisir, après une absence de quelques années, l'experte comédienne et la charmante chanteuse qu'est Mme Morin. M. Cadio le marquis, que nous pouvons déjà classer parmi les favoris des habitués de notre seconde scène, montre le plus grand souci des nuances aussi le sympathique baryton a-t-il détaillé ses différents morceaux avec un art réel. M. Georges sait imprimer une saisissante allure à la silhouette du vieux Gaspard, mais nous aimerions à voir M. Aristide charger un peu moins sa caricature du bailli ! Enfin, M. Duncan met en relief le rôle de Grenicheux. EMILE CARRÉ. Le Monde Artiste est en vente à Nice, chez MM. Delrieu frères, 48, avenue de la Gare. Rouen. — Théâtre des Arts. — La période des débuts, touchant à sa fin, permet de reprendre le répertoire moderne ; aussi, c'est avec satisfactisn que nous avons pu entendre Sigurd dont l'interprétation a été très bonne. Mme Darlays dans Brunehild a remporté un grand succès. Le tempérament dramatique de cette artiste, aussi bien que l'ampleur et l'étendue de sa voix, lui sert à souhait, pour incarner la Walkyrie. Aussi ce n'a été qu'une suite d'ovations. Mme Eva Romain, dans le rôle d'Uta a été très applaudie et c'est à l'unanimité que le public a demandé son admission. M. Casset, que nous avions déjà entendu, il y a deux ans, dans ce même rôle de Sigurd, s'est montré l'artiste de goût que l'on sait. Le répertoire moderne lui est des plus favorables. M. Casset est certainement un de nos meilleurs ténors d'opéra. M. Stamler, baryton, a fait un bon premier début 'dans Gunther dont il a tenu le rôle avec correction. M. Bourgeois a été admis à son troisième début dans le rôle d'Hagen. Nous ne devons pas oublier M. Féraud de Saint-Pol, qui, dans le rôle du prêtre d'Odin, a fort bien dit la prière et l'invocation du deuxième acte. L'Amour médecin, l'opéra-comique de F. Poise, n'a pas eu tout le succès que l'on attendait. Mlle Deliane a remporté de nombreux applaudissement et peut compter un succès de plus. Tournée Lina-Munte. — Mme Lina Munte est venue nous donner la Tosca. Fort applaudie, principalement à la fin des troisième et cinquième actes, Mme Lina Munte a été rappelée plusieurs fois en scène. MM . Montlouis, Duforest et Vouthier qui entouraient Mme Munte, ont partagé avec elle les bravos du public. Théâtre-Français. — Le Contrôleur des wagons-lits, que nous avons eu cette semaine au Théâtre-Français, est très goûté des spectateurs qui se sont fort divertis à cette joyeuse comédie. Il faut dire aussi qu'elle est très bien jouée par M. Perrin qui a rendu le rôle de Godefroid avec une inénarrable fantaisie. 776 LE MONDE ARTISTE MM. Perriny, Chevalier et Ragonneau lui ont donné la réplique d'une façon fort convenable. Nous avons revu avec plaisir Mlle Gondy, dont le talent n'est plus à louer. Mme Andrieux, dans le rôle de la belle-mère, s'est montrée amusante sans pousser à l'exagération. N'oublions pas Mmes Lugal et Noré qui complètent cette excellente interprétation. Par le choix de ses pièces, M. Henrion est toujours sûr d'aller au-devant du succès ; aussi le public est-il enchanté de son initiative artistique. Folies-Bergère. — La réouverture annuelle s'est faite avec un programme nouveau. M. Maureth, le laringyloque, avec ses nouvelles créations se fait très applaudir chaque soir. Comme chanteurs comiques, Bloch et Montjoyeux se partagent les faveurs du public. Les Mannons, dans leur pantomime américaine, se montrent très drôles et terminent la soirée à la satisfaction générale. S. Saint-Etienne. — Le Festival Massenet, donné au Conservatoire de notre ville le 21 novembre, a obtenu un succès qui a pris les proportions d'un véritable triomphe pour le maître et les interprètes. L'auteur de Manon avait été reçu à la gare de sa ville natale par toutes les sociétés musicales du département de la Loire. L'orchestre de l'Association symphonique, composé do 60 musiciens et dont le directeur est M. Rachet, a fait merveille sous la direction de Massenet, en exécutant l'ouverture de Phèdre, le menuet de Manon, l'entr'acte Sevillana de Don César de Bazan, des fragments du ballet du Cid, la méditation de Thaïs, avec solo de violon par M. Gabriel Lefebvre, et les Scènes napolitaines. Mais le grand succès de cette magnifique séance musicale a été remporté par Mme Georges Marty qui, de sa voix pure, souple et admirablement stylée, a chanté Amoureuse, Noël païen, l'air de Marie-Magdeleine, Enchantement, les Enfants et enfin Je t'aime! délicieuse mélodie qui n'était point portée au programme, et qu'elle détailla exquisement pour le bis réclamé par toute l'assistance. J. D. Toulouse. — Théâtre du Capitole. — Ainsi que je le faisais pressentir dans une de mes précédentes chroniques, l'état de santé de M. Barthe, baryton de grand opéra, ne s'étant pas amélioré, cet artiste a résilié son engagement. Dans Hamlet, qui était donné mardi dernier et dans Rigoletto que l'on reprenait vendredi, Mme Blancard, contralto, a terminé ses débuts et a été admise sans la moindre opposition. J'ai déjà dit ce que je pensais de son organe, je n'ai donc pas à y revenir, si ce n'est encore pour constater combien le registre grave est d'un joli timbre. La Juive a reparu sur l'affiche jeudi, pour les premiers débute de M. Moisson, fort ténor, et de Mme Lematte-Scheweyer Lematte-Scheweyer chanteuse falcon. La voix de M. Moisson est petite, de volume et de timbre, mais le chanteur est adroit. Gardons-nous de pousser plus loin nos appréciations, nous dérogerions à nos habitudes en en disant davantage après une seule audition. Nous avons eu déjà, dans le même emploi, il y a quatre ou cinq ans, Mme Lematte. Elle nous revient avec ses belles qualités de tragédienne lyrique, mais dans Rachel l'organe ne nous a pas paru être bien d'aplomb, il vaut mieux réserver entièrement une plus saine appréciation que vous trouverez dans ma prochaine chronique, car cette semaine Mme Lematte et M. Moisson subiront leurs deux autres épreuves dans l'Africaine et les Huguenots. Théâtre des Variétés. — Mlle Suzanne Devoyod, l'artiste bien connue, vient de faire encaisser de sérieuses recettes à la direction en jouant avec un talent incontestable Viveurs et Zaza. Je n'ai pas à, discuter le mérite de ces deux pièces, la chose ayant été faite, dans ce journal, de si supérieure façon par M. E. Stoullig, je n'ai qu'à enregistrer le succès fait à l'artiste en vedette, ainsi qu'aux pensionnaires de M. d'Albert. Théâtre-français. — Ce théâtre a donné cette semaine les Danicheff, dans lesquels MM. Charny, Bénédict, Joffre, ainsi que Mmes Boyer, Sandre et Deska se sont fait applaudir. Quand aux rôles secondaires, qui nuisent à l'interprétation dans son ensemble, ils tombent sous le coup de la critique et, par amabilité toute pure, nous ne les nommerons pas. On annonce la prochaine première représentation de l'Aînée de M. Jules Lemaître. O. GUIRAUD. Comme supplément musical, nos abonnés recevront avec le présent numéro RÊVE DE JEUNE FILLE» pour piano, par Ernest Gillet. ETRANGER Gand. — Grand-Théâtre. — Un nouveau fort ténor, M. Henriot, nous a été présenté dans Hérodiade et Lucie de Lammermoor, mais nous serions bien embarrassé de définir exactement l'impression qu'il y a produite sans être excellente, elle n'est pas défavorable, c'est tout ce que nous en dirons pour le moment, sous réserve d'être plus explicite après une troisième audition ; il n'est pas défendu d'attendre, et il est toujours agréable d'espérer. Donc, pour faire diversion, M. Martini s'est jeté dans les bras de Lucie de Lammermoor avec la sérénité de l'homme qui accomplit un devoir; et c'est ainsi que la petite vieille, secouant la poussière de ses jupes défraîchies, nous est survenue inopinément au cours de la quinzaine finissante. Les artistes qui nous la présentent cette année ont heureusement la foi qui sauve, et cette foi, doublée chez quelques-uns d'expérience et de talent, a sauvé la revenante de l'indifférence et du dédain. Mme Conti-Bossy, qui a de si nombreuses devancières dans le rôle de la mélancolique écossaise, en est certes l'une des meilleures interprètes que nous ayons connues ici elle le chante délicieusement, égrenant des notes perlées, roulant des trilles de rossignol avec une virtuosité et une sûreté extrêmes; de son côté, M. Georges Lafon rend son personnage d'Asthon avec une science consommée des traditions qui l'ont établi; quant à M. Depère Arthur, les seconds ténors d'opéra ne sont pas son affaire il ne se trouve à sa place que dans l'opérette. L'opéra-coimique est, toujours dans le désurroi pas de chanteuse légère, Mlle Cherubini ayant résilié; et en présence de l'hostilité dont le poursuit un clan d'irréconciliables, M. Lesbros, le ténor léger, va partir, lui aussi demain peut-être le regrettera-t-on. Mais s'il s'emporte parfois comme une soupe au lait, le public gantois a, par contre, ses moments de bonne humeur énorme il l'a bien fait voir à la reprise des 28 jours de Clairette, avec Mmes Edeliny, Dailly, Valdy, MM. Roussel, Mordet, Dailly, Rouyer, Depère, Lamberly, Vanderhaegen chacun d'eux y mettant du sien, l'interprétation toute de bonne gaieté fait rire les plus moroses et les plus atrabilaires. LE MONDE ARTISTE 777 Une troupe de passage, en une soirée qui comptera parmi les plus intéressantes de la saison, nous a interprété l'Arlésienne, de Daudet et Bizet, aussi bien qu'on peut l'interpréter loin de Paris, au grand ravissement d'une salle brillante qui a fait aux excellents artistes ovations sur ovations. M. Paul Mounet semble créé pour incarner Balthazard, auquel il donne une physionomie dessinée avec un art supérieur, Mme Pauline Patry fait tressaillir d'un grand sentiment le personnage de la mère Marnai; et MM. Perrin Frédéri, Chambly Marc, Daurelly Mitifio, René Robert Francet Mamaï, A Lévy l'Equipage, Mmes Torna Vivette, M. Patry l'Innocent et Gaillar Renaude, se tirent avec une habileté très sûre et une artistique intelligence de leurs rôles respectifs. Nous pouvons à ces éloges associer aussi l'orchestre et les choeurs qui, sous la direction de M. Bovy, ont exécuté avec une irréprochable conscience la partie musicale de cette oeuvre si belle en son émouvante simplicité. GÉBÉ. Milan. — Tandis qu'au Lirico, la Fedora du jeune maestro Giordano continuait sa glorieuse carrière on donnait enfin, au Costanzi de Rome, la première du nouvel opéra de Mascagni Iris. Le livret de Luigi Illica n'est pas inconnu de vos lecteurs ; je l'ai détaillé naguère et je ne ferai que rappeler succintement l'épisode peu compliqué qui a servi de thème au compositeur. Osaka, jeune seigneur japonais libertin, que l'extraordinaire beauté d'Iris a frappé, veut enlever la pauvre enfant dont le vieux père est aveugle. Dans ce but, il organise, de concert avec Ryolo, un mauvais drôle, une représentation théâtrale, devant la maison d'Iris et tandis que la foule s'intéresse au jeu des marionnettes, Osaka enlève Iris. Le vieux père, laissé seul et averti du départ de sa fille bien-aimée, va à la ville et c'est dans une Maison verte qu'il retrouve Iris. Celle-ci, atterrée, folle de honte et de chagrin, court vers une fenêtre et se précipite dans le vide. On la retrouve à terre, pantelante, blessée à mort. Dans sa fièvre dernière, elle chante au soleil et parmi les chrysanthèmes retombe après un effort, et rend son dernier soupir. C'est devant une foule énorme qu'on a donné la première de ce nouvel ouvrage. Parmi l'assistance, on remarquait la reine, le prince et la princesse de Naples, le duc d'Aoste ainsi que toutes les notabilités du monde politique et diplomatique, beaucoup d'artistes et quantité de journalistes. L'introduction symphonique et chorale a provoqué les applaudissements vigoureux. Mascagni qui dirigeait remercia après avoir accordé le bis. Le premier air d'Iris passa sous silence ainsi que le choeurs des lavandières. A la scène suivante, une tentative d'applaudissements demeura sans échos. La sérénade du ténor, une chanson de type méridional, remarquablement chantée par M. De Lucia, provoqua de nouveaux applaudissements et obtint un bix. Le finale, assez dramatique, valut deux rappels aux exécutants et au maître et un rappel seul à Mascagni. Le public a suivi la première partie du second acte avec beaucoup d'intérêt mais sans applaudir. Le grand duo d'amour obtint un succès croissant ; la ballade, admirablement chantée par Mme Darclée, fut bissée unanimement ainsi que la grande phrase de De Lucia. Toutes les scènes suivantes furent très goûtées et le grand concerto final produisit un effet magistral. Au troisième acte, la première partie ne parut pas satisfaire l'auditoire ; quelques signes de réprobation furent donnés, mais quand l'orchestre reprit l'idée de l'introduction, le succès revint et la scène finale des fleurs fut bien accueillie. L'orchestre a joué divinement, la mise en scène était superbe. En somme, Iris est un succès assez sérieux, mais en plus d'un endroit cette oeuvre a désappointé les admirateurs de Mascagni. A signaler les Déserteurs, drame de G. Boffico, qui vient d'être jouer au Manzoni de Milan, encore que le succès de cette pièce est assez douteux. Le public a été sévère pour les Déserteurs dont la forme lente et prolixe ne convient pas au goût moderne. Cyrano de Bergerac a été fort applaudi au Filodrammatici. L'oeuvre de Rostand, si variée et si complexe sous la tessiture légère des vers, a été appréciée selon ses mérites, et la mélancolique figure de Cyrano, bon, génial, malheureux et généreux à la fois, est apparue comme le type d'un Don Quichotte mâtiné de Tartarin, mais plaisante et troublante aussi. ASCANIO. Londres. — La Société des professeurs de français a célébré samedi dernier son 17e anniversaire, par un banquet auquel ont pris part 150 personnes sous la présidence de M. Lequeux, consul général de France à Londres. Cette soirée tout intime a réuni les principaux professeurs en Angleterre et de nombreux amis de la France; de politique, il n'en a pas été question, mais tous les orateurs se sont plu à constater que les relations cordiales entre les deux nations les plus civilisées du monde ne peuvent être faussées par des politiciens professionnels ou des journaux irresponsables. Le programme musical, sous l'habile direction de M. Léon Schlesinger, qui, depuis l'inauguration de la Société, s'occupe de la partie artistique de ses réunions, a été fort goûté. M. Zeldewinst, doué d'une fort belle voix s'est fait bisser et trisser dans l'air d'Hérodiade, de Massenet. Mlle Ferdinand a interprété la romance charmante de Léon Schlesinger Plus ne verrai mon doux ami, avec une finesse exquise. A citer aussi deux chansonnettes délicieuses, Révérences de Clérice, le jeune compositeur du Royal Star, l'opérette en vogue au Prince of Wales Theatre et Capucin et Capucine d'Audran, fort bien chantées par Mme Rorke. Mlle Milo, du Palais-Royal, a dit le Nid abandonné de Nadaud avec une expression et une finesse que seule possède l'artiste parisienne. A citer parmi les nombreux convives M. Lequeux, consul général, M. Petillau, président de la Société, M. Vasselier, vice-président, M. Testard, ancien président, M. Barrère, professeur à l'école militaire de Woolwich, M. Minssen, de l'école de Harrow, M. Lassimonne de l'école militaire de Sandhurst, M. Paul Villars, du Figaro, M. Slevinski du Novroc-Vreymia de Saint-Pétersbourg, etc. B. L. O'DONNELL. Vienne. — Cette semaine on a joué A l'Opéra Dimanche, Lohengrin; lundi, Djamileh ; mardi, Tannhäuser; mercredi, la Dame Blanche; jeudi, la Frcischulz ; vendredi, Fidelio ; samedi, Eccelsior. Au Burgtheater Dimanche, Poissons dorés ; lundi, Krieg im Frieden ; mardi, la Cloche engloutie ; mercredi, jeudi, samedi, le Testament ; vendredi, Faust 1re partie, Au Deutsches Volkstheater Dimanche, lundi, mercredi samedi, Im weissen Rössl ; mardi, Gens de cirque ; jeudi, Die Geschwister ; vendredi, Habsburg. Au Raimund Theater Dimanche, Das Riesenspielzeug ; lundi, Juana; mardi, jeudi, Fechtbrüder ; mercredi, le Maître de Forges ; vendredi, le Prodigue ; samedi, Marie Stuart. A l'Opéra, on a donné une brillante reprise de Manon. 778 LE MONDE ARTISTE Par suite du départ de M. Van Dyck, le principal rôle du chef-d'oeuvre de Massenet a été tenu par M. Naval. Le jeune ténor a superbement réussi. Après la scène à Saint-Sulpice, le public l'a acclamé ainsi que Mlle Renard, qui compte Manon parmi ses meilleurs rôles. M. Neidl, qui jouait pour la première fois le rôle de Lescaut, s'est taillé un réel succès. Pendant les entr'actes, les habitués parlaient beaucoup du nouveau morceau intercalé par Massenet dans le rôle de Manon. On réentendra ce morceau chez nous lors d'une des prochaines représentations de Manon, qui reprend sa place au répertoire courant de l'Opéra impérial, ainsi que Werther, qu'on a dernièrement repris, également avec Mlle Renard et M. Naval. Au théâtre An der Wien, on vient de jouer avec succès une opérette inédite intitulée Mademoiselle la sorcière, paroles de MM. Willner et Buchbinder, musique de M. Joseph Bayer. Un lied de cet agréable compositeur qui se trouve intercalé dans l'opérette semble dès maintenant destiné à une grande popularité. Au dernier concert de la Société des amis de la musique, a Vienne, on a entendu pour la première fois une composition inédite de Carl Goldmark le 113e psaume pour choeur mixte et orchestre. Un accueil chaleureux a été fait à cet ouvrage. Antoine Dvorak, le célèbre compositeur tchèque vient de célébrer le 25e anniversaire de son mariage. A cette occasion il a reçu beaucoup de cadeaux et de nombreuses marques de sympathie. KUNSTLER. NOTES ET INFORMATIONS — A l'Opéra. Les répétitions de Gautier d'Aquitaine n'ont lieu le soir que trois fois par semaine, le mardi, le jeudi et le dimanche. Ce soir on répétera l'ouvrage d'affilée; mardi et jeudi auront lieu les premières répétitions générales. Les bruits de coulisse — comme l'on dit vulgairement — sont très favorables à la nouvelle partition de M. Paul Vidal ; on la dit d'une inspiration charmante, pleine d'idées claires, mises en relief par une orchestration délicate. Le public en jugera d'ici une dizaine de jours. — A l'Opéra-Comique. La fin des représentations données par M. Albert Carré au Château-d'Eau a marqué une recrudescence dans les études, à la salle Favart. On répète maintenant le jour et le soir les spectacles d'ouverture Carmen, Lakmé et Manon. C'est M. Massenel qui vendredi a dirigé les études de son oeuvre. Comme nous l'avions fait pressentir, le protocole » a renoncé à la distribution des places pour la soirée de gala. Débordé par les demandes harcelé par les solliciteurs, il a remis ce service à l'Administration de l'Opéra-Comique qui a décidé de convoquer la critique demain ou après-demain à la répétition générale de Carmen, et de réserver quelques places aux journaux, à la soirée officielle de mercredi. De plus, un service sera l'ait à la critique pour les représentations qui suivront lu réouverture Le Président de lu République a manifesté l'intention d'assister à la soirée de gala, et il aura pour invites le grand-duc Vladimir et la grande duchesse Marie-Pawlovna. — A la Comédie-Française. M. Jean Aicard a lu son Othello à ses futurs interprètes. C'est M. Mounet-Sully qui jouera le rôle d'Othello et M. Paul Mounet, celui d'Yago. Quant au rôle de Desdémone, il est destiné à Mlle Lara. Le cinquième acte de cet ouvrage, qui avait été reçu par le comité sous la direction de M. Emile Perrin, fut donné une fois, par extraordinaire, dans la représentation de retraite de Bressant. Ce cinquième acte était joué par M. Mounet-Sully Othello et Mme Sarah Bernhard Desdémone. Le départ brusque de la tragédienne de la Comédie Française empêcha M. Perrin à cette époque de monter dans son entier l'oeuvre de M. Aicard, que l'on dédommagea, quelques années après, par la représentation de Smilis. Les comités de lecture reprendront cette semaine; voici la nomenclature des ouvrages admis à la lecture Pièces en un acte. — L'Abeille, comédie en prose, de M. Signoret l'Américaine, un acte en prose, de M. Salandri Don Quichotte et Bon Juan, un acte en vers, de M. Lucien Empis ; l'Etoile, un acte en vers, de M. Paul Grugé. Pièce en deux actes. — Le Ménage Chamelle, comédie en prose, de MM. Cressonnois et Eugène Gugenheim. Pièces en trois actes. — La Bru, comédie en prose, de MM. Paul Bilhaud et Michel Carré ; une pièce en vers, de M. Morand ; titre pas encore arrêté ; la Bonne Hôtesse, comédie en prose, de MM. Janvier de La Motte et Marcel Ballot. Pièces en quatre actes. — Esclave, en prose, de M. G. Schefer; les Ronces, drame en vers, de M. Claude Muriel; Madame Chantereau, comédie en prose, de M. V. Jannet; le Mirage, comédie en vers, de M. Bodenbach, tirée de Bruges la Morte. Pièces en cinq actes. — Les Conquérants, drame en vers, de MM. Samson et Charles Raymond ; Marie Stuart, drame en vers, de M. Alfred Dubout ; Richard III de Shakespeare, drame en vers, de MM. Armand Silvestre et G. Bois ; Roméo et Juliette de Shakespeare, pièce en vers, de M. Henriquel. Cela fait au total cinquante et un actes ! — Ephémérides. Le 23 novembre, à Sorrente 1885, mort de Raphaël Mirate, célèbre ténor. Il débuta au Théâtre Nuovo de Naples dans Torquato Tasso de Donizetti. En 1840, il chanta à la Scala de Milan et se retira de la scène en 1860. Il mourut à l'âge de soixante-dix ans. Le 28 novembre, à Togliano Dergame 1813, naissance de Ignazio Marini, basse chantante renommée. Il débuta tout jeune à Brescia, passa à la Scala de Milan où il resta plusieurs années, puis continua une brillante carrière en jouant avec beaucoup de succès l'ltaliana in Algeria, Moise, les Huguenots etc. Verdi écrivit pour lui Attila. Il mourut à Milan le 20 avril 1873. Le 30 novembre, à Santo Doralo 1785, mort de Gaetano Majorano, chanteur réputé connu sous le nom de Callarelli. Il débuta en 1724 au théâtre Valle de Rome et après une longue et brillante carrière, il se retira à Naples dans un magnifique palais. Il était né à Bari le 10 avril 1703. LE MONDE ARTISTE 779 — Grand spectacle à Vevey. Nous avons eu l'occasion de parler souvent des grands spectacles en plein air qui sont donnés en . Hollande, en Allemagne et tout particulièrement en Suisse. Parmi ces spectacles, le plus grandiose est certainement la fête des Vignerons qui se célèbre à Vevey tous les 10 ans et qui sera donné l'an prochain. L'origine de cette manifestation populaire et artistique remonte à la première moitié du XVIIe siècle. En 1889, l'oeuvre musicale exécutée avait été composée par un musicien éminent, Hugo de Senger, dont les qualités de coeur et d'esprit n'avaient d'égales que sa science pure et son admiration respectueuse envers les grands maîtres de toutes les écoles. Cette oeuvre était intitulée Célébration des Saisons. Elle comprenait vingt-neuf morceaux différents et constituait une véritable partition avec marches, choeurs, invocations, ballets, chansons, bacchanales, valses et hymne final. Nous ne savons pas encore qui sera chargé de composer une oeuvre nouvelle pour la prochaine fête, mais comme de coutume les chants traditionnels seront interprétés par une foule énorme de femmes et d'hommes, tous vêtus de costumes historiques et caractéristiques. Le cortège se compose des groupes qui suivent Cérès, Bacehus, Silène et son âne. On voit également un cortège nuptial villageois. Autour des personnages principaux s'agitent des faunes, des bacchantes, des moissonneurs et moissonneuses, puis tous les corps de métiers qui de près ou de loin touchent au Vin, à commencer par les vignerons pour finir par les tonneliers. La fête dure cinq jours et comprend non seulement des chants et des danses, mais encore des comédies allégoriques. Souhaitons pour ceux qui s'intéressent à l'art populaire que la prochaine Fête des vignerons obtienne le même succès qu'en 1889, date inoubliable parmi les Vaudois, tant fut admirable l'exécution de l'oeuvre du regretté compositeur Hugo de Senger. — Bacheliers ès musique. Dans les Universités d'Oxford et de Cambridge, depuis cinq siècles environ, le diplôme de bachelier es musique était acquis après un seul examen. On sait que pour obtenir les diplômes correspondants en lettres et en sciences il faut séjourner quatre ans environ à l'Université. En 1892, l'université de Cambridge décida d'exiger la résidence pour l'obtention du diplôme de bachelier en musique. Il en est résulté que depuis six ans, deux candidats en tout se sont présentés à l'examen de musique à Cambridge. Les musiciens n'ont généralement, en effet, ni le temps ni les moyens de suivre le cours complet d'études à l'Université. La vie y est fort chère et les frais d'inscription sont très élevés, Mais il y a plus. Le jeune musicien pourrait-il consacrer quatre années à des études autres que celle de la musique qu'il lui serait encore impossible d'entrer a Cambridge. . De l'avis de tous, l'enseignement musical qu'on y donne est tout à fait insuffisant. L'nniversité d'Oxford, à l'exemple de celle de Cambridge, a manifesté l'intention d'exiger des candidats aux baccalauréats en musique l'inscription a tous les cours de l'université. Il faut, suivant elle, qu'un musicien soit également instruit dans toutes les branches du savoir humain. Les autorités d'Oxford ont peut-être raison en théorie. Dans la pratique, l'exemple de Cambridge montre qu'elles auraient tort. Elles l'ont du reste compris. L'université d'Oxford vient en effet de renoncer à son projet. — Complet état de bonheur. L'illustre William Ornons, le poète vagabond, déjà condamné mille fois pour ivresse publique et tapage, est sorti de prison dernièrement, en province, et s'est empressé de gagner Londres, où il a été arrêté de nouveau, ces jours-ci, dans cet état que les Anglais qualifient volontiers de complete state of happiness ». A dix heures et demie, il comparaissait devant le magistrat de la cour de police de la Tamise, qui lui infligeait une nouvelle sentence de trente jours d'emprisonnement. Comme ce magistrat, M. Mead, employait sa meilleure éloquence a persuader au condamné qu'il se perdait de réputation et qu'il serait temps pour lui d'adopter un genre de vie moins compromettant, William Onions l'a interrompu pour répondre Mon Dieu! Votre Honneur, ce n'est pas à nos âges qu'on change ses habitudes. Si l'on vous forçait, du jour au lendemain, à boire comme un trou, il y a lieu de craindre que vous vous en trouveriez fort mal. Il en serait de même pour moi si j'étais réduit à ne plus boire que du thé. Je ne trouve l'inspiration que dans l'alcool, comme lord Byron et Alfred de Musset. Obéissons tous deux à notre destinée... » Le juge n'a pas insisté. — Les wagons-Théâtres. Naguère nous avons entendu parler des bateauxconcerts inaugurés en Amérique. C'est du même pays que nous viennent aujourd'hui les wagons-théâtres. Cela fait suite aux wagons-bars, aux wagons-restaurants, et aux wagons-lits. Une Compagnie de chemins de fer de New-York vient de décider d'ajouter à ses trains express — dont les voitures sont toutes à couloirs centraux — un wagon spécial qui n'est qu'une réduction minuscule d'une salle de théâtre fauteuils d'orchestre, loges, balcon pas de paradis. Une petite scène, un orchestre composé d'un piano, d'un piston et d'une flûte. Cinquante à soixante places.. Au départ, les voyageurs peuvent prendre des billets pour une ou plusieurs représentations, car on jouera durant tout le trajet. Naturellement, on ne représentera que des saynètes et des vaudevilles en un acte et Yankee doodle doodte do ! , Les premiers theater-cars sont places sous la direction de l'imprésario bien connu John Harley; L'entreprise s'annonce comme un grand succès. — L'excentricité des musiciens. A notre époque documentaire, il est singulier qu'on ne se soit pas inquiété de noter les excentricités coutumières à chaque musicien contemporain. Il eut été curieux de les mettre en parallèle avec celles des compositeurs disparus et qui tous ont laissé un renom de bizarrerie. Pour ne citer que quelques cas d'excentricités célèbres nous rappellerons que Rossini était passionné de macaroni et qu'il se vantait de savoir préparer cet aliment d'une manière spéciale. Il était plus orgueilleux de son talent culinaire que de ses oeuvres musicales. 780 LE MONDE ARTISTE Haydn, sobre et régulier, se poudrait, endossait l'habit de gala comme s'il devait se rendre à la Cour et, dans cet appareil, composait ses mélodies. Méhul, au contraire, était assez débraillé et travaillait en face d'un crâne posé sur son piano; Händel avait toujours à côté de lui une bouteille de vin généreux; Sarti, composait dans une grande salle voûtée et obscure le silence de la nuit, la lumière basse d'une lampe étaient indispensables pour son travail solennel et ses graves pensées. Cimarosa avait besoin d'être excité par une conversation animée; on rapporte qu'il écrivit au milieu d'amis enjoués ses deux principales oeuvres Les Horaces et le Secret matrimonial. Enfin Wagner avait la folie des étoffes riches, aux couleurs rutilantes, et il jouait aussi du costume aux heures d'inspiration. Il reste, nous le répétons à noter les excentricités des musiciens modernes. Pour être différentes des anciennes, elles ne doivent pas en être moins caractéristiques. — A toi, Tartarin! Dernièrement, un dompteur ambulant venait s'installer avec une ménagerie assez importante, à Beckenham Park, près de Londres, et après avoir obtenu l'autorisation de la police, il commença , ses représentations. Durant cinq jours tout alla bien. Le public affluait, les recettes étaient bonnes, les fournisseurs de l'endroit ne tarissaient point d'éloges sur l'adminislration de la ménagerie qui payait rubis sur l'ongle. Et voilà qu'un beau matin, sans annonce préalable, le dompteur elles fauves avaient disparu. On apprit bientôt, par l'indiscrélion d'un palefrenier, que la veille, entre deux et trois heures du matin, un lion avait réussi à s'échapper de sa cage et s'était enfui dans la campagne. Une compagnie d'infanterie fut appelée de Londres ainsi qu'une batterie d'artillerie de Woolwich. On organisa une battue mais en vain. Les heures passèrent et la confiance revint dans les esprits. Mais le surlendemain, deux enfants encore tremblants de peur, racontèrent qu'ils avaient vu le fauve en sortant d'un public house où ils étaient allés chercher de la bière pour le repas du soir. Nouvelle frayeur des habitants. Quelques hommes courageux se portèrent à la rencontre du lion et ne le trouvèrent point. Des troupes réquisitionnées de nouveau n'ont point obtenu de résultats et tout Beckenbam songe sérieusement à s'adresser à la sagacité bien connue de Tartarin de Tarascon!.. — Les oreilles et la musique. _ La forme de nos oreilles est-elle musicale? C'est là une question que feront bien d'observer attentivement les musiciens un herbe, qu'ils soient chanteurs, compositeurs ou exécutants, avant de se lancer dans la carrière artistique. Et cela parce que si leurs oreilles ont une forme réellement harmonieuse ils réussiront, autrement l'insuccès est certain. Cette théorie est tirée d'une étude publiée par la Deutsche medicinische Wochenscrift. L'auteur de l'article est le docteur Gerber, professeur agrégé à l'Université de Konigsbert; lequel prétend qu'il existe des rapports étroits entre le sens musical et les circonvolutions du pavillon de l'oreille. Il a étudié les oreilles de Mozart d'après un portrait qui se trouve au Musée de Salzburg et il déduit de ses observations que l'oreille d'un véritable véritable en harmonie doit être plus longue que large, peu épaisse et de lignes régulières. Les futurs musiciens profiteront-ils de ces précieuses indications ? — Fregoli à Berlin. Les journaux allemands nous apprennent que le célèbre transformiste a mis en révolution la capitale d'Outre-Rhin. Par son art singulier et vraiment extraordinaire, Fregoli a conquis immédiatement un public de directeurs de théâtres, de critiques, de littérateurs, d'artistes sans oublier la sévère Aristarque de l'Allgemeine Zeitung. L'Association de la presse a offert à Fregoli une soirée en son honneur dans ses vastes salons et l'artiste italien a soulevé l'enthousiasme du public. Mais le fait le plus important est celui-ci Après avoir donné un spectacle dans un théâtre excentrique devant le meilleur public de Berlin, Fregoli va conquérir les habitués du Nouveau Théâtre Impérial ; en effet, le Bertiner Lokal Anzeiger annonce que l'Empereur, de retour de son pèlerinage à Jérusalem, veut consacrer une heure au célèbre transformiste. — Rendons à César... Le premier piano vertical fut inventé en 1739 par Domenico del Mela, maître d'école à Gagliano. Cet instrument encore incomplet fut perfectionné vers 1745 par De Gera. Depuis, après de longues années, le piano est devenu, grâce aux progrès de l'outillage, l'instrument d'admirable précision que nous possédons de nos jours. Del Mela fut vite oublié; aussi, comme il arrive souvent, son invention fut attribuée à d'autres, et spécialement à des étrangers. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE Chez MARCHAL et BILLARD. — De la liberté de tester, par Henri Coulon. On sait à combien de réformes de nos lois, l'éminent avocat a apporté le concours de sa claire intelligence du droit il faut lire l'exposé des motifs et le projet de loi qu'il propose dans ce nouveau mémoire sur la liberté de tester. CHEZ HENRI MAY. — L'Allemagne 1810-1852, par M. E. Denis. Bibliothèque d'histoire illustrée. Chez ARMAND COLIN. — Mayotte, par Breen. Roman pour les jeunes filles. Chez CALMANN-LÉVY. — Le désir, journal d'un mari, par Eugène Delard, très curieuse étude de psychologie ou de psychopathie conjugale. Chez VANIER. — Le poème du rêve, par Paul de Chabaleyret. — Le Curé d'Auriac, par François Battanchon. Chez FLAMMARION. — Mémoires fin d'empire, par Marie Colombier. — Les Lurons de la Jeanne, par Pierre Maël. Chez FASQUELLE. — Jésus et la religion d'Israël, par Jules Sarry. — La Kreutzer, par Edmond Deschaumes. Chez PLON. — Rome et la Renaissance, Jules II, par Julian Klaezko, avec dix gravures; Tout arrive, par Henri Ardel. LE MONDE ARTISTE 781 Chez FÉLIX ALCAN. — Psychologie du socialisme,, par Gustave Le Bon. CHEZ PAUL OLLENDORFF. — Un piège à flirts, par Jean Kermer. — Itinéraire fantaisiste, par Achille Segard. — Essai sur l'amour, par Eugène Montfort. L'oeuvre de Richard Wagner n'intéresse pas seulement l'histoire de la musique, mais d'une façon générale l'histoire de l'art et de la civilisation en Allemagne. Wagner, en effet, a créé une forme d'art nouvelle, le drame musical. Il a, dans des ouvrages de critique formulé en théories abstraites les lois de son drame et de l'art en général. Enfin il a médité sur l'éternel problème du sens de la vie et nous a communiqué ses idées sur la destinée humaine, soit dans ses drames, soit dans ses écrits théoriques. Il est, en un mot, non seulement un musicien dont on ne conteste plus guère aujourd'hui le génie, mais encore un dramaturge, un esthéticien, un penseur. C'est à ce triple point de vue que M. Lichtenberger l'étudie, dans son dernier ouvrage Richard Wagner, poète et penseur, publié chez Félix Alcan. L'auteur a suivi l'ordre chronologique des faits. Cet ordre s'impose aussi bien pour l'examen des drames que pour l'étude des opinions philosophiques de Richard Wagner qui ont subi des variations assez considérables aux diverses époques de sa vie. M. Lichtenberger s'est attaché plutôt à décrire qu'à juger, à constater des faits plutôt qu'à formuler des appréciations subjectives, en un mot à faire oeuvre d'historien et non de polémiste. La Revue Blanche vient de mettre en vente un nouveau roman de Robert Scheffer, Grève d'amour. Une captivante aventure passionnelle se déploie dans le cadre merveilleux qu'est le pays basque, avec ses belles plages de Biarritz à Hendaye, son horizon des Pyrénées. Un monde cosmopolite s'agite autour de Maïder, la tendre et tragique héroïne, séduit par la beauté ou par la fortune; ces curieux personnages nous sont présentés savoureusement et savamment. Des pages d'une ironie cinglante — telles celles sur le marin-académicien — succèdent, dans cette oeuvre étrange et belle, à des pages exquises d'amour. La Cour de cassation a en ce moment les honneurs de l'actualité. Comme toujours, on en parle beaucoup à tort et à travers et quantité d'opinions plus ou moins erronées sont en circulatiou sur son compte. Les personnes qui voudront avoir des idées exactes sur ce sujet trouveront, dans le fascicule de cette semaine du Nouveau Larousse illustré, un article très documenté et très précis qui leur permettra de parler en connaissance de cause de l'organisation de la cour suprême, de ses attributions, de son fonctionnement, des pourvois, de la procédure suivie, etc. Que d'erreurs et de jugements à la légère on éviterait si on avait plus souvent recours à un bon dictionnaire ! Signalons aussi dans le même fascicule une intéressante étude sur les Catacombes, les biographies de Cassint, Castelar, Castellane, Léon y Castillo, les mots Cassure, Caste, Castille, Castration, Casuistique, etc. Le fascicule 50 centimes chez les libraires et dans les gares. MEMENTO. COURRIER DE LA SEMAINE PARIS. — La date de l'inauguration de la nouvelle salle de l'Opéra-Comique est définitivement fixée au 7 décembre. Des invitations pour cette soirée seront adressées par le directeur de l'Opéra-Comique aux notabilités du monde officiel, du monde artistique, au directeurs de journaux et aux critiques. Les spectacles des jours suivants ont été ainsi arrêtés Jeudi 8, Carmen reprise. Vendredi 9, Lackmé reprise. Samedi 10, Carmen. Dimanche 11, la Dame blanche, les Noces de Jeannette. Lundi 12, mercredi 14, vendredi 16, Lachné. Mardi, 13, jeudi 15, samedi 17, Carmen. Pour les reprises de Carmen et de Lachné jeudi 8 et vendredi 9, un service complet sera fait aux membres de la presse habituellement convoqués aux premières représentations de l'Opéra-Comique. Nous avions annoncé, il y a quelques jours, que c'était la reprise de Manon qui devait être faite au lendemain de celle de Carmen ; mais, au cours de la répétition de jeudi, M. Albert Carré et M. Maurice Leloir, le dessinateur, ayant trouvé utile de refaire certains costumes, l'oeuvre de Massenet sera retardée de quelques jours. — Sous le péristyle du Théâtre-Français côté de la rue Richelieu, on a procédé à la pose d'une plaque de marbre blanc qui rappelle les différentes appellations de l'immeuble depuis sa fondation. On y lit, en effet, en lettres rouges, l'inscription suivante Ce théâtre fut construit par l'architecte Louis, de 1786 à 1790. Restauré et augmenté par l'architecte Chabrol, de 1860 à 1861. 1790 Variétés amusantes. 1791 Théâtre de la rue Richelieu. 1792 Théâtre de la République. 1799 Comédie-Française. » — Nous recevons la convention passée entre là Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Sans en donner le texte complet, nous pouvons dire que ce nouvel arrangement fixe très nettement les attributions de chacune des deux sociétés. C'est ainsi qu'il a été établi ce qui suit La perception des droits pour les pièces sera faite exclusivement par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, quel que soit le lieu, théâtre ou café-concert, où ces pièces seront représentées. La perception des droits de toutes les oeuvres littéraires ou musicales qui ne sont pas des pièces de théâtre, de tous les fragments et de tous les intermèdes, sera faite exclusivement par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Toutefois, une dérogation est faite en ce qui concerne les petites pièces jouées dans les cafés-concerts, que leurs auteurs pourront déclarer à l'une ou à l'autre Société, lorsqu'elles n'auront qu'un acte ou un tableau, et qu'elles seront d'une durée inférieure à quarantecinq minutes. Enfin, notons que, pour éviter toute concurrence, les traités de chaque Société ne devront jamais stipuler un droit inférieur à 2 % sur la recette brute par chaque acte représenté. » Ces conventions, signées au nom des deux Sociétés dramatique et musicale par M. François Coppée et M. Octave Pradels, font honneur à la sollicitude et au bon vouloir des agents généraux, MM. Gustave Roger, Pellerin et Victor Souchon, et qui ne peuvent que recevoir les félicitations des auteurs. Le conseil municipal vient de voter l'impression de trois volumes relatifs à la musique pendant la Ré- 782 LE MONDE ARTISTE volution, hymnes et chansons populaires, fêtes nationales. Ces ouvrages lui ont été proposés en 1892 par M. Constant Pierre, commis principal au secrétariat du Conservatoire, et ont reçu l'approbation de la commission de recherches de documents relatifs à l'histoire de Paris pendant la Révolution, sur le rapport de M. H. Monin dont les conclusion ont été présentées au conseil par M. J. Labusquière qui a fait le rapport au nom de la quatrième commission. — Notre confrère M. Jean Bernard publie dans l'Indépendance belge un appel ému en faveur de Mlle Rosélia Rousseil, la tragédienne connue A côté des souvenirs d'Agar, morte, on peut placer les déboires de Mlle Rousseil, vivante, mais mourant de faim, elle aussi, à quoi bon le cacher? ... Il faut tout dire Mlle Rousseil est sans ressources ; oui, oui, une des grandes actrices de ce temps, une tragédienne qui a été acclamée, elle aussi, à la Comédie-Française, est sans engagement depuis des années, et quoique dans toute la force d'un talent admirable, ne trouve pas à gagner sa vie ; elle est sans pain ; c'est inouï, invraisemblable, et cela est. » — La messe annuelle de Sainte-Cécile avait attiré' un très nombreux public à l'église Saint-EustacheAvec le concours de l'orchestre Lamoureux et de plusieurs sociétés chorales on y exécutait, sous l'habile direction de M. Chovillard, la messe de César Franck. Les pages de cette oeuvre les plus particulièrement appréciées ont été le Kyrie et le Gloria. A l'offertoire, M. Marsick a interprété, accompagné par l'orchestre, l'Adagio pathétique, de M. G. de Saint-Quentin. Cette oeuvre, d'une inspiration élevée, convient au jeu sûr de l'éminent artiste. Il y a produit un grand effet. Le Credo a été chanté par M. Auguez, et, à l'élévation, M. Vergnet a interprété le Punis angelicus de Franck. La cérémonie s'est terminée par la Marche religieuse d'Ambroise Thomas, exécutée par l'orchestre. — Le cercle de la Critique s'est réuni en assemblée générale, sous la présidence de M. Camille Le Senne. Les soixante-trois membres présents ont nommé une Commission de revision des statuts et voté à l'unanimité la prorogation des pouvoirs du bureau actuel jusqu'à la prochaine assemblée. — Mlle Nina Varney qui, depuis sa sortie du Conservatoire, a beaucoup travaillé le chant avec Mme Blanche Monthy-Delilia, vient de signer un bel engagement à l'Opéra-Comique. Mlle Nina Varney est la fille du compositeur applaudi des Petites Barnett. PROVINCE ET ÉTRANGER. — De Saint-Pétersbourg Au Théâtre de la littérature artistique la tragédie du comte A. E. Tolstoï, le Tsar Iranovitch, obtient un immense succès. L'auteur de cette pièce, qui alterne sur l'affiche avec Paméla, de M. Victorien Sardou, a déjà écrit deux oeuvres dramatiques dont l'une, la Mort de Jean le Terrible, a eu la faveur du public. Le Tsar Iranovitch contient une description saisissante d'exactitude des moeurs et coutumes de la vieille Russie — l'unique raison, d'ailleurs, pour laquelle la censure l'a interdite jusqu'à présent. Mlle Fériel vient de débuter au théâtre Michel, dans Froufrou. L'artiste a été trouvée très intéressante, même après ses illustres devancières Sarah, Duse, Réjane, et le public lui en a témoigné sa satisfaction par plusieurs rappels à chaque représentation. — De Perpignan Le premier concert, de la Société de Musique classique classique eu lieu le 25 novembre, sous la direction de M. Gabriel Baille, dont on a fort applaudi un très joli Prélude-Fugue ; la première partie comprenait, en outre, un remarquable fragment du Stabat de Pergolèse, l'ouverture de Phèdre de Massenet, celle d'Obêron de Weber, un air de la Flûte enchantée de Mozart, etc. La seconde partie était consacrée à Antar, nouveau poème symphenique de Henri Maréchal. — Le succès en a été très vif, et les journaux de notre ville, qui le constatent, annoncent une seconde audition pour le prochain concert. — De Varsovie Le Grand-Théâtre vient de perdre tragiquement une de ses plus grandes artistes. Samedi dernier, on jouait les Taborites. Mme Rakiewiez, la célèbre tragédienne polonaise, interprétait le principal rôle, quand tout à coup elle s'aflaissa. Le rideau baissé, on appela le médecin du théâtre, qui fit transporter la malheureuse artiste à son domicile, où elle succomba deux heures après. Il y a deux ans une autre tragédienne, célèbre, elle aussi, trouva une mort tragique au Grand-Théâtre. Mme Marie Wisnowska y fut assassinée par un officier jaloux. Le Grand-Théâtre joue de malheur. — De Louvain, on annonce que Mlle Callemien et M. Schmier viennent de remporter un grand succès dans Tannhäuser, sous les traits de Vénus et de Herman. M. Séguin, toujours impeccable, Mme Levering et M. de Busscher Wolfram, Elisabeth, Tannhäuser ont été aussi fort applaudis. — De Verviers Première séance du Cercle musical d'amateurs le 25 novembre — Public nombreux et empressé à applaudir le beau programme de l'excellent directeur M. A. Massau. Parmi les oeuvres entendues pour la première fois et les plus applaudies, citons l'air de Suzanne de Paladilhe, les Pièces intimes de Henri Maréchal, exécutées par trente archets, et un délicieux Prélude suivi d'un Menuet et fugue de Hugo Reinhold. DIVERS. — La première représentation de la revue nouvelle, donnée, à Parisiana, a été un succès pour les deux directeurs, MM. Isola. Il est certain qu'ils se sont mis en frais de beaux décors, de costumes chatoyants, et qu'ils ont appelé, de divers endroits, pour monter sur leur scène, de très jolies femmes. Parmi les interpretes, il faut séparer du lot Mlle Anna Thibaud, MM. Périer et Gibard. On a fait fête aussi à la jeune acrobate qui vient, en intermède, exécuter la valse renversée », et l'on s'est amusé de la scène du duel entre la divette » et l'oncle ». — M. Alexandre Guilmant a remporté un succès immense dimanche dernier au concert du Conservatoire de Nancy, autant comme interprète que comme compositeur. Sa première symphonie pour orgue et orchestre lui a valu, ainsi que son interprétation des oeuvres de Bach et de Schumann, une chaude ovation. L'éminent chef d'orchestre Ropartz a été acclamé après l'ouverture et la marche du Tannhäuser. — Au Cours d'Esthétique musicale donné par M. E. de Solenière A l'Institut Rudy, la jeune pianiste. Mlle Berthe Berlin a remporté un brillant succès en interprétant la Rapsodie hongroise de Liszt, et des Extraits de Peer Gynt, de Grieg. — Très jolie matinée musicale et dansante dimanche LE MONDE ARTISTE 783 dernier, offerte par Mlle de Tailhardat, à ses nombreux élèves, dans la coquette salle de l'avenue Hoche. De l'entrain et une gaieté de bon aloi imprimaient à cette réunion un cachet d'intimité tout à fait charmant. L'aimable maîtresse de maison se multipliait du reste pour s'occuper de chacun et de tout. Et l'on peut dire, sans exagération, qu'elle a réussi au-delà de ses désirs. — Aujourd'hui a eu lieu, dans les salons de l'institut Rudy, l'audition des élèves de Mlle A Barrier, professeur de diction, avec le gracieux concours de Mme FilliauxTiger, Mme Marcel, Mlle May, MM. Herlaine, Polly et Gaston Barrier. — La Poudre de Perlinpinpin qui servira de pièce de réouverture demain lundi au théâtre du Châtelet fut créé le 24 décembre 1853. Elle avait alors trois actes et vingt tableaux; elle a maintenant quatre actes trente-cinq tableaux et quatre ballets le ballet des porcelaines au premier acte, celui des glaces avec l'escalier lumineux, une merveille de machination,au second acte; le ballet des jouets au troisième acte, entra le ballet des pantins et des poupées. Les auteurs du remaniement de la vieille féerie, MM. Ernest Blum et Pierre Decourcelle ont réuni des surprises extraordinaires qui sont appelées à un énorme succès, succès mérité par les efforts et les sacrifices de M. Rochard, le sympathique et très artiste directeur. — A la Bodinière, les Sonnets anciens et modernes ont fourni une curieuse séance où M. Léo Claretie, parlant et M. Paul Seguy chantant, l'on a fort applaudi de jolies pages musicales de Massenet, Paladithe, Maréchal, Leroux, Duprato, etc. MAURICE THOMAS. NÉCROLOGIE — M. Emilien Paccini vient de mourir, à Neuilly, à l'âge de quatre-vingt-huit ans. Ancien chef de bureau au ministère des beaux-arts et de la maison de l'empereur et ancien censeur des théâtres, il avait composé ou adapté plusieurs livrets d'opéras parmi lesquels ceux de Freyzchütz, du Trouvère, de Pierre de Médecis avec le prince Poniatowski. Ami personnel de Rossini, il avait fait les paroles de - la cantate composée par le maître pour la distribution des récompenses de l'Exposition universelle de 1867. Paccini était chevalier de la Légion d'honneur. — Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Edouard Louis Vossaert, le père de notre sympathique correspondant de Bruxelles, décédé le 20 novembre dans sa soixante-dixième année. La rédaction du Monde Artiste envoie à son éminent collaborateur ses plus sincères condoléances. — Conrad-Ferdinand Meyer, l'écrivain bien connu de la Suisse allemande, est mort subitement à Kilchberg, d'une attaque d'apoplexie. Conrad Meyer, qui est l'auteur de plusieurs romans célèbres en Suisse, mais qui mérite surtout d'être connu comme poète, était né en 1825. — M. Lucien Fugère et M. Paul Fugère viennent d'avoir la douleur de perdre leur mère, Mme Henri Fugère. Nous envoyons aux deux sympathiques artistes nos plus vives condoléances. — Une artiste fort distinguée, Mme Lacombe-Duprez, nièce et élève du grand Duprez, est morte a Paris, à l'âge de 56 ans, succombant à une maladie de foie. Mme Lacombe-Duprez, qui avait obtenu de grands succès en province et à l'étranger, à Lyon, Bordeaux, Anvers et en Russie, avait appartenu un instant a l'Opéra-Comique, puis avait passé deux ou trois années à l'Opéra. Une maladie des yeux, qui avait fini par la rendre presque aveugle, l'avait obligée de renoncer prématurément à sa carrière. Elle était veuve de l'éditeur de musique Lacombe. —- Un artiste français dont on n'avait jamais entendu parlé en France depuis ses succès au Conservasoire, le violoniste Horace Poussard, vient de mourir à Sidney, à l'âge de 70 ans. Poussard, élève de la classe d'Habeneck, avait obtenu, au concours de 1849, le premier prix de violon, conjointement avec Victor Chéri, le frère de Pose Chéri. Peu de temps après, il avait quitté la France pour entreprendre de longues séries de voyages à l'étranger. Il avait vécu longtemps en Amérique, et depuis douze ans il s'était fixé en Australie, où il vient de mourir. _— A Rome est mort, à l'âge de 64 ans, le docteur Giuseppe Lamperti, fils du fameux professeur de chant Lamperti, si renommé naguère en Italie. Il avait été agent théâtral, puis était devenu imprésario, et fut successivement directeur de la Scala de Milan, de l'Apollo de Rome et du San Carlo de Naples C'est lui qui, dit-on, ce découvrit » en quelque sorte le compositeur Amilcare Ponchielli, en jouant, au théâtre Dal Verme de Milan son opéra i Promessi Sposi, écrit depuis quinze ans et que l'auteur ne trouvait pas le moyen de produire. COURRIER DE LA MODE Les corsages-habits remplacent un peu les corsagesblouses. Comme eux, ils se font en tissus de fantaisie et se portent indistinctement avec des jupes diverses. Cette mode, très pratique, est d'autant plus jolie que le corsage-habit va un peu à toutes les femmes. Suivant l'âge et la corpulence, on en varie la nuance et la garniture. Ouvert sur un gilet coquet, que rehausse au besoin une jolie cravate, ou un élégant jabot de dentelle, le corsage-habit peut même se porter à un dîner de demicérémonie. Pour le théâtre, il est très apprécié. Mais, à propris de théâtre, qu'il nous soit encore permis d'insister sur la question des chapeaux pour les femmes. De grâce qu'on les abolisse, au moins aux fauteuils d'orchestre et de balcon. En tous les cas des coiffures basses et de petites dimensions devraient-elles,seules, être tolérées pour les personnes âgées. Les vêtements de cet hiver sont généralement longs et extrêmement collants. Les jaquettes rappellent bien plutôt les anciennes basquines que les coquets petits vêtements de ces dernières années. On en voit de très élégantes en loutre garnies do chinchilla, le renard bleu redevient aussi très en vogue, et le mélange des fourrures se fait aujourd'hui sur la plupart des confections, tandis qu'autrefois on eût crié à l'hérésie. Les paletots-sacs, même longs, sont assez généralement adoptés pour le voyage ou les sorties très matinales ou très tardives. Ils se font soit en beau drap molletonné à l'intérieur, soit en drap fin ouaté, ou doublé de fourrure. Quant aux collets-châles, je les trouve à la fois laids et manquant absolument de pratique. Ils se tiennent railles, laissant à loisir pénétrer l'air de tous les côtés. Quelques-uns en velours et skings sont portés par des élégantes de marque ; ils peuvent être chics ». Je ne les trouverai jamais gracieux. La robe de drap tient fort bien lieu d'une robe de soie, connue toilette de visite. Quelques modèles sont garnies d'incrustations en drap d'une autre teinte, soit 784 LE MONDE ARTISTE camaïeu, soit de nuance tranchante ; il arrive même que ces incrustations soient à leur tour brodées de paillettes, ce qui augmente la richesse. Les ceintures métalliques incrustées de pierreries sont de plus en plus à la mode ; et jamais davantage on n'a porté de ruches, noeuds, cravates, jabots et fantaisies de tout genre sur les corsages, les chemisettes et les blouses. Tous ces colifichets sont charmants et communiquent à la toilette la plus simple un cachet d'élégance tout à fait parisienne. Il serait difficile cependant de dire exactement ce qui se porte à un âge plutôt qu'à un autre. Les femmes d'à présent se défendent » avec un tel succès, que quelques-unes d'entre elles semblent avoir une éternelle jeunesse. A la vérité, il n'y a plus de cheveux gris depuis que, grâce à la foudre, Capillus, sans redouter les névralgies, on peut leur rendre à sec leur nuance primitive. Ce produit, d'une utilité qui se recommande d'ellemême, et tout à fait pratique, est la spécialité de la Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre à laquelle il suffit d'envoyer une mèche de cheveux comme échantillon de la nuance pour recevoir une boîte de poudre assortie. Prière de joindre seulement, pour la recevoir franco, un mandat de 5 fr. 50 ou 8 fr. 50 suivant grandeur. BERTHE DE PRÉSILLY. Conseils. — Tout ce que l'art moderne crée de gentil, de coquet et d'abordable, en ameublement, la maison du Vieux Chêne, plus que toute autre, en a un choix considérable à offrir à sa nombreuse clientèle au moment de cette fin d'année. Petits meubles de fantaisie, bronzes, émaux, faïences, porcelaines, vitraux, tapis, tentures, etc ; on n'a vraiment que l'embarras du choix. J'aurai tout dit sur cette vieille réputation parisienne, quand j'aurai ajouté que, suivant les vieilles traditions du passé, la Maison du Vieux Chêne est ce qu'on peut appeler une maison de confiance. Qu'on aille soi-même 69-71, rue Beaubourg, ou qu'on écrive à son aimable directeur, M. Tirouflet, on sera toujours servi avec le même scrupule et la même bonne foi. — Par ce temps d'hiver, humide et froid, les mains ou se couvrent facilement d'engelures. Les unes comme les autres se guérissent sans laisser de traces par l'usage de la pâte et du saron des prélats, dont beaucoup de personnes se servent aussi comme préservatifs. Ne pas oublier que ces produits excellents sont une des spécialités de la Parfumerie exotique, 35 rue du 4-septembre. B. DE P. NOUVEAUTÉS MUSICALES de la Maison Henry LEMOINE et O 17, Rue Pigalle, 17. Auteurs. Titres des ouvrages. Prix. E. ALDER Morceaux choisis, recueil n° 1, pour violon seul net 1 50 — Morceaux choisis, recueil n° 1, pour flûte senle net 1 50 — Morceaux choisis, recueil n° 1, pour clarinette seule... net 1 50 — Morceaux choisis, recueil n° 1, pour cornet à pistons.. net 1 50 — Morceaux choisis, recueil n°l, pour alto en mi bémol, net 1 50 — Morceaux choisis, recueil, n° 1, pour bugle seul net 1 50 PATIERNO - APERTE, COTTIN, PECOLLO. Morceaux choisis, en petit format, pr mandoline seule, chaque net 0 23 A. LANDRY 6 valses bluettes, pour piano à deux mains net 1 25 C. DE MESQUITA. .. Charmeuse, valse de salon pour piano à deux mains.. 7 50 H. FLEURY. . La Nuit, pièce, pr p° 2 mains. 6 » F. THOMÉ La Sirène, valse de salon pour piano à 4 mains 7 50 L. GANNE Marche parisienne, polka-marche, pour piano à 4 mains. 9 TH. LACK Récréations extraites de la méthode, pr piano 2 mains, net 1 70 E. PATIERNO Mandolinette, pièce pour mandoline mandoline piano 6 » — Libellule, pièce pour mandoline mandoline piano. 6 » L. GANNE Marche parisienne, polka-marche, pr mande et guitare 6 » -, E. PATIERNO Les Mudetiers, valse espagnole pour mandoline et piano... 9 » P APERTE 2e mazurka, Fleurs argentines. pr mandoline et piano. 6 » Le Gérant A. MARETHEUX.
Lerécit débute avec la naissance de jumelles orchestré par le docteur Orlof, au moment d'aller porter la 2e jumelle dans de la terre pour la faire féconder via une expérimentation, des membres de la mafia s'interposent et tuent le Docteur Orlof et la progéniture. Des années plus tard, la survivante, alors qu'elle fait une danse érotique en mimant une araignée, fera la rencontre du